Le siège de Toul en 1420

 

Le siège de Toul en 1420 dans Anecdotes historiques pittoresques de Lorraine Blason-Toul-136x150

Extraits de la monographie imprimée
« Le siège de Toul, en 1420, sous l’épiscopat de Henri de Ville : fragments historiques »
par Charles Hequet – 1875

 

De tous les droits, régaliens et autres, dont jouissaient les ducs bénéficiaires de Lorraine, il en est un fort bizarre, exporté d’Allemagne, dont le privilège leur avait été concédé par les souverains de ce pays auxquels, lors de leur investiture, ils en faisaient hommage à titre de fief d’empire.

Ce droit, qu’ont également possédé les ducs héréditaires, était celui de propriété sur les fils de prêtres ou bâtards de l’Église.

L’origine de ce droit venait de ce que les membres du clergé, en raison des ordres sacrés qu’ils avaient reçus et de l’obligation qui leur était imposée de garder le célibat, ne pouvaient revendiquer celui de paternité. Leurs enfants, sans pères, sans protecteurs et sans noms, devenaient serfs dès leur naissance, et d’après une bulle du pape Calixte II, datée de l’an 1119, ils appartenaient au seigneur de la terre où ils étaient nés, et celui-ci s’en emparait, comme de tout ce qui était sans maître.

Depuis le duc Thierri Ier, l’exercice de ce droit régalien avait constamment éveillé la sollicitude des princes lorrains, les moeurs dissolues et l’incontinence du clergé d’alors, leur procurant un notable accroissement du nombre de leurs sujets.

Cédé, en 1429, aux chanoines de Saint-Dié, par la faiblesse du duc Mathieu, le droit de bâtardise acquit bientôt le dernier degré d’immoralité : il devint pour eux le stimulant du libertinage le plus effréné et de la cupidité la plus vile.

Ce regrettable état de choses subsista jusqu’en 1529, époque à laquelle le duc Antoine profita de la mésintelligence qui régnait entre ses officiers et le chapitre Galiléen pour retirer à ce dernier, la possession de ce scandaleux privilège, source des plus honteux désordres et des plus vils dérèglements.

Le droit de bâtardise excita souvent aussi la convoitise des chanoines de l’Église de Toul ; toutefois, rien n’indique qu’ils aient pu en obtenir, même temporairement, l’abandon en leur faveur. De là, un sujet d’incessantes querelles avec les ducs de Lorraine, querelles presque toujours suivies d’hostilités qui désolaient le pays et ruinaient les malheureux paysans réduits à supporter les tristes conséquences de ces déplorables conflits.

En 1421, sous l’épiscopat de Henry de Ville, soixante-sixième évêque, quelques-uns de ces enfants naturels s’étaient réfugiés dans la ville de Toul « comme dans un lieu protecteur, pour se soustraire à une sorte de servitude et à une note publique d’infamie ».

Le duc Charles II, qui venait de guerroyer avec les Messins, auxquels non content d’avoir saccagé leur pays, il avait encore enlevé le corps de saint Sigisbert déposé dans l’abbaye de Saint-Martin, somma les magistrats toulois de remettre ces enfants entre ses mains. Les Bourgeois, dont les habitudes hospitalières n’ont pas dégénéré, refusèrent de les lui livrer. Irrité de ce qu’il considérait comme un affront, Charles leur déclara la guerre.

Les dispositions menaçantes du prince n’intimidèrent point les Toulois, qui se préparèrent à une vigoureuse défense. Le salut de la cité excita dans leurs cœurs un vif enthousiasme ; tous s’animèrent réciproquement au combat, et rien ne fut négligé pour mettre promptement leurs remparts en état de pouvoir supporter un long siège. Ils interdirent également toute communication des sujets du duc de Lorraine avec leur ville, et appelèrent à leur aide le Damoiseau de Commercy.

