Vestige de l’ancien château, la Tour de l’horloge veille toujours sur la ville de Bar-le-Duc et la campagne environnante.
Je vous propose une promenade à travers la ville à la fin du XVIe siècle, époque à laquelle le château accueillait encore le duc et sa famille.
D’après les « Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc »
La ville de Bar-le-Duc, qui avait peu augmenté depuis la fin du moyen-âge, s’est au contraire, considérablement accrue dans les dernières années du XVIe siècle.
A la fin du XIVe, elle comprenait déjà six parties : la Ville haute, le Bourg, la Neuve ville, Entre-Deux-Ponts, Bar-la-Ville, enfin les rues de Véel et de Combles. En 1571, à ces six parties s’en seront ajoutées deux autres, Couchot et Marbot. Sur ces huit portions de Bar-le-Duc, les sept dernières formaient la Ville basse.
Les trois premières seules, la Halle, le Bourg et la Neuve ville portaient le nom de carrefours et les cinq autres celui de faubourgs. En 1605, on trouve deux nouveaux faubourgs, la Rochelle et les Clouyères. Nous étudierons donc successivement ces quartiers dans l’ordre, en quelque sorte traditionnel et successif, où ils apparaissent :
- la Ville haute comprenant la Halle et le Château
- la Ville basse, à savoir le Bourg et la Neuve ville, les faubourgs, c’est-à-dire Entre-Deux-Ponts, Bar-la-Ville, Couchot, Marbot, la rue de Véel, la Rochelle et les Clouyères.
La Ville haute
La Halle
La Halle avait trois portes, la Porte-au-Bois, la Porte Vinchon et la Porte l’Armurier.
La Porte-au-Bois, ainsi nommée de ce qu’elle donnait du côté du bois du Haut-Juré, était la seule par où l’on pût aborder la Ville haute de plain-pied et par où elle fut toujours attaquée. « Le grand chemin » de Saint-Dizier y aboutissait. Elle devait être la plus considérable et la mieux défendue. Cette porte était à la fois large et profonde. La représentation que nous en donne l’angle droit inférieur du bas-relief de l’église Notre-Dame nous montre qu’elle était à la fois plus haute et plus forte que les autres. Elle leur ressemblait toutefois.
C’était, à l’intérieur, un passage voûté peu large, mais assez profond. A l’extérieur, l’ouverture, ou « guichet », était fermée par un pont-levis et précédée d’une barrière, qui parait avoir été elle-même protégée par une énorme butte de terre ou boulevard, s’élevant sur l’emplacement du pâquis actuel. Son portier, ou « tourier », qui parait avoir demeuré dans un petit bâtiment ou « hobette », était nommé par les habitants de la Ville haute, sur la proposition du duc ou du bailli, tant ses fonctions paraissent importantes.
Outre les deux tourelles situées en avant du guichet, la Porte-au-Bois devait être, comme au siècle suivant, flanquée de deux tours. Celle de droite, vue de l’extérieur, dont il subsiste aujourd’hui des restes importants, sur l’emplacement de la maison Mohler, était certainement la tour Réault, dont nous ne connaissons, d’ailleurs, que le nom.
A l’angle que formait ensuite la muraille, était la Tour Jurée, dominant à l’extérieur le fond de Polval et communiquant avec la ville par une ruelle, qu’on venait de fermer par une porte. Cette tour, la plus forte de la Ville haute, était une énorme construction très élevée, dominant Bar-le-Duc de tous les côtés. Elle comprenait tout au bas une fosse d’aisances recouverte de douves, surmontée d’un rez-de-chaussée et de trois étages.
Le rez-de-chaussée et le premier étage servaient de prison. Au second étaient trois chambres, au troisième une seule, les premières étaient carrelées, la dernière avait un plancher soutenu par des pieds de bois accrochés à des broches de fer. Toutes étaient éclairées de fenêtres à vitraux en losange et chauffées par des cheminées. La tour se terminait par un grenier aux parois revêtues de planches, surmonté d’une lanterne. Elle était de forme ronde et ses murs, très épais, furent, au début de la Ligue, percés, à la hauteur du rez-de-chaussée, de plusieurs canonnières, sans doute voisines d’un corps de garde. Son tourier, dont la nomination était confirmée par le duc, était en même temps crieur et geôlier.
La Tour Jurée tirait, en effet, son nom de ce qu’elle servait à la justice. Dès le milieu du siècle au moins, elle était appelée « Tour criminelle » et servait de prison pour les gens convaincus de crimes, gardés parfois par un sergent. Les deux prisons avaient leur sol pavé de carreaux, leurs fenêtres garnies de barreaux de fer, leurs portes fermées de verrous et de fortes serrures, et pour sortir de la tour, il fallait franchir une porte en chêne de 7 pieds de haut sur 3 de large et un quart d’épaisseur.
Les prisonniers paraissaient bien gardés. Ceux qui passaient pour dangereux étaient, de plus, enfermés, enchainés et garrottés. Et pourtant, ils arrivaient fréquemment à s’échapper en rompant, en haut ou en bas, le mur extérieur, évidemment moins solide que celui qui donnait sur la ville et qu’on rebouchait inutilement avec des pierres de taille.
