L’enceinte fortifiée de la Petite-Ville à Epinal

Blason Epinal 

Après avoir visité la rive droite de la Moselle ou la Grande-Ville d’Epinal, je vous propose de visiter la rive gauche de la Moselle, la Petite-Ville ou Rualménil au moyen-âge.

D’après un article extrait des Annales de la Société d’Emulation des Vosges – Année 1904 

A l’autre extrémité du Grand-Pont, mettant en communication la grande et la petite ville, il y avait du côté de celle-ci (rive gauche de la Moselle) une porte. De cette dernière, la muraille longeait le canal du Moulin, qui se trouvait à l’extrémité de la rue actuelle des casernes. Aujourd’hui que le canal est disparu et comblé, c’est la rue du Quartier qui en occupe l’emplacement.

A partir de la rue des casernes, l’enceinte abandonnait le canal pour s’infléchir à l’ouest, puis vers le sud, parallèlement, mais à une certaine distance du canal des Grands-Moulins, passant derrière les maisons du côté ouest de la rue des Minimes (du Derrière autrefois). A l’extrémité de celle-ci, et à sa jonction avec la rue du Boudiou, se trouvait la Porte du Petit-Pont, ou de l’ouest, ou du Boudiou.

De là, l’enceinte qui s’était rapprochée du canal, se dirigeait au sud-ouest, longeant le côté est de la rue de l’Ancien-Hospice, laissant à droite, hors de l’enceinte, l’ancien hôpital (aujourd’hui le musée et la bibliothèque), puis allant vers l’est, elle aboutissait à la Porte Aubert, d’où longeant la Moselle, elle retrouvait le Grand-Pont.

En 1747, l’enceinte de la Petite-Ville était presque entière. Il n’en manquait qu’un bout en amont du Grand-Pont, représentant le cinquième de la muraille longeant le côté gauche de la Moselle. Le surplus était littéralement noyé dans les maisons : on en avait non seulement bâti dans l’intérieur de l’enceinte, mais aussi à l’extérieur, rétrécissant d’autant plus le cours de la Moselle. C’est ce quartier qui donne à cette rive de la Moselle, un aspect si pittoresque.

Il en était de même pour le reste de l’enceinte de la Petite-Ville, et l’on peut dire que pour celle-ci, le pillage de la muraille fut encore plus grand que pour la Grande-Ville. On relève soixante ouvertures faites, afin de faire communiquer les constructions entre elles, ou avec les jardins établis dans les fossés, à la place du chemin de ronde. Cette muraille de la Petite-Ville était protégée par la Moselle, entre le Grand-Pont et la Porte Aubert. C’était le canal de la rive gauche qui servait de fossé à la partie de l’enceinte allant du Grand-Pont à l’extrémité de la rue des casernes, ou si l’on préfère, au moulin de la Petite-Ville.

De la Porte Aubert, en amont, partait une prise d’eau qui remplissait le fossé, protégeant toute la partie sud-ouest, ouest et nord de l’enceinte. Cette dérivation venait rejoindre le canal du moulin de la Petite-Ville, juste en dessous de ce dernier. Il en résultait que la Petite-Ville ne s’étendait pas jusqu’au canal des Grands-Moulins, et qu’entre ce dernier et le fossé, il y avait un espace vide, occupé aujourd’hui par le côté ouest de la rue de l’Ancien-Hospice, par la rue entière des Petites Boucheries et par le quart ouest de la rue Leopold-Bourg.

A hauteur de la Porte du Petit-Pont, l’espace compris entre le fossé et le canal des Grands-Moulins, se réduisait à quelques mètres. Sur le fossé et la bande de terre, se trouvait la porte, entièrement en saillie sur l’enceinte.

Cette porte était la principale entrée de la ville. Là, aboutissaient les chemins de Nancy, de Mirecourt, de France et de Franche-Comté. Elle était composée de deux tours superposées de hauteurs égales, mais de dimensions différentes. Une toiture recouvrait la tour supérieure. Enfin, au sommet, un campanile dans lequel fut placée une horloge, qui, fort inexacte, trompant les bourgeois, fut baptisée du nom de Boudiou : menteuse.
Ce nom de Boudiou finit par devenir celui de la porte, ainsi que celui de la rue qui y aboutissait. La Porte du Boudiou ne fut démolie qu’en 1840. Un pont, le Petit-Pont, sur le canal des Grands-Moulins, la reliait à l’autre rive.

