La danse du baccon

Lard

 

D’après un article paru dans « Le Pays Lorrain » – Année 1909

Le 2 mai de chaque année, on avait coutume, autrefois, à Metz de « courir le baccon » (lard, en patois messin).

Ce jeu populaire consistait à couper une corde, à laquelle était attaché un quartier de lard. Cette corde pendait le long de la porte de l’abbaye de Saint-Clément, dite la porte au baccon de Saint-Clément. Quand un amateur s’avançait, la corde était brusquement tirée au moment où il frappait, et il ne recueillait que des huées.

C’était le bourreau de la ville qui avait la charge de « faire danser le Baccon » et Dieu sait s’il mettait de la malice à tenir la dragée haute à tous venants.

En 1552, maître Didier, juché au-dessus de la porte, s’acquittait de son office avec tant de zèle qu’il se laissa choir et fut tué. Ce fut une grande-joie pour une malheureuse jeune fille qui essayait à ce moment de couper la corde, mais bien plus grande encore pour une certaine partie de la populace, puisque sans bourreau, il n’y avait pas d’exécutions possibles. Mais de suite, il se présenta un candidat qui fut agréé.


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Le droit de grenouillage

Grenouille

D’après un article de la Société d’archéologie lorraine et du Musée historique lorrain – 1902

On appelle ainsi le droit, qu’à l’époque féodale, les seigneurs auraient eu d’obliger les manants à venir la nuit battre l’eau des mares et des étangs voisins de leurs châteaux, pour empêcher les grenouilles de troubler leur sommeil par des coassements.

Or, est-il certain, incontestable, que ce droit ait existé autrement que comme exception, et qu’il ait eu un caractère tracassier, odieux ? C’est ce que s’est demandé, avec grand raison, M. Trévédy, ancien président du tribunal de Quimper, et il apporte à ce doute une réponse très convaincante dans une brochure de 43 pages, « Le droit de grenouillage » parue à Saint-Brieuc en 1899.

Cette question d’ordre général a pour nous, il faut le noter, un intérêt spécial, car, parmi les localités dans lesquelles on a trouvé ou cru trouver ce droit en vigueur, trois appartiennent à la Lorraine : Laxou, près de Nancy, Monthureux-sur-Saône, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Mirecourt, Girancourt, arrondissement et canton d’Epinal.

M. Trévédy examine à leur place les documents relatifs à ces trois localités, et voici ce qu’il en dit.

Les habitants de Laxou devaient, rapporte-t on, battre l’eau de la mare voisine du palais ducal pendant la nuit de noces de leurs ducs, pour empêcher les grenouilles de troubler le repos des nouveaux mariés. Cette obligalion aurait été peu rigoureuse, car ainsi restreinte à un cas unique, elle ne devait pas s’exercer plus de quatre ou cinq fois par siècle. Il faut du reste observer que les grenouilles ne coassent qu’en avril, mai et juin, la saison des amours, et que, si le duc se mariait à une autre époque, il n’y avait plus lieu de les faire taire. De même, s’il se mariait autre part qu’à Nancy. Les gens de Laxou n’étaient donc pas fort à plaindre.

Mais est-il sûr qu’ils aient jamais supporté cette charge si légère ? Elle est signalée pour la première fois en 1704 par Benoit Picart, dans son « Origine de la Maison de Lorraine ». Dom Calmet reproduit la mention de Picart dans son « Histoire de Lorraine », et il est à son tour cité par l’abbé Lionnois dans son « Histoire de Nancy ». A peu près à la même époque où parut ce dernier ouvrage, le grenouillage de Laxou est mentionné dans un poème de genre burlesque (c’est-à-dire n’ayant en rien la valeur d’un document historique) publié à Strasbourg. Comme la corvée imposée à Laxou aurait été supprimée en 1515, lors du mariage du duc Antoine avec Renée de Bourbon, on nous parle donc pour la première fois de ce grenouillage, alors que depuis deux siècles, il n’existe plus (s’il a même jamais existé).