Plusieurs seigneurs puissants prirent aussi parti pour eux. Ainsi secondés, les Toulois remportèrent d’abord quelques avantages sur les troupes lorraines : ils s’emparèrent du bourg de Gondreville, qui dépendait du duché, brûlèrent le faubourg de Nancy, et ruinèrent de fond en comble celui de Saint-Epvre, qui était, avec son abbaye, sous la protection immédiate et spéciale du duc.

Le comte de Vaudémont étant accouru au secours du duc son frère, se mit en devoir de cerner la ville avec ses troupes. Le duc de Lorraine fit occuper par les siennes le mont Saint-Michel et y éleva des retranchements.

Les Lorrains reprirent alors l’offensive, et firent subir aux Toulois de terribles représailles : ils ravagèrent toutes leurs métairies et maisons de campagne, fauchèrent les moissons, coupèrent les arbres, arrachèrent les vignes, et brûlèrent les moulins ainsi que tous les châteaux de leurs alliés ; ce ne furent, pendant près d’une année, que pillages et incendies dans toute la contrée.

Tandis que s’accomplissaient ces scènes de dévastations, le duc de Lorraine, au moyen de ses bombardes et serpentins placés sur le mont Saint-Michel, ne cessait de cribler la place d’une masse de projectiles qui, en pénétrant jusqu’au coeur de la ville, y causaient des dégâts considérables.

Enfin, après plusieurs semaines d’un siège meurtrier, les Bourgeois de Toul, écrasés par le feu de l’artillerie et la disette des vivres commençant à se faire sentir, demandèrent à capituler. Ils ouvrirent leurs portes au duc de Lorraine et conclurent avec lui une capitulation.

Cette convention, à laquelle on a donné le nom de Traité des fils de prêtres, eut pour effet de ramener dans la cité Touloise, le calme et la paix si souvent troublés sous l’épiscopat de Henri de Ville, et mit fin, au moins pour quelque temps, aux querelles des ducs de Lorraine avec les Bourgeois de cette ville, gardiens vigilants de leurs prérogatives et de leurs franchises municipales.


Archive pour 6 décembre, 2011

Le siège de Toul en 1420

 

Le siège de Toul en 1420 dans Anecdotes historiques pittoresques de Lorraine Blason-Toul-136x150

Extraits de la monographie imprimée
« Le siège de Toul, en 1420, sous l’épiscopat de Henri de Ville : fragments historiques »
par Charles Hequet – 1875

 

De tous les droits, régaliens et autres, dont jouissaient les ducs bénéficiaires de Lorraine, il en est un fort bizarre, exporté d’Allemagne, dont le privilège leur avait été concédé par les souverains de ce pays auxquels, lors de leur investiture, ils en faisaient hommage à titre de fief d’empire.

Ce droit, qu’ont également possédé les ducs héréditaires, était celui de propriété sur les fils de prêtres ou bâtards de l’Église.

L’origine de ce droit venait de ce que les membres du clergé, en raison des ordres sacrés qu’ils avaient reçus et de l’obligation qui leur était imposée de garder le célibat, ne pouvaient revendiquer celui de paternité. Leurs enfants, sans pères, sans protecteurs et sans noms, devenaient serfs dès leur naissance, et d’après une bulle du pape Calixte II, datée de l’an 1119, ils appartenaient au seigneur de la terre où ils étaient nés, et celui-ci s’en emparait, comme de tout ce qui était sans maître.

Depuis le duc Thierri Ier, l’exercice de ce droit régalien avait constamment éveillé la sollicitude des princes lorrains, les moeurs dissolues et l’incontinence du clergé d’alors, leur procurant un notable accroissement du nombre de leurs sujets.

Cédé, en 1429, aux chanoines de Saint-Dié, par la faiblesse du duc Mathieu, le droit de bâtardise acquit bientôt le dernier degré d’immoralité : il devint pour eux le stimulant du libertinage le plus effréné et de la cupidité la plus vile.

