La cave ou le puits sépulcral de Cumières

Blason Cumières

 

Si le village de Cumières est malheureusement connu depuis la fin de la première guerre mondiale comme faisant partie des neuf villages rayés de la carte, morts pour la France, je voudrais vous parler de la découverte faite à la fin du XIXe siècle au nord du village.

Peut-être y avait-il d’autres habitations d’hommes préhistoriques à découvrir dans la région ? Nous ne le saurons jamais, l’histoire en a décidé autrement.

D’après la « Revue des sociétés savantes » – Année 1874

M. Félix Liénard secrétaire perpétuel de la Société philomatique de Verdun, rend compte d’une découverte faite, en 1873, à 600 mètres au nord du village de Cumières (Meuse), d’une cave ou habitation de l’homme préhistorique, et d’un puits sépulcral renfermant dix-neuf squelettes. Cette découverte doit être classée au nombre de celles qui sont dignes de fixer l’attention des anthropologistes et des archéologues, car la rencontre d’une habitation à ciel ouvert, et d’une sépulture spéciale, creusée de main d’homme, est un fait peu commun. Celui-ci est d’autant plus curieux que les crânes recueillis dans cette sépulture fournissent des termes de comparaison bien complets, permettant d’apprécier le type de l’homme habitant ces parages à l’époque de la pierre.

La cave ou habitation décrite par M. Liénard était tout simplement une excavation circulaire, en forme d’entonnoir, creusé dans un massif de gravière quaternaire, mesurant 13 mètres de diamètre à l’ouverture et 3 mètres de profondeur. Cette vaste demeure était recouverte de trois assises de diluvium ou dépôts anciens, de près d’un mètre d’épaisseur chacun, dont l’inférieur était mélangé de cailloux roulés des Vosges. C’est sous ce diluvium que M. Liénard rencontra une couche de charbon de bois provenant du foyer, et qu’il recueillit un os de ruminant de la famille des cervidés, probablement d’un jeune renne, un poignard en os taillé dans un radius de cheval, divers fragments de poteries, un outil ou instrument en pierre châline du pays, et onze silex taillés ou éclats de silex, comprenant des portions de couteaux, des pointes de flèches, etc…

A 12 mètres de cette habitation, se trouvait le puits sépulcral duquel avaient été extraite, avant l’arrivée de M. Liénard, dix crânes humains, un grand nombre d’ossements, et plus de quarante haches ou instruments en silex taillés, tous objets qui furent détruits ou conduits au tombereau dans les remblais d’un chemin de fer en construction. Ce puits était circulaire, de forme ovale, mesurant 2,50m dans son grand axe, 1,60m dans son petit axe, et 1,60m de profondeur.

Quoiqu’une partie du puits, ainsi que de son contenu eût été dispersée par la pioche des mineurs, M. Liénard put encore y constater la présence de neuf crânes, dont sept purent être recueillis, ainsi que quelques ossements humains, cinq instruments en silex taillés, deux haches en silex poli, dont l’une est emmanchée dans une gaine en os. Il y trouva en outre une dent de cheval.

Les crânes exposés par M. Liénard sont de formes variées : deux sont sous-dolichocéphales, un seul est mésaticéphale, trois sont sous-brachycéphales ; le septième n’a pu être mesuré. Sauf un chez lequel il y a une légère tendance au prognathisme, tous les autres sont parfaitement orthognathes ou à mâchoires droites. Deux ont le frontal bas et fuyant, mais cinq ont cette partie du crâne droite, assez élevée et développée. Un seul de ces crânes a une dépression et fort profonde sur chacun des os pariétaux. Mais ces dépressions semblent être accidentelles ou dues à l’état de sénilité, et n’indiquent nullement un type différent.

Quatre de ces crânes, sur lesquels l’angle facial a pu être pris d’une manière exacte, ont fourni les mesures 77, 80, 82, 83. Les dents sont en général d’une belle conservation, mais toutes, sauf celles d’un très jeune homme, portent au sommet une usure uniforme, très profonde, telle que les incisives et les canines sont devenues aptes aux mêmes usages que les molaires.

Les quelques fémurs et humérus trouvés en contact avec les crânes présumés de femmes sont petits, grêles et dénotent une taille inférieure. D’autres, plus forts et plus grands, ont certainement appartenu à des hommes de taille ordinaire ou moyenne. Il a été recueilli une moitié d’humérus provenant d’un squelette d’enfant, ce qui démontre que tous les âges étaient représentés dans ce lieu de sépulture.

En résumé, tous les crânes recueillis à Cumières sont remarquables par la beauté de l’ovale, quelques-uns par la proéminence du vertex et le grand volume de la partie céphalique postérieure.

L’énumération des objets fournis par cette fouille suffit pour indiquer l’époque à laquelle vivait l’homme de Cumières. Déjà la hache polie était en usage, mais le petit nombre des haches qui ont été recueillies prouve que cet instrument était un objet de luxe, encore fort rare et sans doute réservé aux chefs. En effet, les deux haches polies trouvées par M. Liénard faisaient exception dans cette importante trouvaille, qui a montré un grand nombre de silex taillés ou d’éclats de silex employés concurremment ou conjointement avec l’os, sous forme d’arme ou d’outil.


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Bar-le-Duc à la fin du XVIe siècle – La ville haute

Blason Bar-le-DucBar-le-Duc Tour de l'horloge 

 

Vestige de l’ancien château, la Tour de l’horloge veille toujours sur la ville de Bar-le-Duc et la campagne environnante.

Je vous propose une promenade à travers la ville à la fin du XVIe siècle, époque à laquelle le château accueillait encore le duc et sa famille.

D’après les « Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc »

La ville de Bar-le-Duc, qui avait peu augmenté depuis la fin du moyen-âge, s’est au contraire, considérablement accrue dans les dernières années du XVIe siècle.

A la fin du XIVe, elle comprenait déjà six parties : la Ville haute, le Bourg, la Neuve ville, Entre-Deux-Ponts, Bar-la-Ville, enfin les rues de Véel et de Combles. En 1571, à ces six parties s’en seront ajoutées deux autres, Couchot et Marbot. Sur ces huit portions de Bar-le-Duc, les sept dernières formaient la Ville basse.

Les trois premières seules, la Halle, le Bourg et la Neuve ville portaient le nom de carrefours et les cinq autres celui de faubourgs. En 1605, on trouve deux nouveaux faubourgs, la Rochelle et les Clouyères. Nous étudierons donc successivement ces quartiers dans l’ordre, en quelque sorte traditionnel et successif, où ils apparaissent :
- la Ville haute comprenant la Halle et le Château
- la Ville basse, à savoir le Bourg et la Neuve ville, les faubourgs, c’est-à-dire Entre-Deux-Ponts, Bar-la-Ville, Couchot, Marbot, la rue de Véel, la Rochelle et les Clouyères.

La Ville haute

La Halle

La Halle avait trois portes, la Porte-au-Bois, la Porte Vinchon et la Porte l’Armurier.

La Porte-au-Bois, ainsi nommée de ce qu’elle donnait du côté du bois du Haut-Juré, était la seule par où l’on pût aborder la Ville haute de plain-pied et par où elle fut toujours attaquée. « Le grand chemin » de Saint-Dizier y aboutissait. Elle devait être la plus considérable et la mieux défendue. Cette porte était à la fois large et profonde. La représentation que nous en donne l’angle droit inférieur du bas-relief de l’église Notre-Dame nous montre qu’elle était à la fois plus haute et plus forte que les autres. Elle leur ressemblait toutefois.

C’était, à l’intérieur, un passage voûté peu large, mais assez profond. A l’extérieur, l’ouverture, ou « guichet », était fermée par un pont-levis et précédée d’une barrière, qui parait avoir été elle-même protégée par une énorme butte de terre ou boulevard, s’élevant sur l’emplacement du pâquis actuel. Son portier, ou « tourier », qui parait avoir demeuré dans un petit bâtiment ou « hobette », était nommé par les habitants de la Ville haute, sur la proposition du duc ou du bailli, tant ses fonctions paraissent importantes.

Outre les deux tourelles situées en avant du guichet, la Porte-au-Bois devait être, comme au siècle suivant, flanquée de deux tours. Celle de droite, vue de l’extérieur, dont il subsiste aujourd’hui des restes importants, sur l’emplacement de la maison Mohler, était certainement la tour Réault, dont nous ne connaissons, d’ailleurs, que le nom.

A l’angle que formait ensuite la muraille, était la Tour Jurée, dominant à l’extérieur le fond de Polval et communiquant avec la ville par une ruelle, qu’on venait de fermer par une porte. Cette tour, la plus forte de la Ville haute, était une énorme construction très élevée, dominant Bar-le-Duc de tous les côtés. Elle comprenait tout au bas une fosse d’aisances recouverte de douves, surmontée d’un rez-de-chaussée et de trois étages.

Le rez-de-chaussée et le premier étage servaient de prison. Au second étaient trois chambres, au troisième une seule, les premières étaient carrelées, la dernière avait un plancher soutenu par des pieds de bois accrochés à des broches de fer. Toutes étaient éclairées de fenêtres à vitraux en losange et chauffées par des cheminées. La tour se terminait par un grenier aux parois revêtues de planches, surmonté d’une lanterne. Elle était de forme ronde et ses murs, très épais, furent, au début de la Ligue, percés, à la hauteur du rez-de-chaussée, de plusieurs canonnières, sans doute voisines d’un corps de garde. Son tourier, dont la nomination était confirmée par le duc, était en même temps crieur et geôlier.

La Tour Jurée tirait, en effet, son nom de ce qu’elle servait à la justice. Dès le milieu du siècle au moins, elle était appelée « Tour criminelle » et servait de prison pour les gens convaincus de crimes, gardés parfois par un sergent. Les deux prisons avaient leur sol pavé de carreaux, leurs fenêtres garnies de barreaux de fer, leurs portes fermées de verrous et de fortes serrures, et pour sortir de la tour, il fallait franchir une porte en chêne de 7 pieds de haut sur 3 de large et un quart d’épaisseur.

Les prisonniers paraissaient bien gardés. Ceux qui passaient pour dangereux étaient, de plus, enfermés, enchainés et garrottés. Et pourtant, ils arrivaient fréquemment à s’échapper en rompant, en haut ou en bas, le mur extérieur, évidemment moins solide que celui qui donnait sur la ville et qu’on rebouchait inutilement avec des pierres de taille.

Au delà de la Tour Jurée, à peu près à égale distance entre la Porte-au-Bois et la Porte Vinchon, sans doute dans le prolongement de la rue Sainte-Marguerite actuelle, était la Tour Contrisson, ou tour située derrière le jardin de Madame Contrisson. L’angle nord du rempart, situé aujourd’hui en face de la prison actuelle, était défendu par la Tour Vinchon, qui parait avoir été d’importance tout à fait secondaire, car nous n’avons sur elle aucun renseignement. Nous ne connaissons guère plus la porte Vinchon. C’était évidemment une simple poterne qui faisait communiquer la Ville haute avec l’extérieur. Elle était sans doute voisine d’une tour carrée, au delà de laquelle commençait le fossé plein d’eau qui allait jusque vers la Porte de l’Armurier.

Sur tout le flanc oriental de la ville, s’étendait un boulevard qui, commençant à la Porte-au-Bois et faisant face à la Porte Saint-Jean, s’appelait parfois boulevard de la Porte-au-Bois et d’ordinaire boulevard Saint-Jean. Ce terre-plein, qui subsistait encore au début du XVIIIe siècle, le long des rues Chavée et du Tribel, renfermait sans doute une sorte de chemin de ronde réunissant les différentes tours, puisqu’on y trouvait des soupiraux dont quelques-uns paraissent subsister aujourd’hui. C’était sans doute l’extrémité des canonnières qui avaient remplacé les anciens créneaux.

La Porte de l’Armurier, qui faisait communiquer la Ville haute avec la Ville basse, était triple. Les trois portes qui la composaient, séparées par un espace de 23 toises, se numérotaient de haut en bas. La première était décorée d’un cul-de-lampe, surmonté d’un écusson aux armes de France. Comme elle ouvrait directement dans la Ville haute, elle était la plus forte. Une grille la fermait, un guet et des meurtrières la dominaient. La Porte entière s’appelait d’abord Porte Tohier. Elle tirait son nouveau nom de ce que son gardien était en même temps l’armurier de la Ville, beaucoup plutôt, semble-t-il, que de ce que des armuriers habitaient aux environs, car il y en avait assez peu de ce côté. A la fin du siècle, on pava l’intervalle qui s’étendait de la première à la troisième porte et on démolit des maisons contiguës, sans doute pour la dégager.

La muraille, bâtie en pierres de roche, continuait le boulevard depuis la Porte de l’Armurier jusqu’en face de la Tour de l’Horloge, où elle tournait à angle droit, dominant le fossé qui séparait la Halle du Château.

