Le Pont des Morts à Metz

Metz pont des morts

Un des plus beaux ponts, sinon le plus beau, de la ville de Metz. Je vous propose de découvrir une partie de son histoire, et surtout pourquoi il porte ce curieux nom de « pont de morts ».

D’après un article paru dans le « Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle »
Année 1853

Metz renferme un grand nombre de ponts jetés, soit sur la Moselle, soit sur la Seille, depuis des siècles, sans qu’on ait encore songé à en écrire l’histoire. Il en est un surtout qui a été délaissé par nos écrivains, mais qui proteste contre cet oubli en faisant peau neuve sous la main intelligente de nos ingénieurs modernes : c’est du Moyen-Pont que je veux parler.

A-t-il remplacé un pont romain dans le genre de celui de Trèves ? Nous l’ignorons. Seulement, il est permis de le supposer, puisqu’en ce lieu jusqu’au siècle dernier, il se voyait une construction romaine, espèce de château-fort rappelant la porta nigra de Trèves, la porte d’Arroux d’Autun.

A ses pieds coulait la Moselle, qui, ne se divisant pas en plusieurs bras comme aujourd’hui, se dirigeait probablement suivant une ligne droite depuis Jouy jusqu’à l’embouchure de la Seille. Cette belle rivière faisait clôture à la ville du côté de l’Occident.

Toute la partie de terrain située au-delà de la rive gauche de la Moselle, à l’opposite de Metz, était livrée à la culture de la vigne et du chanvre et formait une agrégation de cabanes, de jardins et de vergers, appelée bourg d’Outre-Moselle.

A une époque restée inconnue, la Moselle a quitté son ancien lit pour s’éloigner des murs de Metz et traverser le bourg d’Outre-Moselle que la rivière divisa en deux parties : l’une en deçà, du côté de Metz, garda le nom de bourg d’Outre-Moselle ; l’autre au-delà s’appela Devant-lès-Ponts, parce qu’on y construisit sur le nouveau bras le pont à Mezelle, comme l’appelle un titre de 1227, et le pont Thiefroid mentionné et reconstruit en 1222.

En 1194, des chevaliers de Saint-Jean de Rhodes furent autorisés à créer une commanderie de leur ordre dans la porte romaine des bords de la Moselle. Cet établissement prit plus tard le nom d’Ospitaulx en Chambre et il a laissé le nom de ses religieux à l’abreuvoir Saint-Jean.

A l’ombre de la petite citadelle romaine, l’abbaye Saint-Martin d’Outre-Moselle avait fait bâtir une maison de refuge avec de vastes dépendances le long de la rive droite de la Moselle, non loin de l’abbaye Saint-Pierre. En 1187, au milieu de sa propriété, elle avait fait ériger une église dédiée à saint Hilaire.

La Moselle, en portant son cours au-delà du bourg d’Outre-Moselle, ne laissait plus arriver le long des murs de Metz qu’un faible filet d’eau. Aussi en vint-on à passer la Moselle au gué en temps ordinaire. Et quand, en 1221, un riche bourgeois de Metz installa, des Dominicains sur son domaine entre l’hôtel de Saint-Martin et l’hôpital en Chambre, ce gué de la Moselle (en latin wadum), appelé la Wade en 1227, ne fut plus connu que sous le nom de la Wade devant les preschours en 1241, ou le waide des prescheurs en 1542.

Ce gué n’était praticable que pour les voitures et les chevaux, les piétons passaient sans doute sur un ponceau en bois assis sur les piles du pont romain, sans doute par les chevaliers de Saint-Jean, puisqu’on ne l’appelait pas autrement que le pont de l’Hospitauls en Chambre.

