Jametz du XIe siècle au XIIIe siècle

Blason de JametzCarte de Louppy-sur-Loison

Jametz est une petite bourgade du canton de Montmédy dans le nord de la Meuse. Aujourd’hui, dans ce village bien tranquille de 240 habitants, il ne reste que quelques ruines de la forteresse ayant existé, et on a peine à imaginer que ce village a connu un siège célèbre, qui fixa, à son époque, l’attention de l’Europe entière.

C’est l’histoire de ce village que je vous propose de découvrir, à travers les péripéties de ses différents seigneurs. Cet article est long et difficile, mais si vous êtes intéressés par l’histoire de cette forteresse, vous aurez, je l’espère, suffisamment de patience pour lire les articles.

Les appellations anciennes ont été respectées.

D’après le « Manuel de la Meuse » de Jean-François-Louis Jeantin – 1861

Nous sommes à la fin du XIe siècle… et voici Gemmatium prœdium.

Laurent de Liège a écrit qu’en mourant (1076), Godefroid le bossu, duc de la basse Lorraine, donna à l’église de Verdun son prœdium de Gemmatium. C’était à l’époque où son père Godefroid le grand venait de faire construire le château de Dun.

Gemmacum et castellum Meerenwaldi, sous les évêques de Verdun (de 1086 à 1186).

La lutte entre le prélat Thiéry et les comtes d’Ardenne-Bouillon, lutte qui ne cessa qu’au commencement du XIIe siècle, par la cession du comté de Verdun à l’évêque Richer de Briey, cette lutte laissa, quelque temps, la possession de Jametz et des basses Wabvres incertaine et fluctuante. Mais elle se fixa bientôt sous l’épiscopat de Richard de Grandpré.

Adalbéron de Chiny la rendit immuable, pour quelques siècles, par sa résistance aux convoitises du comte de Bar Renaud le borgne, et par le partage des domaines que la mort de la comtesse Mathilde avait laissé litigieux. Alors commencèrent les inféodations épiscopales des bassins de l’Azenne, de la Tinthe et du Loison, et celles des portions dépendantes du comté de Bouillon.

La plus anciennement connue des afféodations est celle de 1093, en faveur de Pierre de Mirevault, chevalier de Chiny (fils de Symon, petit-fils d’Amalric de Raucourt, dit de Frasno), lequel devint alors maître des Azennes et de Murault, en même temps qu’il était châtelain de Chauvancy et de Laferté. Mais ce ne fut que plus tard que les comtes de Luxembourg obtinrent la relevance directe, en partie, de Jametz et de ses dépendances, qui étaient, notamment, Chaumont, les Romagnes, Thil, Soumazannes, etc.

Le fief et les fiefés de Jametz, sous la Prévôté de Saint Mard, et sous la Châtellenie de Laferté (de 1101 à 1294).

Les anciens sires de Jametz portaient : d’azur, aux trois fasces, d’argent, chargé, à dextre, d’un franc quartier, de gueules.

Telles étaient les hachures du sceau d’Otho de Jemmas, à sa charte de reprises de 1250. Telles, mais plus pleinement franches, étaient les couleurs de son écu, alors que, châtelain de Laferté, s’intitulant Otho de Firmitate, il assistait, en 1214, aux noces de la comtesse Ermesinde et de Waleram d’Arlon, côte à côte avec ses voisins Thiébault de Colm et Pierre de Dumbraz, de l’ancienne maison des Wales, dits Failly.

Engagère de Jametz

Après la renonciation (1107 à 1110) de la comtesse Mathilde à ses droits patrimoniaux dans les basses Wabvres, en faveur de l’Eglise verdunoise pour solder la dette de ses prédécesseurs Thiéry et Richer de Briey, l’évêque Richard de Grandpré avait engagé Stenay, Mouzay et terres adjacentes, naguère litigieuses, à Guillaume de Luxembourg.