A l’angle opposé, se trouvait la Porte Phulpin, Phelepin ou Phelippin, qui faisait communiquer les deux parties de la Ville haute, la Halle et le Château. Cette porte parait avoir été double et assez grande. Son importance faisait de son portier, comme de ceux des autres principales portes, un fonctionnaire du duc. Elle était percée de quatre canonnières, voisine d’une poterne pratiquée dans une muraille épaisse de 10 à 15 pieds et protégée par une tour dite tour Phulpin.

De là jusqu’à la Porte-au-Bois, la muraille continuait presqu’en droite ligne, flanquée de tours, dont les restes subsistent encore dans la Tour Hublot ou plutôt Heylot et au voisinage de la Porte-au-Bois. Mais il n’y en a pas trace dans les documents littéraires ou iconographiques du XVIe ou du XVIIe siècle.

Sur l’intérieur de la ville, les renseignements abondent, au contraire. La principale artère en était la Grande rue, qui traversait la Halle dans toute sa longueur, réunissant entre elle les trois grandes portes. Cette rue était sans doute aussi large et aussi monumentale qu’aujourd’hui et l’on y trouvait probablement déjà la maison des Rodouan, à la porte en plein-cintre, aux fenêtres inégales, découpées en carrés par des meneaux. C’était la rue aristocratique, car elle était habitée par des nobles, des fonctionnaires et des gens exerçant des professions libérales comme la famille Le Paige, l’avocat Oulriot et Jean Allyot.

Les principales maisons étaient, près de l’Auditoire, c’est-à-dire vers le milieu, celles de la famille Drouin, de Nicolas Xaubourel et de Pierre Daudeney, conseillers à la Chambre des Comptes, situées le long des fortifications, c’est-à-dire à gauche en descendant. Celles de l’orfèvre Philippe Queuleux, l’apothicaire François Midy, le chirurgien Barthélemy de Rosières, l’arpenteur Jean de Mussey, étaient en face, soit dans la Halle, soit contre l’Auditoire. Un peu plus bas se trouvaient celles de la veuve Nicolas Le Paige et du boulanger Nicolas Arrabourg. Tout au bas, entre les portes de l’Armurier, celle du greffier Pouppart.

La plupart de ces maisons s’élevaient sans doute à gauche, puisque la droite était en partie occupée par les principaux monuments, la Halle, l’Auditoire et la Fontaine.

La Halle, dont l’étendue et l’importance avaient fait donner le nom à toute la Ville haute, comprenait le carré long de bâtiments où s’élevaient encore les halles au XVIIIe siècle, carré limité à l’Ouest et à l’Est par la Grande rue et la place de la Halle, prolongement inférieur de la place Saint-Pierre, au Sud et au Nord par la rue du Musée et la place de la Halle actuelles. Sa toiture, éclairée par des flamandes, mesurait au moins 68 pieds de long sur 40 de large.

L’intérieur en comprenait différentes parties dont chacune était consacrée à une partie de l’alimentation : la blaverie, située du côté de la Grande rue, qui était certainement la partie réservée au blé ; les « boucheries » établies à l’opposé, le long de la Place, et les « pressoirs » au nombre de deux, un petit et un gros, celui-ci situé près des boucheries, sans doute le long de la rue actuelle du Musée. Outre les étaux de vente, la Halle renfermait au moins un jardin vers le centre et des maisons au pourtour, tant du côté de la blaverie, le long de la Grande rue, que du côté des Boucheries, au coin vers le Tribel.

Le quatrième côté, sur la place de la Halle actuelle, était en partie réservé à l’Auditoire, situé ainsi sur la seconde place à partir d’en bas, au coin de la Grande rue. Ce bâtiment, où étaient réunies toutes les juridictions, était en quelque sorte le palais de justice de Bar. Cependant, il était assez restreint, car il ne semble avoir compris au rez-de-chaussée qu’une salle ou chambre destinée aux audiences judiciaires, précédée d’une allée et peut-être d’un greffe, et sous la toiture qu’une « chambre haute » blanchie, servant sans doute de résidence au greffier. La salle, avec plancher et cheminée, était meublée de sièges, chaises et bancs, de tréteaux et de pupitres.

Malgré son peu d’étendue, l’Auditoire avait grand air. Sa façade était revêtue de la figure de la Justice, avec l’épée et la balance, son toit était surmonté d’une plate-forme visible de loin et les eaux de pluie s’en déversaient dans une immense gargouille, située Grande rue, devant la maison de Jean de Mussey. En face de l’Auditoire, sur la place, était une croix de pierre, qui fut refaite par le maître maçon Antoine Gratas. C’était sans doute à cet endroit qu’on exécutait les criminels. Durant les guerres de la fin du siècle, on y avait élevé une estrapade et planté une potence pour effrayer les soldats.

La Grande rue renfermait deux puits, dont l’un était très profond et dont l’autre, le « grand puits », beaucoup moins profond, mais plus large, était situé à proximité de l’Auditoire, sans doute « au devant de l’hôtellerie du Cheval Blanc », elle-même voisine de l’hôtellerie de l’Ange.

Tout au bas de la ville, était la place de la Fontaine, où coulait la seule fontaine publique de Bar-le-Duc, à 33 ou 34 toises de la dernière Porte de l’Armurier, c’est-à-dire à l’emplacement de la fontaine actuelle. L’eau en venait de la fontaine Bourrault, sur le bord de la rue de Véel, par la ruelle Dame Biétrix, la rue actuelle du Pâquis, entrait dans la ville par la Porte-au-Buis et descendait la Grande rue, par des cors de bois assemblés avec de la résine. Elle ne manquait que dans les moments d’extrême sécheresse. L’emplacement de la fontaine était marqué par une croix. Le bassin en était maçonné et la place qui la précédait pavée jusqu’au bout de la Porte de l’Armurier. Ce pavé s’étendait, d’ailleurs, bien au-dessus de la place de la Fontaine, jusque vers l’Auditoire, c’est-à-dire dans la partie la plus difficile et la plus fréquentée de la Grande rue.

De cette artère principale, partaientcomme aujourd’hui, vers la droite, quatre rues secondaires. La première et la plus longue de toutes, était la rue du Tribel, qui commençait juste en face de la Porte-au-Bois. La maison située entre cette porte et la Tour Jurée était sans doute alors la demeure de l’officier de Bar, avant de devenir l’hôtel de Salm. Peut-être la maison voisine était-elle déjà celle du futur président des Comptes Jean Maillet.

Nous savons, du moins, qu’à la fin du XVIe siècle, la rue du Tribel était habitée par de grands personnages comme l’avocat Jean Maucornel, le prêtre Nicolas Gervais, Madame d’Inteville et peut-être les Lescamoussier. C’est pourquoi, sans doute, elle était en partie pavée. A l’extrémité inférieure de la rue, sans doute le plus près possible de la Halle et dans le voisinage de leurs propres maisons, était la place vague et assez exiguë où les bouchers avaient le droit de tuer leurs bêtes. Peut-être, sur le milieu de cette rue, donnait celle des « Grangettes », où était au siècle précédent la « maison forte » ou « grande maison » de la Ville haute. Mais ni la rue ni la maison ne figurent dans les documents du XVIe siècle.

Parallèlement à la rue du Tribel, devaient se trouver les rues du Paradis et du Four. Nous n’avons pas trouvé le nom de la première, qui n’était évidemment qu’une ruelle, mais nous savons que, du XVIe au XVIIe siècle, il eut, derrière l’église Saint-Pierre, une maison tenue en fief du duc et appelée « le Paradis », entre la place de l’Église et la Grande rue, c’est cette maison qui a évidemment donné son nom à la rue. Quant à la rue du Four, que les documents signalent un peu plus tard et qui correspond à la rue actuelle du Musée, elle faisait également communiquer la rue et la place, limitait la Halle au Sud et tirait évidemment son nom de ce qu’elle renfermait le four banal, qui était ainsi voisin des pressoirs.

L’église, ou plutôt la collégiale Saint-Pierre, fondée au XIVe siècle, était à peu près achevée vers la fin du XVIe. Elle comprenait alors une façade ogivale du début du siècle, et à l’intérieur de nombreuses chapelles. On trouvait à droite, en se dirigeant vers le chœur, les chapelles des Fonts, érigées au début du siècle, la chapelle Notre-Dame-de-la-Pitié, la plus vaste, les chapelles Sainte-Anne, Saint-Sauveur et Sainte-Madeleine, datant toutes du premier quart du siècle. A gauche, en allant du chœur au clocher, la chapelle Sainte-Marguerite, voisine de la maison du doyen, rebâtie vers le début du siècle, la chapelle de la Résurrection fondée vers la fin. L’intérieur en était fort orné ; on trouvait de beaux fonts baptismaux et on admirait sans doute déjà le crucifix de Ligier-Richier. L’église était surmontée d’un clocher renfermant trois cloches.

Devant l’église, s’étendait la place Saint-Pierre, où une terrasse avait été déblayée depuis le milieu du siècle. De cette place, partait la rue appelée tantôt rue Saint-Pierre, tantôt « rue descendant de la Halle ». Là, s’élevaient certainement de riches et belles maisons, comme celle que possédait, vers le milieu du siècle, l’avocat fiscal Jacques Drouin et qui allait jusqu’au Tribel, celle que Claude Chebillon, valet de chambre du cardinal de Lorraine, avait à l’angle de la rue et de la place et dont il égalisa les deux étages jusqu’alors en encorbellement. Sans doute aussi la belle maison située à l’angle de la rue du Four, où se trouve aujourd’hui le Musée et qui était peut-être occupée à la fin du XVIe siècle par Jean de Florainville.

A la rue Saint-Pierre, faisait suite la rue Chavée : à côté de maisons assez ordinaires, habitées par de petites gens, elle devait, à ce moment même, s’embellir des hôtels qui portent encore aujourd’hui les dates de 1578 et 1583 et de celle de la place de la Fontaine qui ont toujours leurs étages surmontés par des cordons de pierre en torsade. C’était évidemment les demeures de gros personnages, comme Jean Preudhomme qui habitait à la jonction des rues Chavée et Saint-Pierre.

 

Le Château

Après avoir traversé les fossés sur un pont-levis, on arrivait de la Halle au Château par la Porte du Baile, ainsi nommée de ce qu’elle menait à la première enceinte. Cette entrée était double, la première de ses portes donnant du côté du Château, la seconde, ou « porte du Baile du côté d’en haut », vers la Ville haute. Cette dernière parait avoir été la plus importante : son portier, Jean Prinsay, était en même temps le fontainier du château, sans doute parce que la fontaine qui alimentait celui-ci passait par la porte. Il habitait avec l’apothicaire du duc « la maison et tour du fontenier » située au Baile. Cette tour, construite par les habitants des villages voisins (Savonnières, Combles et Véel, dont les descendants mâles, furent, pour cette raison, exemptés du droit de chinerie), était au moins aussi considérable que celle de l’Horloge, à laquelle elle répondait au Sud-Ouest.

Comme la plupart des tours du Château, elle portait différents noms : Tour du Baile, pour sa situation, Grosse Tour, pour ses dimensions, Tour Ronde pour sa forme, Tour des Prêtres, pour des raisons anciennes. Elle était défendue, du côté des fossés, par un boulevard à canonnières avançant le long de la rue de Véel depuis la Porte Phulpin jusqu’à l’extrémité Nord-Ouest de la butte du château.

A cette extrémité, à l’endroit où le Baile faisait un saillant en arc de cercle, se trouvait la Porte de la Carole ou « Porte de la Côte de l’École », qui faisait communiquer le Château avec le Bourg par la Côte de l’École ou Côte des Prêtres. Cette porte était également double et comprenait, entre ses deux parties, la maison et boutique de « l’artillier » Jean Phillebert, ce qui la faisait aussi nommer « Porte L’Artillier ». Elle était d’abord couverte d’une galerie que l’on diminua ensuite. Sa défense était assurée par une forte tour, appelée la Tour Carrée ou la Tour Noire à cause de sa forme et de son ancienneté. Cette tour, voisine de la Conciergerie, ne parait plus guère avoir servi que de prison civile, comme la Tour Jurée de prison criminelle, et parfois les prisonniers en perçaient également les murs.

Un boulevard reliait à cette tour et entourait celle qui portera plus tard le nom de Tour Valéran, Tour Ronde ou Belle. On l’appelait au XVIe siècle Tour du Donjon ou des Armes parce qu’elle servait d’arsenal ; on y mettait notamment les arquebuses à croc.