La « Chronique de Lorraine » (édition Marchai) raconte en détail l’arrivée de Renée de Bourbon en Lorraine, sa réception à Nancy, et ne dit pas un mot de la corvée dont cette princesse aurait alors affranchi ce village. Elle n’y fait même pas allusion.

A Monthureux-sur-Saône, les villageois devaient battre l’eau quand l’abbé de Luxeuil, seigneur de cette localité, y venait coucher. Cet abbé aurait encore exercé le même droit à Luxeuil même. Du reste, ces deux grenouillages ne sont connus que par la tradition, comme a soin de l’indiquer le dictionnaire des communes des Vosges (Chevreux et Léon Louis). Aucun document de quelque valeur ne les atteste.

A Girancourt, nous sommes plus heureux. Un document de 1662 nous montre une famille tenue, quand l’abbesse de Remiremont vient dans la localité au mois de mai, d’aller donner trois coups de bâton sur l’eau, ou bien de battre l’eau trois nuits de suite (le texte n’est pas très clair), en invitant les grenouilles à se taire. A ce prix, cette famille s’est rachetée d’un cens d’un poulet par an, redevance bien minime, qu’a remplacée un service personnel très léger également.

Ce dernier trait et on a trouvé de pareils dans des localités étrangères à la Lorraine montre bien quel était le vrai caractère du droit de grenouillage : battre l’eau était une de ces cérémonies symboliques, qu’on affectionne aux époques primitives, dans les sociétés restées encore enfantines, cérémonie destinée à marquer le rachat d’une redevance, ou à faire connaitre qu’une terre, qu’une mare, qu’un ruisseau appartient à tel propriétaire.

Et c’était en même temps, note monsieur Trévédy, une cérémonie burlesque, pratique également très chère au moyen âge, puisque dans un endroit, ceux qui battent l’eau sont tenus en même temps de faire une grimace, que, dans d’autres, ils chantent une chanson plaisante. Ni la grimace ni la chanson ne devaient à coup sûr impressionner beaucoup les grenouilles.

C’étaient de grosses farces, des divertissements populaires, qui avaient pour résultat d’attirer les badauds, de les rendre attentifs à ce qui se passait, par conséquent d’en faire autant de témoins en mesure d’affirmer que l’obligation avait été remplie et, par suite, que les droits dont elle était l’emblème existaient. C’était une manière très sûre de procurer la notoriété publique à une convention entre le seigneur et son tenancier, et ce dernier avait tout autant d’intérêt que l’autre à accomplir exactement la cérémonie.

Le droit de grenouillage, là où il existait, n’était donc pas oppressif, contraire à la dignité humaine, comme on l’a dit.

Le Graoully

Procession du Graoully

 

D’après un article paru dans la « Revue des traditions populaires » – Année 1900

On se rappelle encore la bizarre figure représentant un dragon ailé, qui sous le nom de Graoully, était promenée solennellement aux processions des Rogations. Elle était portée par le maire de Woippy, à qui chaque boulanger ou pâtissier devait le tribut d’un petit pain ou d’un gâteau qu’il fichait dans un dard sortant de la gueule du monstre.

Cet usage remonte aux temps les plus éloignés et s’est conservé jusqu’en 1786, où il fut aboli définitivement par l’évêque de Montmorency-Laval.

On a épuisé toutes les conjectures sur son origine. Les uns ont voulu y voir un reste des cérémonies du paganisme, d’autres, l’emblême de la destruction des faux dieux. Ces explications, qui paraissent naturelles, n’ont pas satisfait les légendaires, par cela même, peut-être, qu’elles ne répugnent pas à la raison.

Ils ont préféré donner au Graoully une origine merveilleuse et voici comment ils la racontent.

Saint Clément, premier évêque, étant venu à Metz par ordre de saint Pierre pour y prêcher le christianisme, trouva cette ville envahie par une infinité de serpents ailés, dont le souffle empoisonné infestait tellement l’air, que l’on n’osait plus s’en approcher. Ils avaient leur retraite dans les ruines de l’ancien amphithéâtre au bord de la Seille, près du lieu même que le saint missionnaire avait choisi pour y établir son oratoire. Clément offrit au peuple de le délivrer de ce fléau, mais à condition qu’il abandonnerait le culte des faux dieux.