Son état de vétusté fit songer à le rebâtir aux frais des habitants. L’évêque de Metz, Conrad de Scharpeneck, prit une décision qui fait époque dans nos annales. Ce chancelier de l’empire d’Allemagne créa un impôt particulier à Metz. Le 8 mars 1222, ce prélat ordonna  que lorsque mourrait dans l’archiprêtrise de Metz un clerc ou un laïc, grand ou petit, homme ou femme, le prêtre de chaque paroisse, avec deux prud’hommes, irait prélever le meilleur vêtement laissé par le défunt, et que le produit de cet impôt serait appliqué « as novel pont à faire permey Mezelle en droit l’ospitalz en Chambre ».

Un atour inédit du 8 septembre 1267, nous apprend que c’était au nom de la ville que se percevaient le droit des habits des morts et le péage sur les ponts. La cité vendit ces revenus à la léproserie de Saint-Ladre hors de Metz, à la condition de réparer les ponts. Semblable marché fut passé avec l’hôpital St-Nicolas situé dans le nouveau faubourg.

Il paraît que l’administration municipale fut peu satisfaite de la façon dont Saint-Ladre exécuta la convention, puisque nous voyons, le dimanche avant la Saint-Jean 1282, publier un atour qui défend à la maison de Saint-Ladre de réclamer dorénavant les habits des morts et le péage des ponts. C’est que la cité, le 16 juin, avait donné au grant ospital Saint-Nicolais de Mes on nuef bourc les passages des ponts les warnements com prans des mors, à la condition de reconstruire les ponts en pierre.

Ces deux atours nous apprennent que le pont de l’hopital en Chambre de 1222, et le pont à Moselle de 1227, avaient reçu le nom de ponts des morts à cause de l’impôt qui avait fait les frais de leur reconstruction : l’un s’appelait le premier pont des morts, l’autre le pont des morts. Ce n’est qu’en 1336 qu’ils furent reconstruits en pierre.

En 1347, un boucher de Metz, nommé Huguignon, avait fomenté une conspiration contre la noblesse messine. Il fut empoigné avec son frère et « tout en l’heure, dit le chroniqueur, furent menés au premier pont des morts et illec à la poterne de costé l’ospital de saint Jehan de Rodes en Chambre furent noyés et enterrés ». Ordinairement, c’était au grand pont des morts qu’avait lieu ce genre particulier d’exécution capitale qui s’opérait à l’aide d’un sac.

Une charte de la même année (1347) nous apprend que sur les deux ponts des morts de Metz, il y avait des petites tours à chaque extrémité, ce qui suppose qu’on y mit des herses ou bairres descendant jusque dans l’eau, mais ce qui n’est établi que pour le premier pont des morts.

En 1476, on élargit le moyen pont daier saint Jehan et on y construisit des allées (galeries crénelées) de chaque côté, pour y recevoir des munitions de siège et placer des soldats chargés de la défense et de la manœuvre des herses.

En 1484, le Moyen-Pont vit sa première arche, du côté de la ville, ensablée par les inondations. La ville fit fermer l’intérieur de cette arche par une double muraille et casemater ce réduit afin de défendre les bairres. De l’autre côté, depuis 1320, existait un gros boulevard casematé aussi avec force meurtrières, élevé sur les dépendances d’un ancien béguinage datant de l’an 1020 et qu’on appelait le couvent des pucelles en la vigne.

L’hôpital Saint-Nicolas négligeant de réparer les ponts, par acte du 15 juin 1581, la ville de Metz reprit ce soin qu’elle garda jusqu’à la Révolution, sous la direction de l’administration militaire.

En 1657, on répara le Moyen-Pont, comme l’indique un millésime. Les piles du côté du gros boulevard furent rhabillées. C’est sans doute alors qu’on fit disparaître l’appentis du côté de la ville. Celui qui régnait du côté de la campagne ne disparut qu’en 1743, quand la ville eut fait, en 1738, démolir les tournelles dont l’on peut juger du disgracieux effet dans les différents plans de Metz publiés en 1575, 1604, 1631, 1655, 1691.