Après une suite de bâtiments surplombant une côte à pic et bordés aussi parallèlement par un boulevard, se trouvait la Tour de l’Horlogeou du couvre-feu, correspondant du côté du Nord-Est à la Tour du Baile et, comme elle, dominant le jardin du château. A la fin du XVIe siècle, la Tour de l’Horloge avait tant d’importance qu’on l’appelait quelquefois « la tour du Château ». On l’avait élevée d’un étage au commencement du siècle et restaurée dès 1571. En 1588, on en refit complètement les charpentes de l’intérieur et de la toiture et on recouvrit complètement celle-ci.

La cloche de l’horloge, refondue en 1554 par deux fondeurs de Germainvillers et pesant 1 022 livres, avait eu pour marraine Marie, sœur de Gilles de Trèves, le futur doyen de Saint-Maxe. Elle était soutenue par un « travail » composé de deux bras de 15 pieds, appuyés à une poutre de 20. Le gros et le moyen poids de l’horloge pendaient à des cordes de chanvre longues toutes deux de 20 toises et épaisses, l’une d’un pouce, l’autre de un doigt. L’entretien de l’horloge était assuré, pour une durée de quatre ans, par le serrurier et horloger du château, Joachim de la Garde, véritable fonctionnaire qui régla l’heure des Barrisiens depuis 1560 jusqu’à la fin du siècle.

De la Tour de l’Horloge, l’enceinte du Château rejoignait la Porte du Baile en dessinant vers la Halle une combe légèrement convexe. Cet arc de cercle était divisé en trois parties presque égales par deux tours, dont la première avait été la « tour du Sarrier » ou serrurier, et dont on ignore le nom de la seconde. Au XVIe siècle, ces deux tours paraissent avoir perdu leur ancienne importance, car on ne les appelle que les « tours du jardin du château » et la seconde est plus particulièrement nommée la tour « joignant la porterie du jardin du Château ».

Ce dernier était séparé de la Halle par un fossé profond de 35 pieds, où les Barrisiens faisaient des jardins, bâtissaient des étables et même de petites maisons en temps de paix. Au moment où il craignait la guerre avec la France, Charles III commanda au bailli de Bar d’« accommoder le pied de la muraille du côté de la Ville haute depuis la Tour de l’Horloge jusqu’au pont-levis » de la Porte du Baile et l’on dut évidemment faire disparaître jardins et constructions.

A l’intérieur des murailles, se trouvait le château proprement dit et le jardin. Le château comprenait, du côté de la rue de Véel et de la Ville basse, deux groupes de bâtiments séparés par des cours. Ces cours étaient elles-mêmes partagées par l’église Saint-Maxe en une Grande et une Petite cour. Quand on avait traversé le fossé par un pont-levis, on entrait dans la Grande Cour par la porte principale, à l’emplacement de la « Belle Porte » actuelle, qui date du XVIIIe siècle. Cette porte, située « au bout bas du Baile » du Château, fut refaite, un peu avant la fin du siècle, en pierres de taille avec des matériaux empruntés à d’anciens bâtiments du château et devint une « neuve porterie », sans doute plus solide et plus élégante que l’ancienne. La Grande Cour, à peu près carrée, avait environ 28 toises 1/4 de côté ; elle était pavée sur toute son étendue.

A gauche de cette cour, du côté de la Ville basse, se trouvaient les anciens bâtiments et leurs dépendances. Ils comprenaient des salles d’apparat et une chambre réservée au duc. La première de ces salles publiques était la Grande Salle ancienne, devenue la Salle des États, la plus vaste de toutes, car elle avait au moins 44 pieds de long.

Les documents la distinguent toujours de la Salle carrée et de la Grande Salle et l’appellent la Chambre du Commun, la Salle commune ou simplement la Salle du Château. Elle était, semble-t-il, voisine de la Salle carrée ou Salle des Assises, ainsi appelée en raison de sa forme et de sa destination. Une allée pavée conduisait à cette Salle commune, qui était éclairée au Nord, du côté du Jeu de Paume, par plusieurs croisées à châssis, ferrées et à losanges, et chauffée par une grande cheminée sur la largeur de laquelle régnait un contrefeu de pierres bises. Le foyer était pavé et le reste de la salle recouvert d’un plancher.

A cette salle, attenait l’ancienne « tournelle », escalier à vis qui permettait d’accéder à la fois au-dessus et au-dessous, jusqu’au Jeu de Paume et sans doute à la cave voûtée que, dans les dernières années du siècle, l’on établit sous la Salle des Assises. Celle-ci était séparée de la Grande Salle par l’escalier et par une allée, fermée par un grand huis et éclairée par une grande fenêtre d’égale largeur. La Grande Salle, qui prenait jour sur le Bourg par des fenêtres à vantaux percées dans une muraille de trois pieds d’épaisseur, était la salle d’apparat pour les réceptions du souverain. Comme elle était située au bout du garde-manger et près des cuisines, elle devait surtout servir aux festins. C’est sans doute dans son voisinage que se trouvait la Salle des Chambellans, qui s’ouvrait au rez-de-chaussée, sur la grande cour, à 15 ou 17 toises environ du grand puits.

En dehors des bâtiments, du côté du Bourg, était le Jeu de Paume ou « tripot », construit sous la Salle des Assises et la Grande Salle. En 1571, on en releva la terrasse avec de la terre et du ciment, on la consolida avec de la pierre de Trémont et des pavés renforcés et, par deux fois, le peintre du duc, Claude Gilbert, en noircit à la colle, les murailles intérieures. Il y existait une chambre avec croisées et toit en briques, qui permettait sans doute de jouer à la courte paume en dépit des intempéries.

Le maitre du Jeu de Paume ou « paumier » habitait au château. Son office était à la nomination du duc.

Au delà de ces salles publiques, étaient les appartements privés. « Le corps de Logis » du duc comprenait au moins trois pièces, qui donnaient toutes sur une grande allée ou galerie bordant la cour. Cette galerie aux murs blanchis était d’abord assez obscure, jusqu’à ce qu’on l’éclairat par des lucarnes en forme de flamandes qui furent décorées de panneaux de verre neuf « façon de moresque », assez bas à l’origine et qu’on rehaussa ensuite.

La première pièce était la salle ou chambre du duc, communément appelée «  la Nouée ou la Novée ». « Un pan de muraille de carreau et pierre de taille », percé d’une grande fenêtre au-dessus de la grande porte, la séparait de la galerie ; une vaste cheminée la chauffait. La seconde pièce, qui était contiguë à la chambre, était la « sallette » ou antichambre du duc, éclairée, semble-t-il, par des lucarnes et ayant une toiture lambrissée. Ces deux pièces paraissent avoir été respectivement prolongées par un cabinet couvert d’ardoises, contenant un comptoir avec « une table en noyer pour servir d’autel » et par une garde-robe pour le duc.

A ces pièces, attenait peut-être le bureau situé au-dessus des cuisines. La dernière pièce, voisine de l’office, était la salle à manger du duc, éclairée de quatre fenêtres en lucarnes, garnie d’un plancher et d’une énorme cheminée. Enfin, près de l’allée et de la chambre du duc, courait, dans la tour de la vis, un escalier qui menait aux chambres et au galetas du second étage.

Le corps de logis du duc parait avoir été continué au-dessus des cuisines et jusqu’au jardin par le « logis ou pavillon » du marquis de Pont-à-Mousson Henri, son fils ainé. Comme ce premier corps de logis, il comprenait au moins un étage, et toutes les pièces étaient précédées d’une allée. Au rez-de-chaussée se trouvait une cuisine, puis la chambre du gouverneur du prince, M. de Beauveau, renfermant une cheminée aux armoiries taillées en relief.

Au premier étage, il y avait une panneterie, un bureau et un oratoire au-dessus de la cuisine, puis, au-dessus de la chambre du gouverneur, venait celle du marquis, dont le manteau de la cheminée portait « en grand les armoiries écartelées ». Cette chambre était précédée d’une antichambre et suivie de cabinets recouverts de planches. A la fin du siècle, ce pavillon fut occupé par le bailli pendant qu’on en préparait un autre pour le marquis, qui allait devenir duc de Bar.

Sans doute, les autres fils du duc reçurent leur appartement séparé, à mesure qu’ils avançaient en âge. Nous en ignorons l’emplacement, mais nous supposons qu’ils étaient voisins des précédents.

C’est ainsi que le comte François de Vaudémont, second fils du duc, avait « au pied du château », le long de la muraille et sans doute auprès de celui du marquis, un corps de logis comprenant une chambre haute, c’est-à-dire un étage, tandis que le cardinal Charles de Lorraine, troisième fils du duc, n’avait qu’une chambre avec une galerie ou allée.

Depuis longtemps, le marquis de Chaussin, parent des princes lorrains, avait, peut-être sous les toits et par suite au-dessus de la chambre du cardinal, un logement ou plutôt une chambre. Ces logements des frères du marquis furent augmentés en même temps que le sien, quand il obtint dans le Neuf-Logis, situé en face, un pavillon à double étage, le comte eut une garde-robe, le cardinal une antichambre et ces deux pièces reçurent un plancher.

Outre ces appartements destinés aux hommes, le château comprenait, pour les femmes, des logements qui en étaient sans doute voisins. La duchesse Claude avait eu tout un corps de logis avec galerie, salle, antichambre et garde-robe et au moins deux cabinets. Les châssis des fenêtres en étaient « accoutrés de verre et papier », pour garantir du froid. Ce corps de logis était évidemment contigu à celui de Charles III, puisque la duchesse avait fait établir un autel dans le cabinet de son mari. Aussi ce logis dut-il passer au marquis après la mort de sa mère(1575). A la différence de leurs frères, les filles du duc ne paraissent avoir eu qu’un appartement commun, car les documents parlent de « la chambre des filles », sans jamais spécifier.

Entre les bâtiments publics et privés, étaient disposés les offices et les cuisines du château, situés au rez-de-chaussée et surmontés de logements pour le personnel.

On trouvait sans doute successivement, comme plus tard, la cuisine voûtée, l’échansonnerie, le grand four et le puits. Mais nous n’avons de détails que sur l’emplacement et surtout le fonctionnement de quelques-uns de ces bâtiments ou de ces offices.

La boulangerie et la pâtisserie étaient, avec la chambre à four, situées près de la Petite Cour. La Grande Cuisine renfermait plusieurs chemi- nées, dont la plus vaste, protégée par un contrefeu de carreaux neufs, avait un âtre cintré de 15 pieds de long sur 4 1/2 de large.

C’est dans cette cuisine que l’eau de la fontaine Bourrault arrivait depuis la chancellerie par des cors en bois de 200 pieds de long sur 1 de face. « Pour garder le passage vif », on avait ajusté ces corps à deux grandes pierres de Trémont creusées jusqu’au « robin de la cuisine ». Auparavant, on tirait l’eau d’un puits situé sur le bord de la cour, à côté et au nord de Saint-Maxe et qu’on avait enfermé dans une chambre spéciale par une forte porte, garnie d’une serrure et d’un bracon ou pièce de bois. On y puisait l’eau avec des seaux pendant à une corde ou à une chaîne de 30 pieds, qu’on remontait en tournant une roue attachée à un arbre à tourillon. On n’employait, d’ailleurs, ce puits que dans les moments de grande sécheresse ou lorsqu ‘on redoutait un siège. Pour parer à toute éventualité, on avait établi une vaste citerne dans la grande cour, près de la muraille.

C’était sans doute au-dessus des cuisines que logeait le grand maitre ou maître d’hôtel, M. de Bovigny, et le garde de vaisselle. L’échansonnerie, dirigée par le mutier ou tonnelier, formait un logis spécial, sans doute au-dessus et auprès des caves principales. Il y avait, en effet, plusieurs caves, dont la Grande Cave située, semble-t-il, dans le voisinage des cuisines et une autre près de la Grande Galerie, c’est-à-dire en arrière, près du jardin. On y faisait descendre les tonneaux à l’aide de deux énormes cordes pesant chacune 38 livres.

Plus tard, quand on agrandit les appartements du château, on creusa de nouvelles caves. L’une d’elles, située sous la Chambre des Chambellans, fut peut-être appelée cave Bertrand, l’autre, placée sous la Salle des Assises, était maçonnée et voûtée ; elle parait avoir été la plus considérable et la meilleure.

A ce premier groupe de bâtiments correspondait à droite de la Grande Cour, une aile encore plus irrégulière formant les bâtiments du domaine. Une grande porte de bois ornée d’une voussure et surmontée d’un petit toit, séparait cette Grande Cour d’une petite cour pavée qui précédait la Conciergerie. Ce bâtiment servait, comme la Tour Jurée, de prison criminelle, mais il était moins important et nous le connaissons beaucoup moins. Nous savons seulement qu’il avait un étage, comprenait la cuisine, le garde-manger et sans doute l’habitation du gardien, et que deux chambres pavées constituaient la prison qui devait se trouver au rez-de-chaussée. Les murailles en étaient peu solides, car les prisonniers les rompaient de temps en temps.

