Petite promenade dans les rues de Verdun (1)

 

Verdun, ville martyre. Verdun, capitale mondiale de la paix. Mais avant d’être universellement connue à cause de la première guerre mondiale, Verdun avait déjà un long passé historique. C’est au travers d’une petite promenade, que je vous propose de découvrir la ville, au début des années 1900, avant cette guerre qui a tant fait de ravages.

 

D’après la monographie « Verdun promenade historique et pittoresque » – Edmond Pionnier – 1901

 

D’un repli du plateau de Langres descend un embryon de fleuve aux allures bien tranquilles, léger filet d’eau qui devient rapidement large et profond, et dont les flots verts vont se perdre dans les brumes de la mer du Nord. Sa vallée se déroule, étroite, tapissée de grasses prairies, où les villages se pressent nombreux et prospères, comme heureux de vivre, ignorant le malheur des temps où ce long couloir dans lequel ils se cachent servait de limite entre la Champagne et la Lorraine, entre les pays français et ceux dont la possession a été disputée par les voisins pendant tant de siècles. Pourtant, de-ci de-là, au sommet des hauteurs qui jalonnent les rives, quelque croupe dénudée et comme surélevée recouvre une forteresse, et l’on sent suspendue sur ce beau pays la menace angoissante d’une guerre possible avec son cortège de fléaux et de larmes.

Telle nous apparaît la Meuse.

En aval de Saint-Mihiel, les défenses se resserrent, les redoutes se multiplient. De tous côtés, l’horizon est borné par des meurtrières dont les embrasures se devinent tournées vers la Moselle. Au centre de ce mur d’airain, un promontoire se détache des collines de l’Ouest forçant la Meuse à décrire un long circuit. Sur cette boucle, que dominent au Nord et à l’Est des coteaux boisés ou couverts de vignes, s’étale, comme en un nid de verdure dont les bords se relèvent vers le Sud, la ville de Verdun, pelotonnée humblement autour d’un rocher presque inaccessible, sur lequel se détachent, altiers, l’évêché, la cathédrale, la citadelle.

Antique cité qui doit à son importance stratégique depuis longtemps reconnue, d’avoir été l’objet de toutes les convoitises et surtout le théâtre de toutes les calamités !

Placée sur la grande voie romaine de Reims à Metz, carrefour des routes qui conduisent vers Bar-le-Duc, Montfaucon, Dun, Luxembourg et Trèves, Neufchâteau et Langres, elle est brûlée par Attila qui la laisse, dit le chroniqueur Laurent de Liège, dans l’état d’un champ retourné par un sanglier. Assiégée par Clovis, malmenée à l’époque des guerres entre Brunehaut et Frédégonde, les Ostrasiens et les Neustriens, elle voit son territoire dévasté jusqu’au règne de Charlemagne. Puis c’est l’époque de Charles le Chauve et de ses incursions, des exactions de Hugues, fils de Lothaire II, des audacieuses pointes des Normands, des chevauchées terribles des Hongrois qui, par quatre fois différentes, envahissent le pays et rasent les villages, des rivalités sanglantes entre la France et le Saint-Empire pour la possession de la Lorraine.

Verdun est bloqué à trois reprises en 983 et la querelle des Investitures jette notre ville d’un parti dans l’autre, au grand dommage de ses habitants. Ce sont ensuite, sans compter les inondations et les incendies, les discordes civiles, luttes des bourgeois contre leur évêque, les révolutions intérieures, avec leur accompagnement funèbre de famines et de pestes. Pendant 67 ans, de 1579 à 1646, la peste s’abat quatorze fois sur Verdun et s’arrête vingt fois aux pieds de l’enceinte. En 1553, le roi de France Henri II occupe Verdun qui acquiert ainsi un protecteur puissant mais sévère. Enfin toutes les guerres qui ravagent, aux XVIIe et XVIIIe siècles, la frontière de l’Est, ont leur contre-coup jusque sur nos remparts.

Malgré la violence des tourmentes, un semblable passé n’a pu s’évanouir sans laisser de traces. A chaque pas dans nos rues, nous heurtons des souvenirs historiques qui se rattachent aux monuments restés debout ou évoquent ceux qui sont disparus. Ce sont ces souvenirs que nous allons transcrire ici, en parcourant successivement la ville haute et la ville basse qui s’étagent le long de la Meuse.

 

Saint-Paul – Saint-Pierre – Saint-Maur – La Belle-Vierge

 

L’avenue qui nous conduit de la gare par une sorte de chemin creux, à travers deux massifs d’arbres touffus, débouche, au delà du Pont-Levis, par la porte Saint-Paul sur la place du même nom. Autour de nous, des bâtiments d’une époque différente, les uns nés d’hier, les autres dont l’origine remonte aux premiers siècles du moyen âge : les Casernes, la Sous-Préfecture et le Palais de justice, la Synagogue, le Collège.

 

La ville fut obligée de loger des militaires au lendemain de l’entrée dans Verdun des troupes du roi de France (1552) et les habitants tenus à la date de 1559, « de bâtir incontinent et dresser en leurs maisons chambres à cheminées, propres et commodes pour loger gens de guerre de la garnison ». Cette lourde charge fatiguait singulièrement les bourgeois, qui en 1698 résolurent de s’adresser à la municipalité pour obtenir la construction de casernes aux frais de la cité. La municipalité fit d’abord la sourde oreille et n’obtempéra que lorsqu’elle y fut contrainte par la pression de l’opinion publique. En 1729, un arrêt du Conseil du roi autorisait l’entreprise, et le clergé, qui refusait de payer l’octroi destiné à couvrir la dépense, s’attira cette réponse des magistrats : « de la part de MM. a été dit que loin par MM. du clergé de désapprouver l’établissement des casernes, puisque cet établissement est avantageux au bien de l’État et au service et tourne au soulagement du peuple, ils devraient être les premiers à signaler leur zèle dans une occasion aussi intéressante et contribuer avec l’excédant de leurs grands revenus à soulager ce pauvre peuple ».

 

Petite promenade dans les rues de Verdun (1) dans La Meuse d'Antan Entree-caserne-Jeanne-dArc-Verdun-300x187Le 5 août 1729, le sieur Nicolas Henry était déclaré adjudicataire de la caserne Saint-Paul ainsi nommée parce qu’elle était construite au nord de l’abbaye de Saint-Paul dont la séparait une ruelle très étroite. Les bâtiments, contigus au rempart, s’achevèrent vers le milieu de l’année 1732, sur les plans conçus par M. de Rozières, ingénieur en chef des Trois-Évêchés. Le prix en fut de 176.068 livres 15 sous, à laquelle somme il convient d’ajouter l’achat de 475 lits pour 29.838 livres, ce qui porta le chiffre de l’installation à 205.906 livres 15 sous, près de 600.000 francs d’aujourd’hui. Cette solide construction, totalement dépourvue de tout cachet artistique, est placée sous l’invocation de la Vierge de Domremy, et s’appelle la caserne Jeanne d’Arc.

Le Palais de justice et la Sous-Préfecture, l’hôtel de la Cloche d’or, la place Saint-Paul dont une partie vague sert d’ordinaire de terrain d’exercices aux recrues casernées à Jeanne d’Arc, et dont l’autre forme un semblant de square, planté de magnifiques tilleuls, composaient à la fin du XVIIIe siècle un domaine respectable, propriété de l’abbaye de Saint-Paul.

 

L’abbaye de Saint-Paul, l’une des institutions les plus anciennes de la cité, avait été établie en dehors de l’enceinte par Wiefrid, évêque de Verdun. Jusqu’en 1790, elle subit bien des vicissitudes. Le nombre des religieux, de 10 qu’il était en 1702, atteignit 32 en 1775, pour retomber à 16 en 1790. A cette date, lors de la suppression du monastère, le relevé officiel des commissaires mentionne 13 pères, un vicaire et deux frères convers. L’église, fondée vers 973, fut complètement ruinée avec le monastère en 1246, lorsque les Verdunois, alors peu maniables, se soulevant contre leur évêque Gui de Melle, détruisirent Saint-Paul.

Une nouvelle église, magnifique construction ogivale, si l’on en croit les chroniqueurs, fut entreprise en 1249 et terminée vers 1312. Avec ses trois nefs élancées, ses vingt-neuf chapelles, ses légères fenêtres, aussi nombreuses que les jours de l’année, ses six portes monumentales, ses deux tours couronnées de flèches et de clochetons qui pointaient vers le ciel, l’église Saint-Paul faisait l’admiration de tous. Mais on avait compté sans les exigences de la guerre. Quand Charles-Quint assiégea Metz en 1552, on dut mettre Verdun en état de défense, et l’ordre fut donné de supprimer Saint-Paul qui s’étendait hors des murs et pouvait servir de refuge aux assiégeants. On eut beau prier, il fallut s’exécuter, et au bout de six jours il ne resta plus de Saint-Paul que le souvenir (septembre 1552). A la fin du XVIe siècle, le monastère fut reporté à l’intérieur des remparts. Les dépendances étaient fort considérables et presque complètement enfermées dans une cour qui donnait à l’Est sur la rue Saint-Paul actuelle.

