Les ordres de chevalerie des états de Lorraine et de Bar

Chevaliers

 

D’après une parution dans « Gesellschaft für lothringische Geschichte und altertumskunde, Metz »
par Ad. Lang – Année 1862.

Origine des ordres de chevalerie

Il est assez généralement admis que l’origine des ordres de chevalerie doit être rapportée aux croisades. On cherche dans les ordres célèbres d’Alcantara, de Calatrava, du Temple, ou de Saint-Jean de Jérusalem, l’idée première qui, s’adaptant aux changements des mœurs avec la marche des siècles, a produit d’abord les ordres de l’Éléphant, de la Jarretière, de l’Annonciade et de la Toison-d’Or, et plus tard ces myriades d’ordres équestres, indispensables à la constitution de chaque nouvel état et à l’installation de chaque nouvelle dynastie.

En admettant cette généalogie du principe équestre, il faut refuser d’admettre tous les ordres antérieurs à l’époque des croisades, et considérer comme fabuleux les ordres des Chevaliers Dorés, de la Sainte-Ampoule, de la Couronne Royale, etc., etc., attribués à Constantin, à Clovis et à Charlemagne.

Peut-être est-on sur ce point trop exclusif, et en dégageant les vieilles légendes du Saint-Graal et de la Table-Ronde, de l’entourage fabuleux dont se sont plus à les entourer la verve inspirée des troubadours et la crédulité des chroniqueurs, on peut y retrouver un germe de chevalerie bien antérieur aux luttes contre les infidèles, et bien plus conforme à l’esprit actuel des Ordres de chevalerie.

Aussi loin que les traditions des peuples accusent l’existence de rangs privilégiés, on trouve deux castes de noblesse :

  • - L’une, héréditaire ; c’est la noblesse des noms et des familles.
  • - L’autre, personnelle ; c’est le caractère distinctif des ordres de chevalerie.

Cette seconde classe d’aristocratie a été admise par les Grecs comme par les Romains. Et les couronnes d’or données aux vainqueurs des jeux olympiques, comme celles décernées aux triomphateurs du Capitole, ne sont, à vrai dire, que les insignes d’ordres de chevalerie.

Lorsque, dans une tribu sauvage, la bravoure et les services rendus par un individu, sont constatés par le nombre et la forme des tatouages qu’il porte sur la poitrine, n’est-ce pas là encore le caractère distinctif de cette noblesse personnelle que nous appelons ordres de chevalerie ?

Une décoration est une distinction personnelle honorifique. La réunion des hommes décorés d’une même distinction personnelle constitue en principe un Ordre de Chevalerie.

Je ne vois rien là qui rappelle l’idée des Croisades. Cependant je ne nierai pas que les Ordres militaires et religieux de la Terre-Sainte n’aient été le point de départ de beaucoup d’Ordres de chevalerie, et n’aient apporté de nombreuses modifications dans les statuts de ceux qui pouvaient exister antérieurement.

En résumé, je ferai dériver les Ordres de chevalerie de deux principes :

  • - L’un passif, qui remonte à la plus haute antiquité et rappelle l’idée d’honneur et de gloire en mémoire de faits accomplis ;
  • - L’autre actif, qui date des guerres contre les infidèles et comporte l’idée de devoir et de courage en vue de faits à accomplir.

Ces deux principes ont trop de points communs, on le comprend aisément, pour n’avoir pas tendu à se fusionner plus ou moins, et c’est de la combinaison de ces deux idées primitives que sont sortis les statuts de la plupart des ordres de chevalerie modernes.

 

Ordre militaire d’Austrasie.

Si les grands événements qui se sont accomplis de loin en loin dans l’histoire des nations, ont suggéré aux princes de toutes les époques la pensée d’en consacrer la mémoire par quelque institution particulière, nous ne devons pas être étonnés qu’un tel sentiment se fût présenté à l’esprit du duc Charles d’Austrasie, lorsque son armée victorieuse eut sauvé la France de l’envahissement des Arabes. Le désastre de Tours a été le premier échec de l’islamisme, qui, depuis cent ans, triomphait de tous les obstacles et absorbait successivement tous les peuples avec une effrayante et irrésistible rapidité.

Charles Martel, auquel sa victoire a valu son glorieux surnom, distingua sur le champ de bataille les plus illustres chefs de l’armée, et leur fit prendre pour emblème la genette, en mémoire de quelques-uns de ces animaux qui furent trouvés en vie dans le camp d’Abdérame.

Cette institution, faite en l’an 732, prit tous les caractères d’un Ordre de chevalerie. Le duc d’Austrasie en fut le chef comme le fondateur. Il fixa le nombre des chevaliers à seize, et distribua lui-même le collier aux princes qui furent admis dans l’Ordre.

Les sept premiers titulaires de l’Ordre militaire de la Genette furent les suivants :

1. Charles, duc d’Austrasie, chef de l’Ordre ;
2. Childebrand, prince d’Austrasie ;
3. Eudes, duc d’Aquitaine ;
4. Carloman, prince d’Austrasie ;
5. Pépin, prince d’Austrasie, depuis roi de France ;
6. Luitprand, prince de Lombardie ;
7. Odilon, duc de Bavière.

Les chevaliers de la Genette devaient s’engager à exposer leur vie en combattant les infidèles, en défendant l’État et la Religion.

Pépin-le-Bref, en devenant roi de France, aurait réuni la maîtrise de l’Ordre militaire d’Austrasie à la Couronne, mais comme on n’en trouve pas de traces ultérieures, il y a lieu de supposer que son existence ne s’est pas prolongée au-delà du règne de Pépin.

Certains auteurs lui accordent une plus longue durée, et d’après eux, l’Ordre de la Genette aurait été aboli seulement en 1022, par le roi Robert qui le remplaça par l’Ordre de Notre-Dame de l’Étoile (Réformé sous Jean-le-Bon en 1351, et devenu Ordre militaire de l’Étoile).

Sans prétendre que l’ordre d’Austrasie a eu une existence réelle, j’ai voulu le présenter sous une apparence vraisemblable en négligeant les détails variés rapportés par les chroniqueurs, et auxquels il ne faut pas ajouter plus de foi qu’au chiffre de trois cent soixante et quinze mille Sarrazins qui auraient été tués, avec Abdérame, à la bataille de Tours.

« Après quoi, ayant poursuivi le reste, il (le duc) purgea heureusement la France de cette malheureuse engeance ». Mais si ce récit ampoulé n’atténue en rien l’importance de cette bataille au point de vue de l’histoire, de même les exagérations dont on a entouré l’Ordre de la Genette peuvent s’appliquer à une institution dont l’existence a été réelle.

Je ne puis terminer cet article sans donner la description des insignes de l’Ordre, tels qu’ils nous sont transmis par les anciens historiens.

Le collier de l’Ordre, qui était d’or, entrelacé de roses émaillées de gueules, suspendait une genette d’or émaillée de sable et de gueules, sur une terrasse de sinople émaillée de fleurs. Ces insignes, qui sont donnés par Hermant, ne sont pas entièrement conformes à la description qu’on trouve dans Moréri. D’après cet auteur, le collier était d’or à trois chaînons entrelacés de roses émaillées de fleurs.

On remarquera que la différence entre ces descriptions consiste surtout dans le collier de France porté par la genette, lequel peut n’avoir été introduit dans les insignes qu’après l’avènement des princes austrasiens sur le trône de France.

 

Ordres militaires de Lorraine.

Le véritable esprit du moyen âge, développé par l’influence des croisades, se retrouve dans un ordre de chevalerie, institué en Lorraine, à la fin du XIVe siècle. Le duc Jean Ier, voulant réprimer les désordres dont souffrait le peuple des campagnes, ne crut pas trouver de meilleur moyen pour arriver à ce but que de lier les gentilshommes, en établissant un code d’honneur et en développant les sentiments de dévouement et de générosité.

Il établit un ordre de chevalerie, dont le siège était l’église collégiale de Saint-Georges à Nancy. Les statuts et la liste des premiers chevaliers étaient conservés dans le Trésor des Chartes, mais ils ont été perdus on ne sait à quelle époque.

Les confrères étaient désignés sous le nom de Chevaliers aux blanches manches, ce qui indique suffisamment les signes distinctifs propres à cet Ordre.

La durée de cette institution ne peut être établie d’une manière certaine, et il y a lieu de croire qu’elle s’est éteinte avec le duc Jean, son fondateur.

Un demi-siècle plus tard, un autre ordre de chevalerie fut institué par le duc de Lorraine, René Ier.