Quant à la Porte Aubert, c’était plutôt une poterne, mettant les bourgeois en communication avec les jardins environnants. Elle était surmontée d’une haute tour, couverte par une toiture pointue.

Voici quelques noms de tours relevés dans les archives d’Epinal :
Tour Montbeliard (grande ville) au trou du collège, dans le voisinage de la Tour de la Monnaie. Elle fut comme celle-ci ruinée par les eaux.
Tour Malperthuis (grande ville) sur la Moselle. Une poterne percée au pied permettait de communiquer avec la Moselle. Cette tour était placée à l’extrémité de la rue Malpertuis.
Tour Brenel, Burnel, Breney (petite ville), placée à la Porte de la Petite-Ville, sur le Grand-Pont.
Tour Abay (petite ville) : serait-ce la Tour Aubert ?
Tour derrière le Gaucheu (petite ville), près du moulin, à côté de la rue des casernes.

D’autres tours portaient les noms de : Hoberdon, Jehan Gourman, Poytabar, Jean-Pierre, Oblat, Maistre-Pasquier, Baulloux.

A visiter, un splendide site présentant la maquette de la ville d’Epinal en 1626  d’après le tableau de Nicolas Bellot.


Archive pour 8 mai, 2011

L’enceinte fortifiée de la Grande-Ville à Epinal

Tour du musée du chapitre remparts EpinalBlason EpinalTour Jacques remparts Epinal

Si les ruines du château d’Epinal représentent un lieu de promenade très fréquenté, il n’en est pas de même pour les remparts de l’ancienne enceinte fortifiée de la ville. Ils méritent pourtant un détour, car ils sont les vestiges de l’immense muraille qui protégeait la ville d’Epinal au moyen-âge.

Je vous propose de remonter le temps et de visiter la rive droite de la Moselle, il y a plusieurs siècles.

 

D’après un article de la société d’émulation des Vosges – Publication 1904

Vers 1139, l’évêque de Metz, Etienne de Bar, avait reconquis le château (la tour) d’Epinal sur un seigneur qui avait usurpé la vouerie du monastère. A cette date, il semble qu’Epinal était pourvu d’une enceinte, faite de palissades et de fossés.

Le temporel de Metz possédait de vastes domaines enclavés et indépendants dans la Lorraine. De là, de perpétuels conflits, des guerres sans fin, comme on les faisait alors, c’est-à-dire en pillant les sujets de l’ennemi, en ravageant leur terres, brûlant leurs habitations. Les évêques, très éloignés d’Epinal, furent forcément obligés de créer pour leurs sujets, des lieux de refuge. Epinal fut un de ceux là.

Jean de Bayon raconte (chronique de Moyenmoutier) qu’en l’an 1089, le duc lorrain Thierry II mit le siège devant Epinal, mais y renonça, voulant épargner le sang de la multitude qui s’y était réfugiée et se retira à son château d’Arches.
Ce passage est caractéristique : il est clair que la multitude des sujets de l’évêque n’aurait pu trouver place au château, qui n’était qu’une tour, et que ce ne pouvait être que dans la ville, protégée par des palissades et des fossés, comme on le faisait alors, qu’elle avait pu se réfugier.

Au XIIIe siècle, l’évêque de Metz Jacques de Lorraine (1236-1260), entreprit d’entourer Epinal d’une véritable muraille et en fit une place forte de premier ordre. En même temps, il dotait Rambervillers d’une pareille enceinte, ce qui montre que les deux chefs-lieux des possessions de l’évêché de Metz, avaient, dans cette région des Vosges, pris une grande importance.

C’est l’enceinte construite par Jacques de Lorraine, que nous retrouvons sur le tableau de Nicolas Bellot.

La ville était formée de deux groupes séparés par la Moselle :
- sur la rive droite, Epinal proprement dit ou la Grande-Ville,
-
sur la rive gauche Rualménil ou la Petite-Ville.

Chaque ville avait son enceinte, formant autant d’unités de défense. Un pont, le Grand-Pont, les reliait. En amont de ce pont, se trouvait un barrage de la Moselle, d’où partaient, à droite et à gauche, deux dérivations des eaux ou canaux, faisant mouvoir chacune un moulin.

De Rualménil, après avoir franchi la Moselle, le Grand-Pont traversait ensuite le canal qui n’en était séparé à cet endroit, que par le barrage, et l’on se trouvait devant la Porte du Pont ou du Grand-Pont.