 

L’église, édifiée entre 1556 et 1574, occupait l’angle sud de la cour de la Sous-Préfecture. Les religieux la trouvaient sans doute insuffisante puisqu’ils la reconstruisaient au moment du séquestre de l’abbaye sur un plan beaucoup plus vaste, et sur le modèle, mais en moindre proportion, de la basilique Saint-Paul de Londres. Elle fut immédiatement démolie, de même que le logement de l’abbé qui s’élevait sur la place.

Verdun-hotel-Cloche-dor-300x188 dans La Meuse d'AntanOn ne conserva que la procure, aujourd’hui hôtel de la Cloche d’or, et les habitations des religieux, aujourd’hui Sous-Préfecture et Palais de justice.

La Sous-Préfecture a conservé quelques vestiges intéressants de son antique destination dans la loge du concierge, une cheminée fort originale dont les sculptures représentent le sacrifice d’Abraham. Le cabinet du Sous-Préfet, d’aspect archaïque avec ses voûtes austères, la salle des archives, réfectoire des moines, de style renaissance avec ses colonnes légères et ses grandes baies qui s’ouvrent sur le jardin.

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Le Palais de justice continue et complète la Sous-Préfecture. C’est une bâtisse régulière et simple, en pierres et en briques. Les cellules ont été transformées, l’aménagement intérieur modifié, et il ne reste guère de l’ancien couvent que la salle des pas-perdus, autrefois cloître. La façade porte un fronton demi-circulaire, habilement fouillé, avec une inscription latine évocatrice du passé : Sanctis Paulo apostolo et Paulo Virdunensium antistiti (Dédié à l’apôtre saint Paul et à saint Paul, évêque de Verdun).

 

 

Sur la rue Basse-Saint-Paul, la seule qui desserve ce quartier il y a cent cinquante ans, s’élevait autrefois le couvent des frères prêcheurs ou Dominicains. Les frères prêcheurs ou Dominicains, appelés aussi Jacobins, parce que leur maison principale était située à Paris dans la rue Saint-Jacques, avaient été attirés en 1222 à Verdun par l’êvêque Jean d’Apremont. L’argent, que leur fournirent la famille d’Apremont et les nobles du lignage d’Azannes, leur permit de s’organiser princièrement et de « travailler à la sanctification des âmes ». Ils étaient 10 en 1618, 8 en 1775 et 4 seulement en 1790. Leur petit nombre ne les empêchait pas de se montrer très remuants.

Ardents jansénistes au XVIIIe siècle, ils scandalisaient le voisinage, et l’un d’eux, le P. Robinet, prononça en 1727 un sermon si hardi que les familles bien pensantes où il fréquentait d’ordinaire, refusèrent de lui rouvrir leurs portes. L’église se dressait à l’endroit où nous voyons la Synagogue, le portail tourné vers l’Ouest, le chœur vers l’Est. Les bâtiments du couvent touchaient au Collège.

Le Collège lui aussi, doit son origine à une fondation pieuse. An moyen Age, chaque abbaye avait son aumônerie, et l’aumônerie Saint-Paul, dont les moines s’étaient endettés au point d’en engager les biens, occupait l’emplacement du Collège.

Un riche bourgeois de Verdun, Constantius, acheta vers 1160 de ses deniers, l’hospitalité Saint-Paul, où il fonda un Hôtel-Dieu, une Maison-Dieu comme on disait alors, la Maison-Dieu de Saint-Nicolas de Gravière. En 1570, le grand évêque Nicolas Psaume, dont le nom est attaché à tant de réformes, octroyait, par lettres patentes du 23 septembre, tous les biens de Saint-Nicolas de Gravière aux jésuites qui devaient enseigner gratuitement les langues anciennes, les sciences et les belles-lettres.

Les jésuites n’étaient sans doute pas en odeur de sainteté auprès des Verdunois, car, s’il faut en croire une vieille tradition locale, il y eut une imposante levée de boucliers, et la population frondeuse parcourut les rues en chantant :
Les jésuites n’auront pas l’église de Saint Nique, nique
Les jésuites n’auront pas l’église de Saint-Nicolas.

On se soucia fort peu des clameurs de la foule et les jésuites purent jouir paisiblement du domaine qui leur avait été généreusement concédé. Ils instruisirent la jeunesse sans grand incident jusqu’au jour où le Parlement de Metz supprima l’ordre dans l’étendue de son ressort (6 août 1762). On leur substitua des prêtres séculiers, et le Collège dirigé par un bureau d’administration fut rattaché en 1766 à l’Université de Paris. Ses revenus étaient considérables et se montaient à 16436 livres 10 sous 9 deniers, plus de 40.000 francs. La maison avait ses armoiries, et son blason portait d’azur à fleur de lys d’or, accostée à senestre d’une branche de laurier, à dextre d’une palme surmontée d’une couronne royale.

Verdun-college-et-sa-chapelle-300x193Pendant la Révolution, le Collège ne fut fermé qu’en partie, et la ville y conserva quatre classes pour les sciences et les humanités. Lorsqu’en 1795 le gouvernement créa une école centrale par département, à Verdun échut celle de la Meuse qui devint en 1804 école secondaire pour s’intituler en vertu d’une ordonnance royale du 17 février 1815 collège communal. L’ancien bâtiment, plusieurs fois réparé et dont la ruine déjà dénoncée au XVIIIe siècle s’accentuait visiblement, a été culbuté. Les travaux commencés en janvier 1888, poussés très rapidement par M. Chenevier, architecte, sous la haute direction d’une municipalité prévoyante, ont été achevés pour la rentrée d’octobre 1890.

D’aspect élégant et gai, le Collège, dont les proportions lui permettent de recevoir 130 internes, 50 demi-pensionnaires et 200 externes, répond à toutes les exigences d’une éducation sagement entendue. Rien n’a été négligé pour assurer aux élèves toutes les commodités et le bien être désirables : grandes cours plantées d’arbres, réfectoires sainement compris, dortoirs vastes et bien aérés, études et classes luxueusement installées. Ce bel établissement, qui a bénéficié de tous les progrès récents, est certainement le plus confortable parmi les maisons similaires de la région, ceci soit dit sans aucune arrière-pensée de réclame.

Jusqu’en 1706, les élèves assistèrent aux offices dans l’église Saint-Nicolas de Gravière dont le portail méridional voisin de la tour Chaussée et la nef parallèle au rempart appartenaient au style ogival du XIIIe siècle. Mais son délabrement était devenu tel qu’on fut obligé de la détruire et de la remplacer par notre chapelle qui date de 1731.

Elle est formée d’une nef et de deux collatéraux dont les voûtes retombent sur des colonnes d’ordre ionique. De hautes fenêtres laissent pénétrer une lumière qu’on désirerait moins vive et moins crue. A signaler l’inscription gravée devant le grand autel à l’endroit où le cœur de Nicolas Psaume avait été déposé « Nicolaus Episcopus amicus vester dormit : orate pro eo : obiit 10 aug. anni 1575, aetatis suae anno 57 » (Ici repose l’évêque Nicolas Psaume, votre ami ; priez pour lui ; il est mort le 10 août 1575, à l’âge de 57 ans).

Tout auprès du Collège, à l’extrémité de l’impasse des Jacobins, s’élève la Synagogue, de style byzantin, construite aux frais de la communauté israélite de Verdun par M. Mazilier, architecte, sur l’emplacement de la synagogue primitive aménagée en 1803 dans les restes de l’ancien couvent des Jacobins. A l’intérieur, un rez-de-chaussée spécialement réservé aux hommes et des galeries hautes pour les dames. La décoration est extrêmement sobre, mais cette sobriété ne nuit nullement à la beauté de ce monument de tous points remarquable, et parfaitement approprié aux besoins du culte.

La rue Saint-Paul aboutit sur l’ancien Tournant-Saint-Pierre d’où partait, pour gravir la côte, une grande et belle voie qui depuis le XVIIe siècle a bien peu varié, la rue Saint-Pierre. A droite, vers le milieu de la montée, l’église Saint-Pierre l’Angelé ou l’engeôlé (saint Pierre en geôle, saint Pierre prisonnier ou saint Pierre-ès-liens dont la fête se célèbre le 1er août). Couronnant un haut tertre, le chœur vers l’Est, entourée d’un cimetière séparé de la rue par un mur de terrasse orné d’un crucifix sculpté, c’était, il y a cent ans environ, une église laide, vieille et branlante au point qu’on fut obligé de l’abandonner en 1780 par crainte d’une catastrophe ; le service paroissial se fit alors au Collège. Elle fut démolie en 1793 et la ville s’étant vu refuser l’autorisation de creuser au travers du cimetière un chemin vers les casernes, on y éleva les immeubles qui portent les numéros 18 à 28.