Ce prince, qui porta le titre de roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem, et qui gouverna, outre la Lorraine, le duché d’Anjou et le comté de Provence, établit à Angers, le 16 mars 1448, l’Ordre militaire du Croissant, l’un des ordres les plus importants de cette époque et dont les chevaliers ont figuré avec éclat à côté des Chevaliers de Saint-Michel, de la Jarretière et de la Toison-d’Or.

Je ne m’appesantirai pas sur un ordre de chevalerie qui, bien qu’institué par un duc de Lorraine, a spécialement fleuri dans le duché d’Anjou. Je dirai seulement que cet ordre du Croissant paraît n’avoir été qu’une réforme de l’Ordre du Navire, dit d’Outre-Mer et du Double-Croissant, établi, en 1269, par saint Louis, roi de France, à la veille du départ de l’armée pour la dernière croisade.

L’Ordre du Navire, dit d’Outre-Mer et du Double-Croissant, a donné en outre naissance aux cinq Ordres de chevalerie suivants :

1269 : Ordre militaire du Croissant (on de l’Étoile), à Naples, créé par Charles Ier.
1573 : Ordre de la Nef, ou du Navire, à Naples, créé par Charles III.
1381 : Ordre des Argonautes de Saint-Nicolas, à Naples, créé par Charles III.
1455 : Ordre de la Lune, en Calabre, créé par Jean d’Anjou.
1581 : Noble Académie des Chevaliers de l’Étoile, à Messine.

La réforme de René Ier n’admettait que trente-six chevaliers. Pour y être admis, il fallait posséder les titres de duc, prince, marquis, comte ou vicomte, et être gentilhomme de quatre races. Parmi les premiers chevaliers de l’Ordre, on trouve des membres des familles de Montmorency et de Champagne.

Les insignes consistaient en un croissant d’or porté sur le bras droit avec une légende en lettres d’azur émaillées de gueules : Loz, loz en croissant.

Ce même signe se portait sur le côté droit de l’habit ou de la soutane, pendue à une triple chaîne d’or. Au croissant d’or, étaient appendus de petits bâtons d’or façonnés en colonnes ou ferrets d’aiguillettes d’or, émaillées de gueules, ce qui voulait signifier que les chevaliers s’étaient trouvés en autant de batailles ou siéges de ville qu’il y avait de bâtons appendus au croissant. Cette décoration « faisait ainsi reconnaître leur vaillance et leurs prouesses ».

L’habit de cérémonie ou manteau d’apparat était de velours cramoisi, fourré d’hermine pour le chef de l’Ordre, et de vair pour les chevaliers ; leur mantelet était de velours blanc ; enfin la doublure et la soutane étaient blanches. Au-dessous de cette robe, une deuxième robe de damas gris, fourrée de même. Le chaperon était de velours noir, brodé d’or pour les chevaliers et d’argent pour les écuyers.

L’Ordre du Croissant s’est éteint en 1480 par la mort du roi René, suivie de la réunion de l’Anjou à la France.

En 1455, Jean II, duc de Lorraine, héritier du roi René et des prétentions angevines au trône de Naples, institua en Italie l’Ordre de la Lune, qui n’est à proprement parler qu’une réforme de l’Ordre précédent et des Ordres établis antérieurement à Naples par les princes de la maison d’Anjou.

Le duc Jean avait pris le titre de roi de Naples, et pendant son voyage dans les Deux-Siciles, il destina cet Ordre à récompenser les chevaliers napolitains qui restaient fidèles à sa dynastie. Il fit alors une assez forte promotion de chevaliers de la Lune, parmi lesquels fut le prince Robert de San Severino.

Les insignes étaient une lune d’argent portée au bras, et la même figure suspendue au cou par un collier d’or. L’existence de cet Ordre ne s’est pas soutenue.

Pour en avoir fini avec les états de Lorraine, il me reste à mentionner l’Ordre de Saint-Nicolas, ou Ordre de Lorraine (appelé aussi Ordre de la Mère de Dieu).

Cet ordre a été projeté au commencement du XVIIe siècle par Henri-le-Bon, duc de Lorraine.

Les chevaliers de Saint-Nicolas se seraient engagés à « aider la chrestienté contre le Turc ». Les ducs de Lorraine auraient été grands-maîtres. Il y aurait en un maréchal, un chancelier, un trésorier, un secrétaire, deux chapelains, deux huissiers et un nombre de chevaliers qui n’était pas limité dans le projet.

Les postulants n’auraient été reçus qu’à l’âge de dix-huit ans accomplis. Le collier de l’Ordre aurait été blanc, avec l’image de Notre-Dame sur une croix de Lorraine.

Mais pour des motifs restés inconnus, le duc Henri ne donna pas suite à son projet, et l’Ordre, qui fut adopté plus tard comme ordre noble de Lorraine, a été le suivant, dont l’institution est due aux comtes de Bar.

 

Ordre de chevalerie du comté de Bar, devenu Ordre noble de Lorraine et de Bar.

Le 31 mai 1416, Louis Ier, comte de Bar, institua l’Ordre du Lévrier, destiné à récompenser les services rendus et à resserrer les liens entre les gentilshommes barisiens et leur souverain.

En 1422, le même prince changea et augmenta les statuts de l’Ordre militaire du Lévrier, et le plaça sous le patronage ou l’invocation de saint Hubert.

Resté ordre noble du cornté de Bar pendant plus de trois siècles, l’Ordre de Saint-Hubert n’a pas cessé de comprendre au nombre de ses chevaliers les meilleurs gentilshommes du Barrois. C’est à tort qu’il a été confondu avec plusieurs Ordres du même nom, et c’est ce qui a pu faire croire que dès le XVIIe siècle l’institution barisienne avait été transplantée en Allemagne.

En 1740, Stanislas, roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, réforma la constitution de l’Ordre de Saint-Hubert et lui donna le titre d’Ordre noble des duchés de Lorraine et de Bar.

En 1766, à la mort du roi Stanislas, le roi Louis XV prit sous sa protection spéciale ceux des chevaliers de SaintHubert qui voulurent devenir Français lors de la réunion des duchés au royaume. Une partie des membres de l’Ordre se retira en Allemagne, auprès des anciens princes lorrains.

En 1783, le roi Louis XVI modifia de nouveau les réglements de l’Ordre. Le même prince, par lettres-patentes de janvier 1786, autorisa les chevaliers de Saint-Hubert à fonder, dans l’hôpital de Bar, un établissement pour les pauvres.

Supprimée en 1792, la partie française de l’Ordre de Saint-Hubert est allée se fondre en Allemagne avec la fraction qui en était séparée depuis 1766.

En 1806, le siége de l’Ordre a été transféré à Francfort, et la grande-maîtrise a été acceptée par Charles de Dalberg, grand-duc de Francfort, prince primat de l’Église catholique d’Allemagne, archevêque de Ratisbonne et président de la confédération du Rhin (électeur de Mayence, ai’chichancelier du Saint-Empire avant 1806).

Ce prince adopta l’Ordre de Saint-Hubert pour le grand-duché de Francfort.

En 1815, les traités, qui bouleversaient de nouveau l’Europe, supprimèrent le grand-duché de Francfort. L’Ordre de Saint-Hubert reprit le titre d’Ordre noble de Lorraine et de Bar. Le duc de Dalberg conserva la grande maitrise jusqu’à sa mort, en 1817. Elle fut alors conférée à Louis -Marie-Céleste d’Aumont de Rochebaron, duc de Piennes, lieutenant-général des armées françaises, chevalier des Ordres de Saint-Louis, de la Légion d’honneur et de l’Épée de Sicile.

Enfin, reporté en Allemagne en 1830, l’Ordre de Saint-Hubert a pris dans cette cinquième période un caractère moins politique et paraît s’être consacré presque exclusivement aux œuvres de bienfaisance.

Sous la restauration, des démarches ont été faites par des personnes notables pour obtenir la reconnaissance officielle et le maintien de l’Ordre de Saint-Hubert. Malgré leurs efforts, cette institution a cessé de subsister dans le Barrois et en France, faute de dignitaires et de membres. Mais il n’a jamais été supprimé.

Les archives de l’Ordre existent encore à Bar-le-Duc. On peut y trouver des empreintes du sceau sur des pièces appartenant à des familles dont les auteurs en ont fait partie.

Les insignes de l’Ordre, dans sa deuxième période, consistaient en une croix d’or octogone, aux armes de Lorraine. Le médaillon central représentait l’adoration de saint Hubert. Le ruban était rouge et porté en écharpe.