Peu de temps après, le comte Guillaume rétrocédait cette engagère à Renauld de Bar, héritier naturel de Mathilde, et qui se prétendait son chef dynastique par Sophie de Bar, mais sous réserve expresse, pour lui et ses successeurs, de l’hommage-lige et de la seigneurie directe des terres engagées. Voilà le fait capital, fait qui domine toutes les inféodations accordées, à Jametz, par les prélats verdunois. C’est de ce fait que dérivent la conduite et les actes des seigneurs de Jametz qui, à partir de Robert de Mirowald (1294), cessèrent de faire leurs reprises des comtes-évêques de Verdun. Passons à un autre fait, non moins relevant.

Avouerie des comtes de Luxembourg

Les comtes de Luxembourg-Arlon étaient avoués-nés de Saint Maximin de Trêves. Or, la grande abbaye maximinienne avait poussé ses pionniers, et ses possessions anciennes, presque aux portes de Verdun. Comme marchis d’Arlon, les princes luxembourgeois prétendaient donc à la suzeraineté de portion des terres de la curie de Mangiennes, qui comprenait Jametz, en partie, et à la suprématie de portion de celles de la curie de Marcey, près Briey, qui y confinaient pareillement.

Vouerie du couvent de Juvigny

Troisième fait : avant que les confiscations impériales eussent adjoint à l’église des Claves, Gemmacum, Castellum Meerenwaldi et l’abbaye de Juvigny, terres primitivement franches et de donation royale, ensuite ducale, une portion notable de ces terres avait passé aux quatre avoués du couvent.

Ces voués étaient les Châtelains
- de Monquintin, anciens sous-voués de Saint Maximin, à Arlon, et sires de Dampicourt
- de Laferté, anciens sous-voués de Saint Remy, de Rheims, châtellenie de Wart et Mézières
- de Louppy les deux châteaux, anciens sous-voués de la même église, dans le Castrois et le Rethelois, voire dans le Dormois, sous la châtellenie de Raucourt
- de Mirowalt, aux droits des anciens hauts voués de Dun.

Cette vouerie, d’après les chartes de 1263, 1269, 1270, se partageait, alors, entre :
- Henry de Mirowalt, occupateur des trois Caslelets (Murvaux, Lissey et Murault)
- Gérard de Haraucourt, sire en partie de Remoiville, Louppy et partie de Quincy
- Jean, sire de Laferté, Saint Mard et Jametz
- Hugues de Monquintin, sire d’Escouviers et de Dampicourt.

C’est pour cela que les Sires de Jametz portaient, à dextre, un franc quartier, sur fond d’azur, et que les fasces de leur écu étaient émaillées d’argent.

C’est pour cela aussi, que Dampicourt, Proiville, Cierges, Romagne sous Montfaucon, étaient annexes de Jametz.

C’est encore pour cela, que Remoiville appartenait : pour un quart aux sires de Jametz, pour un autre quart aux sires de Haraucourt, et pour le surplus aux dames de Juvigny.

C’est pour cela, enfin, qu’une indivision, de même nature, existait à Romagne sous les côtes, à Mangiennes, à Billy, à la suite d’autres engagères, dont les causes vont apparaître successivement.

Ces trois faits principaux s’étaient empreints sur les armoiries des premiers seigneurs de Jametz. Ajoutons-y un quatrième : Démembrement.

Démembrement du temporel épiscopal

Quand il eut comprimé la résistance des citains de sa ville épiscopale, l’évêque Henry de Winton, en 1129, s’était vu contraint à démembrer le temporel de son église, et à constituer un franc-fief au profit du chevalier Pierre de Murault, de la maison de Chiny.

De tout cela résulte qu’au XIIe siècle, le droit des évêques des Claves, sur Jametz et sur Saint Mard, était subordonné, à la fois à la dominance du Barrois saisi de l’engagère, à la prédominance du Luxembourg, réservateur de l’hommage-lige et de la seigneurie directe et, enfin, que ce droit était côtoyé, et colimité, par l’indépendance absolue de quelques francs tenanciers.