Cette proposition fut acceptée avec empressement et le saint s’approcha pour combattre les monstres. Ils sortirent en foule pour le dévorer. Mais les ayant arrêtés par un signe de croix, il saisit le plus gros d’entre eux, le lia avec son étole, le conduisit au bord de la rivière et lui ordonna de la passer au plutôt, et de se retirer avec ses compagnons dans un lieu désert, en leur défendant de nuire désormais aux hommes et aux animaux. Le reptile obéit et les autres serpents le suivirent.

Après un tel prodige, les Messins se hâtèrent de se convertir et ils instituèrent en mémoire de cet événement la procession du Graoully. Le Duchat (notes sur Rabelais) pense que Graoully peut venir de l’allemand Greulich, affreux, effroyable et par corruption du mot de Gargouille, usité pour désigner des figures du même genre.

Ajoutons que l’on montre encore dans une sacristie de la cathédrale de Metz, le Graoully de 1786.

Après la procession, les enfants de choeur fouettaient le Graoully dans la cour de l’abbaye de Saint-Arnould, qui était la dernière station faite par la procession.

Le droit du Watillon

Gâteau 

D’après un article paru dans le « Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle »
Année 1859

Jadis, la corporation des bouchers de Metz venait offrir, le droit du Watillon à l’abbaye de Saint-Arnould.

Voici comment s’exerçait ce droit :

Le 4 février de chaque année, les bouchers de la ville arrivaient en grande pompe à l’abbaye, où ils étaient reçus au son de toutes les cloches du couvent. Ils portaient une cruche d’étain de sept pots et demi, entourée de rubans et de guirlandes, et sur laquelle on lisait les noms des anciens maîtres du corps.

Arrivé dans le cloître, le maître des bouchers tenait à la main le Watillon, espèce de petit gâteau d’une pâte sèche et épaisse et tellement cuit qu’il’ était difficile de le briser. En présence des religieux et des bouchers, le maître s’avançait seul et étendait le bras tenant le gâteau à la main.

Aussitôt, le marmiton du couvent se dirigeait sur lui en courant et d’un grand coup de poing frappait le Watillon. S’il le brisait, le maître lui donnait 12 sols, s’il le laissait entier, le maître se retournait prestement et lui donnait du pied au derrière.

Puis un copieux repas, arrosé du meilleur vin du couvent dont les religieux remplissaient la grande cruche de la corporation, terminait la fête. Après quoi, les bouchers retournaient chez eux en grande pompe.

D’où naissait cet usage du Watillon ?

Un dénombrement fourni par l’abbaye de Saint-Arnould à la chambre royale le 26 juillet 1685, nous donne les renseignements suivants conservés d’ailleurs dans les affiches des Evêchés et de Lorraine, d’où nous les extrayons :

« Item. Droit de graisse qui se paye par tous les bouchers vendeurs et faiseurs de graisse et chandelles de la ville de Metz. Sçavoir : chaque boucher doit quatre denrées de viande, les faiseurs de chandelles une livre, et les revendeurs une demie.
Doivent les susdits maîtres bouchers apporter à la dite abbaye un Watillon, lequel doit être si dur, que le novice ne le puisse percer de son doigt, de course qu’il fait contre ledit Watillon que le maître desdits bouchers tient à sa main, et quand ledit novice a fait sa course et qu’il veut mettre la main au Watillon, ledit maître lui donne sur la joue pour souvenance.
Les bouchers, y est-il ajouté, doivent en outre un certain nombre de gousses d’ail, un vieux sol, plus un gros messin au sommelier du couvent, et ils reçoivent en échange sept gros pains crusiez de sept livres et demie chacun, et dix-huit miches d’une livre et d’un demi quarteron chacune. On leur donnera en outre sept pots et une pinte de meilleur vin, qu’ils choisiront à leur gré, dans toutes les caves de l’abbaye, et avant de sortir ils auront à déjeuner tous ensemble
».