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La réunion du Barrois et du Luxembourg

D’après le « Manuel de la Meuse » de Jean François Louis Jeantin – 1861

La réunion du Barrois et du Luxembourg, sous les lois d’un prince barrisien, Thiébault Ier de Stenay, est l’un des grands événements politiques de la fin du XIIe siècle.

Le vieil Henry dit l’aveugle, ce preu qui se lançait, tête baissée, dans tous les conflits militaires, et qui tenait sous son sceptre le Namurois et le Luxembourg, n’ayant point eu d’enfant de Laurence d’Alsace sa première épouse, avait jeté les yeux sur Baudouin V, fils de sa sœur Aëlice de Flandre, pour succéder à ses alleuds.

La donation avait été signée en 1173, quand Henry, tout à coup, se ravise. En 1182, voilà qu’il se remarie à Agnès, fille d’un comte de Gueldres. Survient une grossesse, en 1185, et le vieillard devient père.

Cette enfant était Ermesinde, destinée à devenir la princesse la plus grande et la plus célèbre du Luxembourg.

Une compétition ardente s’établit aussitôt autour du berceau de l’héritière :
- Beaudouin, d’une part, en révolte armée contre son oncle et envahissant ses Etats
- Eudes III de Bourgogne, de l’autre, se prétendant seul successible, de par diplôme de l’empereur (Henri VI, son frère) qui avait déclaré le Luxembourg fief vacant de l’empire, pour le cas où son bénéficiaire décéderait sans héritier mâle
- enfin, le comte Henry de Champagne revendiquant les terres, d’origine champenoise, possédées par les comtes de Chiny et d’Arlon, à Stenay, à Ivoy, et dans le bassin de la Chière, de Chauvancy à Douzy.

C’est sur ces entrefaites que le vieil Henry voulut assurer à sa fille une protection dévouée, du côté du Barrois. Thiébault, fils cadet du comte Renault de Bar et d’Agnès de Champagne, était un prince de haute valeur. Il n’était encore que comte de Briey et comte de Stenay, mais on était sans nouvelles de son aîné, alors militant pour la délivrance des saints lieux.

Thiébault était veuf :
- 1° de Lorette, fille de Gérard, comte de Loos, dont il avait une fille, Agnès, qui devint épouse du duc de Lorraine, Ferry II
- 2° d’Elisabeth de Bar sur Seine, dont il avait un fils, qui fut le comte de Bar Henry II.

En 1189, fut donc arrêté le mariage de Thiébault avec la jeune Ermesinde, âgée de 4 ans à peine. La charte anténuptiale constate que Thiébault, comme maître du Briacensis, a assigné à sa fiancée le château de Briey et toutes ses dépendances, avec moitié de leurs futurs acquêts. Cette assignation fut transférée sur Saint Mihiel, après la mort du comte Henri Ier, frère ainé de Thiébault.

Les témoins de cet acte sont : Baudouin de Bar – Guillaume de Longwy – Gérard d’Othange, sire de Haute rive – Ulric de Florhanges, sire de Billy et d’Argentel – Lieutard de Briey, sire de Jametz – Wery de Walcourt, sire de la Fentsh (Fontois) – Philippe de Louppy, sire de Bazeilles – Hugues Beles de Triangulo.

Après avoir fiancé Ermesinde, le comte de Briey et Stenay ne faillit pas à la tâche de lui conserver ses Etats.

Devenu comte de Bar, par la mort prématurée de Henri Ier son aîné, à prix d’argent, d’abord, Thiébault apaisa Eudes de Bourgogne, le plus âpre de ses concurrents. Il satisfit, ensuite, à quelques prétentions de Henry de Champagne, comme comte de Rethel et Grandpré, sur les terres de l’Astenensis et du fief d’Yvoi.

Puis, avec le concours de ses braves barrisiens et notamment des chevaliers, tous indépendants alors, des basses Wabvres et du Walon, Thiébault contraignit Baudouin des Flandres et Philippe de Namur à compter avec lui.

La paix de Dinant fut conclue en 1199, et le traité de partage du Namurois, non seulement conserva à la jeune héritière ses états patrimoniaux, mais, pour de longs siècles, il adjoignit encore les comtés de Durbuy et de la Roche, au grand Luxembourg. Thiébault et ses chevaliers y firent aussi de nombreux acquêts.

Après la mort de Thibault Ier, Henry fit ses reprises de sa veuve, c’est-à-dire Ermesinde, qui, comme comtesse de Luxembourg, avait la haute suzeraineté sur les châtellenies d’Yvoix, de Saint Mard, de Jametz et de Stenay.

Quand, en 1214, celle-ci convola avec Waleram d’Arlon, Henry assista aux pompes de ses noces, à la suite de son seigneur médiat le comte Louis IV de Chiny.

Quand Ermesinde mourut, en 1246, des démêlés sanglants s’élevèrent entre son beau-fils Henry II de Bar, et son fils (du second lit) Henry II de Luxembourg, pour la possession de Marville et de Louppy.

Le Barrois mouvant et le Barrois non-mouvant

 

 

D’après la monographie « Le Barrois » d’Alexandre Martin – 1912

 

A l’origine de la féodalité, le Barrois, qui avait le titre de comté, se trouvait, par sa frontière occidentale, limitrophe d’un autre grand fief, le comté de Champagne, avec lequel il fut souvent en lutte.

Mais ce voisinage devint encore bien plus redoutable pour lui, lorsque la Champagne, par suite du mariage de Jeanne, héritière de ce fief, avec le roi Philippe IV le Bel, fut réunie au domaine de France. Dès lors, le Barrois ne cessa plus d’être l’objet des convoitises françaises, et c’est précisément Philippe le Bel qui fit sur lui le premier acte sérieux de mainmise.

Dans l’organisation féodale primitive, le comté de Bar relevait du Saint Empire romain germanique. L’Empereur d’Allemagne était son suzerain. Le comte Henri III avait épousé Éléonore, fille d’Edouard Ier, roi d’Angleterre, qui était en guerre avec Philippe le Bel. II prit le parti de son beau-père, envahit la Champagne et brûla l’Abbaye de Beaulieu-en-Argonne. Philippe le Bel envoya contre lui une armée, commandée par Gauthier de Crécy, seigneur de Châtillon. Henri III, battu et fait prisonnier, fut tenu en dure captivité dans la ville flamande de Bruges.

Cependant, Albert de Habsbourg, duc d’Autriche, disputait la couronne impériale à Adolphe de Nassau. Il le tua dans une bataille et se fit élire empereur à sa place. Mais, comme la couronne lui était contestée, et qu’en particulier le pape, alors puissant arbitre dans les démêlés politiques des États, ne voulait pas le reconnaître, il sollicita l’alliance de Philippe le Bel, avec lequel il eut des entrevues, dont la plus connue est celle de Vaucouleurs.

On assure que pour se le rendre favorable et seconder ses projets sur le Barrois, il renonça à sa propre suzeraineté sur la partie du Barrois située sur la rive gauche de la Meuse. Peu de temps après, en 1301, Philippe le Bel imposait au comte Henri III, prisonnier à Bruges, comme condition de sa mise en liberté, la reconnaissance de la suzeraineté du roi de France pour cette même partie, qui fut à tout jamais ce qu’on appella le Barrois mouvant, c’est-à-dire la partie du Barrois pour laquelle le comte de Bar, auparavant vassal de l’empereur, était devenu celui du roi, tandis que l’autre partie du comté, celle qui était située sur la rive droite de la Meuse, restait sous la suzeraineté de l’Empire, et s’appelait le Barrois non-mouvant.

Philippe le Bel s’exprime ainsi dans le traité de Bruges : « Lidis Cuens (ledit Comte) nous a fait hommage lige, pour nous et pour notre hoir (héritier), roi de France, de Bar et de la Châtellenie de Bar et de toutes les choses qu’il tenait en franc-alleu par deçà la Meuse vers le royaume de France, si comme elles sont nommées, expressées, et devisées en ses lettres baillées à nous sur ce, et de tout ce entièrement qu’il tenait en franco-alleu, en quelque lieu que ce soit, et quelconque chose que ce soit, par deçà de la Meuse vers le royaume de France ».

Le traité du Bruges et cette mouvance du Barrois qu’il entraîne, ont été la cause d’interminables débats entre le Barrois et la France, les souverains de l’un et de l’autre s’efforçant d’en restreindre ou d’en étendre l’effet suivant leur intérêt propre.