Qu’on ne s’étonne donc plus de voir les premiers Sires de Jametz compris au nombre des fiefés de la prévôté épiscopale de Saint Mard, en plus que de les trouver désignés, tantôt sous le titre d’une seigneurie, autre que celle de Jametz, mais située dans le ressort prévotal, soit de Marville, soit de St Mard… c’est-à-dire de les trouver, tout à la fois, vassaux barrisiens, vassaux épiscopaux, sous la prédominance du suzerain commun, le comte de Luxembourg-Arlon.

La difficulté historique consiste à reconnaître, dans chaque charte, la position complexe de chaque sous-inféodataire, sous ses appellations locales, diverses, d’après les actes géminatifs, soit de son indépendance, ici, soit de sa triple vassalité, là, ou ailleurs.

Aussi cet article est-il un des plus difficiles : il a eu, pour base, avant tout, les chartes virdunoises, barrisiennes, luxembourgeoises… Sans ce préambule, l’histoire de Jametz resterait inexplicable.

Les premiers sires de Gemmas

Les premiers sires de Gemmas n’offrent qu’une physionomie équivoque. Leurs traits se voilent sous des appellations, topographiques, plus ou moins applicables à leurs possessions diverses : les lois de la féodalité le voulaient ainsi. Rambault, Rambour, Rambas, sont successivement des indivisionnaires de Jametz. L’un est l’aïeul, l’autre est le père, l’autre est le petit-fils.

Rambault Ier de Jemmais

Rambault l’ancien, comte de Muscey, était un d’Aspremont. (Ch. de 1163 Châtillon) Il était frère de Gobert Ier de ce nom, époux d’Aleyde de Dun, ensuite d’Ide de Chiny. Il eut, paraît-il, deux femmes : Hadwide de Chiny, qui donna le jour à Pontius de Failly (Ch. de 1172, 1173), et Othana, dame de Othe, dont seraient nés : Hugues (de Mucey), dit de Jametz – Lieutard (de Muscey), dit de Bertrameix et Jourdain (de Muscey), dit Paganus, alias de Muceio.

Hugues de Jemmais

Hugues de Jemmais (Ch. de 1170, 1200, 1220) fut père d’Alexandre de la Fontaine de Marville. Lieutard de Jemmais Lieutard de Bertrameix, dit aussi de Jemmais, fut témoin à l’accord que firent, le 15 juin 1179, Agnès de Champagne comtesse de Bar, et Henry Ier son fils, avec le Chapitre de la cathédrale des Claves, pour l’administration temporelle de la vicomté de Verdun. On ne peut dire quand il mourut, ni s’il laissa des enfants.

Jourdain de Jemmais

Jourdain, frère des précédents, surnommé Paganus de Muceio (Ch. de 1160), pour ses déprédations contre l’Eglise, Jourdain prend le titre de sire de Jemmais dans une charte de 1165, par laquelle il donne aux moines de Châtillon, ses pâquis et portions de dixmes à Flassigny.

A cette charte, concourent sa femme Adelaïs et leurs cinq fils, lesquels formèrent cinq souches d’indivisionnaires à Jametz :
- Frédéric de Marceto, sire de Vernonbour, qui devint époux de Jeanne d’Argentel, fille de Ulrig d’Othanges, sire de Billy
- Reinier, qui devint sire de Viller et de Proyville lez Dun
- Raimond, dit Boemundus, qui fut sire de Remoiville et des Verneuil, sous Monquintin
- Simon II de Mirowault, qui fut sire des trois Castelets
- Richer de Prouilly, qui fut sire de Clarey, Cierges, Romagne en Argonne, Landreville, etc.

Voilà le principe des adjonctions successives à la terre de Gemmas, terre où se géminaient alors des possesseurs, dont l’assiette féodale était encore, plus ou moins, indéterminée.

Déjà on a vu poindre, à Jametz, trois ordres de coinféodataires : les uns relevant de Verdun, les autres de Bar, les autres d’Arlon.