Derrière le corps de logis de la Conciergerie était un jardin assez grand. Peut-être s’en trouvait-il un plus petit du côté de la cour. Le concierge, comme les portiers des principales portes, était nommé par le duc.

Sur la Grande Cour, entre la Conciergerie et la Grande Porte, était le corps du logis, où demeurait le portier de la Porte du Château Jean Prinsay, en même temps huissier de la Chambre des Comptes. Son logement comprenait une cave, un rez-de-chaussée avec cuisine à plancher et une chambre haute. Le concierge avait, semble-t-il, par derrière un jardin particulier, auquel il descendait par un escalier de huit marches. Nous n’avons trouvé à peu près aucun renseignement sur la Chambre des Comptes elle-même, dont la façade, sculptée en 1523 et qui existe encore en partie, présente un spécimen si curieux d’architecture locale.

Il n’est pas question du « Petit Trésor » des Chartes et presque pas de la Chambre ou Salle d’audience. Nous savons seulement que le bâtiment avait plus d’une porte d’entrée et que la pièce principale, évidemment la salle, renfermait une grande cheminée avec une grande taque. Au contraire, les documents abondent sur les dépendances de la Chambre des Comptes : comme la Conciergerie, elle était précédée d’une cour et suivie d’un jardin auquel on arrivait par un escalier droit. L’huissier y entretenait, contre les murs du bâtiment, à grand renfort de montants et de perches, des treilles de muscadets et de chambrets ainsi que des rosiers et d’autres plants venus de Provence, qu’il faisait recouvrir de terre grasse.

D’autres bâtiments faisaient suite à la Conciergerie et à la Chambre des Comptes. Charles III, trouvant évidemment trop restreints ceux de l’aile primitive, avait fait construire en face, vers 1566, un nouveau bâtiment nommé le Neuf logis. Nous n’en connaissons pas la disposition, parce que presque tous les registres de cette époque sont perdus. Nous savons seulement que le Neuf logis était composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage et qu’on y ajouta en 1574 des cabinets d’aisances, construits « à l’endroit du Baile », c’est-à-dire du côté opposé à la cour. Destiné à s’ajouter aux autres et à servir en cas de besoin, ce bâtiment n’avait pas de destination précise : les chambres du rez-de-chaussée et de l’étage, après avoir été un arsenal, devinrent un grenier, d’abord à grain, puis à sel. Lors du séjour des ducs à Bar, on y mettait les châlits, peut-être pour y loger des gens de la suite du prince.

Au delà du Neuf logis était la « Chambre des Prêtres » et « le corps de logis du doyen de Saint-Maxe » ou doyenné, qui comprenait au moins trois pièces, dont la première était l’écritoire ou cabinet de travail, la seconde la Chambre et la dépense, éclairées chacune par une fenêtre donnant sur le Baile, la dernière l’habitation des chapelains.

En face de ces logements, entre la Grande et la Petite Cour, se trouvait la Collégiale Saint-Maxe. C’était un bâtiment assez petit, qui avait la forme d’une croix latine, et comprenait une grande nef et trois nefs secondaires. La collégiale Saint-Maxe était l’église des ducs de Bar, dont elle renfermait les tombeaux. Aussi était-elle la plus richement dotée et la plus magnifique de toute la ville : on y trouvait de nombreuses chapelles, comme celles du Saint Esprit, de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Étienne. Les principales étaient à gauche, les chapelles de Notre-Dame, comprenant celles de l’Annonciation, de la Conception, de l’Assomption et de la Pitié.

La plus remarquable était, à droite, au fond, la chapelle des Princes, érigée en 1549 pour les tombeaux des ducs par le doyen Gilles de Trèves sur les plans de Ligier-Richier, dont l’autel portait une Annonciation, œuvre du grand sculpteur qui faisait l’admiration de Montaigne. La sacristie, reconstruite par le doyen sous la direction du même artiste, renfermait, entre autres objets précieux, la châsse de saint Maxe, le palladium de la cité barrisienne, et les chartes de la collégiale. L’eglise, assez enfoncée, était surmontée d’un clocher élevé, dominé par une flèche élancée, terminée elle-même par une croix dorée visible au loin, du plus gracieux effet. Le clocher renfermait quatre cloches et était recouvert, ainsi que la toiture de l’église, de tuiles creuses et plates.

Cette église était réunie l’oratoire du duc par une galerie qui séparait la Grande de la Petite cour. Cette dernière, ou « Cour derrière Saint-Maxe», était d’abord assez étroite et fut ensuite élargie. Au fond de cette cour, entre la collégiale et le jardin, était un pavillon contenant les dépendances de l’habitation ducale, comme la Neuve cuisine et, semble-t-il, une garde-robe.

Depuis ce bâtiment jusqu’au corps de logis du marquis et, par suite, en bordure du jardin, était une galerie où le maitre maçon Antoine Gratas avait exécuté, en mars 1585, sans doute pour la supporter, « quatre colonnes de l’ordre dorique avec leur piédestal ».

Enfin, perpendiculairement à cette galerie et le long du boulevard tirant à la Tour de l’Horloge, était la Grande galerie du jardin, couverte d’une toiture d’ardoises où était creusée une cuvette et percée du côté des Buttes, c’est-à-dire à l’extérieur, de lucarnes ou flamandes. La Grande galerie était surmontée d’un étage servant de grenier. Cet étage était fermé sur toute la longueur et à l’extrémité de six ventillons, destinés empêcher la neige d’entrer. De l’extrémité orientale de la galerie un pont de planches oblique ou anglet conduisait à l’horloge. Au-dessous de cette galerie se trouvait l’écurie, qui servait, au besoin, de cellier pour les fruits et de serre pour les plantes et où on descendait par une rampe en pente douce. Les chevaux attachés par des longes et des cordeaux et séparés par des boutants fixés au mur par des barres, recevaient dans des rateliers, l’avoine conservée dans le grenier.

Entre ces deux galeries, le Baile et Les fossés de la Ville haute, s’étendait le jardin, nommé « Grand jardin du Château », sans doute par opposition à celui de la Chambre des Comptes. On y entrait par différentes portes, dont la principale, la Grande porte, ou « porterie de la première porte du jardin », avait été bâtie, d’après les plans fournis par la Chambre des Comptes, par le maître maçon Antoine Gratas, assisté du maître charpentier Nicolas Du Hamel, du menuisier Jean Lallemand et du maître serrurier Joachim de la Garde. Cette porte était voisine d’une tour, évidemment la tour anonyme qui se trouvait entre la Tour du Sarrier et la Tour du Baile, et prenait sur la rue du Baile actuelle.

Le jardin proprement dit comprenait plusieurs allées et au moins deux parterres. Comme dans celui de la Cour des Comptes, il renfermait des rosiers et des treilles de muscadets, son jardinier mettait des perches aux treilles et empaquetait les rosiers pour les soutenir, mais ce jardin était en outre planté d’arbres tirés de Vaulx de Metz et d’ifs provenant de la forêt de Briey.

Quand Antoine Gratas faisait des réparations au château, il faisait porter dans les parterres et autour des treilles la meilleure terre qui se trouvait « contre la grande muraille au bout du jardin » et laissait une partie des pierrailles et de la grève dans les allées pour en combler les fosses. D’ordinaire, on enlevait les immondices et on sablait les allées du jardin. Toutefois, on en pavait tous les endroits très fréquentés, comme les abords de la porte, les allées voisines de la maison du jardinier et les parties situées au-dessus des clés de la fontaine.

Celle-ci était la grande curiosité et la grande rareté du jardin. L’eau y arrivait par la porte du Baile, dont le portier était le fontainier du château, au moyen de corps de plomb et de bois, soudés et réunis par de la résine. Au centre du jardin, la fontaine était aménagée en un jet d’eau recouvert d’une toiture en ardoise, sous laquelle se trouvait sans doute le joli pont qui datait de cette époque. De là, l’eau s’en allait par un corps de plomb jusqu’à la citerne du château.

L’office de jardinier du duc était par conséquent, des plus importants. Son titulaire était nommé par le duc, et prêtait serment à la Chambre des Comptes. C’était alors Claude de Gênes, venu sans doute de ce coin de l’Italie où les habitants créent sur des rochers des jardins fleuris. Il habitait un logement spécial, couvert de tuiles creuses, qui comprenait une chambre du derrière et une cuisine située sans doute sur le devant, un four à sécher les fruits avec âtre de carreaux de Rambercourt et autel de bouche », une cave ou cellier à larmier, de neuf pieds de profondeur et de seize pieds carrés, creusée dans une fosse. Ce logement était situé à l’extrémité du jardin et de la grande galerie, sous le pont qui joignait celle-ci à l’horloge.

Derrière la chambre, se trouvait une casemate sous les Buttes. Ces Buttes étaient appelées aussi « Buttes de la côte de la Halle » et « Buttes des Arbalétriers », parce qu’elles aboutissaient à la Ville haute et qu’elles avaient évidemment servi de but au tir des fantassins du moyen âge. C’étaient sans doute des levées de terre placées en dehors du jardin, le long de la grande galerie, se continuant jusqu’à la terrasse du Jeu de Paume et qui se terminaient par un talus à pente raide. Au sommet de la levée, était un sentier appelé chemins des buttes ou ruelles des buttes et du tripot, qui appartenait au duc. C’était probablement une sorte de chemin de ronde qui longeait le mur d’enceinte et se prolongeait jusqu’à la Carole du Baile.

L’évêché de Verdun (3)

 

D’après un article écrit par l’Abbé Gabriel, aumônier du collège de Verdun
Publié dans la « Revue de la Société des études historiques » – Année 1886

Le diplôme impérial de 1156, enfin, énumère quelques terres, abbayes et châteaux-forts, qui font partie du temporel de l’Évêché-Comté de Verdun. Nous ne parlerons que des châteaux-forts.

Valdentiam castrum

Ce château de Valdens, avec quatre ou cinq villages qui dépendaient de cette seigneurie, était situé sur la Moselle à 8 lieues au-dessous de Trêves. Il était inféodé à de puissants seigneurs du pays. Mais l’Évêque de Verdun pouvait y entrer qu’il fût ou non, en guerre « in guerram sive extra guerram ». Et s’il arrive que ledit Évêque ait guerre, il use de la forteresse comme étant sienne et le Comte de Valdens qui est son homme-lige, après avoir mis le château et toutes ses munitions à la disposition de l’Évêque, est tenu de l’aider contre ses ennemis, de tout son pouvoir. L’Évêque pourra aussi tenir sa cour épiscopale dans ce château.

Castrum Deus-Levard

Le château de Dieulouard, sur la Moselle, non loin de Pont-à-Mousson, du côté de Nancy, tout près de l’ancienne ville Gallo-Romaine de Scarponne. Dans certains actes latins, on le nomme aussi Dei custodia, à la garde de Dieu ou bien Dieu le warde, Dieu le garde. Le château et la seigneurie de Dieulouard, dépendance de l’Evêché de Verdun, se trouvaient en pleine Lorraine, et ne pouvaient être que peu utiles à nos Évêques. Aussi, le plus souvent, étaient-ils engagés à des seigneurs lorrains, pour argent, ou secours d’armes fournis à l’Évêché.

Castrum Wentronis-Villa

Le château de Watronville, à l’Est, près de Verdun, sur une hauteur escarpée de la chaîne de montagnes que nous appelons les Côtes, et que la géographie moderne nomme l’Argonne orientale. Cette chaîne sépare la plaine de Woëvre de la vallée de la Meuse. Il est souvent question de la forteresse de Watronville dans notre histoire. Le seigneur de Watronville était Baron-Pair de l’Évêché de Verdun. Il reste quelques pans de murailles de l’ancien château-fort.

Viennam-castrum

A l’extrémité sud des montagnes de l’Argonne, entre Beaulieu et Passavent, s’ouvre une très étroite vallée. Elle court du sud au Nord, comme le massif argonnais, qu’elle coupe en deux dans le sens de sa longueur, et dont elle fait une double chaîne. Sur les deux côtés de la vallée, autrefois célèbre par ses gentilshommes verriers, les flancs de la montagne sont tellement à pic qu’il semble qu’on a de chaque côté une muraille boisée.

Au fond, coule un petit ruisseau autrefois canalisé : c’est la Biesme, qui sort d’étangs cachés sous bois, et qui servaient autrefois de limites entre les terres de France et d’Empire. La longueur de cette vallée est d’à peu près une demi-journée de marche.

A mi-chemin, elle bifurque et jette, sur sa droite, un rameau qui perce l’épaisseur de la montagne du côté de Verdun : c’est le défilé de Clermont. Puis elle va elle-même, en obliquant un peu à gauche, aboutir aux plaines de la Champagne, après avoir à son tour, percé la montagne de ce côté.