Au delà de la Tour Jurée, à peu près à égale distance entre la Porte-au-Bois et la Porte Vinchon, sans doute dans le prolongement de la rue Sainte-Marguerite actuelle, était la Tour Contrisson, ou tour située derrière le jardin de Madame Contrisson. L’angle nord du rempart, situé aujourd’hui en face de la prison actuelle, était défendu par la Tour Vinchon, qui parait avoir été d’importance tout à fait secondaire, car nous n’avons sur elle aucun renseignement. Nous ne connaissons guère plus la porte Vinchon. C’était évidemment une simple poterne qui faisait communiquer la Ville haute avec l’extérieur. Elle était sans doute voisine d’une tour carrée, au delà de laquelle commençait le fossé plein d’eau qui allait jusque vers la Porte de l’Armurier.
Sur tout le flanc oriental de la ville, s’étendait un boulevard qui, commençant à la Porte-au-Bois et faisant face à la Porte Saint-Jean, s’appelait parfois boulevard de la Porte-au-Bois et d’ordinaire boulevard Saint-Jean. Ce terre-plein, qui subsistait encore au début du XVIIIe siècle, le long des rues Chavée et du Tribel, renfermait sans doute une sorte de chemin de ronde réunissant les différentes tours, puisqu’on y trouvait des soupiraux dont quelques-uns paraissent subsister aujourd’hui. C’était sans doute l’extrémité des canonnières qui avaient remplacé les anciens créneaux.
La Porte de l’Armurier, qui faisait communiquer la Ville haute avec la Ville basse, était triple. Les trois portes qui la composaient, séparées par un espace de 23 toises, se numérotaient de haut en bas. La première était décorée d’un cul-de-lampe, surmonté d’un écusson aux armes de France. Comme elle ouvrait directement dans la Ville haute, elle était la plus forte. Une grille la fermait, un guet et des meurtrières la dominaient. La Porte entière s’appelait d’abord Porte Tohier. Elle tirait son nouveau nom de ce que son gardien était en même temps l’armurier de la Ville, beaucoup plutôt, semble-t-il, que de ce que des armuriers habitaient aux environs, car il y en avait assez peu de ce côté. A la fin du siècle, on pava l’intervalle qui s’étendait de la première à la troisième porte et on démolit des maisons contiguës, sans doute pour la dégager.
La muraille, bâtie en pierres de roche, continuait le boulevard depuis la Porte de l’Armurier jusqu’en face de la Tour de l’Horloge, où elle tournait à angle droit, dominant le fossé qui séparait la Halle du Château.
A l’angle opposé, se trouvait la Porte Phulpin, Phelepin ou Phelippin, qui faisait communiquer les deux parties de la Ville haute, la Halle et le Château. Cette porte parait avoir été double et assez grande. Son importance faisait de son portier, comme de ceux des autres principales portes, un fonctionnaire du duc. Elle était percée de quatre canonnières, voisine d’une poterne pratiquée dans une muraille épaisse de 10 à 15 pieds et protégée par une tour dite tour Phulpin.
De là jusqu’à la Porte-au-Bois, la muraille continuait presqu’en droite ligne, flanquée de tours, dont les restes subsistent encore dans la Tour Hublot ou plutôt Heylot et au voisinage de la Porte-au-Bois. Mais il n’y en a pas trace dans les documents littéraires ou iconographiques du XVIe ou du XVIIe siècle.
Sur l’intérieur de la ville, les renseignements abondent, au contraire. La principale artère en était la Grande rue, qui traversait la Halle dans toute sa longueur, réunissant entre elle les trois grandes portes. Cette rue était sans doute aussi large et aussi monumentale qu’aujourd’hui et l’on y trouvait probablement déjà la maison des Rodouan, à la porte en plein-cintre, aux fenêtres inégales, découpées en carrés par des meneaux. C’était la rue aristocratique, car elle était habitée par des nobles, des fonctionnaires et des gens exerçant des professions libérales comme la famille Le Paige, l’avocat Oulriot et Jean Allyot.
Les principales maisons étaient, près de l’Auditoire, c’est-à-dire vers le milieu, celles de la famille Drouin, de Nicolas Xaubourel et de Pierre Daudeney, conseillers à la Chambre des Comptes, situées le long des fortifications, c’est-à-dire à gauche en descendant. Celles de l’orfèvre Philippe Queuleux, l’apothicaire François Midy, le chirurgien Barthélemy de Rosières, l’arpenteur Jean de Mussey, étaient en face, soit dans la Halle, soit contre l’Auditoire. Un peu plus bas se trouvaient celles de la veuve Nicolas Le Paige et du boulanger Nicolas Arrabourg. Tout au bas, entre les portes de l’Armurier, celle du greffier Pouppart.
La plupart de ces maisons s’élevaient sans doute à gauche, puisque la droite était en partie occupée par les principaux monuments, la Halle, l’Auditoire et la Fontaine.
La Halle, dont l’étendue et l’importance avaient fait donner le nom à toute la Ville haute, comprenait le carré long de bâtiments où s’élevaient encore les halles au XVIIIe siècle, carré limité à l’Ouest et à l’Est par la Grande rue et la place de la Halle, prolongement inférieur de la place Saint-Pierre, au Sud et au Nord par la rue du Musée et la place de la Halle actuelles. Sa toiture, éclairée par des flamandes, mesurait au moins 68 pieds de long sur 40 de large.
