La fée Polybotte

La fée Polybotte

D’après ” Lacs, forêts et rivières de Lorraine ” – Editions Mars et Mercure

Un peu en aval de Kichompré, voisine de la route, la glacière du Kertoff mérite une visite. C’est un amoncellement des plus sauvages d’énormes blocs granitiques tombés des flancs de la montagne, entre lesquels les neiges s’accumulent en hiver et où la glace persiste parfois pendant tout l’été. Une légende se rapporte à cette grotte.

Autrefois, se cachait au Saut-des-Cuves, une magicienne orgueilleuse de son corps magnifique, mais honteuse de son visage fané. Elle logeait dans un palais souterrain, mais dont l’entrée s’ouvrait par la Fente du Kertoff, grotte de la forêt de Martinprey. Connaissant sa méchanceté, l’on évitait son domaine.

C’est là qu’un chevalier égaré, réfugié pour la nuit dans la grotte de Kertoff, devint l’hôte à jamais de la fée Polybotte.

Somptueusement vêtue, parfumée, assise sur un trône de cristal, la fée était environnée de lumière réfléchie par les facettes de milliers de cristaux tapissant son palais clouté de diamants. Autour d’elle, dansaient sur des parterres de fleurs, de ravissantes jeunes filles, aux accents d’une musique de rêve.

Accueilli par Polybotte, servi de mets succulents par les danseuses, le chevalier goûtait à tous les délices du palais enchanté. La fée pensait le retenir pour compagnon, lui offrant richesse et réalisation de tous ses vœux. En vain. Il ne pensait qu’à sa dame, à ses gens et à son château. Au matin, il voulut s’en aller les rejoindre.

Assurée de sa vengeance, Polybotte le laissa partir. Mais à l’instant de sortir, il fut saisi par un froid mortel et changé en glace. Depuis lors, toute l’année durant, la glace subsiste dans la Fente de Kertoff. Sans doute s’agit-il de ce beau chevalier…


Archive pour 3 mai, 2011

L’évêché de Verdun (2)

 

 

D’après un article écrit par l’Abbé Gabriel, aumônier du collège de Verdun
Publié dans la « Revue de la Société des études historiques » – Année 1886

La Bulle impériale, donnée en 990, par l’Empereur Othon III, à l’Évêque Haymon de Verdun, n’existe plus. Il n’en reste d’autres souvenirs que la mention expresse qui en est faite, cent soixante-six ans plus tard, dans une Bulle analogue de l’empereur Frédéric surnommé Barbe-Rousse, à l’évêque Albert de Mercy. Cette mention est très positive, très précise. Les noms d’Othon, empereur, et d’Haymon, évêque, y sont rappelés, et on y cite le premier diplôme.

Dès lors, il est impossible d’en révoquer en doute l’authenticité :

« Frédérick, Empereur auguste des Romains à notre cher et fidèle Albert. Nous renouvelons et confirmons à vous, à l’Eglise de Verdun, et à vos successeurs Evêques, le Bénéfice de Comte et de Marchis, au même droit, et en la même forme qu’il a été autrefois accordé par Notre auguste prédécesseur Othon à votre prédécesseur Haymon, et à tous ses successeurs, et par lui, à l’Eglise de Verdun.
C’est pourquoi, Nous voulons que Vous et vos successeurs, ayiez à perpétuité, la libre jouissance de tenir le même comté à l’avantage de votre Eglise, d’y nommer un comte, sans nul droit héréditaire, de le gouverner à votre volonté en toutes façons.
Nous vous concédons, à vous et à vos successeurs, en plein droit, le ban, le tonneu, la monnaie et la juridiction en la cité sur toutes les causes civiles et criminelles.
Nous reconnaissons appartenir au domaine de votre Evêché, les châteaux, terres, seigneuries, cures et abbayes, dont les noms suivent : le château de Waldens, le château de Dieu-Leuvard, le château de Watron-ville, Vienne-le-château, le château de Clermont, le château de Dun, le château de Mureau, Stenay, Hatton-château, et le château de Sampigny. (*)
Et si jamais d’autres forteresses vous paraissaient nécessaires à la sûreté de votre territoire, qu’il vous soit loisible, avec la permission de notre autorité, d’en construire au dedans de votre frontière ».