Au sommet de la rampe, au coin de la rue des Capucins, l’ancien couvent des Carmélites occupé le 18 juin 1634, dont les cellules, le cloître et quelques autres pièces sont compris dans des maisons particulières. Ce couvent, habité par 7 religieuses en 1634, par 19 dames et 4 sœurs en 1775 et par 16 sœurs et 4 converses le 14 mai 1790, le jour où les représentants du gouvernement s’y présentèrent, avait à l’Ouest une église plafonnée, sans voûte, et ornée de peintures sans valeur.

La rue des Capucins tombe perpendiculairement sur la rue Derrière-Saint-Paul. Au débouché de cette rue, face au Sud, le couvent des Capucins. Les Capucins venus à Verdun en 1585 sur les instances de l’évêque cardinal de Vaudémont, s’étaient primitivement retirés dans un faubourg que nous visiterons amplement, le faubourg Saint-Vannes. Lors de l’exécution des travaux que Marillac ordonna pour la réfection de la citadelle, force leur fut de s’expatrier. Le jour de la Toussaint de l’an 1629, les Capucins allèrent en grande pompe prendre possession de l’édifice que le roi Louis XIII leur avait cédé et qu’ils occupèrent jusqu’au 26 mai 1790. L’église, dans le goût de la Renaissance et placée sous l’invocation de saint Louis, bordait à l’Ouest le cloître. Elle fut fermée le 12 avril 1791. Au delà, dans le terrain dont une portion seulement est utilisée par le gymnase militaire, une ancienne carrière, appelée jusqu’au XVIIe siècle, la Carrière, limitée au Sud et au Sud-Ouest par Saint-Maur et par le cimetière de l’église paroissiale de Saint-Médard. Que de fois les paroissiens dont le sanctuaire était enfermé dans la clôture de Saint-Maur se plaignirent, et non sans motif, d’être distraits dans leurs dévotions par le bruit des jeux dont la Carrière retentissait trop souvent !

L’église Saint-Médard consacrée en 1721, sur l’emplacement d’une sorte de chapelle basse, étroite, peu éclairée, fut fermée le 27 mars 1791, mise en vente le 27 février 1792 et adjugée sur la modique mise à prix de 3.025 livres, avec cette clause expresse que les acquéreurs la détruiraient à leurs frais.

Toute la région qui s’étend entre les rues Porte-de-France et Saint-Maur était couverte au XVIIIe siècle par les dépendances de Saint-Maur et par le Logis du Roi.

L’origine de Saint-Maur remonte très haut. C’était au début de notre histoire un oratoire dédié à saint Jean-Baptiste et à saint Jean l’Évangéliste. Saccagé lors de l’invasion des Huns d’Attila en 451, il fut relevé par saint Airy sous le vocable de Saint-Médard réparé de nouveau par l’évêque Heimon, il prit le nom de Saint-Maur pendant qu’on réservait celui de Saint-Médard à l’église indiquée plus haut. Heimon y fonda un monastère de religieuses de l’ordre de saint Benoît, proche du ruisseau de la Scance, car, pour obéir à la règle, les religieuses devaient trouver dans leur enclos tout ce qui leur était nécessaire. Abattu comme Saint-Paul pour cause de sécurité publique en 1552,1e couvent fut réédifié plus avant dans la ville tandis que l’ancienne église seule restait debout enclavée dans les fortifications, et séparée des nouveaux locaux par le cimetière de Saint-Médard. Aussi les dames de Saint-Maur furent-elles obligées, pour se rendre dans leur église sans s’exposer aux regards de la foule, de jeter par-dessus la rue et le cimetière une galerie fermée.

Le 12 mai 1790, les officiers municipaux de Verdun se présentèrent à Saint-Maur pour procéder à l’inventaire des biens meubles et immeubles et notifier aux intéressées l’arrêté de suppression. Les religieuses qui, malgré l’arrêté, avaient été autorisées, par faveur spéciale, à continuer leur vie commune, durent se séparer en octobre 1792. Si l’église a disparu et s’il n’est resté, dit-on, de ses annexes, que le vieux puits de la porte de France, le couvent est demeuré avec sa façade restaurée en 1865. Le bureau de bienfaisance, créé après 1796, y fut établi en 1808 avec, à sa tête, des administrateurs que secondèrent dans leur tâche trois sœurs autrefois attachées à une institution de prévoyance nommée la Charité ; ces sœurs, dites de Saint-Vincent de Paul, l’occupent encore aujourd’hui.

Verdun-gendarmerie-300x186Le Logis du roi, devenu gendarmerie nationale, était destiné au gouverneur royal que la cité devait héberger. Tavannes qui le premier représenta le roi de France habita l’évêché. Ses successeurs se cantonnèrent dans le cloître du chapitre de la Madeleine où l’on fut obligé de leur fournir six maisons. De là des résistances, des débats qui se terminèrent d’ailleurs par une équitable décision chacun des trois corps, évêché, clergé, administration municipale concourraient à la dépense. Messieurs les gens du roi firent alors construire l’hôtel que la ville paya le 27 juin 1597. On y vit passer des noms illustres les d’Haussonville, les Marillac, les Nettancourt-Vaubecourt, les Feuquières. Louvois y séjourna deux fois.

Mais au XVIIIe siècle, les gouverneurs ne résidaient plus à Verdun et l’hôtel fut confié aux bons soins d’un concierge qui en tira le parti qu’il put pour le compte du maître. Le marquis de Chazeron, l’un des non-résidents, l’offrit à la ville moyennant une rente annuelle de 600 livres. La ville accepta, y fit pour 20.000 livres de réparations, et y aménagea huit appartements, une écurie pour 60 à 80 chevaux, une remise pour six voitures. Là, s’installèrent les officiers supérieurs des régiments en garnison à Verdun et dont la municipalité devait pourvoir au gîte, à moins que ces Messieurs ne fussent de très haut rang et obligés, de par leur fortune et leur qualité, de tenir un grand train de maison, auquel cas les magistrats poussaient la bonté d’âme jusqu’à meubler à force de frais des demeures particulières. Enfin, l’an 1802, le Logis du roi fut transformé en caserne, et affecté au corps de la gendarmerie créé en 1790 pour remplacer la maréchaussée.

La rue Chevert, anciennement Saint-Maur-rue, avec l’hôtel du gouvernement, acheté en 1860 par la ville, et dont le premier propriétaire, il y a cent ans environ, fut J.-B. Georgia, lieutenant général et civil au bailliage et siège présidial de Verdun, aboutit à la place d’Armes.

Verdun-place-darmes-300x188La place d’Armes n’eut pas toujours le même aspect. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, ce fut une lande pierreuse, irrégulière, avec quelques granges ou écuries surveillées du côté de la cathédrale par la Tour-le-Princier qui lui donnait son nom et qui commandait l’entrée de la rue de la Belle-Vierge. En 1574, la ville accorde l’autorisation de bâtir des maisons d’habitation seulement, « avec chambres ou bouticles », avec interdiction « de loger bestes sur les dits devants ».

Sur la fin du siècle, on démolit la Tour-le-Princier, mais en revanche, l’administration militaire sollicite le droit d’y élever, sans doute pour l’embellir, une estrapade. L’estrapade consistait principalement en une potence de plusieurs mètres de haut, munie d’une forte corde. Au bout de cette corde, les mains et les pieds liés derrière le dos, un condamné que l’on précipitait plusieurs fois de suite du haut de la potence jusqu’à un mètre du sol, spectacle particulièrement doux pour le patient et récréatif pour les voisins. Les avis étaient partagés les uns préféraient la place Mazel, les autres la place de la Tour-le-Princier. Ceux-ci l’emportèrent et les bourgeois virent bientôt surgir d’une enceinte maçonnée à hauteur d’appui, dite Orbetour, l’horrible machine.

L’estrapade, abolie sous Louis XIII, avait disparu depuis longtemps, lorsqu’en 1682, MM. du Baillage firent aménager à l’angle Nord-Ouest, un nouveau Palais de justice et la place de l’Estrapade se nomma place du Palais. L’entrée du Palais qui portait cette inscription : « Haec domus amat, punit, conservat, honorat nequitiam, pucem, crimina, juraa, probos » (Ici l’on révère la paix, on punit le crime et la méchanceté, on sauvegarde le droit, on rend hommage à l’honnêteté) fut obstruée, à partir de 1728, grâce à M. le comte de Belle-Isle, gouverneur de la province, par un corps de garde, d’où l’appellation, qui n’est peut-être pas définitive, de place d’Armes. A cette date, la place d’Armes était à peu près ce qu’elle est maintenant, puisque le front Nord avait été complété au début du XVIIe siècle par le couvent des Carmélites.