Déjà vous apercevez comment Cierges, Romagne en Argonne, Viller, Proyville lez Dun ont pu se trouver annexés à la seigneurie de Jametz, sous les cinq fils de Paganus de Muceio. Arrivons à d’autres accroissements.

Simon de Jemmais

De l’an 1217 à l’an 1224, alors que l’évêque Jean d’Apremont était vice-gérant de la baronnie des Dunes, en l’absence de son frère Gobert IV, Jemmais advient, en partie, d’une manière plus affectative, à Simon II de Mirowalt, un des fils de Jourdain. Ce seigneur reçoit ce fief de l’évêque, avec Calidum montem… Chaumont sous Murault. Mais à quel titre ?

C’est à titre de gage, dit la charte, pour restitution du prêt de 140 bons petits provenisiens. On verra, bientôt, que cette engagère durait encore entre les mains des princes de Sedan. Voilà l’origine de l’adjonction de Romagne sous les côtes et terres adjacentes à la seigneurie de Jametz.

Passons à Remoiville, et de là à Dampicourt.

Rambour, Hugues et Rambas de Jemmais

De Rambour de Gemmais, prévôt de Stenay et capitaine de Chauvancy en 1181, descendent les Lafontaine, qui ne se montreront bien qu’à Marville.

Rambour est père de Hugues (Ch. de 1170 et 1220), et Hugues a donné le jour à Alexandre et à Rambas (Ch. de 1206 et 1232) de Jemmas. Celui-ci, sous l’approbation de Jacob de Cons, son seigneur dominant, et de Marie sa femme et de Puntia leur fille, renouvelle la cession de son aïeul, au couvent de Juvigny, de leurs dixmes à Hans sur Othain.

Alexandre de Jemmais

Alexandre, son frère, est prévôt de Marville et de Saint Mard : il est frère, aussi, de Wuitter, ou Wauthier de Dun, autrement dit Walterus, sire de Vilaisnes et de Bras. Il est frère, encore, de Gérard de Delut, et de Pierre de Dumbras (Ch. de 1243). Androinus, ou Drouin, de Remoiville est son fils ou son neveu.

C’est cet Alexandre qui, avec ce Gérard et avec ce Drouin, avait envahi, en 1289, les petites possessions des moines de Saint Hubert, à Iré le sec et à Rupt sur Othain.

Gérard de Jemmais

Gérard est dit sire de Jemmais, dans une charte de 1271, par laquelle il reprend Gouraincourt et Grimaucourt des mains de l’évêque Gérard de Granson, neveu du comte Louis de Chiny. A la même date, Flambas de Jametz reprend portion du fief de Froméréville, dépendant de l’évêché.

Arrivons au nid des Colet, des Colin, des Colart de Jametz.

Ce nid est au col d’Othange, dans la curie de Mercy. Du mariage de Frédéric de Vernonbour avec Marie d’Argentel, dame d’Othange, paraît être issu Nicolas, sire d’Othange, sire aussi de Hans et de Bazeilles, sur l’Othain (Ch. de 1208, 1211, 1239, 1291).

Jean de Jemmais

Voici un de ses fils : c’est Jean de Jametz, sire du mont Saint Martin, capitaine prévôt de Stenay, en 1259. Il est dit fils de Colet, en 1287, dans la charte d’affranchissement de Mont Saint Martin, Chaufour, et Quincy. Avec son frère Poincignon de la Fontaine, autre indivisionnaire de Jametz, il possédait aussi Saint Mard, dont celui-ci était prévôt.

Colas de Jemmais

Colas apparaît comme sire de Jametz, en 1297. Cette année-là, il eut un différent avec son voisin Mengin de Remoiville, fils de Menissier et neveu de Jehannot du Chaufour. Le comte de Bar intervint et le procès fut tranché par le prévôt de Stenay, sire Alain, commis arbitre à cette fin.

Colas avait marié sa fille Marguerite à Fruste de Failly, fils aîné de Henry, ou Henrion de Jamais. Il l’avait dotée de la moitié de ses dixmes au petit Failly.