Comme en réalité, il ne stipule à la charge du souverain barrois que l’hommage-lige à l’égard du souverain français, on doit, pour bien l’entendre, déterminer en quoi consistait l’hommage-lige.

L’hommage-lige, ou ligence, obligeait le vassal envers le suzerain dont il était l’homme à trois services :
- d’abord, et principalement, le service militaire, de sa personne et de la force armée dont il disposait, quand il en était requis
- ensuite l’obligation d’assister le suzerain dans sa cour de justice et de prendre part au jugement des contestations portées devant lui
- enfin l’obligation de reconnaître la cour de justice du suzerain en cas de procès entre vassaux de la même mouvance.

Mais la mouvance n’était nullement une annexion. Elle ne transformait nullement l’homme-lige en sujet.

Quarante-neuf ans après le traité de Bruges, le roi Jean le Bon, dans une ordonnance, qualifiait le comté de Bar de « lieu voisin de son royaume», par conséquent du pays étranger.

En 1392, dans une ordonnance relative aux monnaies, Charles VI disait : « Nous sommes informé que, parce qu’il n’y a pas d’hôtel des monnaies à Sainte-Menehould, grande quantité de billon est portée ès-monnaies des duchés de Bar et Lorraine et autres monnaies étrangères hors notre dit royaume». Comme c’est à Bar-le-Duc que le Barrois frappait principalement les monnaies, l’on en déduit que Charles VI qualifiait également Bar de pays étranger.

Le 30 décembre 1437, Charles VII expose dans des lettres, que le duc de Bar s’est plaint auprès de lui de ce que des gens de guerre français ont envahi le duché de Bar, « et illec ont occis, meurtri, pillé, robe, rançonné plusieurs de ses hommes et sujets ». Le roi de France ajoute : « Pour ce que se pourraient faire grands débats et divisions s’il advenait qu’aucuns entre vous se voulsissent vivre et eux tenir sur les pays et sujets de notre dit frère, vous mandons que nulles gens de guerre dussent ors et pour le temps à venir aller, loger, vivre et sostenir ès-terres et pays de notre dit frère ».

En 1445, le roi René, duc de Bar et de Lorraine, empêché de séjourner dans cette partie de ses États par les occupations que lui donnaient ses autres domaines, l’Anjou, la Provence, et ses prétentions à la royauté de Sicile, déléguait comme son lieutenant-général en Barrois et Lorraine, son fils Jean de Calabre.

Il définissait les pouvoirs conférés à celui-ci par des lettres qui sont particulièrement remarquables, parce qu’elles montrent que René d’Anjou se considérait comme possédant, en sa qualité de Duc de Bar, les droits qu’on appelait communément « régaliens », c’est-à-dire les droits de souveraineté, incompatibles avec la situation d’un seigneur qui, si haut placé qu’il fut, n’eût été qu’un simple sujet du roi de France.

« Auquel notre dit fils de Calabre, disait-il, avons donné et octroyons plein pouvoir pour régir, gouverner nos dits duchés, pays et seigneuries de Bar et de Lorraine en chef et en membres; et en iceux :
- 1° instituer officiers tant sur faits de justice qu’autrement
- 2° disposer et ordonner de toutes nos finances
- 3° quitter tout cas de crime et en faire grâce
- 4° imposer finances sur nos dits pays
- 5° faire assemblée tant des trois étays comme des gens d’armes
- 6° faire alliance et confédération
- 7° faire battre et forger monnaie
- 8° et généralement toutes choses quelconques, excepté seulement d’aliéner notre domaine pour don, vendition, engagement ou autrement, et aussi de la collation des bénéfices appartenant à notre patronnage
».

En 1466, Louis XI, allié du roi René contre les Bourguignons, s’adressant « à nos très chers et bien aimés les gouverneurs, baillifs et gens du conseil de notre très-cher et très-amé oncle et cousin, le roi de Sicile, étant à Bar-le-Duc », leur proposait de leur fournir une garnison pour les défendre contre une tentative bourguignonne, et il le faisait en des termes qui montrent bien qu’il ne se considérait pas du tout comme le souverain du pays, maître par conséquent d’y expédier ou non ses gens d’armes à sa guise.

« Nous envoyons présentement par delà notre amé et féal conseiller et chambellan, le sire de Baudricourt, auquel nous avons chargé vous dire que si vous avez métier de gens d’armes ou autre aide, pour la garde et sûreté de vous et du pays, que pour l’amour de notre cher et très-amé oncle et cousin le roi de Sicile, nous vous en secourrons très-volontiers à notre pouvoir, comme nous ferions nos propres pays et sujets ».

Moins d’un siècle plus tard, il est vrai, François Ier, mécontent des complaisances du duc de Lorraine et de Bar à l’égard de Charles-Quint, dont la nièce, Christine de Danemark, avait épousé le fils aîné de ce duc, lui suscitait de sérieuses difficultés au sujet du Barrois-Mouvant, et finissait par lui imposer, en 1541, un acte des plus graves, dans lequel Antoine s’exprimait ainsi : « Reconnaissons et confessons que par le moyen de la jouissance des dits droits de régale et de souveraineté en notre dit duché de Bar, tant pour le passé que pour l’avenir, n’avons entendu et entendons prétendre ni acquérir les dits droits de régale et de souveraineté en notre dit duché de Bar, ne iceux nous appartenir, mais en jouir par le moyen de la grâce et permission du roi notre souverain seigneur, et pour le cours de nos vies tant seulement, sans que nos autres successeurs ni ayans cause y puissent aucune chose demander ni quereller ».

La déclaration est formelle : le duc de Bar reconnaît que les droits de régale et de souveraineté ne lui appartiennent pas en propre, mais qu’il les tient du bon vouloir du roi du France, et que ses successeurs ne peuvent y prétendre d’une autre manière.

Hâtons-nous d’ajouter que, trois ans après, le traité de Crépy annulait cet acte, et remettait le Barrois dans la situation où il se trouvait auparavant. Mais les difficultés n’en continuent pas moins entre les successeurs de François Ier et d’Antoine.

Enfin, le 25 janvier 1571, entre le roi de France Henri III et le duc de Lorraine et de Bar, Charles III, intervient un concordat dans lequel il est dit : « Pour pacifier et mettre fin à tous procès et différends tant mus qu’à mouvoir à raison desdits droits de régale et souveraineté, le dit seigneur roi a accordé et octroyé, accorde et octroie, pour lui et ses successeurs rois de France, au seigneur duc de Lorraine et de Bar son beau-frère, que tant lui que tous ses descendans puissent jouir et user librement et paisiblement de tous droits de régale et de souveraineté ès-terres du bailliage de Bar, prévôté de La Marche, Châtillon, Conflans et Gondrecourt, tenus et mouvans dudit seigneur roi, et dont le dit seigneur duc lui eu a fait la foi et l’hommage-lige ».

Ainsi, d’après cet acte important, le duc de Lorraine et de Bar jouit bien dans le Barrois mouvant « de tous droits de régale et de souveraineté», mais c’est en vertu de l’octroi qui en est fait, une fois pour toutes, à lui et à ses descendants, par le roi de France dont il est l’homme-lige.

Le concordat de 1571 stipule, à l’égard de la souveraineté du duc sur le Barrois mouvant, une restriction beaucoup plus grave encore. Depuis longtemps, les ducs toléraient que les gens de ce Barrois en rappelassent à la justice française des décisions de leurs tribunaux inférieurs, mais ce n’était pas pour eux une obligation stricte. Les justiciables, en cas d’appel, s’adressaient, soit aux tribunaux français, soit à la Cour souveraine de Saint-Mihiel, qui était purement barroise. Dorénavant, en vertu du concordat, l’appel devra être invariablement porté en France.

« Pour le regard des sentences et jugemens donnés par le bailly de Bar et par le bailly de Bassigny ès-dites terres mouvantes du dit seigneur roy, les appellations ressortiront immédiatement en la cour du Parlement de Paris, sinon que pour les petites causes n’excédant la somme dont les juges présidiaux ont accoutumé de connaître ; lesquelles appellations ressortiront au bailliage et présidial de Sens». Donc le duc renonce, en matière de justice, au droit de ce qu’on appelle « le dernier ressort », droit éminemment régalien, et il le concède au roi de France, qui établit ainsi définitivement son autorité suprême dans le Barrois mouvant sur un point d’importance capitale.

L’accord entre le roi de France et le duc de Lorraine et de Bar, établi sur ces bases, ne dura pas très longtemps.