C’est au débouché de la vallée de la Biesme, sur la Champagne, que se trouve Vienne-Le-Château. Milon de Vienne parait et signe aux assises tenues à Verdun par Godefroy le Barbu en 1062… Jefride de Vienne signe l’acte de garde de Beaulieu en 1172. Enfin nous avons pour Vienne, les lettres de foi et hommage, de « Jehans de Bar, chevaliers, frère de Henry cuens de Bar, à Monsignour Jake, par la grâce de Dieu, eveske de Verdun », dont il se dit « être devenu hom liges, devant hommes ». Cet acte est de 1294.

Claro-montem castrum

Le rameau long de 4 000 pas, que la vallée de la Biesme jette sur sa droite et dont nous venons de parler, était aussi fermé, à son débouché sur Verdun, par une forteresse importante, plantée au sommet d’une montagne escarpée, et dominant au loin la plaine où coule l’Aire.

C’est Clermont, qui était une bonne position pour les pillars. Clermont fut prise par Thierry, inféodé au comte Renaud le Borgne, de Bar, pour compensation de la suppression de son titre de Voué de l’Evêché, en 1138 ou 1140.

Dunum castrum

Le château de Dun ne parait pas avoir été primitivement du Comté de Verdun. Il était du Comté de Dormois, enclavé dans le Verdunois, « in comitatu Dulcominsi » dit une charte de 1065. Ce fut l’évêque Thierry, qui s’en empara en 1064. Othon III ne l’avait pas mentionnée comme forteresse épiscopale.

Dun, château très fort, avait appartenu d’abord aux comtes de Dormois, dont le village de Doulcon, tout près de Dun, était la petite capitale. Passa à la maison d’Ardenne vers 980. Fut conquis par l’évêque Thierry inféodé aux d’Apremont qui le possédèrent pendant près de 250 ans. Puis, en 1317, possédé par Bar, jusque 1640. Cédé à la France et par la France aux Condé.

Mireuval castrum

Ce château de Mureau, à l’extrémité nord-est du comté de Verdun, était situé sur une montagne très élevée, et ayant à peu près 1 000 pas de long. Sa position le rendait presque inaccessible.

C’était une avant-garde contre les terres luxembourgeoises dont faisait partie la forteresse de Damvillers, qui se trouvait presque à ses pieds, au couchant. Mureau avait été donné à l’évêque Thierry par la grande marchise Mathilde. Il n’était pas non plus fait mention de Mureau dans le diplôme d’Othon III. Le possesseur du fief de Mureau était Baron-Pair de l’Évêché.

Aujourd’hui, le château est complètement démoli, il n’en reste plus le moindre vestige. Il ne reste au bas de la montagne qu’une ferme et une maison de maître qui a conservé son nom. Cette maison, dit-on, a appartenu au fameux Latude qui, entre ses évasions de la Bastille, demeura caché dans les bois voisins, où sa femme, chaque jour, lui apportait sa nourriture.

Hattonis castrum

Le château d’Hattonchâtel était la plus ancienne et l’une des principales forteresses de l’Évêché. Il doit son nom à l’évêque Hatton (de 859 à 870).

Placé sur un promontoire de la même chaîne des Côtes, que le château de Watronville, mais à 25 kilomètres au sud-est, Hattonchâtel domine, de plus haut et plus au loin, les vastes plaines de la Woëvre qui se déroulent à ses pieds, de droite et de gauche. De là, la vue s’étend presque jusqu’à Metz.

Aujourd’hui, le château a disparu. Quelques pans de muraille, cachés dans des constructions modernes, en gardent seuls le souvenir. Mais le beau village qui s’est formé autour du château reste sur sa montagne.

Hattonchâtel resta aux évêques de Verdun jusque 1550, époque où il fut cédé aux Lorrains par Nicolas Psaulme. Fut érigé en marquisat pour un prince de cette famille, et réuni la France en même temps que la Lorraine.

Sampiniacum castrum

Le château de Sampigny, sur la Meuse, aux frontières sud de Verdun, près de la principauté de Commercy. Ce domaine fut donné à l’évêque Saint-Airy, par le roi Childebert Il. Les successeurs de Saint-Airy firent fortifier cette position, parce qu’elle pouvait défendre de ce côté l’entrée des terres de l’Évêché. Elle était dans la vallée, c’est vrai, mais les eaux de la Meuse, qui inondaient ses fossés, en rendaient l’accès difficile.

La forteresse de Sampigny ne consistait pas seulement dans le château. Mais la ville elle-même, car au moyen-âge, on pouvait donner le nom de ville à cette localité, la ville elle-même était entourée de hautes et épaisses murailles, qui ont soutenu plusieurs sièges. Il ne reste absolument rien des anciennes fortifications.

Septiniacum

C’est la ville de Stenay. Jamais nom de ville n’a subi autant de changements. Stenay, du diocèse de Reims, a une histoire intéressante. Cette ville était possédée en alleu par la maison d’Ardenne.

Elle fut encore conquise par l’évêque Thierry-le-Grand, et réunie à l’Évêché par donation impériale, en 1086. Par conséquent, le diplôme de 990 n’en parle pas. La ville et forteresse de Stenay ne resta pas longtemps à Verdun. L’évêque Richard de Grandpré l’engagea à Luxembourg. Rachetée, elle fut cédée par l’évêque Henry de Winchester à Renaud le Borgne du Barrois, elle passa à la Lorraine et de la Lorraine à la-France, en 1640. Elle soutint plusieurs sièges fameux.

 

Ce sont là, les principales forteresses qui défendaient le Verdunois au XIe siècle. On remarquera que deux d’entre elles sont hors de ses limites : Valdens et Dieulouard.

A cette époque de guerres continuelles, non seulement de princes à princes, mais encore de petits seigneurs à petits seigneurs, il était peut-être avantageux d’avoir ainsi un pied chez l’ennemi. Dieulouard fut souvent un ennui pour les Lorrains, tout comme Damvillers souvent aussi, fut une gêne pour Verdun. Baleycourt même, dont les bourgeois s’emparèrent en 1419 et qu’ils gardèrent depuis, était une forteresse luxembourgeoise tournée contre Verdun, dont elle n’était éloignée que de 6 kilomètres.

Mais, outre ces châteaux, moyens redoutables d’attaque et de défense, il y avait aussi sans doute un certain nombre de maisons fortes, que s’étaient construites les divers seigneurs, dans les campagnes, afin de se mettre à l’abri d’un coup de main.

Le Diplôme impérial accorde aux Évêques l’autorisation d’élever d’autres châteaux forts, dans l’intérieur de leurs frontières, s’ils le jugent nécessaire à la sécurité de leur territoire.

Dans les années qui suivirent, surtout dans les XIIe, XIIIe et XIVe siècles, au milieu de guerres continuelles qu’ils eurent à soutenir, soit contre les ducs de Bar, soit contre d’autres seigneurs, soit même contre les citains de Verdun, les Évêques usèrent de ce droit de souverain.

Woimbey, Tilly, Ambly, dans la vallée de Meuse, et Sommedieue dans la montagne, en amont de Verdun. Charny, Cumières, aussi sur les bords du fleuve, en aval. Bonzey, sous les côtes, à l’entrée de la Woëvre, et beaucoup d’autres villages eurent leurs forteresses à grosses tours et à hautes murailles.

 

Telle est l’origine officielle de la principauté séculière possédée pendant des siècles, par les Évêques de Verdun. Tels sont les droits réguliers que leur donnait cette souveraineté sur la Ville et sur le Comté de Verdun, droits qu’ils conservèrent, grandement amoindris, c’est vrai, jusqu’au règne de Louis XIII ou plutôt de Richelieu.

La réunion à la France de 1550 n’était, pour le dire en passant, qu’une occupation militaire de la ville de Verdun, par Henry II, à titre de protecteur.

Cependant, faisons remarquer encore une fois, que les Évêques ne prenaient pas le titre de Comtes. Ils ne sont même pas Comtes de Verdun dans le sens féodal, vrai, absolu du mot, ils en sont Souverains. Mais ils ont « dessoubs eulx un Comte comme leur officier ».

Ils ne prirent le titre de Comte, que quand ils commencèrent à perdre la puissance comtale. Et quand ils n’eurent plus l’autorité de prince, ils se qualifièrent de Princes du St Empire Romain. Ces titres honorifiques de Comtes et de Princes furent, jusqu’en 1790, pour les Evêques, des souvenirs lointains de grandeurs évanouies.

Ni le comte Frédérick, ni son frère Hermann, ne connurent peut-être jamais l’arrangement conclu à leur préjudice, ou au moins au préjudice de leur famille, entre l’empereur Othon III et le nouvel évêque de Verdun, Haymon.

L’évêque Haymon était du reste un esprit aussi conciliant qu’habile, attendant des circonstances et de l’avenir l’occasion de saisir en droit, sans commotions et sans troubles, un pouvoir qu’il possédait déjà en fait.

Il se garda bien de troubler Frédérick dans la jouissance apparente du Comté : seulement il en prit en mains le gouvernement réel. Il donna tous ses soins, soit à réparer les dommages causés à la Cité par les sièges récents qu’elle avait soutenus contre Lother de France, soit à ramener la paix et le calme dans le Verdunois troublé par les agissements des Français, à la suite du traité conclu par Godefroy-le-Captif.

L’Evêque gouvernait au nom du Comte, mais le peuple ne connut bientôt que l’Évêque.

Du reste, redisons-le encore, les deux frères, Frédérick et Hermann, étaient heureux de laisser à Haymon la gestion de la terre. Ils n’usaient de leur pouvoir que pour soulager, autant qu’il était en eux, les misères publiques. Ils n’employaient leurs biens qu’à faire des largesses aux pauvres, aux Églises et aux Abbayes, largesses dont les louent grandement les chroniqueurs de l’époque.

Lion-devant-Dun du XIVe au XVIIIe siècle

Carte Lion-devant-Dun

 

Nous avions quitté l’histoire du petit village de Lion-devant-Dun, au moment où Gauthier de Mérowald, mort, paraît-il, sans postérité, disparaît pour faire place à Henry de Mérowald.

Je vous propose de poursuivre l’aventure… Les appellations anciennes ont été respectées.

D’après le « Manuel de la Meuse » de Jean François Louis Jeantin – 1861

Henry de Mérowald, petit-fils de Philippe de Louppy

Ce personnage a joué un rôle si important dans les événements politiques du règne de Thiébault Ier de Bar, tant sur les barrisiens que sur les luxembourgeois, qu’il est indispensable d’en indiquer ici les causes et d’en montrer les résultats.

L’histoire de Louppy et celle de Lions sont liées, par leurs premiers seigneurs, à l’un des grands événements politiques de la fin du XIIe siècle : la réunion du Barrois et du Luxembourg, sous les lois d’un prince barrisien, Thiébault Ier de Stenay.

L’on a vu qu’en 1189, était arrêté le mariage de Thiébault de Stenay avec la jeune Ermesinde, âgée de 4 ans à peine. Et c’est alors que nous voyons apparaître le premier seigneur connu de Louppy et ses fils.

La charte anténuptiale constate que Thiébault, comme maître du Briacensis, a assigné à sa fiancée le château de Briey et toutes ses dépendances, avec moitié de leurs futurs acquêts. Les témoins de cet acte sont : Baudouin de Bar – Guillaume de Longwy – Gérard d’Othange, sire de Haute rive – Ulric de Florhanges, sire de Billy et d’Argentel – Lieutard de Briey, sire de Jametz – Wery de Walcourt, sire de la Fentsh (Fontois) – Philippe de Louppy, sire de Bazeilles – Hugues Beles de Triangulo.

Philippe de Louppy, parent de Gérard d’Othange, maison Clarambault de Hauterive, près d’Andenne, Philippe était, paraît il, un de ces cadets namurois, qui avait suivi Godefroid de Namur, lorsque, par son mariage avec Ermenson Ière, héritière du Luxembourg, en 1136, il avait réuni les deux comtés sur sa tête.

A la suite des Walcourt alliés à la maison de Chiny, les Clarambault d’Hauterive s’étaient établis, en franc-fiefs, sur les versants de Metz, et ils se trouvaient coindivisionnaires dans les terres novales des bassins de l’Othain, de la Tinthe, et du Loison.

On trouve tous ces Namurois, à la suite des comtes de Chiny, Louis III et Albert, réunis autour de l’évêque Adalbéron de Verdun, quand il s’agit d’établir et de doter l’abbaye de Châtillon. Alors, Philippe est sire de Bazeilles (Charte de 1163).

Quelques années après, on le trouve sire de Louppy. C’est dans la charte de 1173-1181, sous l’épiscopat d’Arnoux de Chiny, que, pour la première fois, Philippe prend cette qualification.