Ce diplôme impérial, de 1156, portant un sceau d’or, à l’effigie de Frédérick Barbe-Rousse est appelé par nos historiens la Bulle d’or de l’Evéché, lequel en conservait l’original dans ses archives. Elle a disparu à la grande Révolution, avec beaucoup d’autres trésors historiques et archéologiques, relatifs à la Ville et à l’Evêché de Verdun. Le texte latin du Diplôme de Frédérick Barbe-Rousse se trouve dans Dom Calmet Histoire de Lorraine, Preuves historiques et dans le supplément de Mabillon de Rediplum.Nous devons nous arrêter quelques instants à cette Bulle d’or qui resta, pendant près de six siècles, avec quelques modifications, la loi constitutionnelle et politique du Verdunois.De toutes les clauses et dispositions constituant la puissance séculière des Evêques de Verdun, les unes sont générales et s’appliquent à toute l’étendue du comté de Verdun. Les autres sont plus spéciales et ne comprennent que la ville seule, dont la situation, vis-à-vis de l’Evêque, se trouve modifiée et réglée. Nous dirons aussi un mot des forteresses de l’Evêché.D’abord l’Evêque reçoit le « bénéfice de comté et de marchisat » avec le libre pouvoir de tenir ce même comté, à perpétuité. Ces mots expriment la tradition à l’Evêque de la puissance comtale, si je puis employer ce mot, et sa substitution au lieu et place des vieux comtes mérovingiens et carolingiens des siècles passés.

L’évêque de Verdun devint Comte, sans en porter d’abord le titre, comme l’Evêque de Rome était devenu roi. (Le premier Evêque de Verdun, qui prit, dans une charte le titre de comte, fut Jehan de Sarrebrück, en 1419). Il est investi de l’autorité de comte, il en a les droits et les devoirs. Il est souverain dans son Comté, souverain mouvant de l’Empire, c’est vrai, puisqu’en principe il tient de l’Empereur sa souveraineté, mais en réalité indépendant de l’Empereur dans l’exercice de sa souveaineté.

Cependant, il y a une différence entre lui et les anciens Comtes. Les anciens Comtes ne tenaient le pouvoir qu’en viager et restaient de droit, amovibles à la volonté impériale. C’était un bénéfice personnel. Aux Evêques le pouvoir est dévolu, « à toujours, en perpétuité ». Il est dévolu non pas à tel ou tel homme, mais à un être métaphysique, que l’on nomme « l’Evêché de Verdun », représenté, sans discontinuité, par les Evêques qui s’y succèderont.

On a pu remarquer, dans le texte de la Bulle d’or, le mot Marche « Beneficium et Marchiae ». La Marche signifie les pays limitrophes entre les grands Etats, dont les frontières, à cette époque, étaient généralement mal délimitées. Les princes ayant des Marches, Marchis, – d’où est venu le titre nobiliaire de Marquis -, jouissaient, en pays de Marches de certains droits spéciaux déterminés dans le code féodal.

Les Marches du comté de Verdun étaient aux frontières de Champagne. Elles comprenaient les deux versants, est et ouest, du massif montagneux et boisé de l’Argonne, avec son étroite et longue vallée intérieure et elles s’étendaient depuis son extrémité sud, au mont de Beaulieu, jusqu’au milieu, de sa longueur, à Vienne-le-Château et Châtel-Cornay, dans la direction du Nord. En ces Marches, l’Evêque avait aussi tout pouvoir.

Mais, quelques uns de ces droits et pouvoirs, que lui conférait sa nouvelle dignité, ne pouvaient être personnellement exercés par l’Evêque. Ainsi les lois de l’Eglise défendaient aux Evêques de porter les armes et de prononcer des jugements pouvant amener peine de mort, de frapper du glaive et les ennemis du dehors et les ennemis du dedans, double attribution cependant de tout pouvoir souverain.

C’était afin de les suppléer dans l’exercice de cette portion de la charge comtale, que les Evêques pourront eux mêmes se choisir un Comte, qui sera leur lieutenant, et qui remplira, en leur nom, et comme leur délégué, la double fonction de Chef militaire et de Grand Justicier.

C’est ce lieutenant de l’Evêque, que nous appelons dans notre histoire le comte épiscopal, le comte voué, le grand voué de l’Evêché, parce qu’il recevait immédiatement ses pouvoirs de l’Evêque. C’est de cette façon que les comtes de Bar furent comtes de Verdun à partir du XIe siècle : ils ne le furent jamais autrement.

Le comte épiscopal, nommé par l’Evêque, était révocable à la volonté de l’Evêque. Ses fils, par conséquent n’avaient aucun droit à hériter de sa charge et dignité de comte. « Vous avez pouvoir d’élire un Comte, dit le diplôme impérial, mais nul droit héréditaire ne sera la conséquence de cette nomination ».