Henrion de Jemmais

C’est là que paraît être l’origine des de Failly champenois. Fruste de Failly fut, comme on va le voir, dépouillé de ses héritages, et c’est pour cela qu’il fut surnommé Fruslatus. Son père était Henry Ier de Failly, dit Flétrier, lequel se fit moine, et sa mère était Catherine de Bataille, dame de Belair, près Mouzon. C’est encore pour cela qu’un hermite, tenant un chapelet, était figuré debout à la cime de son armet.

Sa femme se remaria à Waultier de Bras, fils d’Alexandre de Jametz. Il est mentionné dans une charte de 1386, par laquelle son cousin Thiébault II de Failly, dit le petit Thiébault (qui ne laissa que deux filles : les dames Floryot de Hatton-Chateil, et Arnoult de Longuion) explique cette transmission des dixmes de petit Failly.

Perrignon de Jemmais

En 1291, les moines de Saint Maximin de Trêves transmettent à Colart des Hermoises de Dehut, époux de l’héritière des Wales de Sorbey, plus à Pérignon de Ruette, et à Mahault, ou Marguerite, sa femme, tout ce qu’ils avaient, ou pouvaient avoir, en la ville et en confins de Jamais, par le greait et octroit d’Henry Cuens de Lucemborg, avoué de leur couvent.

Robert Ier de Jemmais

Enfin, en 1294, Robert de Jemmais, sire de Mirowalt et gendre de Colart Ier des Hermoises de Delut, beau-frère conséquemment, de Robert Ier des Hermoises, fait hommage, pour Jametz, à l’évêque de Verdun, Jacques de Revigny…

A partir de là, cessent tous aveux et dénombrements, au regard des prélats verdunois. Nous verrons les causes de cette abstention.

A suivre …


Archive pour février, 2011

Le droit du Watillon

Gâteau 

D’après un article paru dans le « Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle »
Année 1859

Jadis, la corporation des bouchers de Metz venait offrir, le droit du Watillon à l’abbaye de Saint-Arnould.

Voici comment s’exerçait ce droit :

Le 4 février de chaque année, les bouchers de la ville arrivaient en grande pompe à l’abbaye, où ils étaient reçus au son de toutes les cloches du couvent. Ils portaient une cruche d’étain de sept pots et demi, entourée de rubans et de guirlandes, et sur laquelle on lisait les noms des anciens maîtres du corps.

Arrivé dans le cloître, le maître des bouchers tenait à la main le Watillon, espèce de petit gâteau d’une pâte sèche et épaisse et tellement cuit qu’il’ était difficile de le briser. En présence des religieux et des bouchers, le maître s’avançait seul et étendait le bras tenant le gâteau à la main.

Aussitôt, le marmiton du couvent se dirigeait sur lui en courant et d’un grand coup de poing frappait le Watillon. S’il le brisait, le maître lui donnait 12 sols, s’il le laissait entier, le maître se retournait prestement et lui donnait du pied au derrière.

Puis un copieux repas, arrosé du meilleur vin du couvent dont les religieux remplissaient la grande cruche de la corporation, terminait la fête. Après quoi, les bouchers retournaient chez eux en grande pompe.

D’où naissait cet usage du Watillon ?

Un dénombrement fourni par l’abbaye de Saint-Arnould à la chambre royale le 26 juillet 1685, nous donne les renseignements suivants conservés d’ailleurs dans les affiches des Evêchés et de Lorraine, d’où nous les extrayons :

« Item. Droit de graisse qui se paye par tous les bouchers vendeurs et faiseurs de graisse et chandelles de la ville de Metz. Sçavoir : chaque boucher doit quatre denrées de viande, les faiseurs de chandelles une livre, et les revendeurs une demie.
Doivent les susdits maîtres bouchers apporter à la dite abbaye un Watillon, lequel doit être si dur, que le novice ne le puisse percer de son doigt, de course qu’il fait contre ledit Watillon que le maître desdits bouchers tient à sa main, et quand ledit novice a fait sa course et qu’il veut mettre la main au Watillon, ledit maître lui donne sur la joue pour souvenance.
Les bouchers, y est-il ajouté, doivent en outre un certain nombre de gousses d’ail, un vieux sol, plus un gros messin au sommelier du couvent, et ils reçoivent en échange sept gros pains crusiez de sept livres et demie chacun, et dix-huit miches d’une livre et d’un demi quarteron chacune. On leur donnera en outre sept pots et une pinte de meilleur vin, qu’ils choisiront à leur gré, dans toutes les caves de l’abbaye, et avant de sortir ils auront à déjeuner tous ensemble
».

