Petite promenade dans les rues de Verdun (5)
5ème promenade dans les rues de Verdun au début du XXe siècle.
D’après la monographie « Verdun promenade historique et pittoresque » — Edmond Pionnier – 1901
La rive droite de la Meuse – L’hôtel de ville – La place Marché
Sur la rive droite de la Meuse, au sortir du pont Chaussée, un édifice d’apparence luxueuse, dont la façade gaiement éclairée se mire coquettement dans les eaux du fleuve. C’est le mess militaire, construit entièrement sur pilotis entre 1891 et 1893, et dont la décoration intérieure ne manque pas d’élégance malgré sa simplicité.
Tout le quai de la République, qui porte encore depuis 1891 la nouvelle caisse d’épargne, contraste étrangement par son modernisme avec les parois de bois qui surplombent l’autre rive. Derrière le mess, le moulin Couten, mélange singulier du présent et du passé, avec sa vieille tour poudrée de blanc, son léger pavillon de briques qui complète le puty, poterne Sainte-Croix, ou poterne Sainte-Hélène, parce qu’elle donnait sur un lavoir public, la fontaine Sainte-Hélène.
Cette poterne fortifiée se dresse telle qu’elle était il y a deux cents ans, adossée à une portion du vieux rempart dont les murailles garnies de meurtrières se poursuivent vers le Sud-Est jusqu’à la tour du Champ.
Le bras du Moson, dit canal Saint-Airy, a toujours été confisqué par les moulins. Les moulins Couten s’appelaient Moulins-la-Ville, et les deux systèmes de roues employées uniquement à broyer le blé fonctionnaient dans la tour et le bâtiment adjacents. Un autre moulin, le Brocard, contigu aux précédents, était à cheval sur la sortie du canal des Minimes ou du Brachieul. L’un et l’autre appartenaient à la cité.
Le Brocard servait à quantité d’usages. En 1602, les armuriers recevaient le droit d’y installer une meule pour polir les armes. On y voyait, en outre, un pilon à écorces pour les tanneurs et la foulerie à draps de la corporation des drapiers qui ne chômait pas encore à la veille de la Révolution. Ces usines entravaient la circulation des bateaux qui descendaient le canal Saint-Airy. Pour parer à cet inconvénient, on perça des arcades aux Moulins-la-Ville, mais on exigea des redevances des bateliers.
A la fin du XVIIe siècle, la taxe était de deux francs par bateau, et pour ce prix, le meunier se chargeait lui-même de veiller au passage. Le 28 juin 1792, les Moulins-la-Ville et le Brocard étaient adjugés 54 500 livres.
Le Brachieul est coupé par le pont des Minimes, dont la rue conduit à l’église Saint-Sauveur, et au petit séminaire, autrefois couvent des Minimes.
C’était primitivement une abbaye où vécurent vers le XIIe siècle quarante dames de l’ordre de Sainte-Madeleine. Mais la décadence survint si rapide, qu’à la fin du XIVe siècle, on n’y trouvait qu’une religieuse nommée Marguerite. Ce monastère fut dès lors rattaché à l’abbaye de Saint-Airy jusqu’au jour où l’abbé Sarion abandonna à l’évêque Psaume, par traité passé en 1571, l’église et tout le monastère, pour les moines de Saint-François de Paule, vulgairement appelés Minimes. Les Minimes établis à Verdun en 1575, jansénistes ardents, se dispersèrent petit à petit. Ils étaient dix au moment de la fondation, neuf en 1608, huit en 1611, cinq en 1613, dix en 1641, six en 1775, et quand on ferma le couvent le 25 mai 1790, deux religieux, le supérieur et un frère convers jouissaient en paix des revenus qui en 1789 s’étaient montés à 2721 livres 12 sous 3 deniers, environ 6000 francs.
L’évêque Bousmard, successeur de Nicolas Psaume, avait posé le 4 octobre 1576 la première pierre d’un nouveau couvent. Rebâti presque entièrement en 1704, il fut mis aux enchères le 21 novembre 1791 en deux lots qui furent adjugés 11400 et 3700 livres. On le transforma en filature de coton rachetée l’an 1823 par M. d’Arbou qui en fit le petit séminaire. L’intérieur n’a été que peu modifié ainsi le cloître à quatre côtés, dont les arcades étaient cintrées sans ornement, et les cellules qui sont devenues des dortoirs.
L’église, dédiée à saint François de Paule le 13 mars 1580, réédifiée en 1714 dans le style renaissance, reçut en 1716 les restes de l’évêque Bousmard qui furent déposés dans le chœur sous une tombe de marbre noir, replacée depuis à l’entrée. Restaurée en 1830, l’église que l’on nommait Saint-Sauveur depuis l’époque révolutionnaire, présente, outre le portail sans caractère, qui s’élève entre deux tours carrées, une galerie à balustrade qui règne autour des murs, à hauteur du premier étage.
Ne quittons pas ce quartier sans rappeler les nombreux ateliers de tanneurs qui se succédaient à côté du Brocard, dont nous avons parlé précédemment, et qui bordaient le Brachieul ou canal des Minimes. Cette industrie était extrêmement lucrative et aussi florissante que celle de la draperie. Elle avait enrichi bon nombre de familles bourgeoises dans Verdun. Tous les ateliers s’étalaient sur la rive gauche dans la rue des Tanneries dont la physionomie n’a guère changé. En 1722, la tannerie, plus considérable à Verdun qu’à Metz, comptait au moins quarante ateliers administrés par vingt-quatre maîtres et trois jurés. En 1760, il n’y en avait plus que 12, et le nombre alla sans cesse en décroissant jusqu’au XIXe siècle.