La manière de lever le droit de graisse n’était pas moins bizarre que la course du Watillon.

Il fallait qu’un novice montât sur une haquenée, la tête tournée vers la queue et la tenant dans la main. Dans cette posture, il parcourait les rues de Metz, recevant de chaque boucher ou vendeur de graisse la redevance en question.

Cet usage s’observa très exactement tant que l’abbaye de Saint-Arnould ne fut pas en commende. Mais depuis ce temps, le droit de graisse étant tombé dans le lot de l’abbé commendataire, les religieux ne voulurent plus fournir le novice pour monter la haquenée.

L’abbé, pour ne pas perdre son droit, imagina de faire habiller en bénédictin le premier venu qui voudrait bien se prêter à cette ridicule mascarade, et la promenade de la haquenée continua à avoir lieu, à la grande satisfaction de toute la populace.

Ce ne fut qu’en 1760, qu’un chandelier refusant de payer le droit de graisse, le corps intervint. Il disait que ce n’était pas un portefaix, mais un novice qui devait percevoir ce droit.

Les chandeliers ajoutaient qu’ils n’avaient anciennement payé la livre de graisse, que pour avoir la faculté d’étaler leurs marchandises à la foire qui se tenait dans le faubourg, où l’abbaye était située avant le siège de Metz. Par arrêt de 1767, les chandeliers furent déchargés de ce droit, dont on ne leur représentait aucun titre constitutif.

Les bouchers ne jugèrent pas à propos de suivre leur exemple. Comme ils avaient la liberté de racheter les quatre denrées de viande moyennant quatre deniers, suivant une sentence du 29 novembre 1629, que l’abbé leur devait un déjeuner de dix-huit livres, ils continuèrent jusqu’à la Révolution de venir au cloître de Saint-Arnould faire la cérémonie du Watillon.

La Harouille

Bataille de poissons dans le village gaulois 

Parmi les coutumes de l’ancien régime en Lorraine, celle de la Harouille était une des plus singulières.

Cet usage, mis en place dès le milieu du XIVe siècle, a cessé d’exister au XVIIe siècle, à la suite de ce que l’on qualifierait actuellement de « débordements incontrôlés ».

Le XVIIe siècle a été synomyme de fléaux pour notre pauvre Lorraine : la guerre de Trente Ans et toutes ses horreurs.

« La Lorraine, si riche, si heureuse, si respectée sous les règnes des ducs Charles III et Henri II, allait voir succéder à tant de prospérités, des calamités inouïes. La peste, la famine et la guerre devaient s’unir pour faire un désert du plus beau pays d’Europe, et ces trois fléaux étaient destinés à exercer de tels ravages, que la dévastation de la Judée par les troupes de Titus, sembla seule fournir aux écrivains de cette époque, un point de comparaison » – Auguste Digot.

Peut-être, pouvons-nous trouver dans cette phrase, des explications quant aux agissements décrits dans cet article.

D’après un article paru dans le « Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle »
Année 1858

Jusqu’au milieu du XVIe siècle, l’abbaye de Saint-Hubert, indépendamment de ses vastes propriétés territoriales, de ses rentes foncières, de ses droits seigneuriaux et des dîmes qu’elle prélevait dans une multitude de paroisses, trouvait d’immenses ressources dans la générosité des fidèles.

« Les questes estaient si abondantes tant par la charité des personnes de ce tems que par la grande estandue des provinces de Zélande, Hollande et Frize, ou lesdictes questes s’exerçaient librement que d’icelles le monastère avec les priorés en despendants estaient fournis du principal de leur viure, particulièrement de harens, stockfisch, morue, sel, drap et aultres ustensils de mesnage sans comprendre plus de vingt-deux mil florins que les dictes questes rapportaient par chascun an ».

Un abbé, pour remercier Dieu de l’abondance de ces quêtes, et peut-être aussi pour débarrasser l’abbaye des dictes viandes dont il estait furni plus que le défruict ordinaire n’exigeoit, imagina d’instituer, le lundi de carême prenant, une distribution de harengs.