C’était l’entrée principale de la Grande-Ville : elle avait la forme d’une tour allongée, de même hauteur que la muraille, seule sa toiture dépassait. A côté, et pour la protéger, une autre tour, la tour Rolland, ruinée dès 1617. En 1673, une prison bourgeoise fut établie dans le bâtiment. On y trouvait un logement pour le portier, et en haut, un logement pour le guetteur.

De la Porte du Pont, longeant le canal qui servait de fossé, la muraille se dirigeait vers la Porte du Moulin, parallèlement à la rue Jeanne d’Arc, coupant la rue Lormont et aboutissant place du Vieux-Moulin. La muraille laissait ainsi un espace entouré par le canal et la Moselle, que l’on appelait le Gravot du Tripot, occupé aujourd’hui par le quai de Juillet, le square, le monument commémoratif, l’imprimerie Fricotel, la place Guilgot.

Il y avait (d’après le tableau de Bellot) quatre tours entre les portes du Pont et du Moulin, le canal servant de fossé. La porte du Moulin était une haute tour carrée, couverte d’une toiture. Près de la porte et accolé à la muraille, se trouvait le moulin ou moulin du Tripot, parce qu’il occupait l’emplacement d’un ancien jeu de paumes. Le meunier avait été autorisé à percer la muraille, afin de pouvoir communiquer avec une construction en dedans de la muraille. On y établit en même temps un battant-foulon à draps (1617), les boucheries et tueries (abattoirs) étaient aussi près de la porte du Moulin sur la rive droite du canal (1613).

De la Porte du Moulin, l’enceinte s’infléchissait vers l’est, abandonnant le canal qui allait rejoindre la Moselle, se dirigeait en ligne droite jusqu’au château où elle se soudait avec le donjon. Elle suivait une direction parallèle à la rue Entre-les-deux-Portes (en dehors de l’enceinte).

En face de la jonction des rues Haute et de la Maix (1), se trouvait la Porte de la Fontaine Saint-Goëry, formée par une haute tour carrée, de dimensions supérieures à celle de la Porte du Moulin. Sur la porte, se voyaient les images de Saint-Goëry et de ses filles, Sainte Précie et Sainte Victorine.

A cette porte, aboutissait le populeux faubourg de la fontaine (puis de Saint Michel) et la route de Lunéville à Rambervillers. Les jours de marché surtout, l’affluence très grande était fort génée par l’étroitesse de la porte et de la rue de la Maix, par où passaient les voitures de grains pour aller au Poids et ensuite au marché qui se tient sur la place devant les religieuses de la Congrégation (2).
Plusieurs maisons faisaient saillie sur la rue et étaient si basses « qu’un cavalier ne pouvait y passer sans se heurter contre ces saillies ». On démolit ces maisons et la porte fut élargie (1731).

La Porte d’Ambrail était une tour ordinaire, sans toiture. Là, commençait le fossé rempli d’eau par le ruisseau d’Ambrail. La pente obligea, pour retenir les eaux et maintenir pleins les fossés, de créer de petites digues tranversales. De la porte d’Ambrail, la muraille suivait le côté nord de la rue des forts. A l’extrémité de celle-ci, à la jonction avec la rue d’Arches, se trouvait la Porte d’Arches. Celle-ci, flanquée de deux tours minces, élancées, était la seule qui eût un certain cachet.

De cette porte, partait la Grande-Voie (rue de la préfecture), dont le nom caractéristique et très ancien, rappelle que là passait la voie romaine de Bâle à Metz. A partir de la porte d’Arches, le fossé profond, large, formait un véritable étang : l’étang de la porte d’Arches (3).

Une chaussée permettait d’élever le niveau de l’eau : « ouverture d’une porte à la chaussée de l’étang de la porte d’Arches pour découler les eaux à la Moselle » (Archives Epinal 1673). Entre les deux portes d’Ambrail et d’Arches, il y avait six tours.

De la Porte d’Arches, l’enceinte décrivant un léger arc de cercle, allait aboutir sur la Moselle, à l’angle de l’ancien collège, et de là, suivant le cours de la Moselle, elle allait rejoindre la Porte du Pont. Le nombre de tours est de sept.

Le pourtour de l’enceinte de la grande ville (château exclu) est de 1350 mètres, avec le château de 1600 mètres environ. Il y avait trente-cinq tours, dont cinq appartenaient aux portes.