Sans doute, l’Evêque pouvait transmettre au fils de son comte, la charge du père. C’est ce qui arriva plusieurs fois par la suite, dans la maison de Bar, où le comté de Verdun fut un instant héréditaire dans ce sens. Mais cette transmission resta purement volontaire et facultative de la part de nos Evêques, malgré les efforts que firent les comtes de Bar pour se créer, par ces précédents, un droit héréditaire sur un comté dont l’annexion les eût faits des princes très puissants.

Le Comte épiscopal recevait de l’Evêque, comme tout voué de biens ecclésiastiques, une espèce de solde, qui consistait soit en une somme d’argent, soit dans l’abandon, à son profit, par l’Evêque, d’une seigneurie de l’Evêché à titre de fief. Le Clermontois tout entier, avec Vienne-le-Château, après avoir été donné en fief aux comtes de Bar comme solde de la charge de comtes épiscopaux, leur resta en mains quand ils ne le furent plus. Cependant ils rendaient, pour ce fief, foi et hommage à nos Evêques.

Ayant ainsi constitué l’Evêque, prince souverain dans le comté de Verdun, l’Empereur énumère les divers droits et attributions de cette nouvelle souveraineté, sur la ville de Verdun elle-même.

Posons d’abord en principe, en chose reconnue et acceptée par ceux qui s’occupent d’histoire locale, que jamais l’Evéque ne fut seigneur de Verdun dans le sens féodal du mot, comme il l’était dans ses domaines particuliers, dans les terres de l’Evêché.

On lui devait obéissance en certains cas, comme on doit obéissance au Roi, à l’Empereur, au Gouvernement quel il soit. Mais Verdun était et restait ville libre sous ce haut domaine et bientôt, elle chercherà à affaiblir encore l’espèce de dependance dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de son Evêque, jusqu’au moment où elle et l’Evêque tomberont ensemble sous le joug de la France.

« Nous vous accordons, dit l’Empereur, à vous et à vos successeurs, en plein droit, le Ban, la Monnaie, le Tonneu et le droit de connaître, dans la Cité, de toutes les causes civile et criminelles ».

Avoir le Ban, signifiait, en langage féodal, avoir le droit de faire publier, par clam ou à haute voix, à son de trompe, tambour ou cymbales, des édits, lois, ordonnances, règlements, prohibitions et annonces de toutes sortes, ayant pour but le maintien de l’ordre public, ou la sécurité des particuliers, leurs intérêts ou même leurs plaisirs, et statuant des punitions corporelles ou pécuniaires contre les contrevenants.

Les appels des hommes libres aux armes, et la convocation des milices, se faisaient aussi en vertu du droit de Ban. Le mot Ban, plus tard, désigna, non seulement le droit de publier et de convoquer, mais l’acte même de la publication, de la convocation. Ainsi on dit convoquer le Ban, l’arrière Ban, pour convoquer les milices, publier le Ban, les Bans, pour annoncer un mariage. Ban signifiait aussi territoire d’un village.

L’évêque, comme tout seigneur, tout possesseur d’alleux ou fiefs, avait le droit de Ban dans ses domaines particuliers, mais pas au delà. Le Diplôme impérial l’autorise à à publier son Ban, dans toute l’étendue du Comté de Verdun, sur les terres des autres seigneurs, laïcs ou ecclésiastiques, et même dans l’intérieur de la Cité. Dans la Cité et dans toute l’étendue du Comté, tous les habitants, nobles ou roturiers, libres ou serfs, vassaux et arrière-vassaux, seigneurs laïcs ou d’église, devaient désormais obéir au Ban épiscopal. C’était droit de souverain.

Droit de souverain aussi, celui de battre monnaie. Nos Évêques, à partir des premières années du XIe siècle, eurent leurs ateliers monétaires où l’on frappa monnaie à leur effigie, à leur nom, à leur coin. Haymon, le premier de nos Évêques-Princes, met encore sur ses deniers, le nom de l’Empereur avec le sien. Mais ses successeurs effacèrent bientôt ce souvenir impérial et leur nom seul fut gravé sur nos monnaies épiscopales. Ce ne fut qu’en 1620 que les Évêques de Verdun cessèrent de battre monnaie.

Le droit au telonium ou tonneu donnait, en ville, quelque finance à l’Évêque. Le telonium, tonneu comme disent nos vieilles chartes, n’est pas la taille dont nous parlerons. C’est un droit fixe, une somme déterminée à l’avance, que doivent payer les choses à consommer et les marchandises, avant d’être mises en circulation ou en vente.

