D’après la monographie imprimée
« Récits lorrains. Histoire des ducs de Lorraine et de Bar » d’Ernest Mourin
Publication 1895
Nous conservons à ce duc le numéro d’ordre qu’il est d’usage de lui donner. Nous nous bornons à faire remarquer que pour retrouver Charles Ier, il faut remonter, contre toute raison, à Charles de Lorraine, frère du roi Lothaire et compétiteur de Hugues Capet, qui fut duc de la Basse-Lorraine et non de la Mosellane.
Le duc Charles avait vingt-cinq ans. Il apportait sur le trône ducal, un juste renom de bravoure. A dix-sept ans, il avait combattu avec son père à Roosebeke, à côté du roi Charles VI et du connétable de Clisson.
Il avait été élevé à la cour de Philippe le Hardi, fils de Jean, qui s’était conduit héroïquement à la bataille de Poitiers et que son père, dans l’aveuglement de sa tendresse, avait investi du duché de Bourgogne, à l’extinction de la première maison de ce nom, en 1363. Il eut ainsi occasion de se lier dès l’enfance, avec Jean sans Peur, né quelques années après lui. C’est là ce qui explique en partie la politique de son règne, presque toujours anti-française et contraire aux traditions de sa famille.
Charles II, peu après son avènement, donna à son frère Ferri un riche établissement. Il lui fit en outre épouser Marguerite de Vaudémont, héritière du comté de ce nom. C’est de ce mariage que sortit la maison qui devait plus tard recueillir tout l’héritage des deux branches de Lorraine.
Il épousa lui-même Marguerite de Bavière, fille de Robert, électeur palatin, qui fut plus tard élu empereur.
Charles n’était pas moins actif et remuant que les princes de sa race. Il vécut cependant en paix pendant quelques années. Il ne prit point part à la croisade française conduite en Hongrie contre les Turcs du sultan Bajazet. Ce fut le comte de Nevers (Jean sans Peur) qui fut le chef de cette expédition. Il était accompagné d’une brillante jeunesse et avait pour conseil quelques-uns des chevaliers les plus renommés de l’Europe, le sire Enguerrand de Coucy, beau-frère du duc Charles II, le maréchal de Boucicaut, le comte d’Eu, connétable de France, etc. Un grand nombre de seigneurs lorrains se joignirent aux croisés et entre autres deux fils du duc de Bar.
La noblesse de France y porta son admirable vaillance et sa folle témérité, et se fit massacrer presque tout entière dans la mémorable journée de Nicopolis. Le sultan n’épargna que Jean de Nevers et vingt-quatre des plus hauts seigneurs. L’aîné des deux princes de Bar fut tué sur le champ de bataille, et l’autre mourut sur la route en revenant vers la France (1390).
Charles II, s’il faut en croire les biographes, prit part à d’autres croisades moins retentissantes. Il aurait accompagné les Génois dans une entreprise contre Tunis et aurait fait une campagne en Prusse au profit des chevaliers teutoniques.
Il se mêla plus sérieusement et plus longuement aux troubles de l’empire qui suivirent la déposition de Wonceslas « l’Ivrogne », et l’élection de Robert de Bavière.
Les pays lorrains se divisèrent. Le duc Charles naturellement soutint son beau-père, Metz et Toul embrassèrent le parti de l’empereur déchu. La guerre s’étendit bien au delà de la frontière.
Le duc d’Orléans, l’adversaire de Philippe de Bourgogne, lequel était l’ami de Charles II, ayant obtenu de Wenceslas la cession du Luxembourg, forma contre le duc de Lorraine une ligue dans laquelle il entraîna le duc de Bar, l’évêque de Verdun, le comte de Salm, le damoiseau de Commercy.
Le maréchal de Luxembourg, commandant les forces alliées, envahit le nord de la Lorraine, remonta la Moselle, passa devant Frouard et s’avança jusqu’à Nancy. Il envoya son héraut d’armes défier insolemment le Duc, en l’invitant à préparer un repas dans son château pour les chefs confédérés.
Charles demanda si le maréchal voulait lutter contre lui corps à corps ou s’il préférait une action générale. « Une bataille ! répondit le héraut. — En ce cas, je lui donne rendez-vous pour après-demain, outre Nancy et Champigneulles ».