Cest cet usage, imité dès le milieu du XIVe siècle au prieuré de Cons, qui reçut du peuple le nom de « Harouille ».

Dans l’origine, les seuls pauvres de Cons eurent part à ces largesses. Mais peu à peu, ceux des localités voisines vinrent augmenter leur nombre, et tous ceux qui se présentèrent le lundi-gras reçurent chacun un hareng.

Cette coutume, renouvelée chaque année, passa bientôt en droit, et pendant la seconde période du XVIe siècle, on ne distribua jamais moins de 3 000 harengs réclamés, non seulement par les habitants voisins du prieuré, mais aussi par ceux des villages les plus reculés de la prévôté de Longuyon, de celle d’Arrancy et du duché de Luxembourg.

Les religieux semblaient même attirer cette foule en envoyant dès le jeudi-gras, dans les paroisses environnantes, crier la Harouille au nom de Monsieur saint Hubert et du prieur de Cons.

Le lundi venu, on chantait la messe au monastère, puis la cloche sonnait, et à son troisième coup, hommes, femmes, enfants se pressaient pêle-mêle dans le cimetière, sur lequel s’ouvrait la barrière de la basse-cour du prieuré. C’était par là, qu’ils étaient introduits un à un.

Les moines leur délivraient le hareng, les faisaient traverser le cloître, et sortir par la grande porte. Pendant longtemps, on avait ainsi procédé, mais au XVIIe siècle, il n’en était plus de même.

Des villages entiers, tambours et fifres en tête, forçaient la barrière, se précipitaient dans la maison au refrain de chansons malsonnantes, la parcouraient dans tous les sens, ne respectant pas même les cellules où les poussait l’ardente curiosité des femmes et des filles.

Au cimetière, on dansait sur les morts. Dans le cloître, on dansait, on jouait aux dés, aux cartes et les masques y folâtraient.

Enfin, à la grande porte, stationnait une bande de truands sous les ordres d’un chef qu’ils nommaient le « Prince de la Grande-Terre ». Il n’avait, pour tout costume, qu’un filet de pêcheur dans lequel il se drapait, et ceint d’une écharpe en guirlandes de coquillages.

Il avait à la main, une baguette portant à son extrémité une espèce de bourse. Malheur à qui n’y déposait une piécette, son hareng lui était aussitôt enlevé, et s’il résistait, il était bafoué et roué. Parfois, le battu appelait ses amis à l’aide, c’était alors une affreuse mêlée où le sang coulait et où presque toujours le « Prince de la Grande-Terre » et ses chenapans avaient le dessus.

Aussi, pour arrêter de semblables désordres, Henri de Lorraine, le bon duc, fit-il un décret, le 11 juin 1613, par lequel « est faicte desfence très-expresse à tous, d’entrer au dict prioré, cloistre et aultres endroicts d’iceluy, au jour de la dicte distribution vulgairement dicte Harouille soit avec masques ou aultrement et d’y commettre insolences, scandales et aultres déportements vitieux », et chargeat-il M. de Bioncourt, baron haut-justicier de Cons, de tenir la main à son exécution.

En 1614 et 1616, l’ordonnance fut exécutée littéralement. Une quarantaine de vassaux armés maintint l’ordre dans la tumultueuse assemblée. La distribution eut lieu à la porte et ne commença que quand un sergent eut crié la défense du duc et du seigneur de Cons.

Mais les années suivantes, les bacchanales recommencèrent. L’entrée du prieuré fut forcée et les soldats improvisés de M. de Bioncourt outrepassèrent les excès des goujats du « Prince de la Grande-Terre ». Une requête, curieuse par son style naïf, adressée au duc Charles IV, trace le triste tableau de ces excès.

Sur cette plainte, le duc, par lettres-patentes du 7 octobre 1627, ordonna que l’abrogation de la Harouille, prononcée par lettres de l’officialité de Trêves du 27 juillet 1627, serait suivie, et que la « distribution des harengs serait changée en aumônes de pain, avec défense et inhibitions très-expresses à toutes personnes de quelle qualité et condition elles soient, de se plus trouver à l’avenir à Cons sous prétexte de cette distribution, et ce sous telles peines que de droit ».