Dès la fin du XVIIème siècle et au XVIIIème siècle surtout, les fortifications de la grande ville, devenues inutiles et n’étant plus entretenues, furent littéralement mises au pillage par les habitants : on appuyait contre elles des maisons, on les éventrait pour y ouvrir des fenêtres, des portes, on les démolissait pour en utiliser les matériaux. Puis, on s’empara des chemins de ronde, des fossés pour en faire des jardins, y élever des constructions, si bien que certaines portions des murailles sont littéralement noyées dans les maisons.

L’entretien des murailles et du Château était entièrement à la charge de la ville qui se considérait comme la propriétaire. Après la prise de la ville par les Français en 1670, ceux-ci en ordonnèrent la démolition. La démolition ne fut que partielle. Ce qui resta ne fut plus entretenu et abandonné. La ville, continuant à se comporter comme si elle en était propriétaire, en disposa et acensa aux bourgeois murailles, chemins de ronde, fossés.

Mais en 1725, sur la réclamation du fermier du domaine, ces cens perçus par la municipalité, le furent par l’état. Plus tard (1747), le domaine contesta aux bourgeois, la propriété des murailles ; il y eut donc procès. Dans les mémoires et plaidoiries, on relève que le collège avait rebâti son église avec les débris des murailles qui l’entouraient des deux côtés, que la ville elle-même, ayant à réparer les vannes des canaux, se servit des pierres provenant de la démolition des Portes de la Fontaine, des Moulins, d’Ambrail, …

Lors du procès intenté en 1747, un plan des usurpations faites par l’habitant fut dressé : on y constate qu’à cette époque, la presque totalité de l’enceinte de la Grande-Ville existait encore. Seules les portes du Grand-Pont, du Moulin, d’Ambrail, étaient détruites. De chaque côté de ces portes, on avait démoli un pan de muraille (au Grand-pont surtout). Au collège, il y avait deux vides, et le mur allant de la porte de la Fontaine au bas du château n’existait plus qu’à moitié et était totalement disparu vers la porte d’Ambrail.

Entre la porte du Moulin et celle de la Fontaine, l’enceinte était noyée dans des maisons formant le côté sud de la rue Entre-les-Deux-Portes. Il est relevé pour la Grande-Ville, quarante ouvertures dans les murailles, mettant en communication les maisons avec les fossés devenus des jardins.

(1) Maix, Meix dérivent du latin mansus et aussi du celtic maes, ferme, grange. On le trouve dans le midi, sous la forme mas. Les copistes, toujours fantaisistes ou ignorants, l’ont écrit sous les formes meix, maix, may.
Ce nom vient d’une grange dite de la may, située « au grant bor d’Espinal » achetée par la ville au XVIème siècle à un bourgeois.
On a fait aussi venir ce nom du mot mare, prononcé en vieux langage , et que les scribes ont pu écrire maix, meix ou may. Tout près de cette rue, se trouve la source de Saint-Goëry, très abondante, qui à l’origine a pu former une mare ou mé. La grange aurait pris le nom de Grange de la Mare ou de la , maix ou may. Cette dernière explication est aussi vraisemblable que la première : on retrouve dans les vieux textes ce nom de meix ou maix, désignant d’anciennes pièces d’eau.

(2) Le palais de justice occupe l’ancien couvent de la Congrégation. C’était donc sur la place du palais de justice, que se tenait le marché aux grains. De la Porte de la Fontaine, on suivait pour y arriver, la rue de la Maix, puis celle des Halles, et à gauche, on aboutissait à la place.

(3) Tous les fossés alimentés par les eaux très claires de la Moselle, des ruisseaux d’Ambrail et de Saint Michel, étaient très poissonneux. On y faisait de grandes pêches et souvent, on y jetait des alevins : 1520, pêche des fossés de Rualménil et de la porte d’Arches – 1522, 1591, pêche du fossé du Grand-Moulin – 1553, achat de 800 alevins pour mettre dans le fossé du Grand-moulin – 1506, 800 grands alevins mis à la porte d’Arches.
Les populations dépendant du baillage d’Epinal étaient tenues de curer les fossés.

N’hésitez pas à visiter ce site, présentant la maquette de la ville d’Epinal en 1626  d’après le tableau de Nicolas Bellot.

Les photos de la tour Jacques et de la tour du musée du chapitre sont publiées avec l’aimable autorisation de monsieur Olivier Petit qui présente bien d’autres superbes photos sur son blog.

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