A l’heure dite, les Lorrains, poussant leur cri de guerre : « Prény ! Prény ! », abordèrent l’armée du duc d’Orléans et après une longue et sanglante lutte, la mirent en complète déroute. Le maréchal et ses amis restèrent prisonniers. Au château de Nancy, le dîner se trouva prêt, mais ce fut Charles II qui en fit les honneurs, en célébrant gaiement sa victoire.
Le Duc avait fait de nombreux prisonniers et il en tira de grosses rançons. Le damoiseau de Commercy fut surtout traité avec rigueur, et fut obligé de se reconnaître désormais vassal du duché de Lorraine.
Les seigneurs battus et châtiés essayèrent de prendre leur revanche l’année suivante. Mais ils furent de nouveau écrasés près de Pont-à-Mousson et la paix fut signée.
Mais qu’étaient ces obscures rencontres en Lorraine, à côté des événements tragiques qui s’accomplissaient en France ?
Philippe le Hardi étant mort, avait été remplacé par son fils le comte de Nevers, Jean sans Peur (1404). La rivalité des deux maisons d’Orléans et de Bourgogne s’exaspéra. En 1407, le frère du roi fut assassiné, et Jean sans Peur confessa audacieusement qu’il avait commandé le meurtre. Il en fit même faire l’apologie par le moine Jean Petit. Charles II n’avait point participé au crime, mais il ne le désapprouva point, et resta étroitement uni à Jean sans Peur.
Il paraît à cette époque, animé d’une véritable haine contre la France, qu’il confond avec le parti des Armagnacs ou d’Orléans. En 1409, il rédigea son testament et y introduisit cette clause : « Au cas où nous ne laisserions de notre mariage que des filles, nous voulons et ordonnons que nos exécuteurs testamentaires ne les puissent marier à homme qui soit sujet du roi de France ». Cette année-là même, par un curieux synchronisme, naissait au château d’Angers, René d’Anjou, un prince français qui devait être son gendre et son héritier.
Ce qui avait poussé Charles II à rompre l’union de sa famille avec les rois de France, ce n’étaient pas seulement ses étroites relations avec la maison de Bourgogne, c’étaient aussi des griefs personnels nés de sa querelle avec la commune de Neufchâteau.
Nous avons vu, que son père Jean Ier lui avait légué un procès pendant, devant le parlement de Paris. Dès la seconde année de son règne, en 1391, la Cour avait confirmé contre lui, l’arrêt donnant raison sur tous les points aux bourgeois. Elle envoya même un de ses membres pour faire exécuter l’arrêt et, devant lui, fut « bouchée, murée et estoupée la poterne qui issoit aux champs » en même temps qu’on détruisit les travaux exécutés du côté de la ville.
Le Duc dissimula son ressentiment et fit même gracieuse mine aux habitants, si bien qu’en 1398, il déclarait encore, dans une séance du parlement, qu’il avait remis aux habitants « tout le mautalent et ire qu’il avait contre eux ». Mais en 1403, il alla les voir et les harangua comme avait fait son père. On transigea. Les bourgeois reconnurent que le Duc avait le droit d’établir en son château des poternes pour sortir et pour entrer, et, de son côté, le Duc leur fit remise de sept mille francs restant dus sur les dix mille promis à Jean Ier.
Mais la querelle, un instant assoupie, reprit bientôt avec une âpreté croissante. C’est qu’au fond il s’agissait d’autre chose que d’une poterne et de quelques taxes. Charles II reprochait, non sans raison, aux habitants de se considérer comme sujets du roi plus que comme sujets du Duc. A chaque instant, ils en référaient au suzerain. Ils comptaient sur les gens du roi pour les défendre contre leur souverain naturel.
Le Duc ne pouvant les détacher de la France, cherchait à secouer le joug de sa vassalité et prétendait que Neufchâteau relevait de l’empire et non du roi. Irrité de l’attitude des bourgeois, il les maltraitait, les rançonnait, enlevait les plus riches, pillait leurs maisons, les enfermait dans son château ou les internait dans la Lorraine allemande. Il comptait, au milieu des troubles suscités par la démence de Charles VI, sur l’amitié du duc de Bourgogne. Il en vint à ne plus garder aucune mesure et exerça une oppression vraiment despotique sur cette malheureuse commune.