Mais voyant dans cette mesure, une atteinte à ses droits seigneuriaux, M. de Bioncourt se pourvut aussitôt au Parlement de Saint-Mihiel, et sous prétexte que la Harouille était une obligation contractée par le monastère envers ses prédécesseurs, que c’étaient les officiers de sa justice qui criaient la fête, et qu’en 1632, un prieur voulant se dispenser de la distribution, avait dû lui en demander l’autorisation, il soutint qu’on n’avait pu ni l’abroger, ni la modifier sans son consentement.

Ces chimériques prétentions furent admises à Saint-Mihiel par un arrêt du 21 février 1628. La distribution fut réduite aux seuls villages de la baronnie de Cons.

Le 4 mars suivant, c’est-à-dire trois jours avant le lundi-gras, il faisait signifier judiciairement cette décision au prieuré, et, par ses ordres, des sergents de la justice allaient acclamer la Harouille dans les villages des prévôtés de Longwy, Longuyon et Arrancy.

Jamais foule plus nombreuse et plus turbulente que celle du 7 mars 1628, n’entoura le couvent, et pourtant, pour faire la distribution exigée, il n’avait trouvé dans ses celliers qu’une seule tonne de harengs, à laquelle il n’avait pu qu’à grande peine réunir cinq autres tonnes, dont chacune n’avait pas coûté moins de 16 écus, et qu’il avait fallu se procurer en dépêchant à Longuyon, à Longwy et jusqu’à Luxembourg.

Aussi, au signal ordinaire, le prieuré fut-il, malgré les défenses, envahi par une foule qui se précipita sur la paisible demeure comme une véritable avalanche.

Le mur de la basse-cour fut renversé et une trentaine d’envahisseurs restèrent sous ses ruines. Une jeune fille mourut sur place, trois hommes et un enfant furent grièvement blessés.

La distribution continua jusqu’au soir, et lorsque les gens de la justice de Cons vinrent pour percevoir la redevance annuelle, ce ne fut pas sans difficultés que les religieux purent leur faire accepter un écu en échange des douze harengs qu’ils réclamaient, mais que les six tonnes vides ne permettaient pas de leur délivrer.

C’est alors que Dom Fanson, abbé de Saint-Hubert, prélat aussi distingué qu’administrateur émérite, touché de la triste situation de son prieuré, intervint. Il obtint de M. de Bioncourt, le 16 juin suivant, l’engagement de substituer aux harengs trente franchards de méteil qui seraient , par les soins du prieur, convertis en michettes, et distribués, partie le premier vendredi de carême et partie le vendredi d’après la Pentecôte, aux pauvres de la seigneurie désignés sur une liste donnée chaque année par M. de Bioncourt.

Le 16 juin 1637, ce petit traité fut renouvelé, seulement une clause nouvelle le déclara perpétuel. Mais, peu de temps après, les moines ayant omis de l’exécuter et l’ayant oublié jusqu’en 1649, M. de Lambertye, comte de Cons, résolut de pourvoir à son exécution.

Le dimanche-gras, il fit crier la Harouille dans les villages de la baronnie, et le lendemain, ses gens de justice enfonçaient les portes du prieuré qui restaient fermées devant les cinq ou six cents personnes réclamant la redevance annuelle, et livraient au pillage toutes les provisions du couvent.

Ce procédé violent donna lieu à un nouveau procès. Mais cette fois, il fut porté au Parlement de Metz qui, depuis l’occupation de la Lorraine par les Français, avait hérité de la juridiction des grands jours de Saint-Mihiel.

Après 7 années de plaidoiries, le 28 janvier 1656, un arrêt définitif déclara la Harouille abolie à toujours, et la convertit en une aumône de deux quartels de froment à distribuer en pain, chaque dimanche de carême, aux pauvres dont les noms seraient portés sur un état rédigé par le seigneur de Cons ou par son représentant.

Dès lors, la Harouille n’exista plus, mais la distribution des michettes continua jusqu’au jour, où le prieuré abandonné devint une propriété nationale.

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