Le duc Charles IV eut la folie d’entrer en lutte ouverte avec son puissant voisin et suzerain. Il lui refusa l’hommage-lige. Par arrêt du Parlement de Paris en date du 5 septembre 1634, il se vit, en vertu du droit féodal, confisquer le Barrois mouvant, comme vassal coupable de félonie. Le traité des Pyrénées sanctionnait cette confiscation et annexait le Barrois mouvant à la France.

Pourtant Louis XIV le restitua au duc, en 1661, par le traité de Vincennes. Le duc Charles IV rendit l’hommage au roi de la façon suivante : Le roi assis dans un fauteuil était au milieu des princes du sang, environné d’une foule de seigneurs. Charles remit son chapeau, son épée et ses gants au premier gentilhomme de la chambre. Il se mit à genoux sur un coussin, et, le roi lui tenant les mains entre les siennes, le chancelier prononça à haute voix la formule de l’hommage en ces termes : « Monsieur, vous rendez au roi la foi et l’hommage-lige que vous lui devez comme à votre souverain, à cause du duché de Bar et pour les terres du dit duché qui sont mouvantes de sa couronne. Vous jurez et promettez à Sa Majesté de lui rendre la fidélité, service et obéissance que vous êtes tenu de lui rendre à cause de vos terres, et de le servir de vos personne et biens, envers tous et contre tous, sans nul excepter, en toutes les guerres ou divisions que lui ou ses successeurs rois pourraient ci-après avoir contre les ennemis de sa couronne, pour quelque chose que ce soit, ainsi que vous y êtes obligé pour raison de vos terres ; et ne permettrez qu’en icelles il ne soit fait aucune chose au préjudice de Sa Majesté et de son État. Ainsi le jurez et promettez ». A quoi le seigneur duc répondit : « Oui, sire, je le jure ».

On peut ajouter qu’il ne le répondit pas de tout coeur. Bientôt, il reprenait les hostilités avec la France, attirait sur ses États d’horribles calamités, en amenait une occupation par la France qui dura jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Restitués à leur souverain légitime par le traité de Ryswick, la Lorraine et le Barrois reprirent à peu près la situation qu’ils avaient avant les guerres de Charles IV. Le duc Leopold redevint, pour le Barrois mouvant, l’homme-lige du roi.

Dans la matinée du 10 septembre 1700, à Bar-le-Duc, rue de l’Armurier, un cartel blasonné aux armes de France qui figurait sous une arcade supportée par deux piliers, fut trouvé en morceaux sur le sol. Cet incident donna lieu à une grave affaire. La chute des armes de France n’était pas accidentelle, des Barrisiens l’avaient déterminée, animés sans doute par les ressentiments des maux jadis subis dans le Barrois.

L’autorité royale s’émut, le Parlement de Paris intervint, le lieutenant-général du bailliage français de Chaumont vint procéder sur les lieux à une enquête. Finalement, après une longue procédure, par un arrêt en date du 27 janvier 1702, le Parlement de Paris ordonna que les armes de France seraient rétablies, rue de l’Armurier, comme elles étaient avant cette tragique histoire, et qu’une plaque de cuivre, apposée auprès d’elles, rappellerait les motifs et les circonstances de la restauration. Cela se passait dans la capitale du Barrois, sous le règne du duc Léopold, qui n’était pas proprement le sujet de Louis XIV, et montre bien tout de même que la mouvance entraînait pour lui une subordination qu’il pouvait trouver quelque peu humiliante.

Le 1er février 1730, le dernier duc héréditaire de Lorraine et de Bar, François III, rendait encore au roi de France Louis XV l’hommage-lige qu’il lui devait pour la mouvance, et à peu près dans les mêmes formes que le duc Charles IV au siècle précédent. Comme lui, il se mettait à genoux, tête nue, sans épée, les mains jointes dans celles du roi, entendait la formule du serment dite par le chancelier. « A quoi le duc ayant acquiescé, le roi le baisa et le releva ».

On a dit assez souvent que le Barrois avait deux capitales, l’une, Bar-le-Duc, pour le mouvant, l’autre, Saint-Mihiel, pour le non-mouvant. C’est une erreur.

Sa seule capitale était Bar, qui lui donnait son nom, qui possédait le Château ducal, et qui était le domicile officiel du duc, comme le déclare formellement Léopold en 1720, dans un pourvoi formé auprès du Conseil du roi contre un arrêt du Parlement de Paris, qui l’assignait à comparoir auprès du procureur général de cette cour pour une affaire relative au comté de Ligny.

C’est à Bar que siégeait la Chambre des comptes, dont la juridiction s’étendait sur tout le duché. Enfin, c’est à Bar qu’on a mis, par tradition, le chef-lieu de la Meuse, laquelle correspond, sous les réserves mentionnées ci-dessus, à l’ancien Barrois, bien que ce chef-lieu ne soit nullement central, et que, par sa position, Verdun eût offert des commodités plus grandes.

Saint-Mihiel, il est vrai, possédait une Cour souveraine, qui prononçait en dernier ressort sur tes affaires judiciaires du Barrois non-mouvant. Ainsi s’explique sans doute, le privilège dont il jouit, dans le département de la Meuse, d’être le siège de la cour d’assises, ainsi que du tribunal de première instance de l’arrondissement de Commercy.

Il y a dans la Meuse nombre de villes qui peuvent, à certains égards, se parer du nom d’anciennes capitales, Bar-le-Duc, Verdun, Saint-Mihiel, Commercy, Ligny, même Clermont-en-Argonne, même Stainville, qui donnait son nom à un Duché-Pairie, institué au XVIIIe siècle en faveur d’un Choiseul.

La distinction entre le Barrois et la Lorraine

Armoiries du duché de Bar

D’après la monographie « Le Barrois » d’Alexandre Martin – 1912

En janvier 1790, l’assemblée nationale constituante supprimait la division de la France en provinces, et la remplaçait par la division en 83 départements, effaçant en un jour l’oeuvre historique des siècles et y substituant une conception logique qui lui semblait infiniment meilleure.

On lit généralement dans les manuels, que l’ancienne province de Lorraine forma quatre départements, la Meurthe, la Moselle, les Vosges et la Meuse. Cette notion sommaire est inexacte, comme du reste beaucoup d’autres que les manuels se transmettent, pour ce qui concerne la Meuse en particulier.

L’annexion de la province de Lorraine et Barrois à la France, n’est pas de date très ancienne, puisqu’elle ne remonte qu’à 1766. Auparavant cette province constituait un double Duché, celui de Lorraine, et celui de Bar, qui était indépendant, sous certaines réserves que nous verrons plus tard.

En remontant de 1766 à 1737, s’étend une période de vingt-neuf ans, toute spéciale, pendant laquelle les Duchés de Lorraine et de Bar, cessant, en vertu du traité de Vienne, d’appartenir à leurs princes héréditaires, ont pour souverain un roi de Pologne détrôné, Stanislas Leczinski, beau-père du roi de France Louis XV.

En réalité, Stanislas n’est guère qu’un souverain nominal. Le véritable pouvoir est aux mains de la France, représentée par Chaumont de La Galaizière, le prétendu chancelier de Sa Majesté polonaise.

Il n’en faut pas moins remarquer que Stanislas Leczinski prit possession des deux duchés de Lorraine et de Bar par des actes séparés, à des dates différentes. Il le fit seulement le 21 mars à Nancy pour la Lorraine, mais ce fut le 8 février précédent que ses deux représentants, MM. de La Galaizière et de Meckec, reçurent en son nom, « dans sa bonne ville de Bar », au château ducal, le serment de fidélité des principaux fonctionnaires du Barrois.

Les ducs héréditaires qui gouvernèrent la Lorraine et le Barrois, en remontant de 1737 jusqu’à l’année 1419, se considérèrent toujours comme investis d’une double souveraineté, celle de deux États bien distincts, que le traité de Foug (20 mars 1419) avait unis sous le sceptre du même prince, mais dont aucun des deux n’avait été annexé à l’autre. Jusqu’à cette date de 1419, le Duché de Bar et celui de Lorraine avaient été entièrement séparés.

Sur le Barrois, régnait alors le cardinal Louis de Bar, qui ne pouvait avoir d’héritiers légitimes aptes à lui succéder, et sur la Lorraine le duc Charles II, qui n’avait qu’une fille, Isabelle. Les deux ducs négocièrent le mariage d’Isabelle avec René d’Anjou, petit-neveu du cardinal Louis par sa mère, Yolande d’Aragon, fille elle-même d’Yolande de Bar, et mariée au duc Louis d’Anjou.