Ce personnage est assisté : de Gobert d’Apremont, sire de Dun, gendre du comte Louis III de Chiny – Gilbert de Werysse, sire de Cons avec Gilon de Cons - Hugues et Thiéry de Mucey – Rambauld de Chauvancy et de Gemmas - Ponce de Failly.

A tous les actes de cette entreprise, (réunion Bar – Luxembourg), en tête des plus braves, avaient figuré Philippe de Louppy, fils de Clarambauld de Xorbey, dit Alta Ripa dans la charte de 1217, par laquelle il reçut, plus tard, Habay, terre de Saint Hubert, sur la haute Semois, des mains de Waleram d’Arlon.

Et, sous Philippe, avaient milité ses fils Frédéric de Vernonbour, Arnould de Louppy, Simon de Murault, Denier de Sassey, et les petits-fils de Philippe, c’est-à-dire, Nicolas d’Othanges, sire de Hans les Marville et de Bazeilles, issu de Frédéric, et Henry de Mérowald, avec Gérard d’Haraucourt, issus d’Arnoux de Louppy.

Tous étaient l’âme ou la main du comte Thiébault. Nos quatre grand-chevaux de Lorraine ont gagné leurs éperons à cette époque-là.

Or, comme châtelain de Laferté, Henry de Mérowald était avoué des moines de Saint Hubert, pour leur prieuré de Chauvancy. Par les événements de la guerre, il s’empara de l’avouerie de Mirouart qui, pendant tout un siècle, resta dans les mains des seigneurs de Mérowald et de Lions.

Après la paix de 1199, Henry de Mérowald revint dans le Walon et dans les basses Wabvres. Là, il partageait l’avouerie de Juvigny avec son père et son frère Gérard de Remoiville, sire d’Haraucourt. Il était le fléau des vassaux de la sainte maison, comme il l’était de ceux de Saint Hubert. La charte de petit Verneuil, malheureuse commune (1204), est là pour le démontrer.

A la mort d’Ermesinde, en 1246, et alors que des démêlés sanglants s’élevèrent entre son beau-fils Henry II de Bar, et son fils (du second lit) Henry II de Luxembourg, pour la possession de Marville et de Louppy, Henry de Mérowald suivit le parti du comte barisien.

L’âge n’avait pas adouci ses mœurs féroces, et toutes ses convoitises rapaces tendaient au dépouillement des moniales de Juvigny.

A Jametz, était une chapelle dite de Sainte Marie du Mont. Aulmonée, depuis plusieurs siècles, par un archidiacre de Trêves, Rodolphe, à l’autel de Sainte Scholastique, elle était assez largement dotée. Ce vieil oratoire était la mère-église de la bourgade de Jametz.

Soutenu par son père, Arnould de Louppy, sire du Mont Saint Martin, secondé par son frère Gérard d’Haraucourt, sire de Remoiville, Henry de Mérowald s’était ensaisinné des dixmes de cette église. Après arbitrage de son ancien compagnon d’armes Henry de Houffalise, alors homme de fief de la châtellenie de Marville, et du prieur de Saint Nicolas, doyen de la chrétienté, il ne fallut pas moins que la haute autorité du comte Thibault II de Bar pour l’en faire déguerpir.

Ce turbulent seigneur avait eu un fils et deux filles. Le fils, Thiéry de Mirouart, en Ardenne, mourut sans enfants, en 1288. Isabelle, sa sœur aînée, avait épousé Jacob de Cons. Elle apporta ce château dans les mains de son mari, avec les hommages et tout ce qui était tenu, à ce titre, de la pairie de Bouillon. Marie, la plus jeune, fut mariée à Godefroid de Beaufort, seigneur de Perwez.

Alors Mérowald et Lions passèrent à Jehan de Louppy, dont il faut dire un mot.

Jehan de Louppy, sire de Merowald et de Mirebeau

Jehan de Louppy était fils de Nicolas, sire de Hans et Bazeilles (Charte de 1287). En 1285, Jehan de Merowald assiste aux tournois, donnés par Louis V de Chiny, dans sa cour plénière, à Chauvancy le château.

En 1288, Jehan de Louppy recueille les fiefs masculins de son cousin Thiéry de Mirouart. Avec Geoffrois III de Dun, son suzerain médiat, avec Gérard de Louppy son oncle, avec la plupart des autres fiefés des basses Wabvres, il concourt aux délibérations internationales pour le règlement des limites germaniques et françaises, au sujet de la mouvance des abbayes de Montfaucon et de Beaulieu en Argonne, terres que le roi Philippe de France revendiquait à l’encontre du comte de Bar Thibault II.

Les barons qui attestèrent en cette circonstance, furent : Simon, sire de Commercy – Geoffrois III de Dun, sire d’Aspremont – Henri, sire de Blâmont – Thomas, princier de Verdun - Philippe, châtelain de Bar - Jean, sire de Cons, gendre d’Henry de Mirouart - Philippe et Endes, seigneurs de Sorcy – Gérard d’Haraucourt, sire de Louppy.

On a vu les motifs qui ont entraîné partie des barons des basses Wabvres à se mouvoir, au temps du roi Jehan de Bohême, dans l’orbite du Luxembourg. A la suite du traité de 1318, entre ce monarque d’une part, Henry d’Apremont, évêque de Verdun, et Gobert V de Dun d’autre part, Jehan de Louppy-Mirowauld fut de ce nombre. Aussi, par sa charte du 13 mars 1326, le roi-comte de Luxembourg donne à noble homme, son cher et féal Jehan, seigneur de Mirabel et de Marach, chevalier, et à ses hoirs, en fief, hommage, justice, et juridiction, la ville de Maresh et dépendances, c’est-à-dire Mersch, dans le pays de Luxembourg.

Alors cette branche de Louppy disparaît des basses Wabvres et Mirowald passe aux du Castelet.

Les barons du Castelet de Lions, sous le Barrois mouvant.

Renauld de Lions et Colart de Chaumont

La querelle d’Henry III avec la France, amena l’abandon de l’indépendance ancienne des suzerains du Barrois.

La défaite de Barrisiens à l’affaire de Frouard en novembre 1309 – leur échauffourée à l’affaire de Ligny, en mars 1368 – la ruine de la maison de Dun-Apremont, en 1377 - et plus tard, la défaite lorraine à Bultgnéville, en 1431, défaite si glorieusement réparée, en 1477, par la déconfiture bourguignonne à l’étang Saint Jean …

Ces quatre sinistres causèrent : le désastre du baronnage des basses Wabvres - l’extinction de plusieurs de ses anciennes familles - la transplantation d’un certain nombre d’autres sous les Vosges et l’établissement de quelques cadets près de la capitale du Barrois.

De ce nombre furent les du Castelet-Tricaschaux, et la branche puînée des anciens Loupeïns.

Affaire de Frouard – 1309

Edouard Ier, de 1302 à 1337, n’eut pas un règne plus paisible que celui de son père : engagé dans les différends de son grand-oncle Renaud, évêque de Metz, avec Thiébault II, duc de Lorraine, il subit un échec, le 6 novembre 1309, devant Frouard. Et pendant que ses troupes périssaient dans la Moselle, le jeune prince et son entourage tombaient aux mains de l’ennemi. Ils y restèrent captifs jusqu’en 1314.

Cette affaire fut la première cause de la décadence du baronnage de Louppy. Son chef Raoul, avec Jean de Deuilly du Chaufour, son allié, furent repoussés de toute rançon. Quant au comte de Bar, heureux fut-il d’être admis à payer 90 000 livres, pour sa liberté personnelle, et pour celle de ses autres chevaliers. 

C’est alors qu’en 1326, Jehan de Mirowauld s’établit dans le Luxembourg, et que Renaud du Castelet, époux de Jeanne du Chaufour, aliéna sa portion de Lions à Colart de Chaumont, en Porceanais, auteur des du Saulcy de Jametz.

Ce démembrement de la baronnie de Mirowald reçut la sanction de Gobert VI de Dun-Apremont, époux de Marie de Bar, sœur du fameux brigand Pierre de Pierrefort, alors que les bandes d’incendiaires mettaient à feu et à sang le Verdunois, les Woepvres, et le pays Messin.

Les destinées de Lions, sous Colart de Chaumont, sous le duc Robert, sous les derniers princes de Bar, et, plus tard, sous les princes de Sedan, sont les mêmes que celles de Dun et Jametz.

Que devinrent-elles sous la Lorraine réunie au Barrois ?

L’inféodation des terrages de Lions

Affaire de Ligny – 1368

Le guet-apent de Ligny avait été funeste à ses auteurs. C’étaient, malheureusement, les Barrisiens piteusement tombés dans l’embuscade, pris eux-mêmes au piège qu’ils avaient tendus aux Messins.

Voici quels en furent les résultats :

Leur duc Robert, désarçonné, obligé de se rendre, sur les corps sanglants d’une vingtaine de ses gens immolés – le jeune comte de Salm (seigneur propriétaire de Brandeville, et d’une partie de Louppy, de Juvigny et de Remoiville), étendu sans vie près du corps du sire d’Antipray, de celui de Bultgnéville, et de ceux de Jean de Sorbey et de Jehan de la Tour devant Virton.

Soixante chevaliers, tous de haut parage, faits prisonniers avec leur prince, dont, entre autres : Robert des Armoises, de Delut - Perin d’Avoncourt, de Deuilly - Willaume de Beaurepaire - Hue de Billy - Geoffrois de Saint Baulsey, de Laferté - Thiéry de Bellefontaine - Gérard de Buxay - Gilles de Bour, ou de la Fontaine - Willaime de Bellonfort - Jehan de Chardogne, cadet de Louppy - Jean de Chastelet, de Lions - Simonin de Creuve - Ferry de Dun - Jacques d’Espinal, de Cons - Jehan Henriquet de Staules - Jacomet de Laferté, sire de Louppy - Wary de Fléville-Cornay - Durandart de la Grange - Lambelet d’Yvoi - Jean de Mars la Tour - Pierre de Moncel - Henry de Magnienville - Godmann de Marley - Gérard de Mercy – Perceval de Nettancourt - les deux Henry de Rochefort - Louis de Sancy - Ferry de Ville-ez-mont (Ville-aus-berg) - Jean et Collignon de Villers - Husson de la Val, de Bazeilles - Godefroid de Wyse, etc.

Quarante chevaliers, échappés du guêpier, par l’entrain de leurs bons ronsins de bataille, dont : José d’Apremont - Pierson d’Amelle - Henry de Boulanges - Jean de Clermont - Vellin de Chaumont - Henry de Creuve - Gilquin de Goméry, sire de Sompthonne - Finck de Housse et son suivant Jeantin l’archer - Jehan de Hadonchatel - Bastin de Sorbey, sire de Louppy - Thirion du Saulcey - Baudouin de la Tour - Erard et Jehan de Watronville pour ne citer que les plus rapprochés des basses Wabvres et du Walon.

On voit, par cette liste, quelle atteinte profonde cette échauffourée, motivée d’abord sur un simple duel, porta à la noblesse chino-barrisienne…

On comprend quelles plaies de bourse durent s’élargir, dans tant de familles, qui ne vivaient que d’extorsions sur leurs pauvres serfs, ou de courses sur les terres de l’église et de leurs voisins.Le trésor public et les ressources particulières étaient donc épuisés, depuis un siècle, quand l’affaire de Bultgnéville envoya René II captif dans la tour dite de Bar, au château de Dijon, en 1431. De là, l’échange forcé de Jametz contre Cassel.

De là, les premières inféodations lorraines des terrages de Lions.

Après la fusion des d’Orey -Mouzay dans la famille des Lardenois de Ville et Dohan, plusieurs branches féminines des de Mouzay restèrent nanties de portions des domaines de leurs ancêtres, à savoir : d’Inor et Pouilly… à Lions et Murvaux.

Ce furent notamment : les Bertignon-Mouzay – les d’Escamelle de Lions – les Bathailly-Saint Vincent de Murvaux. (Lettres patentes du duc Charles III de Lorraine, du premier mars 1691, après la prise de Jametz.) Le manoir seigneurial de Lions fut attribué, en 1633, aux d’Escamelle, qui eurent le Pavillon et ses dépendances, et aux de Saint Vincent, qui eurent les bâtiments accessoires. Les deux censes-fièfes furent partagées entre eux.

Gilles d’Escamelle, écuyer, seigneur de Berlise, Belmar, Quincy, Pouilly et Inor, époux de Marie Marguerite d’Escamelle. Cette famille disparaît de Lions dans le cours du XVIIIe siècle, par la mort du mari et de la femme, inhumés dans l’église, en 1731 et 1732.