La rue de la Belle-Vierge allait de la place d’Armes à la rue de la Madeleine et tirait son nom d’une statue de la Vierge qui décorait la porte d’entrée de la demeure du Princier, glorieux échantillon de l’architecture du XVIe siècle. Le Princier, ou plus exactement le Primicier, premier archidiacre de la cathédrale, était le personnage le plus considérable après l’évêque. Son pouvoir prenait des proportions si redoutables qu’en 1385, à la mort du titulaire, l’évêque et le Chapitre, qui n’aimaient pas les gêneurs, demandèrent au pape Clément VII la suppression de sa charge. Ils furent exaucés, mais l’habitation du Princier, propriété du Chapitre, continua de s’appeler la Princerie. Les deux frères Jacques et François de Musson, riches chanoines de la cathédrale qui la détenaient au commencement du XVIe siècle, la démolirent et la rééditèrent en 1525.

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Aujourd’hui, la Princerie porte les numéros 16 et 18. Le numéro 18 dont l’extérieur est récent, a conservé à l’intérieur sa belle colonnade renaissance. Le numéro 16 est resté extérieurementen partie de l’époque, avec sa remarquable entrée, sa sombre façade, ses fenêtres grillagées de fer croisillonné. Le fronton est surmonté d’une statue de la Belle-Vierge dont le qualificatif, en toute conscience, parait peu mérité. A l’intérieur, un porche monumental à colonnes massives, une petite chapelle à fenêtre ogivale avec voûte dont les clefs portent les armes de la famille de Musson.

La rue des Trois-Rois réunissait la rue Saint-Laurent et la rue de la Belle-Vierge.

La rue des Trois-Rois se terminait à la rue Châtel, et la rue Saint-Laurent sur la place de la cathédrale. A l’angle formé par les rues Saint-Laurent et des Prêtres, au XVIIe siècle, la chapelle Saint-Laurent. En juillet 1793, le conseil de la commune décréta que ces trois rues n’en formeraient plus qu’une, qui prendrait le nom de rue de la Montagne. Mais le peuple, par une allusion facile à comprendre, la débaptisa pour en faire la rue Montorgueil, et, le 12 mai 1807, la municipalité donnait aux trois tronçons la dénomination générale de rue de la Belle-Vierge.

La rue de la Madeleine nous conduit sur la place où l’on pouvait admirer encore à la fin du XVIIIe siècle la collégiale de la Madeleine. C’était un des édifices les plus antiques de la ville. Déjà restauré au milieu du VIIIe siècle, il devint le centre d’une communauté de filles qui ne surent pas maintenir, dans sa pureté originelle, la règle de leur cloître. Au commencement du XIe siècle, un riche clerc, l’archidiacre de la Woëvre, Ermenfroid, y établit un collège de chanoines. Aidé par l’évêque Heimon qui lui transmit le sanctuaire et le couvent, il jeta dès 1018 le fondement de cette église qui dura huit cents ans.

C’était un magnifique bâtiment de style roman, au portail occidental flanqué de deux tours carrées, sans flèche. Le chœur aux fenêtres longues, étroites, terminées par un plein cintre, dominait la rue Mazel. Le chevet couvrait de vastes cryptes. Les nefs reconstruites au XIVe siècle, étaient éclairées par des fenêtres ogivales. Sur le tout, une jolie balustrade à trèfles gothiques supportés par des contreforts savamment fouillés. Le cloître, à quatre côtés, et ses dépendances s’avançaient jusqu’au Tournant-Saint-Pierre. Avant 1556, au Sud de la place, s’abritait à l’ombre de la Madeleine une modeste église paroissiale, celle de Saint-Oury. Elle fut supprimée en 1556, et les paroissiens de Saint-Oury assistèrent aux offices dans la crypte de la collégiale.

Un regard en passant à l’entrée de la maison dite du pape Jules II, et que le pape Jules II n’habita jamais, mais qui s’élève peut-être sur l’emplacement de celle qui eut l’honneur de sa visite.

Mentionnons le couvent des sœurs de la Doctrine Chrétienne fixées d’abord rue Dame-Zabée (Dame Isabelle) en 1826, puis rue de l’Hôtel-de-Ville, enfin rue Mautroté en 1840. A l’angle sud-ouest de cette rue, l’établissement des sœurs de Saint-Joseph, dont l’église est due aux plans de M. Chenevier, architecte, qui en dirigea les travaux en 1888. De style roman, elle est assez curieuse avec ses tourelles et son abside circulaire fermée par une demi-coupole ; l’intérieur est divisé en rez-de-chaussée et en galerie que surplombe une voûte, dont les arcatures en fer ouvragé sont supportées par de hautes colonnes de fonte richement décorée.

Verdun-rue-de-la-grange-186x300La rue de la Belle-Vierge, qui donne accès à la place de la cathédrale, communique avec les quartiers bas par la rue Châtel que prolonge la rue de la Vieille-Prison, les Petits-Degrés, les Gros-Degrés, la rue des Gros-Degrés et la rue de la Grange.

La rue des Petits-Degrés est la partie supérieure de l’ancienne rue Brodier qui reliait jusqu’au XVIIe siècle la Meuse et la rue Châtel. Issue du Cognet de Faulcitey (en dehors de la Cité), recoin visible encore aujourd’hui, elle prenait aux pieds des limites probables de l’ancienne citadelle, ou, comme on disait au moyen-âge, de l’ancienne Fermeté. C’est par la rue Brodier, que l’évêque, lors de son entrée solennelle, se rendait à cheval, revêtu des insignes de Comte du Saint-Empire à la chapelle Saint-Laurent, où l’attendait le chapitre des chanoines. Autrefois très fréquentée, elle a conservé, solidement planté à moins de deux mètres du sol, dans le mur qui se dresse à gauche des gradins inférieurs, un énorme crampon où l’on accrochait des chaînes de fer pour entraver la circulation les jours de troubles.

Appuyés aux terrasses de la ville haute, deux édifices d’importance inégale bordaient la rue de la Vieille-Prison, l’un presque perpendiculaire à la rue de la Grange, la Grange ou Halle aux blés, massive et noire bâtisse, dont il est parlé déjà au XIe siècle, vendue et démolie en 1835, l’autre plus intéressant,vers le milieu de la montée où se voient les immeubles qui portent les numéros 5, 7 et 9 : c’est Montaubain, l’ancien Hôtel-de-Ville.

Acheté en 1338 à Simon la Porte, jadis échevin du Palais, qui l’avait construit dans les premières années du siècle, Montaubain, avec sa banale façade supportée par des piliers, était placé sous la garde d’un portier qui prenait soin du mobilier, fournissait l’éclairage et le chauffage à la chambre du conseil et joignait à ses importantes fonctions celle de geôlier des prisons creusées dans les sous-sols. On remarquait à Montaubain la salle du conseil dorée et la tour du beffroi, très haute, couronnée par un élégant campanile à jour décoré de clochetons, et où tintait les jours d’émeute, le bourdon populaire, la Mute. Une horloge indiquait l’heure sur un cadran de plomb doré.

Ce logis poussiéreux, décrépi, était indigne de la cité qui, le 6 février 1738, se transporta solennellement à l’Hôtel-de-Ville actuel. Montaubain survécut jusqu’en 1760 ; à cette date, on dut supprimer la tour qui menaçait ruine et l’horloge fut déposée pour un temps, au-dessus du fronton du nouvel hôtel. Il ne resta plus de l’antique siège du Sénat, que les prisons civiles agrandies et modifiées, où l’on attachait les prisonniers à des anneaux de fer, dont quelques uns sont demeurés dans la profondeur des caves.

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Les Gros-Degrés présentent certainement, dans tout ce vieux quartier, la physionomie la plus captivante et la plus caractéristique. Composés exactement de 79 marches divisés en 7 paliers, incrustés à droite dans des maisons pittoresquement construites et comme étagées dans le roc, menacés à gauche par de hautes murailles, vestiges de la forteresse primitive, les Gros-Degrés participent à la fois du donjon féodal et de la kasbah mauresque.

Leur origine remonte au-delà du XIIIe siècle, car le grand incendie de 1217 commença « aux Degrés », dits de Notre-Dame, parce qu’une statue de la Vierge s’enchassait dejà dans la paroi. En haut, la rampe, usée par le frottement de plusieurs siècles, laisse cependant lire une inscription qui ne date point d’hier : « Aux frais de M. N. Bousmard, grand prevost. Claude Amit a faict ceste besongne 1593 ».

 

 

 

De nombreux édifices ont par miracle échappé à l’enfer de la bataille. Vous pouvez découvrir de très belles photos de la Porte saint Paul, de l’hôtel de la Princerie, de l’hôtel de ville, sur le blog tenu par Anthony Koenig, fervent défenseur du patrimoine lorrain.

 

La promenade suivante nous emmènera dans les quartiers de la cathédrale, de l’Évêché, de Saint-Vannes.