La manière de lever le droit de graisse n’était pas moins bizarre que la course du Watillon.

Il fallait qu’un novice montât sur une haquenée, la tête tournée vers la queue et la tenant dans la main. Dans cette posture, il parcourait les rues de Metz, recevant de chaque boucher ou vendeur de graisse la redevance en question.

Cet usage s’observa très exactement tant que l’abbaye de Saint-Arnould ne fut pas en commende. Mais depuis ce temps, le droit de graisse étant tombé dans le lot de l’abbé commendataire, les religieux ne voulurent plus fournir le novice pour monter la haquenée.

L’abbé, pour ne pas perdre son droit, imagina de faire habiller en bénédictin le premier venu qui voudrait bien se prêter à cette ridicule mascarade, et la promenade de la haquenée continua à avoir lieu, à la grande satisfaction de toute la populace.

Ce ne fut qu’en 1760, qu’un chandelier refusant de payer le droit de graisse, le corps intervint. Il disait que ce n’était pas un portefaix, mais un novice qui devait percevoir ce droit.

Les chandeliers ajoutaient qu’ils n’avaient anciennement payé la livre de graisse, que pour avoir la faculté d’étaler leurs marchandises à la foire qui se tenait dans le faubourg, où l’abbaye était située avant le siège de Metz. Par arrêt de 1767, les chandeliers furent déchargés de ce droit, dont on ne leur représentait aucun titre constitutif.

Les bouchers ne jugèrent pas à propos de suivre leur exemple. Comme ils avaient la liberté de racheter les quatre denrées de viande moyennant quatre deniers, suivant une sentence du 29 novembre 1629, que l’abbé leur devait un déjeuner de dix-huit livres, ils continuèrent jusqu’à la Révolution de venir au cloître de Saint-Arnould faire la cérémonie du Watillon.

La Harouille

Bataille de poissons dans le village gaulois 

Parmi les coutumes de l’ancien régime en Lorraine, celle de la Harouille était une des plus singulières.

Cet usage, mis en place dès le milieu du XIVe siècle, a cessé d’exister au XVIIe siècle, à la suite de ce que l’on qualifierait actuellement de « débordements incontrôlés ».

Le XVIIe siècle a été synomyme de fléaux pour notre pauvre Lorraine : la guerre de Trente Ans et toutes ses horreurs.

« La Lorraine, si riche, si heureuse, si respectée sous les règnes des ducs Charles III et Henri II, allait voir succéder à tant de prospérités, des calamités inouïes. La peste, la famine et la guerre devaient s’unir pour faire un désert du plus beau pays d’Europe, et ces trois fléaux étaient destinés à exercer de tels ravages, que la dévastation de la Judée par les troupes de Titus, sembla seule fournir aux écrivains de cette époque, un point de comparaison » – Auguste Digot.

Peut-être, pouvons-nous trouver dans cette phrase, des explications quant aux agissements décrits dans cet article.

D’après un article paru dans le « Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de la Moselle »
Année 1858

Jusqu’au milieu du XVIe siècle, l’abbaye de Saint-Hubert, indépendamment de ses vastes propriétés territoriales, de ses rentes foncières, de ses droits seigneuriaux et des dîmes qu’elle prélevait dans une multitude de paroisses, trouvait d’immenses ressources dans la générosité des fidèles.