L’intérieur en comprenait différentes parties dont chacune était consacrée à une partie de l’alimentation : la blaverie, située du côté de la Grande rue, qui était certainement la partie réservée au blé ; les « boucheries » établies à l’opposé, le long de la Place, et les « pressoirs » au nombre de deux, un petit et un gros, celui-ci situé près des boucheries, sans doute le long de la rue actuelle du Musée. Outre les étaux de vente, la Halle renfermait au moins un jardin vers le centre et des maisons au pourtour, tant du côté de la blaverie, le long de la Grande rue, que du côté des Boucheries, au coin vers le Tribel.
Le quatrième côté, sur la place de la Halle actuelle, était en partie réservé à l’Auditoire, situé ainsi sur la seconde place à partir d’en bas, au coin de la Grande rue. Ce bâtiment, où étaient réunies toutes les juridictions, était en quelque sorte le palais de justice de Bar. Cependant, il était assez restreint, car il ne semble avoir compris au rez-de-chaussée qu’une salle ou chambre destinée aux audiences judiciaires, précédée d’une allée et peut-être d’un greffe, et sous la toiture qu’une « chambre haute » blanchie, servant sans doute de résidence au greffier. La salle, avec plancher et cheminée, était meublée de sièges, chaises et bancs, de tréteaux et de pupitres.
Malgré son peu d’étendue, l’Auditoire avait grand air. Sa façade était revêtue de la figure de la Justice, avec l’épée et la balance, son toit était surmonté d’une plate-forme visible de loin et les eaux de pluie s’en déversaient dans une immense gargouille, située Grande rue, devant la maison de Jean de Mussey. En face de l’Auditoire, sur la place, était une croix de pierre, qui fut refaite par le maître maçon Antoine Gratas. C’était sans doute à cet endroit qu’on exécutait les criminels. Durant les guerres de la fin du siècle, on y avait élevé une estrapade et planté une potence pour effrayer les soldats.
La Grande rue renfermait deux puits, dont l’un était très profond et dont l’autre, le « grand puits », beaucoup moins profond, mais plus large, était situé à proximité de l’Auditoire, sans doute « au devant de l’hôtellerie du Cheval Blanc », elle-même voisine de l’hôtellerie de l’Ange.
Tout au bas de la ville, était la place de la Fontaine, où coulait la seule fontaine publique de Bar-le-Duc, à 33 ou 34 toises de la dernière Porte de l’Armurier, c’est-à-dire à l’emplacement de la fontaine actuelle. L’eau en venait de la fontaine Bourrault, sur le bord de la rue de Véel, par la ruelle Dame Biétrix, la rue actuelle du Pâquis, entrait dans la ville par la Porte-au-Buis et descendait la Grande rue, par des cors de bois assemblés avec de la résine. Elle ne manquait que dans les moments d’extrême sécheresse. L’emplacement de la fontaine était marqué par une croix. Le bassin en était maçonné et la place qui la précédait pavée jusqu’au bout de la Porte de l’Armurier. Ce pavé s’étendait, d’ailleurs, bien au-dessus de la place de la Fontaine, jusque vers l’Auditoire, c’est-à-dire dans la partie la plus difficile et la plus fréquentée de la Grande rue.
De cette artère principale, partaientcomme aujourd’hui, vers la droite, quatre rues secondaires. La première et la plus longue de toutes, était la rue du Tribel, qui commençait juste en face de la Porte-au-Bois. La maison située entre cette porte et la Tour Jurée était sans doute alors la demeure de l’officier de Bar, avant de devenir l’hôtel de Salm. Peut-être la maison voisine était-elle déjà celle du futur président des Comptes Jean Maillet.
Nous savons, du moins, qu’à la fin du XVIe siècle, la rue du Tribel était habitée par de grands personnages comme l’avocat Jean Maucornel, le prêtre Nicolas Gervais, Madame d’Inteville et peut-être les Lescamoussier. C’est pourquoi, sans doute, elle était en partie pavée. A l’extrémité inférieure de la rue, sans doute le plus près possible de la Halle et dans le voisinage de leurs propres maisons, était la place vague et assez exiguë où les bouchers avaient le droit de tuer leurs bêtes. Peut-être, sur le milieu de cette rue, donnait celle des « Grangettes », où était au siècle précédent la « maison forte » ou « grande maison » de la Ville haute. Mais ni la rue ni la maison ne figurent dans les documents du XVIe siècle.
Parallèlement à la rue du Tribel, devaient se trouver les rues du Paradis et du Four. Nous n’avons pas trouvé le nom de la première, qui n’était évidemment qu’une ruelle, mais nous savons que, du XVIe au XVIIe siècle, il eut, derrière l’église Saint-Pierre, une maison tenue en fief du duc et appelée « le Paradis », entre la place de l’Église et la Grande rue, c’est cette maison qui a évidemment donné son nom à la rue. Quant à la rue du Four, que les documents signalent un peu plus tard et qui correspond à la rue actuelle du Musée, elle faisait également communiquer la rue et la place, limitait la Halle au Sud et tirait évidemment son nom de ce qu’elle renfermait le four banal, qui était ainsi voisin des pressoirs.
L’église, ou plutôt la collégiale Saint-Pierre, fondée au XIVe siècle, était à peu près achevée vers la fin du XVIe. Elle comprenait alors une façade ogivale du début du siècle, et à l’intérieur de nombreuses chapelles. On trouvait à droite, en se dirigeant vers le chœur, les chapelles des Fonts, érigées au début du siècle, la chapelle Notre-Dame-de-la-Pitié, la plus vaste, les chapelles Sainte-Anne, Saint-Sauveur et Sainte-Madeleine, datant toutes du premier quart du siècle. A gauche, en allant du chœur au clocher, la chapelle Sainte-Marguerite, voisine de la maison du doyen, rebâtie vers le début du siècle, la chapelle de la Résurrection fondée vers la fin. L’intérieur en était fort orné ; on trouvait de beaux fonts baptismaux et on admirait sans doute déjà le crucifix de Ligier-Richier. L’église était surmontée d’un clocher renfermant trois cloches.