C’est cette princesse, « femme fort intelligente et avisée », qui fut l’âme de la combinaison. René d’Anjou, alors âgé de dix ans, reçut de son grand-oncle le cardinal Louis la cession du Barrois et de tous les autres domaines de ce prince. L’année suivante, il épousait à Nancy Isabelle de Lorraine. Il devait rester en Lorraine jusqu’à sa majorité, sous la garde et sous la direction de son beau-père le duc Charles II, et, à la mort de celui-ci, ajouter au titre de duc de Bar, qu’il possédait en propre par la cession du cardinal Louis, celui de duc de Lorraine, que lui conférait le droit de sa femme Isabelle.

Puis, sous les descendants de René et d’Isabelle, les deux duchés, tout en étant distincts, devaient « rester pour toujours tellement unis et indivisibles qu’ils ne pourraient jamais être séparés sous aucun prétexte que ce puisse être ».

Enfin, si nous remontons du traité de Foug jusqu’aux origines des deux États, nous les trouverons, non seulement indépendants l’un de l’autre, mais souvent ennemis l’un de l’autre, se faisant mutuellement la guerre et vivant dans le plus désagréable voisinage.

Il résulte de tout ce qui précède, que le Barrois était un pays bien à part, qu’il avait son existence et sa physionomie propres, et qu’il ne se confondait nullement avec la Lorraine. Nous allons voir maintenant comment son territoire était constitué.

Comme toutes choses en ce monde, les États évoluent, ils ne demeurent pas dans une situation invariable. Ils ont leurs périodes de naissance, de croissance, de maturité, de décadence et de fin. C’est pourquoi le territoire d’aucun État n’est invariable non plus. En général, petit à l’origine, il s’étend peu à peu par des annexions successives, puis souvent diminue par suite de pertes.

Le Barrois a vu son territoire changer sensiblement dans la série de siècles pendant laquelle il a vécu d’une vie propre. Mais eu égard à son exiguïté, au peu d’étendue des pays qu’il a pu conquérir ou perdre, ces changements sont beaucoup plus difficiles à suivre que ceux d’un grand pays comme la France. Les annexions de la France sont de grandes provinces comme le Languedoc, la Champagne, la Bourgogne. Celles du Barrois consistent souvent en simples bourgades. Aussi n’en présenterons-nous pas l’historique, même sommaire, dans ce chapitre. Nous nous contenterons de prendre le Barrois tel qu’il était aux approches de la Révolution, vers la fin du XVIIIe siècle.

Nous constatons à première vue que le Barrois ne correspond pas du tout, exactement avec le département de la Meuse, et qu’il se présente à nous, non pas comme une étendue continue et compacte, mais comme un ensemble de plusieurs îlots, de dimensions fort inégales, séparés les uns des autres par des territoires qui ne lui appartiennent pas. Le préfet de la Meuse peut se rendre sur tous les points de son département sans en quitter un instant le territoire. Un haut fonctionnaire du Barrois n’était pas dans le même cas.

Ce qui attire d’abord le regard c’est, à l’Ouest, le plus considérable de tous ces îlots, celui qui constitue le bailliage de Bar, avec la ville de Bar-le-Duc à peu près au centre, et qui comprend à peu près les cantons actuels de Bar, Ancerville, Montiers, Ligny, Pierrefitte, Vavincourt, Revigny, Vaubécourt et Souilly.

Cet îlot a comme prolongements trois sortes de presqu’îles, aux contours découpés et sinueux, rattachées à lui par des sortes d’isthmes, et n’appartenant pas au bailliage de Bar :
-
La première, au Sud-Est, comprend le canton actuel de Gondrecourt, et une partie de celui de Vaucouleurs (à noter toutefois que la ville de Vaucouleurs elle-même est, non pas barroise, mais française).
-
La seconde, à l’Est, en partie correspond aux cantons meusiens de Saint-Mihiel et de Vigneulles, mais comprend des cantons du département de Meurthe-et-Moselle, les bailliages barrois de Thiaucourt et de Pont-à-Mousson. Thiaucourt, Pont-à-Mousson sont des villes barroises. En 1354, Pont-à-Mousson avait été érigé en marquisat, dont les ducs de Bar ne manquèrent jamais de prendre le titre distinct.
- La troisième enfin, au Nord-Est, plus petite que les deux autres, constituant le comté d’Hannonville, comprend les villages d’Hannonville, Doncourt, Thillot, Dommartin, Dompierre, Vaux, Lacroix, Troyon, Ambly, qui appartiennent aux cantons actuels de Fresnes, Vigneulles, Saint-Mihiel et Verdun.

Au Sud-Est de ce gros îlot flanqué de trois presqu’îles que nous venons de décrire, se présente un autre îlot, entièrement séparé du premier par le territoire de la France et de la Lorraine. Ce sont les bailliages de Bourmont, et de La Marche. Le chef-lieu du premier, Bourmont, est actuellement le chef-lieu d’un canton de la Haute-Marne, et celui de l’autre, La Marche, est du département actuel des Vosges.

Regardons maintenant au Nord-Est de la carte. Nous y voyons un nouvel îlot, d’étendue assez considérable, entièrement séparé, lui aussi, du premier, par un territoire devenu français depuis le XVIe siècle, mais qui, auparavant, appartenait à deux États indépendants, les Évêchés de Verdun et de Metz. Nous énoncerons ici un fait très connu des historiens, mais assez ignoré du gros public, c’est que Verdun n’est pas plus terre barroise que Metz n’est terre lorraine. Verdun et Metz ont cessé d’être les capitales de sortes de Républiques souveraines pour devenir directement français. Ils n’ont jamais été l’un barrois, l’autre lorrain, à moins qu’on ne remonte jusqu’à l’ancienne Lotharingie, dont nous n’avons pas à nous occuper un instant.

Ce troisième îlot comprend les bailliages d’Étain, de Briey, de Villers et de Longuyon. Une bonne partie de celui d’Étain rentre dans la Meuse actuelle. Les autres appartiennent à la Meurthe-et-Moselle. Toutefois un certain nombre de villages du bailliage de Longuyon sont aujourd’hui meusiens, tels Arrancy, Sorbey, Rouvrais, Nouillompont, etc. Notons qu’au milieu de ce troisième îlot barrois, se souvent des enclaves de l’Empire d’Allemagne, mais qu’au Nord, il détache lui-même en plein pays luxembourgeois des petites enclaves barroises, comme Batlincourt, Aubange, Athus, Saulne.

Nous citerons seulement pour mémoire de petits îlots éparpillés en territoires non barrois, autour des trois principaux qui viennent d’être décrits, par exemple :
- au Nord-Ouest ceux de Beaumont, de Gremilly, de Besonvaux, de Châtillon, de Sommedieue
- à l’Est ceux de Clémery, de Serrières, de Ville-au-Val
- au Sud ceux de Saint-Germain, de Pagny-la Blanche-Côte, etc.

Des quatre chefs-lieux d’arrondissement de la Meuse, un seul, Bar-le-Duc, était franchement Barrois.

Deux autres, Verdun et Montmédy, ne l’étaient, sans aucun doute, pas du tout. Pour Verdun, nous l’avons expliqué il y a un instant. Montmédy avait appartenu au duché de Luxembourg, au comté de Chiny, puis à l’Espagne. Louis XIV l’acquit définitivement à la France par le traité des Pyrénées en 1659.

Quant à Commercy, petite capitale d’une seigneurie longtemps indépendante, dont les princes s’appelaient Damoiseaux, il passa plusieurs fois en vertu d’achats, de traités, d’alliances, sous la souveraineté des ducs de Lorraine et de Bar, puis redevint indépendant. Au XVIIe siècle, il appartenait à Jean-François-Paul de Gondi, le fameux Cardinal de Retz, qui le vendit au duc de Lorraine et de Bar, Charles IV. Mais il ne devint pas proprement Barrois, il continua à être la capitale d’une principauté distincte appartenant définitivement à la maison de Lorraine.

On doit signaler aussi la situation spéciale du pays de Ligny. Originairement une seigneurie appartenant aux comtes de Champagne, par suite d’un mariage il passa en 1155 dans la Maison de Bar, et y resta jusqu’en 1231. A cette date, pour la même raison, il échut à la Maison de Luxembourg, qui, en 1367, le vit ériger en comté par Charles V, roi de France, et qui le garda jusqu’en 1719, époque à laquelle le dernier Comte, Charles-François-Frédéric de Montmorency-Luxembourg l’aliéna au duc de Lorraine et de Bar Léopold pour la somme de 2 600 000 livres.