« Les questes estaient si abondantes tant par la charité des personnes de ce tems que par la grande estandue des provinces de Zélande, Hollande et Frize, ou lesdictes questes s’exerçaient librement que d’icelles le monastère avec les priorés en despendants estaient fournis du principal de leur viure, particulièrement de harens, stockfisch, morue, sel, drap et aultres ustensils de mesnage sans comprendre plus de vingt-deux mil florins que les dictes questes rapportaient par chascun an ».

Un abbé, pour remercier Dieu de l’abondance de ces quêtes, et peut-être aussi pour débarrasser l’abbaye des dictes viandes dont il estait furni plus que le défruict ordinaire n’exigeoit, imagina d’instituer, le lundi de carême prenant, une distribution de harengs.

Cest cet usage, imité dès le milieu du XIVe siècle au prieuré de Cons, qui reçut du peuple le nom de « Harouille ».

Dans l’origine, les seuls pauvres de Cons eurent part à ces largesses. Mais peu à peu, ceux des localités voisines vinrent augmenter leur nombre, et tous ceux qui se présentèrent le lundi-gras reçurent chacun un hareng.

Cette coutume, renouvelée chaque année, passa bientôt en droit, et pendant la seconde période du XVIe siècle, on ne distribua jamais moins de 3 000 harengs réclamés, non seulement par les habitants voisins du prieuré, mais aussi par ceux des villages les plus reculés de la prévôté de Longuyon, de celle d’Arrancy et du duché de Luxembourg.

Les religieux semblaient même attirer cette foule en envoyant dès le jeudi-gras, dans les paroisses environnantes, crier la Harouille au nom de Monsieur saint Hubert et du prieur de Cons.

Le lundi venu, on chantait la messe au monastère, puis la cloche sonnait, et à son troisième coup, hommes, femmes, enfants se pressaient pêle-mêle dans le cimetière, sur lequel s’ouvrait la barrière de la basse-cour du prieuré. C’était par là, qu’ils étaient introduits un à un.

Les moines leur délivraient le hareng, les faisaient traverser le cloître, et sortir par la grande porte. Pendant longtemps, on avait ainsi procédé, mais au XVIIe siècle, il n’en était plus de même.

Des villages entiers, tambours et fifres en tête, forçaient la barrière, se précipitaient dans la maison au refrain de chansons malsonnantes, la parcouraient dans tous les sens, ne respectant pas même les cellules où les poussait l’ardente curiosité des femmes et des filles.

Au cimetière, on dansait sur les morts. Dans le cloître, on dansait, on jouait aux dés, aux cartes et les masques y folâtraient.

Enfin, à la grande porte, stationnait une bande de truands sous les ordres d’un chef qu’ils nommaient le « Prince de la Grande-Terre ». Il n’avait, pour tout costume, qu’un filet de pêcheur dans lequel il se drapait, et ceint d’une écharpe en guirlandes de coquillages.

Il avait à la main, une baguette portant à son extrémité une espèce de bourse. Malheur à qui n’y déposait une piécette, son hareng lui était aussitôt enlevé, et s’il résistait, il était bafoué et roué. Parfois, le battu appelait ses amis à l’aide, c’était alors une affreuse mêlée où le sang coulait et où presque toujours le « Prince de la Grande-Terre » et ses chenapans avaient le dessus.

Aussi, pour arrêter de semblables désordres, Henri de Lorraine, le bon duc, fit-il un décret, le 11 juin 1613, par lequel « est faicte desfence très-expresse à tous, d’entrer au dict prioré, cloistre et aultres endroicts d’iceluy, au jour de la dicte distribution vulgairement dicte Harouille soit avec masques ou aultrement et d’y commettre insolences, scandales et aultres déportements vitieux », et chargeat-il M. de Bioncourt, baron haut-justicier de Cons, de tenir la main à son exécution.

En 1614 et 1616, l’ordonnance fut exécutée littéralement. Une quarantaine de vassaux armés maintint l’ordre dans la tumultueuse assemblée. La distribution eut lieu à la porte et ne commença que quand un sergent eut crié la défense du duc et du seigneur de Cons.