Devant l’église, s’étendait la place Saint-Pierre, où une terrasse avait été déblayée depuis le milieu du siècle. De cette place, partait la rue appelée tantôt rue Saint-Pierre, tantôt « rue descendant de la Halle ». Là, s’élevaient certainement de riches et belles maisons, comme celle que possédait, vers le milieu du siècle, l’avocat fiscal Jacques Drouin et qui allait jusqu’au Tribel, celle que Claude Chebillon, valet de chambre du cardinal de Lorraine, avait à l’angle de la rue et de la place et dont il égalisa les deux étages jusqu’alors en encorbellement. Sans doute aussi la belle maison située à l’angle de la rue du Four, où se trouve aujourd’hui le Musée et qui était peut-être occupée à la fin du XVIe siècle par Jean de Florainville.
A la rue Saint-Pierre, faisait suite la rue Chavée : à côté de maisons assez ordinaires, habitées par de petites gens, elle devait, à ce moment même, s’embellir des hôtels qui portent encore aujourd’hui les dates de 1578 et 1583 et de celle de la place de la Fontaine qui ont toujours leurs étages surmontés par des cordons de pierre en torsade. C’était évidemment les demeures de gros personnages, comme Jean Preudhomme qui habitait à la jonction des rues Chavée et Saint-Pierre.
Le Château
Après avoir traversé les fossés sur un pont-levis, on arrivait de la Halle au Château par la Porte du Baile, ainsi nommée de ce qu’elle menait à la première enceinte. Cette entrée était double, la première de ses portes donnant du côté du Château, la seconde, ou « porte du Baile du côté d’en haut », vers la Ville haute. Cette dernière parait avoir été la plus importante : son portier, Jean Prinsay, était en même temps le fontainier du château, sans doute parce que la fontaine qui alimentait celui-ci passait par la porte. Il habitait avec l’apothicaire du duc « la maison et tour du fontenier » située au Baile. Cette tour, construite par les habitants des villages voisins (Savonnières, Combles et Véel, dont les descendants mâles, furent, pour cette raison, exemptés du droit de chinerie), était au moins aussi considérable que celle de l’Horloge, à laquelle elle répondait au Sud-Ouest.
Comme la plupart des tours du Château, elle portait différents noms : Tour du Baile, pour sa situation, Grosse Tour, pour ses dimensions, Tour Ronde pour sa forme, Tour des Prêtres, pour des raisons anciennes. Elle était défendue, du côté des fossés, par un boulevard à canonnières avançant le long de la rue de Véel depuis la Porte Phulpin jusqu’à l’extrémité Nord-Ouest de la butte du château.
A cette extrémité, à l’endroit où le Baile faisait un saillant en arc de cercle, se trouvait la Porte de la Carole ou « Porte de la Côte de l’École », qui faisait communiquer le Château avec le Bourg par la Côte de l’École ou Côte des Prêtres. Cette porte était également double et comprenait, entre ses deux parties, la maison et boutique de « l’artillier » Jean Phillebert, ce qui la faisait aussi nommer « Porte L’Artillier ». Elle était d’abord couverte d’une galerie que l’on diminua ensuite. Sa défense était assurée par une forte tour, appelée la Tour Carrée ou la Tour Noire à cause de sa forme et de son ancienneté. Cette tour, voisine de la Conciergerie, ne parait plus guère avoir servi que de prison civile, comme la Tour Jurée de prison criminelle, et parfois les prisonniers en perçaient également les murs.
Un boulevard reliait à cette tour et entourait celle qui portera plus tard le nom de Tour Valéran, Tour Ronde ou Belle. On l’appelait au XVIe siècle Tour du Donjon ou des Armes parce qu’elle servait d’arsenal ; on y mettait notamment les arquebuses à croc.
Après une suite de bâtiments surplombant une côte à pic et bordés aussi parallèlement par un boulevard, se trouvait la Tour de l’Horlogeou du couvre-feu, correspondant du côté du Nord-Est à la Tour du Baile et, comme elle, dominant le jardin du château. A la fin du XVIe siècle, la Tour de l’Horloge avait tant d’importance qu’on l’appelait quelquefois « la tour du Château ». On l’avait élevée d’un étage au commencement du siècle et restaurée dès 1571. En 1588, on en refit complètement les charpentes de l’intérieur et de la toiture et on recouvrit complètement celle-ci.
La cloche de l’horloge, refondue en 1554 par deux fondeurs de Germainvillers et pesant 1 022 livres, avait eu pour marraine Marie, sœur de Gilles de Trèves, le futur doyen de Saint-Maxe. Elle était soutenue par un « travail » composé de deux bras de 15 pieds, appuyés à une poutre de 20. Le gros et le moyen poids de l’horloge pendaient à des cordes de chanvre longues toutes deux de 20 toises et épaisses, l’une d’un pouce, l’autre de un doigt. L’entretien de l’horloge était assuré, pour une durée de quatre ans, par le serrurier et horloger du château, Joachim de la Garde, véritable fonctionnaire qui régla l’heure des Barrisiens depuis 1560 jusqu’à la fin du siècle.