C’est ce qu’on appelle aujourd’hui, droits d’entrée, de circulation, de vente, régie, patentes, et autres impôts, plus ou moins vexatoires, compris sous la dénomination générale d’Octroi et de Contributions indirectes.

Toutes ces contributions, dont le nombre a encore été augmenté par la fiscalité moderne, nous les avons reçues du moyen-âge qui, lui aussi, les percevait sous d’autres noms, ou d’autres formes à l’entrée, à la sortie de la ville, aux portes, sur la Meuse, au passage des bateaux, dans les rues, au marché, sur le vin, les blés, les viandes, les fruits, les légumes, le sel, les laines, le cuir, les fers, etc., sur tous les objets, enfin qui étaient susceptibles de négoce, ou qui entraient dans la consommation. Ce tonneu ou telonium, suivant l’endroit où il était perçu, suivant l’objet, qu’il frappait et la manière dont il le frappait, se nommait péages, portaiges, poignets, cuillerée, gélongnies ou jointées à mains, estaple au vin, banvin, chavant ou contribution sur les paniers de fruits, de légumes, etc.

Nous savons que la terre ne payait pas d’impôt, car elle appartenait alors tout entière aux nobles, aux Églises ou aux citoyens libres de la Cité. Cependant, tous les actes de transmission de propriété en d’autres mains, par vente, par échange, par héritage, ou par don gratuit, les actes de constitution de cens ou de rentes sur un immeuble, étaient frappés d’une taxe d’argent, plus ou moins élevée, selon le prix de l’immeuble vendu, ou le chiffre de la rente ou du cens constitué. C’était quelque chose d’analogue à ce que nous appelons les droits du timbre et de l’enregistrement. Cette mesure avait un double but : garantir l’authenticité de la transmission, et procurer une source de revenils au Souverain. Cette source de revenus venait au Trésor de l’Évêque.

Y venaient aussi, comme au Souverain, le produit des amendes ou issues, punitions de certains faits délictueux, qualifiés crimes par les lois de l’époque. Et ces charges portaient sur tous les habitants, soit de la ville, soit des campagnes. Nul n’en était exempt, si ce n’est ceux qui jouissaient, relativement à certaines d’entre elles, du bénéfice d’immunité.

Or, c’était tout cela, toutes ces amendes, tous ces droits, toutes ces contributions et redevances que les actes latins du XIe siècle, qualifient du mot général de Telonium et de Freta. C’était tout cela qui alimentait le fisc du Roi ou de l’Empereur. Le Comte, dans le Comté de Verdun, représentant du souverain, les prélevait par ses officiers fiscaux, au nom du Souverain et pour lui. Mais, à partir du jour où l’Evêque de Verdun fut souverain dans le Verdunois, le produit du Telonium et des Freta furent à lui, et ses agents les levèrent au profit du fisc ou trésor épiscopal.

Cependant, il ne faut pas croire que la transmission de ces droits se soit faite, du jour au lendemain, sans lutte entre le nouveau pouvoir et l’ancien. Il dut se passer près d’un siècle, le XIe, avant qu’un tel changement s’opérât en fait et complètement Les guerres de nos vieux Comtes avec nos Evêques en sont la preuve.

Mais, à ces droits productifs pour l’Evêque, répondaient de lourdes charges.

Les charges imposées au Comte ? Il était tenu de maintenir en bon état, dans son Comté, les grandes voies de communications, les ponts, les gués. Il devait pourvoir à l’entretien et aux réparations des murailles « de la Fermeté », à la construction de fortifications nouvelles s’il en était besoin, et à la mise en état de défense de la place. Il devait enfin « refaire les ponts et chaussées en sa Cité de Verdun », et subvenir à toutesles dépenses qu’occasionnaient, soit dans la ville soit au dehors, tous les travaux d’utilité publique.

Il est vrai que, pour certains de ces travaux, comme la construction, la réparation et l’entretien des ponts et des gués, l’Evêque pouvait imposer des corvées, même aux hommes libres, corvées dont ceux-ci se rachetaient par une somme d’argent.

L’Evêque Haymon ou son successeur immédiat, Richard, céda à diverses abbayes, une partie de ces droits de Tonneu, mais, à charge par elles, d’entretenir une certaine étendue des remparts de la Cité. Cet entretien s’appelait, « Pittûra muri civitatis » ou en vieux français « Porture à la Fermetei de Verdun quand mestier serait », c’est-à-dire quand besoin serait. Les Abbayes chargées de l’entretien d’une partie des fortifications de la Ville, aux XIe, XIIe et même XIIIe siècle, étaient St-Vannes, la Magdeleine, St-Maur, Beaulieu et St-Mihiel.