 

 


Archive pour 11 janvier, 2012

Petite promenade dans les rues de Verdun (1)

 

Verdun, ville martyre. Verdun, capitale mondiale de la paix. Mais avant d’être universellement connue à cause de la première guerre mondiale, Verdun avait déjà un long passé historique. C’est au travers d’une petite promenade, que je vous propose de découvrir la ville, au début des années 1900, avant cette guerre qui a tant fait de ravages.

 

D’après la monographie « Verdun promenade historique et pittoresque » – Edmond Pionnier – 1901

 

D’un repli du plateau de Langres descend un embryon de fleuve aux allures bien tranquilles, léger filet d’eau qui devient rapidement large et profond, et dont les flots verts vont se perdre dans les brumes de la mer du Nord. Sa vallée se déroule, étroite, tapissée de grasses prairies, où les villages se pressent nombreux et prospères, comme heureux de vivre, ignorant le malheur des temps où ce long couloir dans lequel ils se cachent servait de limite entre la Champagne et la Lorraine, entre les pays français et ceux dont la possession a été disputée par les voisins pendant tant de siècles. Pourtant, de-ci de-là, au sommet des hauteurs qui jalonnent les rives, quelque croupe dénudée et comme surélevée recouvre une forteresse, et l’on sent suspendue sur ce beau pays la menace angoissante d’une guerre possible avec son cortège de fléaux et de larmes.

Telle nous apparaît la Meuse.

En aval de Saint-Mihiel, les défenses se resserrent, les redoutes se multiplient. De tous côtés, l’horizon est borné par des meurtrières dont les embrasures se devinent tournées vers la Moselle. Au centre de ce mur d’airain, un promontoire se détache des collines de l’Ouest forçant la Meuse à décrire un long circuit. Sur cette boucle, que dominent au Nord et à l’Est des coteaux boisés ou couverts de vignes, s’étale, comme en un nid de verdure dont les bords se relèvent vers le Sud, la ville de Verdun, pelotonnée humblement autour d’un rocher presque inaccessible, sur lequel se détachent, altiers, l’évêché, la cathédrale, la citadelle.

Antique cité qui doit à son importance stratégique depuis longtemps reconnue, d’avoir été l’objet de toutes les convoitises et surtout le théâtre de toutes les calamités !

Placée sur la grande voie romaine de Reims à Metz, carrefour des routes qui conduisent vers Bar-le-Duc, Montfaucon, Dun, Luxembourg et Trèves, Neufchâteau et Langres, elle est brûlée par Attila qui la laisse, dit le chroniqueur Laurent de Liège, dans l’état d’un champ retourné par un sanglier. Assiégée par Clovis, malmenée à l’époque des guerres entre Brunehaut et Frédégonde, les Ostrasiens et les Neustriens, elle voit son territoire dévasté jusqu’au règne de Charlemagne. Puis c’est l’époque de Charles le Chauve et de ses incursions, des exactions de Hugues, fils de Lothaire II, des audacieuses pointes des Normands, des chevauchées terribles des Hongrois qui, par quatre fois différentes, envahissent le pays et rasent les villages, des rivalités sanglantes entre la France et le Saint-Empire pour la possession de la Lorraine.

Verdun est bloqué à trois reprises en 983 et la querelle des Investitures jette notre ville d’un parti dans l’autre, au grand dommage de ses habitants. Ce sont ensuite, sans compter les inondations et les incendies, les discordes civiles, luttes des bourgeois contre leur évêque, les révolutions intérieures, avec leur accompagnement funèbre de famines et de pestes. Pendant 67 ans, de 1579 à 1646, la peste s’abat quatorze fois sur Verdun et s’arrête vingt fois aux pieds de l’enceinte. En 1553, le roi de France Henri II occupe Verdun qui acquiert ainsi un protecteur puissant mais sévère. Enfin toutes les guerres qui ravagent, aux XVIIe et XVIIIe siècles, la frontière de l’Est, ont leur contre-coup jusque sur nos remparts.

Malgré la violence des tourmentes, un semblable passé n’a pu s’évanouir sans laisser de traces. A chaque pas dans nos rues, nous heurtons des souvenirs historiques qui se rattachent aux monuments restés debout ou évoquent ceux qui sont disparus. Ce sont ces souvenirs que nous allons transcrire ici, en parcourant successivement la ville haute et la ville basse qui s’étagent le long de la Meuse.

 

Saint-Paul – Saint-Pierre – Saint-Maur – La Belle-Vierge

 

L’avenue qui nous conduit de la gare par une sorte de chemin creux, à travers deux massifs d’arbres touffus, débouche, au delà du Pont-Levis, par la porte Saint-Paul sur la place du même nom. Autour de nous, des bâtiments d’une époque différente, les uns nés d’hier, les autres dont l’origine remonte aux premiers siècles du moyen âge : les Casernes, la Sous-Préfecture et le Palais de justice, la Synagogue, le Collège.

 

La ville fut obligée de loger des militaires au lendemain de l’entrée dans Verdun des troupes du roi de France (1552) et les habitants tenus à la date de 1559, « de bâtir incontinent et dresser en leurs maisons chambres à cheminées, propres et commodes pour loger gens de guerre de la garnison ». Cette lourde charge fatiguait singulièrement les bourgeois, qui en 1698 résolurent de s’adresser à la municipalité pour obtenir la construction de casernes aux frais de la cité. La municipalité fit d’abord la sourde oreille et n’obtempéra que lorsqu’elle y fut contrainte par la pression de l’opinion publique. En 1729, un arrêt du Conseil du roi autorisait l’entreprise, et le clergé, qui refusait de payer l’octroi destiné à couvrir la dépense, s’attira cette réponse des magistrats : « de la part de MM. a été dit que loin par MM. du clergé de désapprouver l’établissement des casernes, puisque cet établissement est avantageux au bien de l’État et au service et tourne au soulagement du peuple, ils devraient être les premiers à signaler leur zèle dans une occasion aussi intéressante et contribuer avec l’excédant de leurs grands revenus à soulager ce pauvre peuple ».

 

Petite promenade dans les rues de Verdun (1) dans La Meuse d'Antan Entree-caserne-Jeanne-dArc-Verdun-300x187Le 5 août 1729, le sieur Nicolas Henry était déclaré adjudicataire de la caserne Saint-Paul ainsi nommée parce qu’elle était construite au nord de l’abbaye de Saint-Paul dont la séparait une ruelle très étroite. Les bâtiments, contigus au rempart, s’achevèrent vers le milieu de l’année 1732, sur les plans conçus par M. de Rozières, ingénieur en chef des Trois-Évêchés. Le prix en fut de 176.068 livres 15 sous, à laquelle somme il convient d’ajouter l’achat de 475 lits pour 29.838 livres, ce qui porta le chiffre de l’installation à 205.906 livres 15 sous, près de 600.000 francs d’aujourd’hui. Cette solide construction, totalement dépourvue de tout cachet artistique, est placée sous l’invocation de la Vierge de Domremy, et s’appelle la caserne Jeanne d’Arc.

Le Palais de justice et la Sous-Préfecture, l’hôtel de la Cloche d’or, la place Saint-Paul dont une partie vague sert d’ordinaire de terrain d’exercices aux recrues casernées à Jeanne d’Arc, et dont l’autre forme un semblant de square, planté de magnifiques tilleuls, composaient à la fin du XVIIIe siècle un domaine respectable, propriété de l’abbaye de Saint-Paul.

 

L’abbaye de Saint-Paul, l’une des institutions les plus anciennes de la cité, avait été établie en dehors de l’enceinte par Wiefrid, évêque de Verdun. Jusqu’en 1790, elle subit bien des vicissitudes. Le nombre des religieux, de 10 qu’il était en 1702, atteignit 32 en 1775, pour retomber à 16 en 1790. A cette date, lors de la suppression du monastère, le relevé officiel des commissaires mentionne 13 pères, un vicaire et deux frères convers. L’église, fondée vers 973, fut complètement ruinée avec le monastère en 1246, lorsque les Verdunois, alors peu maniables, se soulevant contre leur évêque Gui de Melle, détruisirent Saint-Paul.

Une nouvelle église, magnifique construction ogivale, si l’on en croit les chroniqueurs, fut entreprise en 1249 et terminée vers 1312. Avec ses trois nefs élancées, ses vingt-neuf chapelles, ses légères fenêtres, aussi nombreuses que les jours de l’année, ses six portes monumentales, ses deux tours couronnées de flèches et de clochetons qui pointaient vers le ciel, l’église Saint-Paul faisait l’admiration de tous. Mais on avait compté sans les exigences de la guerre. Quand Charles-Quint assiégea Metz en 1552, on dut mettre Verdun en état de défense, et l’ordre fut donné de supprimer Saint-Paul qui s’étendait hors des murs et pouvait servir de refuge aux assiégeants. On eut beau prier, il fallut s’exécuter, et au bout de six jours il ne resta plus de Saint-Paul que le souvenir (septembre 1552). A la fin du XVIe siècle, le monastère fut reporté à l’intérieur des remparts. Les dépendances étaient fort considérables et presque complètement enfermées dans une cour qui donnait à l’Est sur la rue Saint-Paul actuelle.