De la Tour de l’Horloge, l’enceinte du Château rejoignait la Porte du Baile en dessinant vers la Halle une combe légèrement convexe. Cet arc de cercle était divisé en trois parties presque égales par deux tours, dont la première avait été la « tour du Sarrier » ou serrurier, et dont on ignore le nom de la seconde. Au XVIe siècle, ces deux tours paraissent avoir perdu leur ancienne importance, car on ne les appelle que les « tours du jardin du château » et la seconde est plus particulièrement nommée la tour « joignant la porterie du jardin du Château ».
Ce dernier était séparé de la Halle par un fossé profond de 35 pieds, où les Barrisiens faisaient des jardins, bâtissaient des étables et même de petites maisons en temps de paix. Au moment où il craignait la guerre avec la France, Charles III commanda au bailli de Bar d’« accommoder le pied de la muraille du côté de la Ville haute depuis la Tour de l’Horloge jusqu’au pont-levis » de la Porte du Baile et l’on dut évidemment faire disparaître jardins et constructions.
A l’intérieur des murailles, se trouvait le château proprement dit et le jardin. Le château comprenait, du côté de la rue de Véel et de la Ville basse, deux groupes de bâtiments séparés par des cours. Ces cours étaient elles-mêmes partagées par l’église Saint-Maxe en une Grande et une Petite cour. Quand on avait traversé le fossé par un pont-levis, on entrait dans la Grande Cour par la porte principale, à l’emplacement de la « Belle Porte » actuelle, qui date du XVIIIe siècle. Cette porte, située « au bout bas du Baile » du Château, fut refaite, un peu avant la fin du siècle, en pierres de taille avec des matériaux empruntés à d’anciens bâtiments du château et devint une « neuve porterie », sans doute plus solide et plus élégante que l’ancienne. La Grande Cour, à peu près carrée, avait environ 28 toises 1/4 de côté ; elle était pavée sur toute son étendue.
A gauche de cette cour, du côté de la Ville basse, se trouvaient les anciens bâtiments et leurs dépendances. Ils comprenaient des salles d’apparat et une chambre réservée au duc. La première de ces salles publiques était la Grande Salle ancienne, devenue la Salle des États, la plus vaste de toutes, car elle avait au moins 44 pieds de long.
Les documents la distinguent toujours de la Salle carrée et de la Grande Salle et l’appellent la Chambre du Commun, la Salle commune ou simplement la Salle du Château. Elle était, semble-t-il, voisine de la Salle carrée ou Salle des Assises, ainsi appelée en raison de sa forme et de sa destination. Une allée pavée conduisait à cette Salle commune, qui était éclairée au Nord, du côté du Jeu de Paume, par plusieurs croisées à châssis, ferrées et à losanges, et chauffée par une grande cheminée sur la largeur de laquelle régnait un contrefeu de pierres bises. Le foyer était pavé et le reste de la salle recouvert d’un plancher.
A cette salle, attenait l’ancienne « tournelle », escalier à vis qui permettait d’accéder à la fois au-dessus et au-dessous, jusqu’au Jeu de Paume et sans doute à la cave voûtée que, dans les dernières années du siècle, l’on établit sous la Salle des Assises. Celle-ci était séparée de la Grande Salle par l’escalier et par une allée, fermée par un grand huis et éclairée par une grande fenêtre d’égale largeur. La Grande Salle, qui prenait jour sur le Bourg par des fenêtres à vantaux percées dans une muraille de trois pieds d’épaisseur, était la salle d’apparat pour les réceptions du souverain. Comme elle était située au bout du garde-manger et près des cuisines, elle devait surtout servir aux festins. C’est sans doute dans son voisinage que se trouvait la Salle des Chambellans, qui s’ouvrait au rez-de-chaussée, sur la grande cour, à 15 ou 17 toises environ du grand puits.
En dehors des bâtiments, du côté du Bourg, était le Jeu de Paume ou « tripot », construit sous la Salle des Assises et la Grande Salle. En 1571, on en releva la terrasse avec de la terre et du ciment, on la consolida avec de la pierre de Trémont et des pavés renforcés et, par deux fois, le peintre du duc, Claude Gilbert, en noircit à la colle, les murailles intérieures. Il y existait une chambre avec croisées et toit en briques, qui permettait sans doute de jouer à la courte paume en dépit des intempéries.
Le maitre du Jeu de Paume ou « paumier » habitait au château. Son office était à la nomination du duc.
Au delà de ces salles publiques, étaient les appartements privés. « Le corps de Logis » du duc comprenait au moins trois pièces, qui donnaient toutes sur une grande allée ou galerie bordant la cour. Cette galerie aux murs blanchis était d’abord assez obscure, jusqu’à ce qu’on l’éclairat par des lucarnes en forme de flamandes qui furent décorées de panneaux de verre neuf « façon de moresque », assez bas à l’origine et qu’on rehaussa ensuite.
La première pièce était la salle ou chambre du duc, communément appelée « la Nouée ou la Novée ». « Un pan de muraille de carreau et pierre de taille », percé d’une grande fenêtre au-dessus de la grande porte, la séparait de la galerie ; une vaste cheminée la chauffait. La seconde pièce, qui était contiguë à la chambre, était la « sallette » ou antichambre du duc, éclairée, semble-t-il, par des lucarnes et ayant une toiture lambrissée. Ces deux pièces paraissent avoir été respectivement prolongées par un cabinet couvert d’ardoises, contenant un comptoir avec « une table en noyer pour servir d’autel » et par une garde-robe pour le duc.