Jean de Gentils (n° 1), chevalier seigneur de Tailly, Viviers, Artaize, Smuid, et Jean de Gentils (n° 2), seigneur des dixmes inféodées de Montigny et de Doulcom, en partie, avaient épousé, successivement, Marie Anne de Vion, dame, en partie, des terrages des Lions. De ces unions étaient nés : Louis – Jean, mort en bas âge – Nicolas, mort en bas-âge et François.

Louis de Gentils, chevalier, seigneur de Viviers, Artaize et Smuid, avait épousé Jeanne Magdelaine de Mecquenem de Mezaudel, et mourut, à Lions, le 20 janvier 1763. De ce mariage naquirent : Charles – Jean François – Simon – Charles Gaspard François – Marie Magdelaine Marguerite et Louis François.

Marie Magdelaine de Gentils, ci-dessus, devint femme de Jean Baptiste Aimé de Failly, seigneur de Villemontry. Puis les de Gentils disparaissent de Lions pour y faire place à la famille de Saint-Cyr et de Saint Pierre d’Honnoré du Luxembourg. En 1769, Joseph Léonard, chevalier de Saint Cyr, officier au régiment de Penthièvre, et sa femme Thérèse de Saint Pierre, habitaient au château de Lions.

 

L’évêché de Verdun (2)

 

 

D’après un article écrit par l’Abbé Gabriel, aumônier du collège de Verdun
Publié dans la « Revue de la Société des études historiques » – Année 1886

La Bulle impériale, donnée en 990, par l’Empereur Othon III, à l’Évêque Haymon de Verdun, n’existe plus. Il n’en reste d’autres souvenirs que la mention expresse qui en est faite, cent soixante-six ans plus tard, dans une Bulle analogue de l’empereur Frédéric surnommé Barbe-Rousse, à l’évêque Albert de Mercy. Cette mention est très positive, très précise. Les noms d’Othon, empereur, et d’Haymon, évêque, y sont rappelés, et on y cite le premier diplôme.

Dès lors, il est impossible d’en révoquer en doute l’authenticité :

« Frédérick, Empereur auguste des Romains à notre cher et fidèle Albert. Nous renouvelons et confirmons à vous, à l’Eglise de Verdun, et à vos successeurs Evêques, le Bénéfice de Comte et de Marchis, au même droit, et en la même forme qu’il a été autrefois accordé par Notre auguste prédécesseur Othon à votre prédécesseur Haymon, et à tous ses successeurs, et par lui, à l’Eglise de Verdun.
C’est pourquoi, Nous voulons que Vous et vos successeurs, ayiez à perpétuité, la libre jouissance de tenir le même comté à l’avantage de votre Eglise, d’y nommer un comte, sans nul droit héréditaire, de le gouverner à votre volonté en toutes façons.
Nous vous concédons, à vous et à vos successeurs, en plein droit, le ban, le tonneu, la monnaie et la juridiction en la cité sur toutes les causes civiles et criminelles.
Nous reconnaissons appartenir au domaine de votre Evêché, les châteaux, terres, seigneuries, cures et abbayes, dont les noms suivent : le château de Waldens, le château de Dieu-Leuvard, le château de Watron-ville, Vienne-le-château, le château de Clermont, le château de Dun, le château de Mureau, Stenay, Hatton-château, et le château de Sampigny. (*)
Et si jamais d’autres forteresses vous paraissaient nécessaires à la sûreté de votre territoire, qu’il vous soit loisible, avec la permission de notre autorité, d’en construire au dedans de votre frontière ».

Ce diplôme impérial, de 1156, portant un sceau d’or, à l’effigie de Frédérick Barbe-Rousse est appelé par nos historiens la Bulle d’or de l’Evéché, lequel en conservait l’original dans ses archives. Elle a disparu à la grande Révolution, avec beaucoup d’autres trésors historiques et archéologiques, relatifs à la Ville et à l’Evêché de Verdun. Le texte latin du Diplôme de Frédérick Barbe-Rousse se trouve dans Dom Calmet Histoire de Lorraine, Preuves historiques et dans le supplément de Mabillon de Rediplum.Nous devons nous arrêter quelques instants à cette Bulle d’or qui resta, pendant près de six siècles, avec quelques modifications, la loi constitutionnelle et politique du Verdunois.De toutes les clauses et dispositions constituant la puissance séculière des Evêques de Verdun, les unes sont générales et s’appliquent à toute l’étendue du comté de Verdun. Les autres sont plus spéciales et ne comprennent que la ville seule, dont la situation, vis-à-vis de l’Evêque, se trouve modifiée et réglée. Nous dirons aussi un mot des forteresses de l’Evêché.D’abord l’Evêque reçoit le « bénéfice de comté et de marchisat » avec le libre pouvoir de tenir ce même comté, à perpétuité. Ces mots expriment la tradition à l’Evêque de la puissance comtale, si je puis employer ce mot, et sa substitution au lieu et place des vieux comtes mérovingiens et carolingiens des siècles passés.

L’évêque de Verdun devint Comte, sans en porter d’abord le titre, comme l’Evêque de Rome était devenu roi. (Le premier Evêque de Verdun, qui prit, dans une charte le titre de comte, fut Jehan de Sarrebrück, en 1419). Il est investi de l’autorité de comte, il en a les droits et les devoirs. Il est souverain dans son Comté, souverain mouvant de l’Empire, c’est vrai, puisqu’en principe il tient de l’Empereur sa souveraineté, mais en réalité indépendant de l’Empereur dans l’exercice de sa souveaineté.

Cependant, il y a une différence entre lui et les anciens Comtes. Les anciens Comtes ne tenaient le pouvoir qu’en viager et restaient de droit, amovibles à la volonté impériale. C’était un bénéfice personnel. Aux Evêques le pouvoir est dévolu, « à toujours, en perpétuité ». Il est dévolu non pas à tel ou tel homme, mais à un être métaphysique, que l’on nomme « l’Evêché de Verdun », représenté, sans discontinuité, par les Evêques qui s’y succèderont.

On a pu remarquer, dans le texte de la Bulle d’or, le mot Marche « Beneficium et Marchiae ». La Marche signifie les pays limitrophes entre les grands Etats, dont les frontières, à cette époque, étaient généralement mal délimitées. Les princes ayant des Marches, Marchis, – d’où est venu le titre nobiliaire de Marquis -, jouissaient, en pays de Marches de certains droits spéciaux déterminés dans le code féodal.

Les Marches du comté de Verdun étaient aux frontières de Champagne. Elles comprenaient les deux versants, est et ouest, du massif montagneux et boisé de l’Argonne, avec son étroite et longue vallée intérieure et elles s’étendaient depuis son extrémité sud, au mont de Beaulieu, jusqu’au milieu, de sa longueur, à Vienne-le-Château et Châtel-Cornay, dans la direction du Nord. En ces Marches, l’Evêque avait aussi tout pouvoir.

Mais, quelques uns de ces droits et pouvoirs, que lui conférait sa nouvelle dignité, ne pouvaient être personnellement exercés par l’Evêque. Ainsi les lois de l’Eglise défendaient aux Evêques de porter les armes et de prononcer des jugements pouvant amener peine de mort, de frapper du glaive et les ennemis du dehors et les ennemis du dedans, double attribution cependant de tout pouvoir souverain.

C’était afin de les suppléer dans l’exercice de cette portion de la charge comtale, que les Evêques pourront eux mêmes se choisir un Comte, qui sera leur lieutenant, et qui remplira, en leur nom, et comme leur délégué, la double fonction de Chef militaire et de Grand Justicier.

C’est ce lieutenant de l’Evêque, que nous appelons dans notre histoire le comte épiscopal, le comte voué, le grand voué de l’Evêché, parce qu’il recevait immédiatement ses pouvoirs de l’Evêque. C’est de cette façon que les comtes de Bar furent comtes de Verdun à partir du XIe siècle : ils ne le furent jamais autrement.

Le comte épiscopal, nommé par l’Evêque, était révocable à la volonté de l’Evêque. Ses fils, par conséquent n’avaient aucun droit à hériter de sa charge et dignité de comte. « Vous avez pouvoir d’élire un Comte, dit le diplôme impérial, mais nul droit héréditaire ne sera la conséquence de cette nomination ».

Sans doute, l’Evêque pouvait transmettre au fils de son comte, la charge du père. C’est ce qui arriva plusieurs fois par la suite, dans la maison de Bar, où le comté de Verdun fut un instant héréditaire dans ce sens. Mais cette transmission resta purement volontaire et facultative de la part de nos Evêques, malgré les efforts que firent les comtes de Bar pour se créer, par ces précédents, un droit héréditaire sur un comté dont l’annexion les eût faits des princes très puissants.

Le Comte épiscopal recevait de l’Evêque, comme tout voué de biens ecclésiastiques, une espèce de solde, qui consistait soit en une somme d’argent, soit dans l’abandon, à son profit, par l’Evêque, d’une seigneurie de l’Evêché à titre de fief. Le Clermontois tout entier, avec Vienne-le-Château, après avoir été donné en fief aux comtes de Bar comme solde de la charge de comtes épiscopaux, leur resta en mains quand ils ne le furent plus. Cependant ils rendaient, pour ce fief, foi et hommage à nos Evêques.

Ayant ainsi constitué l’Evêque, prince souverain dans le comté de Verdun, l’Empereur énumère les divers droits et attributions de cette nouvelle souveraineté, sur la ville de Verdun elle-même.

Posons d’abord en principe, en chose reconnue et acceptée par ceux qui s’occupent d’histoire locale, que jamais l’Evéque ne fut seigneur de Verdun dans le sens féodal du mot, comme il l’était dans ses domaines particuliers, dans les terres de l’Evêché.

On lui devait obéissance en certains cas, comme on doit obéissance au Roi, à l’Empereur, au Gouvernement quel il soit. Mais Verdun était et restait ville libre sous ce haut domaine et bientôt, elle chercherà à affaiblir encore l’espèce de dependance dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de son Evêque, jusqu’au moment où elle et l’Evêque tomberont ensemble sous le joug de la France.

« Nous vous accordons, dit l’Empereur, à vous et à vos successeurs, en plein droit, le Ban, la Monnaie, le Tonneu et le droit de connaître, dans la Cité, de toutes les causes civile et criminelles ».

Avoir le Ban, signifiait, en langage féodal, avoir le droit de faire publier, par clam ou à haute voix, à son de trompe, tambour ou cymbales, des édits, lois, ordonnances, règlements, prohibitions et annonces de toutes sortes, ayant pour but le maintien de l’ordre public, ou la sécurité des particuliers, leurs intérêts ou même leurs plaisirs, et statuant des punitions corporelles ou pécuniaires contre les contrevenants.

Les appels des hommes libres aux armes, et la convocation des milices, se faisaient aussi en vertu du droit de Ban. Le mot Ban, plus tard, désigna, non seulement le droit de publier et de convoquer, mais l’acte même de la publication, de la convocation. Ainsi on dit convoquer le Ban, l’arrière Ban, pour convoquer les milices, publier le Ban, les Bans, pour annoncer un mariage. Ban signifiait aussi territoire d’un village.

L’évêque, comme tout seigneur, tout possesseur d’alleux ou fiefs, avait le droit de Ban dans ses domaines particuliers, mais pas au delà. Le Diplôme impérial l’autorise à à publier son Ban, dans toute l’étendue du Comté de Verdun, sur les terres des autres seigneurs, laïcs ou ecclésiastiques, et même dans l’intérieur de la Cité. Dans la Cité et dans toute l’étendue du Comté, tous les habitants, nobles ou roturiers, libres ou serfs, vassaux et arrière-vassaux, seigneurs laïcs ou d’église, devaient désormais obéir au Ban épiscopal. C’était droit de souverain.

Droit de souverain aussi, celui de battre monnaie. Nos Évêques, à partir des premières années du XIe siècle, eurent leurs ateliers monétaires où l’on frappa monnaie à leur effigie, à leur nom, à leur coin. Haymon, le premier de nos Évêques-Princes, met encore sur ses deniers, le nom de l’Empereur avec le sien. Mais ses successeurs effacèrent bientôt ce souvenir impérial et leur nom seul fut gravé sur nos monnaies épiscopales. Ce ne fut qu’en 1620 que les Évêques de Verdun cessèrent de battre monnaie.

Le droit au telonium ou tonneu donnait, en ville, quelque finance à l’Évêque. Le telonium, tonneu comme disent nos vieilles chartes, n’est pas la taille dont nous parlerons. C’est un droit fixe, une somme déterminée à l’avance, que doivent payer les choses à consommer et les marchandises, avant d’être mises en circulation ou en vente.

C’est ce qu’on appelle aujourd’hui, droits d’entrée, de circulation, de vente, régie, patentes, et autres impôts, plus ou moins vexatoires, compris sous la dénomination générale d’Octroi et de Contributions indirectes.