 

L’église, édifiée entre 1556 et 1574, occupait l’angle sud de la cour de la Sous-Préfecture. Les religieux la trouvaient sans doute insuffisante puisqu’ils la reconstruisaient au moment du séquestre de l’abbaye sur un plan beaucoup plus vaste, et sur le modèle, mais en moindre proportion, de la basilique Saint-Paul de Londres. Elle fut immédiatement démolie, de même que le logement de l’abbé qui s’élevait sur la place.

Verdun-hotel-Cloche-dor-300x188 dans La Meuse d'AntanOn ne conserva que la procure, aujourd’hui hôtel de la Cloche d’or, et les habitations des religieux, aujourd’hui Sous-Préfecture et Palais de justice.

La Sous-Préfecture a conservé quelques vestiges intéressants de son antique destination dans la loge du concierge, une cheminée fort originale dont les sculptures représentent le sacrifice d’Abraham. Le cabinet du Sous-Préfet, d’aspect archaïque avec ses voûtes austères, la salle des archives, réfectoire des moines, de style renaissance avec ses colonnes légères et ses grandes baies qui s’ouvrent sur le jardin.

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Le Palais de justice continue et complète la Sous-Préfecture. C’est une bâtisse régulière et simple, en pierres et en briques. Les cellules ont été transformées, l’aménagement intérieur modifié, et il ne reste guère de l’ancien couvent que la salle des pas-perdus, autrefois cloître. La façade porte un fronton demi-circulaire, habilement fouillé, avec une inscription latine évocatrice du passé : Sanctis Paulo apostolo et Paulo Virdunensium antistiti (Dédié à l’apôtre saint Paul et à saint Paul, évêque de Verdun).

 

 

Sur la rue Basse-Saint-Paul, la seule qui desserve ce quartier il y a cent cinquante ans, s’élevait autrefois le couvent des frères prêcheurs ou Dominicains. Les frères prêcheurs ou Dominicains, appelés aussi Jacobins, parce que leur maison principale était située à Paris dans la rue Saint-Jacques, avaient été attirés en 1222 à Verdun par l’êvêque Jean d’Apremont. L’argent, que leur fournirent la famille d’Apremont et les nobles du lignage d’Azannes, leur permit de s’organiser princièrement et de « travailler à la sanctification des âmes ». Ils étaient 10 en 1618, 8 en 1775 et 4 seulement en 1790. Leur petit nombre ne les empêchait pas de se montrer très remuants.

Ardents jansénistes au XVIIIe siècle, ils scandalisaient le voisinage, et l’un d’eux, le P. Robinet, prononça en 1727 un sermon si hardi que les familles bien pensantes où il fréquentait d’ordinaire, refusèrent de lui rouvrir leurs portes. L’église se dressait à l’endroit où nous voyons la Synagogue, le portail tourné vers l’Ouest, le chœur vers l’Est. Les bâtiments du couvent touchaient au Collège.

Le Collège lui aussi, doit son origine à une fondation pieuse. An moyen Age, chaque abbaye avait son aumônerie, et l’aumônerie Saint-Paul, dont les moines s’étaient endettés au point d’en engager les biens, occupait l’emplacement du Collège.

Un riche bourgeois de Verdun, Constantius, acheta vers 1160 de ses deniers, l’hospitalité Saint-Paul, où il fonda un Hôtel-Dieu, une Maison-Dieu comme on disait alors, la Maison-Dieu de Saint-Nicolas de Gravière. En 1570, le grand évêque Nicolas Psaume, dont le nom est attaché à tant de réformes, octroyait, par lettres patentes du 23 septembre, tous les biens de Saint-Nicolas de Gravière aux jésuites qui devaient enseigner gratuitement les langues anciennes, les sciences et les belles-lettres.

Les jésuites n’étaient sans doute pas en odeur de sainteté auprès des Verdunois, car, s’il faut en croire une vieille tradition locale, il y eut une imposante levée de boucliers, et la population frondeuse parcourut les rues en chantant :
Les jésuites n’auront pas l’église de Saint Nique, nique
Les jésuites n’auront pas l’église de Saint-Nicolas.

On se soucia fort peu des clameurs de la foule et les jésuites purent jouir paisiblement du domaine qui leur avait été généreusement concédé. Ils instruisirent la jeunesse sans grand incident jusqu’au jour où le Parlement de Metz supprima l’ordre dans l’étendue de son ressort (6 août 1762). On leur substitua des prêtres séculiers, et le Collège dirigé par un bureau d’administration fut rattaché en 1766 à l’Université de Paris. Ses revenus étaient considérables et se montaient à 16436 livres 10 sous 9 deniers, plus de 40.000 francs. La maison avait ses armoiries, et son blason portait d’azur à fleur de lys d’or, accostée à senestre d’une branche de laurier, à dextre d’une palme surmontée d’une couronne royale.

Verdun-college-et-sa-chapelle-300x193Pendant la Révolution, le Collège ne fut fermé qu’en partie, et la ville y conserva quatre classes pour les sciences et les humanités. Lorsqu’en 1795 le gouvernement créa une école centrale par département, à Verdun échut celle de la Meuse qui devint en 1804 école secondaire pour s’intituler en vertu d’une ordonnance royale du 17 février 1815 collège communal. L’ancien bâtiment, plusieurs fois réparé et dont la ruine déjà dénoncée au XVIIIe siècle s’accentuait visiblement, a été culbuté. Les travaux commencés en janvier 1888, poussés très rapidement par M. Chenevier, architecte, sous la haute direction d’une municipalité prévoyante, ont été achevés pour la rentrée d’octobre 1890.

D’aspect élégant et gai, le Collège, dont les proportions lui permettent de recevoir 130 internes, 50 demi-pensionnaires et 200 externes, répond à toutes les exigences d’une éducation sagement entendue. Rien n’a été négligé pour assurer aux élèves toutes les commodités et le bien être désirables : grandes cours plantées d’arbres, réfectoires sainement compris, dortoirs vastes et bien aérés, études et classes luxueusement installées. Ce bel établissement, qui a bénéficié de tous les progrès récents, est certainement le plus confortable parmi les maisons similaires de la région, ceci soit dit sans aucune arrière-pensée de réclame.

Jusqu’en 1706, les élèves assistèrent aux offices dans l’église Saint-Nicolas de Gravière dont le portail méridional voisin de la tour Chaussée et la nef parallèle au rempart appartenaient au style ogival du XIIIe siècle. Mais son délabrement était devenu tel qu’on fut obligé de la détruire et de la remplacer par notre chapelle qui date de 1731.

Elle est formée d’une nef et de deux collatéraux dont les voûtes retombent sur des colonnes d’ordre ionique. De hautes fenêtres laissent pénétrer une lumière qu’on désirerait moins vive et moins crue. A signaler l’inscription gravée devant le grand autel à l’endroit où le cœur de Nicolas Psaume avait été déposé « Nicolaus Episcopus amicus vester dormit : orate pro eo : obiit 10 aug. anni 1575, aetatis suae anno 57 » (Ici repose l’évêque Nicolas Psaume, votre ami ; priez pour lui ; il est mort le 10 août 1575, à l’âge de 57 ans).

Tout auprès du Collège, à l’extrémité de l’impasse des Jacobins, s’élève la Synagogue, de style byzantin, construite aux frais de la communauté israélite de Verdun par M. Mazilier, architecte, sur l’emplacement de la synagogue primitive aménagée en 1803 dans les restes de l’ancien couvent des Jacobins. A l’intérieur, un rez-de-chaussée spécialement réservé aux hommes et des galeries hautes pour les dames. La décoration est extrêmement sobre, mais cette sobriété ne nuit nullement à la beauté de ce monument de tous points remarquable, et parfaitement approprié aux besoins du culte.

La rue Saint-Paul aboutit sur l’ancien Tournant-Saint-Pierre d’où partait, pour gravir la côte, une grande et belle voie qui depuis le XVIIe siècle a bien peu varié, la rue Saint-Pierre. A droite, vers le milieu de la montée, l’église Saint-Pierre l’Angelé ou l’engeôlé (saint Pierre en geôle, saint Pierre prisonnier ou saint Pierre-ès-liens dont la fête se célèbre le 1er août). Couronnant un haut tertre, le chœur vers l’Est, entourée d’un cimetière séparé de la rue par un mur de terrasse orné d’un crucifix sculpté, c’était, il y a cent ans environ, une église laide, vieille et branlante au point qu’on fut obligé de l’abandonner en 1780 par crainte d’une catastrophe ; le service paroissial se fit alors au Collège. Elle fut démolie en 1793 et la ville s’étant vu refuser l’autorisation de creuser au travers du cimetière un chemin vers les casernes, on y éleva les immeubles qui portent les numéros 18 à 28.