Ce comté avait environ sept lieues du Nord au Sud, et cinq de l’Est à l’Ouest. Ainsi s’explique que ce qui reste de la dépouille mortelle d’un certain nombre de princes de l’illustre Maison de Luxembourg, en particulier du célèbre maréchal, l’un des plus glorieux généraux de Louis XIV, repose aujourd’hui, définitivement, il faut l’espérer, dans une chapelle de l’église paroissiale de Ligny. Primitivement déposés dans les caveaux de la Collégiale qui était l’église castrale du château de cette ville, les Luxembourg furent exhumés en 1791, enterrés au cimetière, puis déterrés en 1839 et transportés à l’église paroissiale, où, en 1887, ils changèrent encore une fois de place pour occuper un caveau dans une chapelle à gauche du choeur, dédiée au bienheureux Pierre de Luxembourg.

Pour ceux qui se demandent, comment on pouvait bien s’y reconnaître parmi tous ces différents territoires, une carte de la Lorraine et du Barrois, datée de 1756, est en ligne sur ce site. (Possibilité d’effectuer un zoom et de déplacer la carte).

Et si vous êtes comme moi, même après l’avoir étudiée, vous vous poserez toujours le même question : comment faisaient-ils pour s’y retrouver ?

L’ordre du lévrier blanc

 

 

L’ordre du lévrier blanc ou l’ordre de Saint Hubert du Duché de Bar

D’après la « Notice historique de l’Ordre de Saint-Hubert du Duché de Bar » de V. Servais – 1868
et « Histoire des ordres de chevalerie » de François Frédéric Steenackers – 1867

La mort d’Edouard III, duc de Bar, et de Jean de Bar, son frère, seigneur de Puisaye, tués à Azincourt en défendant la France contre les Anglais, le 25 octobre 1415, fit tomber la succession de ces princes au pouvoir de Louis de Bar, le seul des fils de Robert, duc de Bar et de Marie de France qui vécût alors.

Louis de Bar, trop âgé pour renoncer à l’état ecclésiastique qu’il avait embrassé dans sa jeunesse, accepta la couronne ducale du Barrois, tout en conservant le titre de cardinal, et la crosse épiscopale de Châlons, qu’il permuta depuis pour celle de Verdun, ville plus rapprochée que Châlons de son héritage.

Ce prince que son âge, son état et sans doute aussi son caractère, éloignaient des habitudes guerrières, s’appliqua, dès le commencement de son règne, à cicatriser les plaies que les hostilités survenues entre la Lorraine et le Barrois, en guerre depuis plusieurs années, avaient faites au duché de Bar : il rechercha l’amitié du duc de Lorraine et la paix. Il ne tarda pas à obtenir l’une et l’autre. Les deux princes signèrent, le 4 décembre 1415, un traité qui mit fin aux événements désastreux dont les deux duchés avaient été le théâtre sur la fin du règne de Robert et sous celui d’Edouard III.

La guerre soutenue par Charles II contre Edouard III a été fatale à plusieurs des villages des environs de Bar-le-Duc. Le 2 mai 1414, des maisons furent incendiées à Savonnières-devant-Bar, par le duc de Lorraine et ses complices, qui brûlèrent aussi le même jour le village de Louppy-le-Château. Des quittances ou décharges d’impôt furent accordées pour 6 ans, à ceux des habitants de Savonnières dont les maisons avaient été arses. De semblables décharges furent accordées, aussi vers le même temps, aux villages de Rambercourt-sur-Orne, Tronville, Fains, les Marais, Condé, Belrain, Ville et Varney. On est fondé à penser que ces dernières exemptions eurent également pour motif les désastres de la guerre.

Après avoir assuré la paix au dehors de ses états, le cardinal de Bar s’occupa de rétablir le calme au dedans. C’est à son penchant pour la paix, qu’est due l’association de l’Ordre du Lévrier, ou de la Fidélité. Cette institution, créée évidemment pour maintenir dans le duché de Bar et le marquisat du Pont, l’ordre et la tranquillité, se forma à Bar-le-Duc, sous la protection du Cardinal, et les Statuts eu furent arrêtés en sa présence, le 31 mai 1416.

Quarante-six gentilshommes (*), l’élite de la noblesse du duché de Bar, entrèrent dans ce pacte solennel. Ils s’imposèrent entre autres obligations, celles de s’entr’aimer, de se secourir mutuellement et de recourir à l’autorité ducale pour la solution des différends qui s’élèveraient entre eux. Ceux qui avaient à se plaindre de torts ou dommages quelconques, étaient tenus, d’après les statuts, d’en donner avis au Roi, ou chef de la compagnie. Sur la requête de celui-ci, et huit jours après, tous les membres de l’ordre devaient marcher au secours du plaignant, le banneret à trois hommes d’armes, le simple chevalier à deux, et l’écuyerà un. On devait fournir de plus grandes forces lorsque le cas l’exigeait, mais la nécessité de l’accomplissement de cette obligation était soumise à l’appréciation du Roi, et de six des membres de la compagnie.

(*) Thiébaut de Blamont – Philibert, seigneur de Beffroimont – Eustache de Conflans – Richard des Hermoises – Pierre de Beffroimont, sire de Ruppes- Regnault du Châtelet, et Erard du Châtelet, son fils – Mansart d’Esne – Jean, seigneur d’Orne – Gobert d’Apremont – Joffroi d’Orne – Jacques d’Orne – Philippe de Norroy – Olry de Landre – Jean de Laire – Jean de Seroncourt – Colard d’Ottenges – Jean de Beffroimont, seigneur de Fontois – Jean de Malbeth – Joffroi de Bassompierre, chevaliers.
Jean, seigneur de Rodemach – Robert de Sarrebruck, seigneur de Commercy – Edouard de Grandpré – Henri de Breux – Wory de Lavaulx – Joffroy d’Apremont – Jean des Hermoises – Robert des Hermoises – Simon des Hermoises – Franque de Houze – Olry de Boulanges – Henri d’Epinal – François de Sorbey – Jean de St-Lou (Loup) – Hugues de Mandres – Huart de Mandres – Philibert de Doncourt – Jean de Sampigny – Colin de Sampigny – Alardin de Mouzay – Hanse de Nivelein – Le Grand Richard d’Apremont – Thiéry d’Autel – Thomas d’Ottanges – Jacquemin de Nicey – Jacquemin de Villers, écuyers.

Ces dernières conditions, et surtout celle qui était imposée aux associés par les statuts, de recourir aux règles du droit pour obtenir justice de celui d’entr’eux dont ils pouvaient avoir à se plaindre, prouvent avec évidence que la fondation de l’ordre avait principalement pour but de prévenir les voies de fait si communes dans le XIVe siècle, malgré les efforts des souverains pour les empêcher ; désordres qui n’avaient pas manqué sans doute de se reproduire et de se multiplier dans le pays, pendant la durée de la dernière guerre.

Le Cardinal promit, sur parole de prince, de faire observer les conventions jurées par les gentilshommes alliés, et de les soutenir de tout son pouvoir et de toutes les forces dont il disposait.

On a vu que le chef de l’association portait le titre de Roi. Il devait être élu pour un an. L’insigne distinctif de l’ordre, était un lévrier blanc, ayant au cou un collier portant les mots : « Tout ung ».

Tous les membres étaient tenus de le porter. La compagnie devait se réunir deux fois par an, la première le 11 novembre, jour de saint Martin, et la seconde le 23 avril, jour de saint Georges. Chaque associé était tenu d’assister aux assemblées générales, sous peine d’un marc d’argent. En cas d’excuse légitime, il devait s’y faire représenter et payer sa part des frais. On voit par les lettres de création de l’ordre que la première réunion dut avoir lieu à Saint-Mihiel.

Les membres devaient être élus par le Roi ou chef, assisté des gentilshommes les plus notables de la compagnie. Ils ne pouvaient être institués qu’en vertu d’une ordonnance du duc de Bar.

Telles sont les principales règles auxquelles étaient assujettis les associés. On voit qu’elles leur imposaient des obligations assez onéreuses, établies non-seulement dans leur intérêt, mais aussi dans l’intérêt du prince et du pays.

Cette institution chevaleresque avait été créée pour cinq ans. Il ne reste d’autres traces des premiers temps de son existence que celles qui nous sont transmises par les lettres de son établissement. On sait cependant qu’il en résulta, pour le souverain et pour le pays, des avantages qui déterminèrent le cardinal de Bar et les chevaliers de l’Ordre, peu de mois après l’expiration des cinq années, à le maintenir à perpétuité.