L’accroissement de puissance accordé à nos Evêques, n’avait pas eu pour unique résultat, en ce qui concernait la Ville, de placer à ses portes et sur ses marchés, des collecteurs épiscopaux, au lieu d’agents d’un autre souverain. Une modification plus essentielle s’était accomplie dans les relations, qui jusqu’alors avaient existé entre l’Evêque et la Cité.

Malgré le prestige et le respect dont était entouré le pouvoir épiscopal ; malgré les privilèges mérités que, depuis cinq siècles, il avait reçu des rois et des empereurs ; malgré même la très grande et légitime influence dont jouissait l’Evêque autour de lui, il n’avait aucune action directe sur la Cité. Jusqu’alors, Verdun était resté en droit, sinon toujours en fait, complètement indépendant de son Evêque, dans les choses civiles et politiques, dans les affaires séculières, à peu près comme il l’est aujourd’hui. On n’avait d’autre souverain que le Roi ou l’Empereur, suivant que l’on était de France ou d’Empire. On obéissait à son Comte et l’on s’administrait de la façon que nous avons dite précédemment.

Le changement de 990 ne fut qu’une substitution de personne, mais la personne subtituée était l’Evêque, ce qui, nous le répétons, lui créait, par rapport à la Cité, un rôle nouveau. Le Comte Impérial était supprimé et l’Empereur ne gardait de sa suzeraineté que le droit féodal d’investir chaque nouvel Evêque du pouvoir temporel, aux charges et devoirs féodaux.

L’Evêque devenu souverain succédait donc aux droits et pouvoirs des anciens souverains, exercés par leurs Comtes dans la Cité.

Droit de choisir les Magistrats, Juges et Administrateurs, parmi les citoyens mais, avec obligation de les faire accepter par le peuple. Ce droit et cette obligation ont été plus tard formulés dans la Charte de paix.

Droit de rendre la justice en causes civiles et criminelle : De tout temps, nous l’avons indiqué en parlant de la constitution municipale de Verdun, la connaissance des causes civiles avait appartenu aux Echevins de Ste Croix. La nouvelle constitution la leur con- serve, mais elle fait de l’Evêque le juge en dernier ressort, c’est-à-dire en appel.

Quand aux causes criminelles, c’est-à-dire vol, brigandage avec violence, meurtre, incendie, attentats de toutes sortes soit contre les personnes soit contre l’autorité, qui jusqu’alors ressortissaient du tribunal du Comte, elles seront désormais jugées par l’Evêque, en son tribunal. Mais, comme l’Évêque personnellement ne devait point prendre part à des jugements pouvant entrainer mort d’homme, il les renvoyait à son Comte épiscopal.

Le Comte épiscopal, à son tour, ou Grand Voué, ne voulant point ou ne pouvant le plus souvent, siéger en ces sortes d’affaires, en remettait alors la connaissance à son Sous-Voué ou Vicomte, qui prononçait les jugements. C’est dans le sens de préposé à la justice criminelle, qu’il faut entendre le mot Viscoras, Vicomte, Viconaté, dans l’histoire de notre Cité.

Cet état de choses, relatif à la justice criminelle, dura à Verdun jusqu’aux premières années du XIIIe siècle, époque à laquelle, grâce aux arrangements et souvent aux luttes sanglantes qui surgirent entre l’Évêque et les Citains, les Magistrats municipaux obtinrent de juger au criminel. C’est ce que nos historiens appellent l’engagement de la Vicomté à la Ville.

Enfin, Droit de tenir les plaids : l’Évêque devait tenir et présider, par lui-même ou par son lieutenant, les grandes assemblées féodales d’hommes libres, que l’on appelait Mall, Plaid, Assises ou Grands-Jours.

Les autres prérogatives que la Bulle de 990 accordait à l’Évêque, et qu’il nous reste à examiner, sont pour ainsi dire toutes militaires.

Il pouvait constituer autour de lui une noblesse d’épée, un corps de guerriers, milites, tenant leurs domaines en fiefs de l’Evêché, ayant eux-mêmes des vassaux, et redevables à l’Évêque de tous les services féodaux. C’étaient ses féodaux ou ses féaux.