Le parlement de Paris s’honora par sa fermeté, et ne craignit pas de frapper le duc de Lorraine, sachant bien qu’il frappait en même temps, le duc de Bourgogne. Charles et ses officiers, complices de ses violences, furent assignés à trois reprises différentes. Ils ne daignèrent même pas répondre. Alors la Cour, jugeant par défaut, le 1eraoût 1412, condamna Charles II et ses officiers à remettre en liberté les bourgeois qui avaient été emprisonnés ou internés, et à leur restituer tout ce qu’on leur avait enlevé.
L’arrêt ajoutait, ce qui était plus grave, que tous les fiefs relevant de la couronne de France seraient confisqués, que les habitants de Neufchâteau cesseraient d’être Lorrains, que le duc et ses coaccusés, pour cause de félonie, seraient bannis de France. Le duc de Bar et un des présidents du parlement étaient chargés de l’exécution de l’arrêt.
Charles ne s’émut pas de sa condamnation. Il vint à Paris pour braver ses juges. Il s’était entendu avec son ami Jean sans Peur qui devait le présenter au roi, en, son hôtel de Saint-Paul, à l’issue de la messe. Les gens du parlement en furent informés.
Ils se rendirent au palais. Au moment où la présentation avait lieu devant une nombreuse assemblée, ils entrèrent, à la grande surprise des ducs. Le chancelier leur demandant ce qu’ils venaient faire, l’avocat du roi, Juvéhal des Ursins, s’agenouilla suivant l’usage devant le roi et exposa les faits reprochés au duc de Lorraine et requit justice. « Juvénal, dit le duc de Bourgogne embarrassé, ce n’est pas la manière de faire ». Mais le magistrat sans se troubler répondit « qu’il fallait faire ce que la Cour avait ordonné, que ceux qui étaient bons et loyaux vinssent à eux, que ceux qui étaient contre eux se tirassent avec le duc de Lorraine ». Si imposante fut la courageuse attitude de Juvénal, que Jean sans Peur qui « tenait le duc de Lorraine par la manche », le laissa aller et s’éloigna. Alors Charles II, abandonné de tous, « pria au Roy bien humblement qu’il lui voulust pardonner et qu’il le serviroit loyaument ». Le pauvre insensé « lui pardonna tout et pardonna ses bannissements et confiscation et eut le duc rémission ».
Le duc n’en fut pas moins cruellement mortifié par cette scène. Il en garda un profond ressentiment au malheureux Charles VI et resserra ses liens avec la faction de Bourgogne.
Cependant, il parut se désintéresser pendant quelque temps des affaires de France. Il se tournait plutôt du côté de l’Allemagne. Nous le trouvons en novembre 1414 au couronnement de Sigismond, roi des Romains. L’année suivante, il va se montrer au concile de Constance avec un brillant cortège.
Les sanglantes rivalités des Armagnacs et des Bourguignons continuent à désoler le royaume. Les Anglais en profitent et reprennent la guerre de Cent ans. Charles II ne se rend pas au camp français.
Mais la noblesse lorraine y va avec son dévouement ordinaire. Elle est présente à cette fatale bataille d’Azincourt, où périrent plus de 8 000 gentilshommes (25 octobre 1415). Parmi ceux qui succombèrent, on trouve Edouard III, duc de Bar, et son frère le comte de Puisaye ; Ferri, comte de Vaudémont, frère de Charles II ; le sire de Blâmont et une foule de chevaliers de haute lignée.
Charles reparut sur la scène avec son ami Jean sans Peur en 1417. Ils délivrèrent la reine Isabeau, enfermée à Tours par les Armagnacs, et essayèrent d’organiser avec elle un gouvernement. Le duc de Lorraine reçut même l’épée de connétable. On ne voit pas qu’il en ait fait aucun usage et il ne la garda que quelques mois.