Archive pour 22 juin, 2011

Le Pont des Morts à Metz

Metz pont des morts

Un des plus beaux ponts, sinon le plus beau, de la ville de Metz. Je vous propose de découvrir une partie de son histoire, et surtout pourquoi il porte ce curieux nom de « pont de morts ».

D’après un article paru dans le « Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle »
Année 1853

Metz renferme un grand nombre de ponts jetés, soit sur la Moselle, soit sur la Seille, depuis des siècles, sans qu’on ait encore songé à en écrire l’histoire. Il en est un surtout qui a été délaissé par nos écrivains, mais qui proteste contre cet oubli en faisant peau neuve sous la main intelligente de nos ingénieurs modernes : c’est du Moyen-Pont que je veux parler.

A-t-il remplacé un pont romain dans le genre de celui de Trèves ? Nous l’ignorons. Seulement, il est permis de le supposer, puisqu’en ce lieu jusqu’au siècle dernier, il se voyait une construction romaine, espèce de château-fort rappelant la porta nigra de Trèves, la porte d’Arroux d’Autun.

A ses pieds coulait la Moselle, qui, ne se divisant pas en plusieurs bras comme aujourd’hui, se dirigeait probablement suivant une ligne droite depuis Jouy jusqu’à l’embouchure de la Seille. Cette belle rivière faisait clôture à la ville du côté de l’Occident.

Toute la partie de terrain située au-delà de la rive gauche de la Moselle, à l’opposite de Metz, était livrée à la culture de la vigne et du chanvre et formait une agrégation de cabanes, de jardins et de vergers, appelée bourg d’Outre-Moselle.

A une époque restée inconnue, la Moselle a quitté son ancien lit pour s’éloigner des murs de Metz et traverser le bourg d’Outre-Moselle que la rivière divisa en deux parties : l’une en deçà, du côté de Metz, garda le nom de bourg d’Outre-Moselle ; l’autre au-delà s’appela Devant-lès-Ponts, parce qu’on y construisit sur le nouveau bras le pont à Mezelle, comme l’appelle un titre de 1227, et le pont Thiefroid mentionné et reconstruit en 1222.

En 1194, des chevaliers de Saint-Jean de Rhodes furent autorisés à créer une commanderie de leur ordre dans la porte romaine des bords de la Moselle. Cet établissement prit plus tard le nom d’Ospitaulx en Chambre et il a laissé le nom de ses religieux à l’abreuvoir Saint-Jean.

A l’ombre de la petite citadelle romaine, l’abbaye Saint-Martin d’Outre-Moselle avait fait bâtir une maison de refuge avec de vastes dépendances le long de la rive droite de la Moselle, non loin de l’abbaye Saint-Pierre. En 1187, au milieu de sa propriété, elle avait fait ériger une église dédiée à saint Hilaire.

La Moselle, en portant son cours au-delà du bourg d’Outre-Moselle, ne laissait plus arriver le long des murs de Metz qu’un faible filet d’eau. Aussi en vint-on à passer la Moselle au gué en temps ordinaire. Et quand, en 1221, un riche bourgeois de Metz installa, des Dominicains sur son domaine entre l’hôtel de Saint-Martin et l’hôpital en Chambre, ce gué de la Moselle (en latin wadum), appelé la Wade en 1227, ne fut plus connu que sous le nom de la Wade devant les preschours en 1241, ou le waide des prescheurs en 1542.

Ce gué n’était praticable que pour les voitures et les chevaux, les piétons passaient sans doute sur un ponceau en bois assis sur les piles du pont romain, sans doute par les chevaliers de Saint-Jean, puisqu’on ne l’appelait pas autrement que le pont de l’Hospitauls en Chambre.