Cette mesure fut décidée dans une assemblée qui se tint à Bar-le-Duc, le jeudi 23 avril 1422, où treize des gentilshommes, qui avaient pris part à sa création en 1416, s’engagèrent tant en leur nom, qu’au nom de leurs associés absents, à observer les statuts adoptés en 1416.

Les seuls changements introduits dans les règlements existants portèrent sur la dénomination, la marque distinctive et les jours de réunion de l’ordre. Dans cette assemblée, les chevaliers choisirent pour patron saint Hubert, sous l’invocation duquel ils placèrent l’institution. Ils décidèrent qu’au lieu du lévrier, ils porteraient au bas du collier, « ung imaige d’or du dict sainct, pendant sur la poitrine, et ung pareil imaige brodé sur leurs habillements ». La Journée ou réunion annuelle qui jusque-là s’était tenue à la Saint-Martin (11 novembre), fut fixée au jour de la fête de saint Hubert.

Ces dispositions furent approuvées le même jour par Louis de Bar, qui, à la requête des chevaliers assemblés, fit apposer son sceau aux lettres contenant le résultat de leur délibération.

C’est au milieu des troubles et des débats qui s’élevèrent au sujet des successions à la couronne de Lorraine et de Bar, que l’on voit figurer les Chevaliers de l’Ordre de Saint-Hubert avec une grande distinction.

En 1430, après la mort de Charles II, ils se firent remarquer par leur dévouement à la cause légitime de René et d’Isabelle son épouse, contre les prétentions d’Antoine, comte de Vaudemont, neveu de Charles II.

La guerre qui éclata à cette occasion entre les deux prétendants fut terrible. René fut fait prisonnier par le duc de Bourgogne qui était venu au secours du comte de Vaudemont son allié, et son armée, complètement battue, se livra d’elle-même au carnage de l’ennemi.

Le prince fut conduit à Dijon et enfermé dans une tour. La princesse Isabelle obtint une trêve dont elle se servit habilement pour fortifier son parti. On nomma six gentilshommes choisis parmi les Chevaliers de l’Ordre, pour gouverner l’Etat et terminer la contestation qui divisait René et le comte de Vaudemont. Les chevaliers nommés acceptèrent le gouvernement du pays, mais ils se refusèrent d’être les juges ou les arbitres des prétentions des deux princes.

Cette affaire fut portée au concile de Bâle devant l’empereur Sigismond qui prononça en faveur de René, lequel cependant resta toujours prisonnier du duc de Bourgogne, faute de pouvoir s’accommoder avec le comte de Vaudemont. Sur ces entrefaites, René duc de Bar et de Lorraine, succéda à son frère Louis, roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem. Mais cette fortune ne servit qu’à prolonger sa captivité, parce qu’elle fut un prétexte d’augmenter sa rançon.

Enfin, vers le milieu de 1436, il y eut une grande assemblée de tous les seigneurs de Lorraine, au sujet de la détention de René. Tous étant animés par le souvenir de la conduite des chevaliers de Saint-Hubert en 1416, il y fut décidé qu’ils prodigueraient de nouveau leurs biens et leurs richesses pour la liberté du prince. En effet, les subsides qu’on levait en Lorraine depuis un an pour la rançon de René ne suffisant point, les chevaliers se cotisèrent à l’envi pour former la somme exigée. L’un d’eux, Evrard du Chatelet, engagea même toutes ses terres, et donna pour sa part dix-huit mille saluées d’or.

René obtint enfin sa liberté, moyennant une rançon de deux cent mille écus, dont la majeure partie fut fournie par les Chevaliers de l’Ordre.

L’histoire de Lorraine, qui nous a transmis les noms de ces seigneurs, nous fait voir que ceux qui donnèrent dans cette circonstance un si touchant exemple de dévouement à leur souverain, sont les mêmes qui, en 1422, avaient coopéré à la fondation de l’Ordre de Saint-Hubert, à perpétuité : les Thibaut de Blamont, Eustache de Conflans, Evrard du Chatelet, Arnauld de Sampigny, Philippe de Nourroy, etc. etc.

A sa création, le chef de l’ordre eut le titre de Roi, en 1422 celui de Gouverneur, et on en faisait l’élection chaque année. Mais depuis 1619, on lui donna celui de Grand-Maître, et par les statuts de 1783, il a été rendu inamovible.

Pour être admis dans l’ordre, ce qui ne pouvait se faire que par le Grand-Maître, huit ou dix des plus puissants seigneurs qui en faisaient partie, et avec l’agrément du prince régnant, il fallait être issu d’ancienne Chevalerie, ou avoir mérité personnellement un titre, et s’être distingué par des services et des belles actions.

Tous les droits et prérogatives de l’Ordre de Saint-Hubert furent confirmés :
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par Charles III, duc de Lorraine et de Bar, par décret expédié en son conseil d’état , le 4 novembre 1605 , et entériné au bailliage de Bar, le 2 octobre 1606
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par Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, par décret expédié en son conseil, tenu à Bar, le 27 octobre 1661
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par Léopold, duc de Lorraine et de Bar, par décret expédié en son conseil, tenu à Lunéville le 12 juin 1718.

L’Ordre, qui subsista avec splendeur tant que les duchés de Lorraine et de Bar furent souveraineté indépendante, ne perdit point de son éclat lorsque ces principautés furent cédées à la France.

Le roi Stanislas étant devenu duc de Lorraine et de Bar, en 1737, après avoir abdiqué la couronne de Pologne, conserva aux Chevaliers de l’Ordre, par des lettres de prise de possession de ses nouveaux états , les droits et prérogatives dont ils jouissaient et avaient joui jusqu’alors. Louis XV, à qui les duchés devaient revenir après la mort de Stanislas, accorda la même grâce à ces Chevaliers par sa déclaration de prise de possession éventuelle.

C’est en qualité de Ducs de Lorraine et de Bar que les rois Louis XV et Louis XVI furent Chefs suprêmes et protecteurs de l’Ordre, près duquel ils se faisaient représenter par le gouverneur de la province. Le maréchal duc de Choiseul Stainville est le dernier qui ait joui de cette faveur. Il la conserva depuis 1782, époque de sa réception dans l’Ordre, jusqu’à sa mort, arrivée en 1789.

Le roi Louis XVI honora constamment cet Ordre de sa protection spéciale. C’est par sa volonté que les Chevaliers substituèrent au ruban ponceau liseré vert, qu’ils portaient, le ruban vert liseré ponceau. Ce changement de couleur du ruban a été effectué, à cause de sa ressemblance avec celui de l’Ordre de Saint-Hubert de Bavière.

A l’époque de la révolution, l’Ordre de Saint-Hubert, de même que les autres Ordres, cessa d’être en vigueur en France, mais, pour cela, il ne continua pas moins d’exister. M. le baron de Scewald, successivement Ministre des Cours de Trêves, de Nassau et de Francfort, fut nommé administrateur général plénipotentiaire. Il établit le chef-lieu de l’Ordre à Francfort, et, par la suite, obtint en sa faveur, la protection immédiate du grand-duc.

C’est pendant cette administration qu’un assez grand nombre de généraux français, de ministres et de grands officiers de plusieurs cours d’Allemagne furent admis dans l’Ordre. C’est aussi à ce même administrateur que l’institution est redevable de l’organisation définitive de la langue étrangère, dont l’établisement ne peut que puissamment contribuer à la prospérité de l’Ordre.

En 1815, l’Ordre fut réorganisé conformément aux statuts. M. Jean-Baptiste-Marie Bercaire de la Morre, un des plus anciens Chevaliers, et dont la famille a fourni un Grand-Maître, et plusieurs dignitaires de l’Ordre, fut d’abord nommé le 26 mai 1814, administrateur général plénipotentiaire, en remplacement de M. le baron de Scewald , puis élu Grand-Maître par interim, le 21 novembre 1815.

En mars 1816, le roi daigna accueillir l’adresse qui lui fut présentée par une commission spéciale, et sur le rapport particulier de M. le comte de Vaublanc, alors ministre de l’intérieur, l’Ordre fut reconnu par Sa Majesté.

En avril 1816, M. le duc d’Aumont, pair de France et premier gentilhomme de la chambre du Roi, fut élu Grand-Maître définitif. Le 6 du même mois, le Commissaire général fit hommage de la dignité de Grand-Maître à son nouveau titulaire, qui n’accepta sa nomination, d’après l’article 5 du titre 1er des statuts , qu’après avoir pris les ordres du Roi, et après avoir obtenu l’autorisation spéciale de Sa Majesté.

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