Le Duc revint en Lorraine avant la fin de 1418, à la suite du massacre des Armagnacs qui inonda Paris de sang. Nous ne savons pas ce qui s’était passé entre lui et Jean sans Peur. Il paraît certain qu’il ne le vit plus et qu’il devint plus sympathique à la cause française pour laquelle il avait jusque-là montré tant d’aversion.
Le meurtre de Jean sans Peur sur le pont de Montereau (10 septembre 1419), acheva de rompre les liens qui l’attachaient aux Bourguignons. Il refusa d’adhérer au traité de Troyes, à la déchéance du dauphin et à la déclaration qui instituait Henri V d’Angleterre héritier du roi de France.
Sa grande affaire désormais, c’était d’assurer son héritage à sa fille Isabelle de Lorraine. A cette question, se lia celle de la succession du duché de Bar. Ces deux questions ayant une importance extrême, il est nécessaire de s’y arrêter.
Robert, duc de Bar, avait épousé, en 1364, Marie de France, fille du roi Jean. De ce mariage naquirent Edouard III qui mourut à Azincourt, deux autres fils qui succombèrent dans la campagne de Nicopolis, un quatrième fils qui entra dans l’Eglise et devint le cardinal Louis, évêque de Châlons, plus tard de Toul, et enfin une fille, Yolande de Bar, qui épousa Pierre IV, roi d’Aragon.
Après Azincourt, il ne resta d’autre héritier mâle que le cardinal Louis, qui fut reconnu duc de Bar. Mais Yolande, reine d’Aragon, réclama sa part de l’héritage. Cette princesse avait eu elle-même une fille, nommée aussi Yolande, qu’elle avait mariée au duc Louis d’Anjou. C’était une femme fort intelligente et avisée. Pour mettre fin au procès, elle proposa à son grand-oncle le cardinal, d’adopter pour héritier son second fils, René d’Anjou, tout en conservant le duché sa vie durant. Le cardinal acquiesça à cet arrangement.
Yolande et lui étant d’accord, négocièrent le mariage de René avec Isabelle de Lorraine, fille et héritière de Charles II.
Le Duc étant longtemps resté l’ennemi de la France, ou tout au moins des Armagnacs, il lui en coûtait peut-être encore de donner la main de sa fille à un prince français, contrairement à son testament de 1409. Mais son bon sens politique l’emporta sur ses répugnances. Il comprit qu’il y avait là une occasion unique de doubler l’importance de son patrimoine et de mettre fin à « cette éternelle bataille qui avait été la vie des pays lorrains (Michelet) ».
Le 20 mars 1419, le cardinal et le Duc se rencontrèrent au château de Foug et signèrent les articles du traité de mariage. René n’avait encore que dix ans. Il fut convenu qu’en attendant sa majorité, il viendrait en Lorraine et serait remis à la garde et à la direction du duc Charles II.
Ce traité ne resta pas longtemps secret. Les Anglais en eurent vent et afin d’en empêcher l’exécution, ils demandèrent la main de la princesse Isabelle pour le duc de Bedford, frère du roi Henri V. Il y eut un projet de conférence dans les environs de Troyes, mais le Duc déclina l’invitation.
Le cardinal pressa la réalisation du mariage le plus possible. Sans attendre que le jeune prince fût arrivé, il réunit les États du Barrois à Saint-Mihiel et déclara solennellement faire cession à son héritier du duché de Bar, du marquisat de Pont-à-Mousson et de tous ses autres domaines (13 août 1419). L’année suivante, le mariage fut célébré à Nancy en grand appareil (14 octobre 1420).
Cependant, René d’Anjou avait un compétiteur sérieux, c’était Antoine de Vaudémont, fils du comte Ferri mort à Azincourt, et par conséquent neveu de Charles II et son plus proche héritier mâle.
Il n’osa point tout d’abord manifester ses prétentions ; il se contenta de faire savoir dans ses propos privés qu’il ne les abdiquait pas. Le Duc, inquiet, l’invita à s’expliquer et, sur ses réponses évasives, le somma impérieusement de lui envoyer des lettres de renonciation. Puis il convoque les États, et le 13 décembre 1425, la noblesse déclara que la Lorraine était un fief féminin, et jura devant lui de reconnaître Isabelle pour dame et duchesse après la mort de son père et, à son défaut, sa soeur Catherine.