Ce regrettable état de choses subsista jusqu’en 1529, époque à laquelle le duc Antoine profita de la mésintelligence qui régnait entre ses officiers et le chapitre Galiléen pour retirer à ce dernier, la possession de ce scandaleux privilège, source des plus honteux désordres et des plus vils dérèglements.

Le droit de bâtardise excita souvent aussi la convoitise des chanoines de l’Église de Toul ; toutefois, rien n’indique qu’ils aient pu en obtenir, même temporairement, l’abandon en leur faveur. De là, un sujet d’incessantes querelles avec les ducs de Lorraine, querelles presque toujours suivies d’hostilités qui désolaient le pays et ruinaient les malheureux paysans réduits à supporter les tristes conséquences de ces déplorables conflits.

En 1421, sous l’épiscopat de Henry de Ville, soixante-sixième évêque, quelques-uns de ces enfants naturels s’étaient réfugiés dans la ville de Toul « comme dans un lieu protecteur, pour se soustraire à une sorte de servitude et à une note publique d’infamie ».

Le duc Charles II, qui venait de guerroyer avec les Messins, auxquels non content d’avoir saccagé leur pays, il avait encore enlevé le corps de saint Sigisbert déposé dans l’abbaye de Saint-Martin, somma les magistrats toulois de remettre ces enfants entre ses mains. Les Bourgeois, dont les habitudes hospitalières n’ont pas dégénéré, refusèrent de les lui livrer. Irrité de ce qu’il considérait comme un affront, Charles leur déclara la guerre.

Les dispositions menaçantes du prince n’intimidèrent point les Toulois, qui se préparèrent à une vigoureuse défense. Le salut de la cité excita dans leurs cœurs un vif enthousiasme ; tous s’animèrent réciproquement au combat, et rien ne fut négligé pour mettre promptement leurs remparts en état de pouvoir supporter un long siège. Ils interdirent également toute communication des sujets du duc de Lorraine avec leur ville, et appelèrent à leur aide le Damoiseau de Commercy.

Plusieurs seigneurs puissants prirent aussi parti pour eux. Ainsi secondés, les Toulois remportèrent d’abord quelques avantages sur les troupes lorraines : ils s’emparèrent du bourg de Gondreville, qui dépendait du duché, brûlèrent le faubourg de Nancy, et ruinèrent de fond en comble celui de Saint-Epvre, qui était, avec son abbaye, sous la protection immédiate et spéciale du duc.

Le comte de Vaudémont étant accouru au secours du duc son frère, se mit en devoir de cerner la ville avec ses troupes. Le duc de Lorraine fit occuper par les siennes le mont Saint-Michel et y éleva des retranchements.

Les Lorrains reprirent alors l’offensive, et firent subir aux Toulois de terribles représailles : ils ravagèrent toutes leurs métairies et maisons de campagne, fauchèrent les moissons, coupèrent les arbres, arrachèrent les vignes, et brûlèrent les moulins ainsi que tous les châteaux de leurs alliés ; ce ne furent, pendant près d’une année, que pillages et incendies dans toute la contrée.

Tandis que s’accomplissaient ces scènes de dévastations, le duc de Lorraine, au moyen de ses bombardes et serpentins placés sur le mont Saint-Michel, ne cessait de cribler la place d’une masse de projectiles qui, en pénétrant jusqu’au coeur de la ville, y causaient des dégâts considérables.

Enfin, après plusieurs semaines d’un siège meurtrier, les Bourgeois de Toul, écrasés par le feu de l’artillerie et la disette des vivres commençant à se faire sentir, demandèrent à capituler. Ils ouvrirent leurs portes au duc de Lorraine et conclurent avec lui une capitulation.

Cette convention, à laquelle on a donné le nom de Traité des fils de prêtres, eut pour effet de ramener dans la cité Touloise, le calme et la paix si souvent troublés sous l’épiscopat de Henri de Ville, et mit fin, au moins pour quelque temps, aux querelles des ducs de Lorraine avec les Bourgeois de cette ville, gardiens vigilants de leurs prérogatives et de leurs franchises municipales.

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