Toutes ces contributions, dont le nombre a encore été augmenté par la fiscalité moderne, nous les avons reçues du moyen-âge qui, lui aussi, les percevait sous d’autres noms, ou d’autres formes à l’entrée, à la sortie de la ville, aux portes, sur la Meuse, au passage des bateaux, dans les rues, au marché, sur le vin, les blés, les viandes, les fruits, les légumes, le sel, les laines, le cuir, les fers, etc., sur tous les objets, enfin qui étaient susceptibles de négoce, ou qui entraient dans la consommation. Ce tonneu ou telonium, suivant l’endroit où il était perçu, suivant l’objet, qu’il frappait et la manière dont il le frappait, se nommait péages, portaiges, poignets, cuillerée, gélongnies ou jointées à mains, estaple au vin, banvin, chavant ou contribution sur les paniers de fruits, de légumes, etc.

Nous savons que la terre ne payait pas d’impôt, car elle appartenait alors tout entière aux nobles, aux Églises ou aux citoyens libres de la Cité. Cependant, tous les actes de transmission de propriété en d’autres mains, par vente, par échange, par héritage, ou par don gratuit, les actes de constitution de cens ou de rentes sur un immeuble, étaient frappés d’une taxe d’argent, plus ou moins élevée, selon le prix de l’immeuble vendu, ou le chiffre de la rente ou du cens constitué. C’était quelque chose d’analogue à ce que nous appelons les droits du timbre et de l’enregistrement. Cette mesure avait un double but : garantir l’authenticité de la transmission, et procurer une source de revenils au Souverain. Cette source de revenus venait au Trésor de l’Évêque.

Y venaient aussi, comme au Souverain, le produit des amendes ou issues, punitions de certains faits délictueux, qualifiés crimes par les lois de l’époque. Et ces charges portaient sur tous les habitants, soit de la ville, soit des campagnes. Nul n’en était exempt, si ce n’est ceux qui jouissaient, relativement à certaines d’entre elles, du bénéfice d’immunité.

Or, c’était tout cela, toutes ces amendes, tous ces droits, toutes ces contributions et redevances que les actes latins du XIe siècle, qualifient du mot général de Telonium et de Freta. C’était tout cela qui alimentait le fisc du Roi ou de l’Empereur. Le Comte, dans le Comté de Verdun, représentant du souverain, les prélevait par ses officiers fiscaux, au nom du Souverain et pour lui. Mais, à partir du jour où l’Evêque de Verdun fut souverain dans le Verdunois, le produit du Telonium et des Freta furent à lui, et ses agents les levèrent au profit du fisc ou trésor épiscopal.

Cependant, il ne faut pas croire que la transmission de ces droits se soit faite, du jour au lendemain, sans lutte entre le nouveau pouvoir et l’ancien. Il dut se passer près d’un siècle, le XIe, avant qu’un tel changement s’opérât en fait et complètement Les guerres de nos vieux Comtes avec nos Evêques en sont la preuve.

Mais, à ces droits productifs pour l’Evêque, répondaient de lourdes charges.

Les charges imposées au Comte ? Il était tenu de maintenir en bon état, dans son Comté, les grandes voies de communications, les ponts, les gués. Il devait pourvoir à l’entretien et aux réparations des murailles « de la Fermeté », à la construction de fortifications nouvelles s’il en était besoin, et à la mise en état de défense de la place. Il devait enfin « refaire les ponts et chaussées en sa Cité de Verdun », et subvenir à toutesles dépenses qu’occasionnaient, soit dans la ville soit au dehors, tous les travaux d’utilité publique.

Il est vrai que, pour certains de ces travaux, comme la construction, la réparation et l’entretien des ponts et des gués, l’Evêque pouvait imposer des corvées, même aux hommes libres, corvées dont ceux-ci se rachetaient par une somme d’argent.

L’Evêque Haymon ou son successeur immédiat, Richard, céda à diverses abbayes, une partie de ces droits de Tonneu, mais, à charge par elles, d’entretenir une certaine étendue des remparts de la Cité. Cet entretien s’appelait, « Pittûra muri civitatis » ou en vieux français « Porture à la Fermetei de Verdun quand mestier serait », c’est-à-dire quand besoin serait. Les Abbayes chargées de l’entretien d’une partie des fortifications de la Ville, aux XIe, XIIe et même XIIIe siècle, étaient St-Vannes, la Magdeleine, St-Maur, Beaulieu et St-Mihiel.

L’accroissement de puissance accordé à nos Evêques, n’avait pas eu pour unique résultat, en ce qui concernait la Ville, de placer à ses portes et sur ses marchés, des collecteurs épiscopaux, au lieu d’agents d’un autre souverain. Une modification plus essentielle s’était accomplie dans les relations, qui jusqu’alors avaient existé entre l’Evêque et la Cité.

Malgré le prestige et le respect dont était entouré le pouvoir épiscopal ; malgré les privilèges mérités que, depuis cinq siècles, il avait reçu des rois et des empereurs ; malgré même la très grande et légitime influence dont jouissait l’Evêque autour de lui, il n’avait aucune action directe sur la Cité. Jusqu’alors, Verdun était resté en droit, sinon toujours en fait, complètement indépendant de son Evêque, dans les choses civiles et politiques, dans les affaires séculières, à peu près comme il l’est aujourd’hui. On n’avait d’autre souverain que le Roi ou l’Empereur, suivant que l’on était de France ou d’Empire. On obéissait à son Comte et l’on s’administrait de la façon que nous avons dite précédemment.

Le changement de 990 ne fut qu’une substitution de personne, mais la personne subtituée était l’Evêque, ce qui, nous le répétons, lui créait, par rapport à la Cité, un rôle nouveau. Le Comte Impérial était supprimé et l’Empereur ne gardait de sa suzeraineté que le droit féodal d’investir chaque nouvel Evêque du pouvoir temporel, aux charges et devoirs féodaux.

L’Evêque devenu souverain succédait donc aux droits et pouvoirs des anciens souverains, exercés par leurs Comtes dans la Cité.

Droit de choisir les Magistrats, Juges et Administrateurs, parmi les citoyens mais, avec obligation de les faire accepter par le peuple. Ce droit et cette obligation ont été plus tard formulés dans la Charte de paix.

Droit de rendre la justice en causes civiles et criminelle : De tout temps, nous l’avons indiqué en parlant de la constitution municipale de Verdun, la connaissance des causes civiles avait appartenu aux Echevins de Ste Croix. La nouvelle constitution la leur con- serve, mais elle fait de l’Evêque le juge en dernier ressort, c’est-à-dire en appel.

Quand aux causes criminelles, c’est-à-dire vol, brigandage avec violence, meurtre, incendie, attentats de toutes sortes soit contre les personnes soit contre l’autorité, qui jusqu’alors ressortissaient du tribunal du Comte, elles seront désormais jugées par l’Evêque, en son tribunal. Mais, comme l’Évêque personnellement ne devait point prendre part à des jugements pouvant entrainer mort d’homme, il les renvoyait à son Comte épiscopal.

Le Comte épiscopal, à son tour, ou Grand Voué, ne voulant point ou ne pouvant le plus souvent, siéger en ces sortes d’affaires, en remettait alors la connaissance à son Sous-Voué ou Vicomte, qui prononçait les jugements. C’est dans le sens de préposé à la justice criminelle, qu’il faut entendre le mot Viscoras, Vicomte, Viconaté, dans l’histoire de notre Cité.

Cet état de choses, relatif à la justice criminelle, dura à Verdun jusqu’aux premières années du XIIIe siècle, époque à laquelle, grâce aux arrangements et souvent aux luttes sanglantes qui surgirent entre l’Évêque et les Citains, les Magistrats municipaux obtinrent de juger au criminel. C’est ce que nos historiens appellent l’engagement de la Vicomté à la Ville.

Enfin, Droit de tenir les plaids : l’Évêque devait tenir et présider, par lui-même ou par son lieutenant, les grandes assemblées féodales d’hommes libres, que l’on appelait Mall, Plaid, Assises ou Grands-Jours.

Les autres prérogatives que la Bulle de 990 accordait à l’Évêque, et qu’il nous reste à examiner, sont pour ainsi dire toutes militaires.

Il pouvait constituer autour de lui une noblesse d’épée, un corps de guerriers, milites, tenant leurs domaines en fiefs de l’Evêché, ayant eux-mêmes des vassaux, et redevables à l’Évêque de tous les services féodaux. C’étaient ses féodaux ou ses féaux.

En effet, dès les Xe et XIe siècles, nos chartes parlent à chaque instant, de guerriers de l’Evêché ou Chevaliers, vu que les nobles ne combattaient qu’à cheval : Miles Ecclesiœ Virdumensis, Milites episcopi.

D’abord, on ne les connait que par leur prénom, auquel la charte ajoute le titre : Miles Erembold  Ecclesiœ Virdumensis, charte de 955. Plus tard, au mot miles on ajoute, le nom du fief et, dès lors, ils reviennent souvent dans l’histoire : les chevaliers fieffés de l’Évêque de Verdun, Hugo, miles de Dombrax, etc.

C’est en ajoutant ainsi le nom du fief, du domaine, à la qualité de guerrier, de chevalier, que se formèrent les noms patronymiques des familles nobles au moyen-âge. La terre donna son nom à son seigneur et à sa famille. Avant le XIIe siècle, il n’y avait pas de noms de famille, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, pas plus dans la noblesse que dans la roture.

Parmi les chevaliers de l’Évêché, quelques uns des plus riches en domaines, ayant eux mêmes des vassaux et arrière-vassaux, prirent le nom de Barons. Laurent de Liège parle d’un baron de l’Évêché en 1090 « Pierre, comte, fils de Frédérick de Toul, un des barons de l’Évêché.

Ces Barons formaient la Cour de justice, aux Plaids, Assises, ou Grands-Jours du Comté, siégeaient avec l’Évêque ou avec le Comte épiscopal, et jugeaient toutes causes portées devant ce solennel tribunal. A la fin de l’ancien régime, sous Louis XIV, il n’y avait plus depuis fort longtemps que quatre fiefs épiscopaux, dont les possesseurs avaient le titre de Barons ou Pairs de l’Évêché : c’était Mureau, Ornes, Watronville et Hennemont depuis que Nicolas Psaulme avait cédé Creue aux Lorrains. Il fallait quatre Pairs pour qu’un jugement fût valable.

Nous avons dit que les Barons pouvaient avoir eux mêmes des vassaux et des arrière-vassaux. Si ces vassaux ou arrière-vassaux avaient leurs fiefs dans le Comté de Verdun, ils relevaient quand même de l’Évêque.

Ainsi, dans notre petit Comté, comme dans les plus grands États de l’Europe, le système féodal formait une chaine dont l’Evêque était le premier anneau, et qui descendait jusqu’au plus petit possesseur de fief. Et tous ces anneaux étaient liés entre eux par des devoirs réciproques.

De ces devoirs, nous indiquerons quelques uns.

Les nobles de l’Évêché sont tenus, en prenant possession de leurs fiefs, même par héritage, de faire leur foi et hommage, au seigneur Évêque, dans l’an et jour de la prise de possession et quarante jours après la foi et hommage, d’en présenter le dénombrement. Nous dirions aujourd’hui l’inventaire. « Et faute de ce faire, le seigneur Évêque peut mettre en sa main les fiefs », c’est-à-dire les rattacher à son domaine, ou en disposer en faveur d’autres feudataires. Car « tous fiefs, tenus du seigneur Évêque et Comte de Verdun, sont de danger, c’est-à-dire peuvent être repris, quand les conditions féodales n’ont pas été remplies ».

Les nobles de l’Évêché sont tenus de warder, garder les châteaux et forteresses de l’Évêché, pendant six semaines, deux mois, trois mois, huit jours et quinze jours, suivant conventions faites à l’avance.

Ils sont tenus, enfin, au service de guerre. « Et sont tenus les vassaux dudit sieur Évêque, quand ils en sont requis, d’aller servir en armes le dit sieur ou ses commis, ès guerres ou affaires, contre les ennemis dudit sieur Évêque ». Mais les nobles ne payaient jamais d’argent ni redevance quelconque en nature, pour un fief qu’ils possédaient.

Les annelets, dans les armoiries, devinrent, plus tard, presque partout dans le Verdunois, un signe de noblesse épiscopale.

Dans la suite, les Evêques, usant du privilège de souverain, conférèrent des titres de noblesse, et fieffèrent des roturiers. Mais aux Xe et XIe siècle, il n’y avait pas d’annoblissement. On naissait noble, mais on ne pouvait le devenir. On était noble, parce qu’on descendait, ou qu’on était supposé descendre, des conquérants, compagnons des premiers rois Franks, ou de quelque puissant de cette époque déjà reculée. Cette noblesse là ne pouvait s’acheter, ni s’acquérir d’aucune façon.

(*) Seuls les châteaux ont été cités dans l’article.

A suivre…

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