A ces pièces, attenait peut-être le bureau situé au-dessus des cuisines. La dernière pièce, voisine de l’office, était la salle à manger du duc, éclairée de quatre fenêtres en lucarnes, garnie d’un plancher et d’une énorme cheminée. Enfin, près de l’allée et de la chambre du duc, courait, dans la tour de la vis, un escalier qui menait aux chambres et au galetas du second étage.
Le corps de logis du duc parait avoir été continué au-dessus des cuisines et jusqu’au jardin par le « logis ou pavillon » du marquis de Pont-à-Mousson Henri, son fils ainé. Comme ce premier corps de logis, il comprenait au moins un étage, et toutes les pièces étaient précédées d’une allée. Au rez-de-chaussée se trouvait une cuisine, puis la chambre du gouverneur du prince, M. de Beauveau, renfermant une cheminée aux armoiries taillées en relief.
Au premier étage, il y avait une panneterie, un bureau et un oratoire au-dessus de la cuisine, puis, au-dessus de la chambre du gouverneur, venait celle du marquis, dont le manteau de la cheminée portait « en grand les armoiries écartelées ». Cette chambre était précédée d’une antichambre et suivie de cabinets recouverts de planches. A la fin du siècle, ce pavillon fut occupé par le bailli pendant qu’on en préparait un autre pour le marquis, qui allait devenir duc de Bar.
Sans doute, les autres fils du duc reçurent leur appartement séparé, à mesure qu’ils avançaient en âge. Nous en ignorons l’emplacement, mais nous supposons qu’ils étaient voisins des précédents.
C’est ainsi que le comte François de Vaudémont, second fils du duc, avait « au pied du château », le long de la muraille et sans doute auprès de celui du marquis, un corps de logis comprenant une chambre haute, c’est-à-dire un étage, tandis que le cardinal Charles de Lorraine, troisième fils du duc, n’avait qu’une chambre avec une galerie ou allée.
Depuis longtemps, le marquis de Chaussin, parent des princes lorrains, avait, peut-être sous les toits et par suite au-dessus de la chambre du cardinal, un logement ou plutôt une chambre. Ces logements des frères du marquis furent augmentés en même temps que le sien, quand il obtint dans le Neuf-Logis, situé en face, un pavillon à double étage, le comte eut une garde-robe, le cardinal une antichambre et ces deux pièces reçurent un plancher.
Outre ces appartements destinés aux hommes, le château comprenait, pour les femmes, des logements qui en étaient sans doute voisins. La duchesse Claude avait eu tout un corps de logis avec galerie, salle, antichambre et garde-robe et au moins deux cabinets. Les châssis des fenêtres en étaient « accoutrés de verre et papier », pour garantir du froid. Ce corps de logis était évidemment contigu à celui de Charles III, puisque la duchesse avait fait établir un autel dans le cabinet de son mari. Aussi ce logis dut-il passer au marquis après la mort de sa mère(1575). A la différence de leurs frères, les filles du duc ne paraissent avoir eu qu’un appartement commun, car les documents parlent de « la chambre des filles », sans jamais spécifier.
Entre les bâtiments publics et privés, étaient disposés les offices et les cuisines du château, situés au rez-de-chaussée et surmontés de logements pour le personnel.
On trouvait sans doute successivement, comme plus tard, la cuisine voûtée, l’échansonnerie, le grand four et le puits. Mais nous n’avons de détails que sur l’emplacement et surtout le fonctionnement de quelques-uns de ces bâtiments ou de ces offices.
La boulangerie et la pâtisserie étaient, avec la chambre à four, situées près de la Petite Cour. La Grande Cuisine renfermait plusieurs chemi- nées, dont la plus vaste, protégée par un contrefeu de carreaux neufs, avait un âtre cintré de 15 pieds de long sur 4 1/2 de large.
C’est dans cette cuisine que l’eau de la fontaine Bourrault arrivait depuis la chancellerie par des cors en bois de 200 pieds de long sur 1 de face. « Pour garder le passage vif », on avait ajusté ces corps à deux grandes pierres de Trémont creusées jusqu’au « robin de la cuisine ». Auparavant, on tirait l’eau d’un puits situé sur le bord de la cour, à côté et au nord de Saint-Maxe et qu’on avait enfermé dans une chambre spéciale par une forte porte, garnie d’une serrure et d’un bracon ou pièce de bois. On y puisait l’eau avec des seaux pendant à une corde ou à une chaîne de 30 pieds, qu’on remontait en tournant une roue attachée à un arbre à tourillon. On n’employait, d’ailleurs, ce puits que dans les moments de grande sécheresse ou lorsqu ‘on redoutait un siège. Pour parer à toute éventualité, on avait établi une vaste citerne dans la grande cour, près de la muraille.
C’était sans doute au-dessus des cuisines que logeait le grand maitre ou maître d’hôtel, M. de Bovigny, et le garde de vaisselle. L’échansonnerie, dirigée par le mutier ou tonnelier, formait un logis spécial, sans doute au-dessus et auprès des caves principales. Il y avait, en effet, plusieurs caves, dont la Grande Cave située, semble-t-il, dans le voisinage des cuisines et une autre près de la Grande Galerie, c’est-à-dire en arrière, près du jardin. On y faisait descendre les tonneaux à l’aide de deux énormes cordes pesant chacune 38 livres.