En effet, dès les Xe et XIe siècles, nos chartes parlent à chaque instant, de guerriers de l’Evêché ou Chevaliers, vu que les nobles ne combattaient qu’à cheval : Miles Ecclesiœ Virdumensis, Milites episcopi.

D’abord, on ne les connait que par leur prénom, auquel la charte ajoute le titre : Miles Erembold  Ecclesiœ Virdumensis, charte de 955. Plus tard, au mot miles on ajoute, le nom du fief et, dès lors, ils reviennent souvent dans l’histoire : les chevaliers fieffés de l’Évêque de Verdun, Hugo, miles de Dombrax, etc.

C’est en ajoutant ainsi le nom du fief, du domaine, à la qualité de guerrier, de chevalier, que se formèrent les noms patronymiques des familles nobles au moyen-âge. La terre donna son nom à son seigneur et à sa famille. Avant le XIIe siècle, il n’y avait pas de noms de famille, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, pas plus dans la noblesse que dans la roture.

Parmi les chevaliers de l’Évêché, quelques uns des plus riches en domaines, ayant eux mêmes des vassaux et arrière-vassaux, prirent le nom de Barons. Laurent de Liège parle d’un baron de l’Évêché en 1090 « Pierre, comte, fils de Frédérick de Toul, un des barons de l’Évêché.

Ces Barons formaient la Cour de justice, aux Plaids, Assises, ou Grands-Jours du Comté, siégeaient avec l’Évêque ou avec le Comte épiscopal, et jugeaient toutes causes portées devant ce solennel tribunal. A la fin de l’ancien régime, sous Louis XIV, il n’y avait plus depuis fort longtemps que quatre fiefs épiscopaux, dont les possesseurs avaient le titre de Barons ou Pairs de l’Évêché : c’était Mureau, Ornes, Watronville et Hennemont depuis que Nicolas Psaulme avait cédé Creue aux Lorrains. Il fallait quatre Pairs pour qu’un jugement fût valable.

Nous avons dit que les Barons pouvaient avoir eux mêmes des vassaux et des arrière-vassaux. Si ces vassaux ou arrière-vassaux avaient leurs fiefs dans le Comté de Verdun, ils relevaient quand même de l’Évêque.

Ainsi, dans notre petit Comté, comme dans les plus grands États de l’Europe, le système féodal formait une chaine dont l’Evêque était le premier anneau, et qui descendait jusqu’au plus petit possesseur de fief. Et tous ces anneaux étaient liés entre eux par des devoirs réciproques.

De ces devoirs, nous indiquerons quelques uns.

Les nobles de l’Évêché sont tenus, en prenant possession de leurs fiefs, même par héritage, de faire leur foi et hommage, au seigneur Évêque, dans l’an et jour de la prise de possession et quarante jours après la foi et hommage, d’en présenter le dénombrement. Nous dirions aujourd’hui l’inventaire. « Et faute de ce faire, le seigneur Évêque peut mettre en sa main les fiefs », c’est-à-dire les rattacher à son domaine, ou en disposer en faveur d’autres feudataires. Car « tous fiefs, tenus du seigneur Évêque et Comte de Verdun, sont de danger, c’est-à-dire peuvent être repris, quand les conditions féodales n’ont pas été remplies ».

Les nobles de l’Évêché sont tenus de warder, garder les châteaux et forteresses de l’Évêché, pendant six semaines, deux mois, trois mois, huit jours et quinze jours, suivant conventions faites à l’avance.

Ils sont tenus, enfin, au service de guerre. « Et sont tenus les vassaux dudit sieur Évêque, quand ils en sont requis, d’aller servir en armes le dit sieur ou ses commis, ès guerres ou affaires, contre les ennemis dudit sieur Évêque ». Mais les nobles ne payaient jamais d’argent ni redevance quelconque en nature, pour un fief qu’ils possédaient.

Les annelets, dans les armoiries, devinrent, plus tard, presque partout dans le Verdunois, un signe de noblesse épiscopale.

Dans la suite, les Evêques, usant du privilège de souverain, conférèrent des titres de noblesse, et fieffèrent des roturiers. Mais aux Xe et XIe siècle, il n’y avait pas d’annoblissement. On naissait noble, mais on ne pouvait le devenir. On était noble, parce qu’on descendait, ou qu’on était supposé descendre, des conquérants, compagnons des premiers rois Franks, ou de quelque puissant de cette époque déjà reculée. Cette noblesse là ne pouvait s’acheter, ni s’acquérir d’aucune façon.

(*) Seuls les châteaux ont été cités dans l’article.

A suivre…

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