Son état de vétusté fit songer à le rebâtir aux frais des habitants. L’évêque de Metz, Conrad de Scharpeneck, prit une décision qui fait époque dans nos annales. Ce chancelier de l’empire d’Allemagne créa un impôt particulier à Metz. Le 8 mars 1222, ce prélat ordonna  que lorsque mourrait dans l’archiprêtrise de Metz un clerc ou un laïc, grand ou petit, homme ou femme, le prêtre de chaque paroisse, avec deux prud’hommes, irait prélever le meilleur vêtement laissé par le défunt, et que le produit de cet impôt serait appliqué « as novel pont à faire permey Mezelle en droit l’ospitalz en Chambre ».

Un atour inédit du 8 septembre 1267, nous apprend que c’était au nom de la ville que se percevaient le droit des habits des morts et le péage sur les ponts. La cité vendit ces revenus à la léproserie de Saint-Ladre hors de Metz, à la condition de réparer les ponts. Semblable marché fut passé avec l’hôpital St-Nicolas situé dans le nouveau faubourg.

Il paraît que l’administration municipale fut peu satisfaite de la façon dont Saint-Ladre exécuta la convention, puisque nous voyons, le dimanche avant la Saint-Jean 1282, publier un atour qui défend à la maison de Saint-Ladre de réclamer dorénavant les habits des morts et le péage des ponts. C’est que la cité, le 16 juin, avait donné au grant ospital Saint-Nicolais de Mes on nuef bourc les passages des ponts les warnements com prans des mors, à la condition de reconstruire les ponts en pierre.

Ces deux atours nous apprennent que le pont de l’hopital en Chambre de 1222, et le pont à Moselle de 1227, avaient reçu le nom de ponts des morts à cause de l’impôt qui avait fait les frais de leur reconstruction : l’un s’appelait le premier pont des morts, l’autre le pont des morts. Ce n’est qu’en 1336 qu’ils furent reconstruits en pierre.

En 1347, un boucher de Metz, nommé Huguignon, avait fomenté une conspiration contre la noblesse messine. Il fut empoigné avec son frère et « tout en l’heure, dit le chroniqueur, furent menés au premier pont des morts et illec à la poterne de costé l’ospital de saint Jehan de Rodes en Chambre furent noyés et enterrés ». Ordinairement, c’était au grand pont des morts qu’avait lieu ce genre particulier d’exécution capitale qui s’opérait à l’aide d’un sac.

Une charte de la même année (1347) nous apprend que sur les deux ponts des morts de Metz, il y avait des petites tours à chaque extrémité, ce qui suppose qu’on y mit des herses ou bairres descendant jusque dans l’eau, mais ce qui n’est établi que pour le premier pont des morts.

En 1476, on élargit le moyen pont daier saint Jehan et on y construisit des allées (galeries crénelées) de chaque côté, pour y recevoir des munitions de siège et placer des soldats chargés de la défense et de la manœuvre des herses.

En 1484, le Moyen-Pont vit sa première arche, du côté de la ville, ensablée par les inondations. La ville fit fermer l’intérieur de cette arche par une double muraille et casemater ce réduit afin de défendre les bairres. De l’autre côté, depuis 1320, existait un gros boulevard casematé aussi avec force meurtrières, élevé sur les dépendances d’un ancien béguinage datant de l’an 1020 et qu’on appelait le couvent des pucelles en la vigne.

L’hôpital Saint-Nicolas négligeant de réparer les ponts, par acte du 15 juin 1581, la ville de Metz reprit ce soin qu’elle garda jusqu’à la Révolution, sous la direction de l’administration militaire.

En 1657, on répara le Moyen-Pont, comme l’indique un millésime. Les piles du côté du gros boulevard furent rhabillées. C’est sans doute alors qu’on fit disparaître l’appentis du côté de la ville. Celui qui régnait du côté de la campagne ne disparut qu’en 1743, quand la ville eut fait, en 1738, démolir les tournelles dont l’on peut juger du disgracieux effet dans les différents plans de Metz publiés en 1575, 1604, 1631, 1655, 1691.

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