Au sommet de la rampe, au coin de la rue des Capucins, l’ancien couvent des Carmélites occupé le 18 juin 1634, dont les cellules, le cloître et quelques autres pièces sont compris dans des maisons particulières. Ce couvent, habité par 7 religieuses en 1634, par 19 dames et 4 sœurs en 1775 et par 16 sœurs et 4 converses le 14 mai 1790, le jour où les représentants du gouvernement s’y présentèrent, avait à l’Ouest une église plafonnée, sans voûte, et ornée de peintures sans valeur.

La rue des Capucins tombe perpendiculairement sur la rue Derrière-Saint-Paul. Au débouché de cette rue, face au Sud, le couvent des Capucins. Les Capucins venus à Verdun en 1585 sur les instances de l’évêque cardinal de Vaudémont, s’étaient primitivement retirés dans un faubourg que nous visiterons amplement, le faubourg Saint-Vannes. Lors de l’exécution des travaux que Marillac ordonna pour la réfection de la citadelle, force leur fut de s’expatrier. Le jour de la Toussaint de l’an 1629, les Capucins allèrent en grande pompe prendre possession de l’édifice que le roi Louis XIII leur avait cédé et qu’ils occupèrent jusqu’au 26 mai 1790. L’église, dans le goût de la Renaissance et placée sous l’invocation de saint Louis, bordait à l’Ouest le cloître. Elle fut fermée le 12 avril 1791. Au delà, dans le terrain dont une portion seulement est utilisée par le gymnase militaire, une ancienne carrière, appelée jusqu’au XVIIe siècle, la Carrière, limitée au Sud et au Sud-Ouest par Saint-Maur et par le cimetière de l’église paroissiale de Saint-Médard. Que de fois les paroissiens dont le sanctuaire était enfermé dans la clôture de Saint-Maur se plaignirent, et non sans motif, d’être distraits dans leurs dévotions par le bruit des jeux dont la Carrière retentissait trop souvent !

L’église Saint-Médard consacrée en 1721, sur l’emplacement d’une sorte de chapelle basse, étroite, peu éclairée, fut fermée le 27 mars 1791, mise en vente le 27 février 1792 et adjugée sur la modique mise à prix de 3.025 livres, avec cette clause expresse que les acquéreurs la détruiraient à leurs frais.

Toute la région qui s’étend entre les rues Porte-de-France et Saint-Maur était couverte au XVIIIe siècle par les dépendances de Saint-Maur et par le Logis du Roi.

L’origine de Saint-Maur remonte très haut. C’était au début de notre histoire un oratoire dédié à saint Jean-Baptiste et à saint Jean l’Évangéliste. Saccagé lors de l’invasion des Huns d’Attila en 451, il fut relevé par saint Airy sous le vocable de Saint-Médard réparé de nouveau par l’évêque Heimon, il prit le nom de Saint-Maur pendant qu’on réservait celui de Saint-Médard à l’église indiquée plus haut. Heimon y fonda un monastère de religieuses de l’ordre de saint Benoît, proche du ruisseau de la Scance, car, pour obéir à la règle, les religieuses devaient trouver dans leur enclos tout ce qui leur était nécessaire. Abattu comme Saint-Paul pour cause de sécurité publique en 1552,1e couvent fut réédifié plus avant dans la ville tandis que l’ancienne église seule restait debout enclavée dans les fortifications, et séparée des nouveaux locaux par le cimetière de Saint-Médard. Aussi les dames de Saint-Maur furent-elles obligées, pour se rendre dans leur église sans s’exposer aux regards de la foule, de jeter par-dessus la rue et le cimetière une galerie fermée.

Le 12 mai 1790, les officiers municipaux de Verdun se présentèrent à Saint-Maur pour procéder à l’inventaire des biens meubles et immeubles et notifier aux intéressées l’arrêté de suppression. Les religieuses qui, malgré l’arrêté, avaient été autorisées, par faveur spéciale, à continuer leur vie commune, durent se séparer en octobre 1792. Si l’église a disparu et s’il n’est resté, dit-on, de ses annexes, que le vieux puits de la porte de France, le couvent est demeuré avec sa façade restaurée en 1865. Le bureau de bienfaisance, créé après 1796, y fut établi en 1808 avec, à sa tête, des administrateurs que secondèrent dans leur tâche trois sœurs autrefois attachées à une institution de prévoyance nommée la Charité ; ces sœurs, dites de Saint-Vincent de Paul, l’occupent encore aujourd’hui.

Verdun-gendarmerie-300x186Le Logis du roi, devenu gendarmerie nationale, était destiné au gouverneur royal que la cité devait héberger. Tavannes qui le premier représenta le roi de France habita l’évêché. Ses successeurs se cantonnèrent dans le cloître du chapitre de la Madeleine où l’on fut obligé de leur fournir six maisons. De là des résistances, des débats qui se terminèrent d’ailleurs par une équitable décision chacun des trois corps, évêché, clergé, administration municipale concourraient à la dépense. Messieurs les gens du roi firent alors construire l’hôtel que la ville paya le 27 juin 1597. On y vit passer des noms illustres les d’Haussonville, les Marillac, les Nettancourt-Vaubecourt, les Feuquières. Louvois y séjourna deux fois.

Mais au XVIIIe siècle, les gouverneurs ne résidaient plus à Verdun et l’hôtel fut confié aux bons soins d’un concierge qui en tira le parti qu’il put pour le compte du maître. Le marquis de Chazeron, l’un des non-résidents, l’offrit à la ville moyennant une rente annuelle de 600 livres. La ville accepta, y fit pour 20.000 livres de réparations, et y aménagea huit appartements, une écurie pour 60 à 80 chevaux, une remise pour six voitures. Là, s’installèrent les officiers supérieurs des régiments en garnison à Verdun et dont la municipalité devait pourvoir au gîte, à moins que ces Messieurs ne fussent de très haut rang et obligés, de par leur fortune et leur qualité, de tenir un grand train de maison, auquel cas les magistrats poussaient la bonté d’âme jusqu’à meubler à force de frais des demeures particulières. Enfin, l’an 1802, le Logis du roi fut transformé en caserne, et affecté au corps de la gendarmerie créé en 1790 pour remplacer la maréchaussée.

La rue Chevert, anciennement Saint-Maur-rue, avec l’hôtel du gouvernement, acheté en 1860 par la ville, et dont le premier propriétaire, il y a cent ans environ, fut J.-B. Georgia, lieutenant général et civil au bailliage et siège présidial de Verdun, aboutit à la place d’Armes.

Verdun-place-darmes-300x188La place d’Armes n’eut pas toujours le même aspect. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, ce fut une lande pierreuse, irrégulière, avec quelques granges ou écuries surveillées du côté de la cathédrale par la Tour-le-Princier qui lui donnait son nom et qui commandait l’entrée de la rue de la Belle-Vierge. En 1574, la ville accorde l’autorisation de bâtir des maisons d’habitation seulement, « avec chambres ou bouticles », avec interdiction « de loger bestes sur les dits devants ».

Sur la fin du siècle, on démolit la Tour-le-Princier, mais en revanche, l’administration militaire sollicite le droit d’y élever, sans doute pour l’embellir, une estrapade. L’estrapade consistait principalement en une potence de plusieurs mètres de haut, munie d’une forte corde. Au bout de cette corde, les mains et les pieds liés derrière le dos, un condamné que l’on précipitait plusieurs fois de suite du haut de la potence jusqu’à un mètre du sol, spectacle particulièrement doux pour le patient et récréatif pour les voisins. Les avis étaient partagés les uns préféraient la place Mazel, les autres la place de la Tour-le-Princier. Ceux-ci l’emportèrent et les bourgeois virent bientôt surgir d’une enceinte maçonnée à hauteur d’appui, dite Orbetour, l’horrible machine.

L’estrapade, abolie sous Louis XIII, avait disparu depuis longtemps, lorsqu’en 1682, MM. du Baillage firent aménager à l’angle Nord-Ouest, un nouveau Palais de justice et la place de l’Estrapade se nomma place du Palais. L’entrée du Palais qui portait cette inscription : « Haec domus amat, punit, conservat, honorat nequitiam, pucem, crimina, juraa, probos » (Ici l’on révère la paix, on punit le crime et la méchanceté, on sauvegarde le droit, on rend hommage à l’honnêteté) fut obstruée, à partir de 1728, grâce à M. le comte de Belle-Isle, gouverneur de la province, par un corps de garde, d’où l’appellation, qui n’est peut-être pas définitive, de place d’Armes. A cette date, la place d’Armes était à peu près ce qu’elle est maintenant, puisque le front Nord avait été complété au début du XVIIe siècle par le couvent des Carmélites.