Plus tard, quand on agrandit les appartements du château, on creusa de nouvelles caves. L’une d’elles, située sous la Chambre des Chambellans, fut peut-être appelée cave Bertrand, l’autre, placée sous la Salle des Assises, était maçonnée et voûtée ; elle parait avoir été la plus considérable et la meilleure.
A ce premier groupe de bâtiments correspondait à droite de la Grande Cour, une aile encore plus irrégulière formant les bâtiments du domaine. Une grande porte de bois ornée d’une voussure et surmontée d’un petit toit, séparait cette Grande Cour d’une petite cour pavée qui précédait la Conciergerie. Ce bâtiment servait, comme la Tour Jurée, de prison criminelle, mais il était moins important et nous le connaissons beaucoup moins. Nous savons seulement qu’il avait un étage, comprenait la cuisine, le garde-manger et sans doute l’habitation du gardien, et que deux chambres pavées constituaient la prison qui devait se trouver au rez-de-chaussée. Les murailles en étaient peu solides, car les prisonniers les rompaient de temps en temps.
Derrière le corps de logis de la Conciergerie était un jardin assez grand. Peut-être s’en trouvait-il un plus petit du côté de la cour. Le concierge, comme les portiers des principales portes, était nommé par le duc.
Sur la Grande Cour, entre la Conciergerie et la Grande Porte, était le corps du logis, où demeurait le portier de la Porte du Château Jean Prinsay, en même temps huissier de la Chambre des Comptes. Son logement comprenait une cave, un rez-de-chaussée avec cuisine à plancher et une chambre haute. Le concierge avait, semble-t-il, par derrière un jardin particulier, auquel il descendait par un escalier de huit marches. Nous n’avons trouvé à peu près aucun renseignement sur la Chambre des Comptes elle-même, dont la façade, sculptée en 1523 et qui existe encore en partie, présente un spécimen si curieux d’architecture locale.
Il n’est pas question du « Petit Trésor » des Chartes et presque pas de la Chambre ou Salle d’audience. Nous savons seulement que le bâtiment avait plus d’une porte d’entrée et que la pièce principale, évidemment la salle, renfermait une grande cheminée avec une grande taque. Au contraire, les documents abondent sur les dépendances de la Chambre des Comptes : comme la Conciergerie, elle était précédée d’une cour et suivie d’un jardin auquel on arrivait par un escalier droit. L’huissier y entretenait, contre les murs du bâtiment, à grand renfort de montants et de perches, des treilles de muscadets et de chambrets ainsi que des rosiers et d’autres plants venus de Provence, qu’il faisait recouvrir de terre grasse.
D’autres bâtiments faisaient suite à la Conciergerie et à la Chambre des Comptes. Charles III, trouvant évidemment trop restreints ceux de l’aile primitive, avait fait construire en face, vers 1566, un nouveau bâtiment nommé le Neuf logis. Nous n’en connaissons pas la disposition, parce que presque tous les registres de cette époque sont perdus. Nous savons seulement que le Neuf logis était composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage et qu’on y ajouta en 1574 des cabinets d’aisances, construits « à l’endroit du Baile », c’est-à-dire du côté opposé à la cour. Destiné à s’ajouter aux autres et à servir en cas de besoin, ce bâtiment n’avait pas de destination précise : les chambres du rez-de-chaussée et de l’étage, après avoir été un arsenal, devinrent un grenier, d’abord à grain, puis à sel. Lors du séjour des ducs à Bar, on y mettait les châlits, peut-être pour y loger des gens de la suite du prince.
Au delà du Neuf logis était la « Chambre des Prêtres » et « le corps de logis du doyen de Saint-Maxe » ou doyenné, qui comprenait au moins trois pièces, dont la première était l’écritoire ou cabinet de travail, la seconde la Chambre et la dépense, éclairées chacune par une fenêtre donnant sur le Baile, la dernière l’habitation des chapelains.
En face de ces logements, entre la Grande et la Petite Cour, se trouvait la Collégiale Saint-Maxe. C’était un bâtiment assez petit, qui avait la forme d’une croix latine, et comprenait une grande nef et trois nefs secondaires. La collégiale Saint-Maxe était l’église des ducs de Bar, dont elle renfermait les tombeaux. Aussi était-elle la plus richement dotée et la plus magnifique de toute la ville : on y trouvait de nombreuses chapelles, comme celles du Saint Esprit, de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Étienne. Les principales étaient à gauche, les chapelles de Notre-Dame, comprenant celles de l’Annonciation, de la Conception, de l’Assomption et de la Pitié.
La plus remarquable était, à droite, au fond, la chapelle des Princes, érigée en 1549 pour les tombeaux des ducs par le doyen Gilles de Trèves sur les plans de Ligier-Richier, dont l’autel portait une Annonciation, œuvre du grand sculpteur qui faisait l’admiration de Montaigne. La sacristie, reconstruite par le doyen sous la direction du même artiste, renfermait, entre autres objets précieux, la châsse de saint Maxe, le palladium de la cité barrisienne, et les chartes de la collégiale. L’eglise, assez enfoncée, était surmontée d’un clocher élevé, dominé par une flèche élancée, terminée elle-même par une croix dorée visible au loin, du plus gracieux effet. Le clocher renfermait quatre cloches et était recouvert, ainsi que la toiture de l’église, de tuiles creuses et plates.