Charles ne s’en tint point là et, pour obliger Vaudémont à reconnaître le principe posé par la Chevalerie, fit envahir ses domaines par une petite armée qui s’empara de Vézelise, mais qui poursuivit vainement pendant trois ans le siège de l’inexpugnable forteresse de Vaudémont.
René d’Anjou était sorti de tutelle à Bar (en 1424) et était censé gouverner son duché, tout en laissant la haute main à son beau-père et obéissant aux directions de son grand-oncle.
Il avait guerroyé pour son compte dans le comté de Vaudémont. Il suivit le Duc dans une guerre contre les Messins, allumée pour une cause futile (Pour une hottée de pommes que l’abbé de Saint-Martin, abbaye située sur terre ducale, avait fait porter à Metz sans acquitter le droit de sortie), mais dans laquelle on croit voir, comme à Neufchâteau, le mauvais vouloir dont il était animé à l’égard des bourgeois.
Metz était une véritable république municipale, très fière de son indépendance conquise sur l’évêque et de ses richesses acquises par l’activité de son industrie et de son commerce. La lutte se prolongea pendant quatre ans avec un caractère d’animosité extraordinaire.
Charles et René levèrent de véritables armées où l’on compta, dit-on, jusqu’à 10 000 cavaliers et 20 000 hommes d’infanterie. Les Messins de leur côté soldèrent de fortes bandes de mercenaires. Tout le pays autour de Metz et les campagnes au nord de la Lorraine furent plusieurs fois saccagées. De guerre lasse on fit la paix ; le vaincu fut en réalité le duc de Lorraine qui s’était flatté de s’emparer de la riche cité impériale.
René de Bar avait quitté son beau-père au mois de juillet 1429, attiré en France par le bruit que faisait la marche triomphale de Jeanne d’Arc. Il arriva à Reims quelques heures avant le sacre de son beau-frère le roi Charles VII. Il y assista et se joignit avec 3 000 hommes, Lorrains ou Barrisiens, à l’armée française.
Quelques mois avant, le cardinal, troublé par le succès croissant des Anglais, lui avait persuadé de reconnaître Henri V et s’était rendu lui-même, pourvu de sa procuration, auprès du régent Bedford et lui avait fait hommage pour toutes les terres et seigneuries que le duc de Bar tenait de la couronne (10 mai 1429).
René se dégagea de ces faiblesses de vieillard et, par une déclaration publique, datée du 3 août 1429, signifia au duc de Bedford qu’il rompait le pacte fait en son nom par son oncle et renonçait « à tous les hommaiges, foy, serments et promesses qu’il avait faicts ».
Dès lors René se conduisit en vrai prince de la fleur de lys. A la tête de ses 3 000 Lorrains, il appuya l’armée royale, et, d’accord avec le vaillant capitaine Barbazan, nommé gouverneur de la Champagne, fit une rude guerre aux Anglais, poussa des excursions en Picardie et dans l’île de France, rejoignit Jeanne d’Arc sous les murs de Paris, puis, au retour, remporta une brillante victoire à Chappes, en Champagne, sur la chevalerie bourguignonne que commandait le maréchal de Toulongeon.
Charles II ne s’engagea point de sa personne dans ces événements. Il vieillissait, la goutte l’empêchait de monter à cheval. Peut-être aussi ses souvenirs de jeunesse n’étaient-ils pas éteints : il avait été si longtemps Bourguignon de coeur avec Philippe le Hardi et surtout avec Jean sans Peur, en qui certes il ne pouvait pas deviner le grand-père de Charles le Téméraire !
Cependant, il paraît certain qu’il avait changé de camp et, suivant quelques historiens, il était poussé vers la France par l’influence de la belle Alizon du May, une Française peut-être, qui « le gouvernait tout à sa volonté » (Michelet).
Dans un temps où la plupart des seigneurs, et des plus grands, comme Philippe le Hardi duc de Bourgogne, ne savaient ni lire ni écrire, Charles II était un lettré et lisait les auteurs latins dans leur langue originale, notamment Tive-Live et César qu’il emportait dans ses voyages et dans ses expéditions.