La rue de la Belle-Vierge allait de la place d’Armes à la rue de la Madeleine et tirait son nom d’une statue de la Vierge qui décorait la porte d’entrée de la demeure du Princier, glorieux échantillon de l’architecture du XVIe siècle. Le Princier, ou plus exactement le Primicier, premier archidiacre de la cathédrale, était le personnage le plus considérable après l’évêque. Son pouvoir prenait des proportions si redoutables qu’en 1385, à la mort du titulaire, l’évêque et le Chapitre, qui n’aimaient pas les gêneurs, demandèrent au pape Clément VII la suppression de sa charge. Ils furent exaucés, mais l’habitation du Princier, propriété du Chapitre, continua de s’appeler la Princerie. Les deux frères Jacques et François de Musson, riches chanoines de la cathédrale qui la détenaient au commencement du XVIe siècle, la démolirent et la rééditèrent en 1525.

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Aujourd’hui, la Princerie porte les numéros 16 et 18. Le numéro 18 dont l’extérieur est récent, a conservé à l’intérieur sa belle colonnade renaissance. Le numéro 16 est resté extérieurementen partie de l’époque, avec sa remarquable entrée, sa sombre façade, ses fenêtres grillagées de fer croisillonné. Le fronton est surmonté d’une statue de la Belle-Vierge dont le qualificatif, en toute conscience, parait peu mérité. A l’intérieur, un porche monumental à colonnes massives, une petite chapelle à fenêtre ogivale avec voûte dont les clefs portent les armes de la famille de Musson.

La rue des Trois-Rois réunissait la rue Saint-Laurent et la rue de la Belle-Vierge.

La rue des Trois-Rois se terminait à la rue Châtel, et la rue Saint-Laurent sur la place de la cathédrale. A l’angle formé par les rues Saint-Laurent et des Prêtres, au XVIIe siècle, la chapelle Saint-Laurent. En juillet 1793, le conseil de la commune décréta que ces trois rues n’en formeraient plus qu’une, qui prendrait le nom de rue de la Montagne. Mais le peuple, par une allusion facile à comprendre, la débaptisa pour en faire la rue Montorgueil, et, le 12 mai 1807, la municipalité donnait aux trois tronçons la dénomination générale de rue de la Belle-Vierge.

La rue de la Madeleine nous conduit sur la place où l’on pouvait admirer encore à la fin du XVIIIe siècle la collégiale de la Madeleine. C’était un des édifices les plus antiques de la ville. Déjà restauré au milieu du VIIIe siècle, il devint le centre d’une communauté de filles qui ne surent pas maintenir, dans sa pureté originelle, la règle de leur cloître. Au commencement du XIe siècle, un riche clerc, l’archidiacre de la Woëvre, Ermenfroid, y établit un collège de chanoines. Aidé par l’évêque Heimon qui lui transmit le sanctuaire et le couvent, il jeta dès 1018 le fondement de cette église qui dura huit cents ans.

C’était un magnifique bâtiment de style roman, au portail occidental flanqué de deux tours carrées, sans flèche. Le chœur aux fenêtres longues, étroites, terminées par un plein cintre, dominait la rue Mazel. Le chevet couvrait de vastes cryptes. Les nefs reconstruites au XIVe siècle, étaient éclairées par des fenêtres ogivales. Sur le tout, une jolie balustrade à trèfles gothiques supportés par des contreforts savamment fouillés. Le cloître, à quatre côtés, et ses dépendances s’avançaient jusqu’au Tournant-Saint-Pierre. Avant 1556, au Sud de la place, s’abritait à l’ombre de la Madeleine une modeste église paroissiale, celle de Saint-Oury. Elle fut supprimée en 1556, et les paroissiens de Saint-Oury assistèrent aux offices dans la crypte de la collégiale.

Un regard en passant à l’entrée de la maison dite du pape Jules II, et que le pape Jules II n’habita jamais, mais qui s’élève peut-être sur l’emplacement de celle qui eut l’honneur de sa visite.

Mentionnons le couvent des sœurs de la Doctrine Chrétienne fixées d’abord rue Dame-Zabée (Dame Isabelle) en 1826, puis rue de l’Hôtel-de-Ville, enfin rue Mautroté en 1840. A l’angle sud-ouest de cette rue, l’établissement des sœurs de Saint-Joseph, dont l’église est due aux plans de M. Chenevier, architecte, qui en dirigea les travaux en 1888. De style roman, elle est assez curieuse avec ses tourelles et son abside circulaire fermée par une demi-coupole ; l’intérieur est divisé en rez-de-chaussée et en galerie que surplombe une voûte, dont les arcatures en fer ouvragé sont supportées par de hautes colonnes de fonte richement décorée.

Verdun-rue-de-la-grange-186x300La rue de la Belle-Vierge, qui donne accès à la place de la cathédrale, communique avec les quartiers bas par la rue Châtel que prolonge la rue de la Vieille-Prison, les Petits-Degrés, les Gros-Degrés, la rue des Gros-Degrés et la rue de la Grange.

La rue des Petits-Degrés est la partie supérieure de l’ancienne rue Brodier qui reliait jusqu’au XVIIe siècle la Meuse et la rue Châtel. Issue du Cognet de Faulcitey (en dehors de la Cité), recoin visible encore aujourd’hui, elle prenait aux pieds des limites probables de l’ancienne citadelle, ou, comme on disait au moyen-âge, de l’ancienne Fermeté. C’est par la rue Brodier, que l’évêque, lors de son entrée solennelle, se rendait à cheval, revêtu des insignes de Comte du Saint-Empire à la chapelle Saint-Laurent, où l’attendait le chapitre des chanoines. Autrefois très fréquentée, elle a conservé, solidement planté à moins de deux mètres du sol, dans le mur qui se dresse à gauche des gradins inférieurs, un énorme crampon où l’on accrochait des chaînes de fer pour entraver la circulation les jours de troubles.

Appuyés aux terrasses de la ville haute, deux édifices d’importance inégale bordaient la rue de la Vieille-Prison, l’un presque perpendiculaire à la rue de la Grange, la Grange ou Halle aux blés, massive et noire bâtisse, dont il est parlé déjà au XIe siècle, vendue et démolie en 1835, l’autre plus intéressant,vers le milieu de la montée où se voient les immeubles qui portent les numéros 5, 7 et 9 : c’est Montaubain, l’ancien Hôtel-de-Ville.

Acheté en 1338 à Simon la Porte, jadis échevin du Palais, qui l’avait construit dans les premières années du siècle, Montaubain, avec sa banale façade supportée par des piliers, était placé sous la garde d’un portier qui prenait soin du mobilier, fournissait l’éclairage et le chauffage à la chambre du conseil et joignait à ses importantes fonctions celle de geôlier des prisons creusées dans les sous-sols. On remarquait à Montaubain la salle du conseil dorée et la tour du beffroi, très haute, couronnée par un élégant campanile à jour décoré de clochetons, et où tintait les jours d’émeute, le bourdon populaire, la Mute. Une horloge indiquait l’heure sur un cadran de plomb doré.

Ce logis poussiéreux, décrépi, était indigne de la cité qui, le 6 février 1738, se transporta solennellement à l’Hôtel-de-Ville actuel. Montaubain survécut jusqu’en 1760 ; à cette date, on dut supprimer la tour qui menaçait ruine et l’horloge fut déposée pour un temps, au-dessus du fronton du nouvel hôtel. Il ne resta plus de l’antique siège du Sénat, que les prisons civiles agrandies et modifiées, où l’on attachait les prisonniers à des anneaux de fer, dont quelques uns sont demeurés dans la profondeur des caves.

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Les Gros-Degrés présentent certainement, dans tout ce vieux quartier, la physionomie la plus captivante et la plus caractéristique. Composés exactement de 79 marches divisés en 7 paliers, incrustés à droite dans des maisons pittoresquement construites et comme étagées dans le roc, menacés à gauche par de hautes murailles, vestiges de la forteresse primitive, les Gros-Degrés participent à la fois du donjon féodal et de la kasbah mauresque.

Leur origine remonte au-delà du XIIIe siècle, car le grand incendie de 1217 commença « aux Degrés », dits de Notre-Dame, parce qu’une statue de la Vierge s’enchassait dejà dans la paroi. En haut, la rampe, usée par le frottement de plusieurs siècles, laisse cependant lire une inscription qui ne date point d’hier : « Aux frais de M. N. Bousmard, grand prevost. Claude Amit a faict ceste besongne 1593 ».

 

 

 

De nombreux édifices ont par miracle échappé à l’enfer de la bataille. Vous pouvez découvrir de très belles photos de la Porte saint Paul, de l’hôtel de la Princerie, de l’hôtel de ville, sur le blog tenu par Anthony Koenig, fervent défenseur du patrimoine lorrain.

 

La promenade suivante nous emmènera dans les quartiers de la cathédrale, de l’Évêché, de Saint-Vannes.

 

 

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