Cette église était réunie l’oratoire du duc par une galerie qui séparait la Grande de la Petite cour. Cette dernière, ou « Cour derrière Saint-Maxe», était d’abord assez étroite et fut ensuite élargie. Au fond de cette cour, entre la collégiale et le jardin, était un pavillon contenant les dépendances de l’habitation ducale, comme la Neuve cuisine et, semble-t-il, une garde-robe.
Depuis ce bâtiment jusqu’au corps de logis du marquis et, par suite, en bordure du jardin, était une galerie où le maitre maçon Antoine Gratas avait exécuté, en mars 1585, sans doute pour la supporter, « quatre colonnes de l’ordre dorique avec leur piédestal ».
Enfin, perpendiculairement à cette galerie et le long du boulevard tirant à la Tour de l’Horloge, était la Grande galerie du jardin, couverte d’une toiture d’ardoises où était creusée une cuvette et percée du côté des Buttes, c’est-à-dire à l’extérieur, de lucarnes ou flamandes. La Grande galerie était surmontée d’un étage servant de grenier. Cet étage était fermé sur toute la longueur et à l’extrémité de six ventillons, destinés empêcher la neige d’entrer. De l’extrémité orientale de la galerie un pont de planches oblique ou anglet conduisait à l’horloge. Au-dessous de cette galerie se trouvait l’écurie, qui servait, au besoin, de cellier pour les fruits et de serre pour les plantes et où on descendait par une rampe en pente douce. Les chevaux attachés par des longes et des cordeaux et séparés par des boutants fixés au mur par des barres, recevaient dans des rateliers, l’avoine conservée dans le grenier.
Entre ces deux galeries, le Baile et Les fossés de la Ville haute, s’étendait le jardin, nommé « Grand jardin du Château », sans doute par opposition à celui de la Chambre des Comptes. On y entrait par différentes portes, dont la principale, la Grande porte, ou « porterie de la première porte du jardin », avait été bâtie, d’après les plans fournis par la Chambre des Comptes, par le maître maçon Antoine Gratas, assisté du maître charpentier Nicolas Du Hamel, du menuisier Jean Lallemand et du maître serrurier Joachim de la Garde. Cette porte était voisine d’une tour, évidemment la tour anonyme qui se trouvait entre la Tour du Sarrier et la Tour du Baile, et prenait sur la rue du Baile actuelle.
Le jardin proprement dit comprenait plusieurs allées et au moins deux parterres. Comme dans celui de la Cour des Comptes, il renfermait des rosiers et des treilles de muscadets, son jardinier mettait des perches aux treilles et empaquetait les rosiers pour les soutenir, mais ce jardin était en outre planté d’arbres tirés de Vaulx de Metz et d’ifs provenant de la forêt de Briey.
Quand Antoine Gratas faisait des réparations au château, il faisait porter dans les parterres et autour des treilles la meilleure terre qui se trouvait « contre la grande muraille au bout du jardin » et laissait une partie des pierrailles et de la grève dans les allées pour en combler les fosses. D’ordinaire, on enlevait les immondices et on sablait les allées du jardin. Toutefois, on en pavait tous les endroits très fréquentés, comme les abords de la porte, les allées voisines de la maison du jardinier et les parties situées au-dessus des clés de la fontaine.
Celle-ci était la grande curiosité et la grande rareté du jardin. L’eau y arrivait par la porte du Baile, dont le portier était le fontainier du château, au moyen de corps de plomb et de bois, soudés et réunis par de la résine. Au centre du jardin, la fontaine était aménagée en un jet d’eau recouvert d’une toiture en ardoise, sous laquelle se trouvait sans doute le joli pont qui datait de cette époque. De là, l’eau s’en allait par un corps de plomb jusqu’à la citerne du château.
L’office de jardinier du duc était par conséquent, des plus importants. Son titulaire était nommé par le duc, et prêtait serment à la Chambre des Comptes. C’était alors Claude de Gênes, venu sans doute de ce coin de l’Italie où les habitants créent sur des rochers des jardins fleuris. Il habitait un logement spécial, couvert de tuiles creuses, qui comprenait une chambre du derrière et une cuisine située sans doute sur le devant, un four à sécher les fruits avec âtre de carreaux de Rambercourt et autel de bouche », une cave ou cellier à larmier, de neuf pieds de profondeur et de seize pieds carrés, creusée dans une fosse. Ce logement était situé à l’extrémité du jardin et de la grande galerie, sous le pont qui joignait celle-ci à l’horloge.
Derrière la chambre, se trouvait une casemate sous les Buttes. Ces Buttes étaient appelées aussi « Buttes de la côte de la Halle » et « Buttes des Arbalétriers », parce qu’elles aboutissaient à la Ville haute et qu’elles avaient évidemment servi de but au tir des fantassins du moyen âge. C’étaient sans doute des levées de terre placées en dehors du jardin, le long de la grande galerie, se continuant jusqu’à la terrasse du Jeu de Paume et qui se terminaient par un talus à pente raide. Au sommet de la levée, était un sentier appelé chemins des buttes ou ruelles des buttes et du tripot, qui appartenait au duc. C’était probablement une sorte de chemin de ronde qui longeait le mur d’enceinte et se prolongeait jusqu’à la Carole du Baile.