Mais les années suivantes, les bacchanales recommencèrent. L’entrée du prieuré fut forcée et les soldats improvisés de M. de Bioncourt outrepassèrent les excès des goujats du « Prince de la Grande-Terre ». Une requête, curieuse par son style naïf, adressée au duc Charles IV, trace le triste tableau de ces excès.

Sur cette plainte, le duc, par lettres-patentes du 7 octobre 1627, ordonna que l’abrogation de la Harouille, prononcée par lettres de l’officialité de Trêves du 27 juillet 1627, serait suivie, et que la « distribution des harengs serait changée en aumônes de pain, avec défense et inhibitions très-expresses à toutes personnes de quelle qualité et condition elles soient, de se plus trouver à l’avenir à Cons sous prétexte de cette distribution, et ce sous telles peines que de droit ».

Mais voyant dans cette mesure, une atteinte à ses droits seigneuriaux, M. de Bioncourt se pourvut aussitôt au Parlement de Saint-Mihiel, et sous prétexte que la Harouille était une obligation contractée par le monastère envers ses prédécesseurs, que c’étaient les officiers de sa justice qui criaient la fête, et qu’en 1632, un prieur voulant se dispenser de la distribution, avait dû lui en demander l’autorisation, il soutint qu’on n’avait pu ni l’abroger, ni la modifier sans son consentement.

Ces chimériques prétentions furent admises à Saint-Mihiel par un arrêt du 21 février 1628. La distribution fut réduite aux seuls villages de la baronnie de Cons.

Le 4 mars suivant, c’est-à-dire trois jours avant le lundi-gras, il faisait signifier judiciairement cette décision au prieuré, et, par ses ordres, des sergents de la justice allaient acclamer la Harouille dans les villages des prévôtés de Longwy, Longuyon et Arrancy.

Jamais foule plus nombreuse et plus turbulente que celle du 7 mars 1628, n’entoura le couvent, et pourtant, pour faire la distribution exigée, il n’avait trouvé dans ses celliers qu’une seule tonne de harengs, à laquelle il n’avait pu qu’à grande peine réunir cinq autres tonnes, dont chacune n’avait pas coûté moins de 16 écus, et qu’il avait fallu se procurer en dépêchant à Longuyon, à Longwy et jusqu’à Luxembourg.

Aussi, au signal ordinaire, le prieuré fut-il, malgré les défenses, envahi par une foule qui se précipita sur la paisible demeure comme une véritable avalanche.

Le mur de la basse-cour fut renversé et une trentaine d’envahisseurs restèrent sous ses ruines. Une jeune fille mourut sur place, trois hommes et un enfant furent grièvement blessés.

La distribution continua jusqu’au soir, et lorsque les gens de la justice de Cons vinrent pour percevoir la redevance annuelle, ce ne fut pas sans difficultés que les religieux purent leur faire accepter un écu en échange des douze harengs qu’ils réclamaient, mais que les six tonnes vides ne permettaient pas de leur délivrer.

C’est alors que Dom Fanson, abbé de Saint-Hubert, prélat aussi distingué qu’administrateur émérite, touché de la triste situation de son prieuré, intervint. Il obtint de M. de Bioncourt, le 16 juin suivant, l’engagement de substituer aux harengs trente franchards de méteil qui seraient , par les soins du prieur, convertis en michettes, et distribués, partie le premier vendredi de carême et partie le vendredi d’après la Pentecôte, aux pauvres de la seigneurie désignés sur une liste donnée chaque année par M. de Bioncourt.

Le 16 juin 1637, ce petit traité fut renouvelé, seulement une clause nouvelle le déclara perpétuel. Mais, peu de temps après, les moines ayant omis de l’exécuter et l’ayant oublié jusqu’en 1649, M. de Lambertye, comte de Cons, résolut de pourvoir à son exécution.

Le dimanche-gras, il fit crier la Harouille dans les villages de la baronnie, et le lendemain, ses gens de justice enfonçaient les portes du prieuré qui restaient fermées devant les cinq ou six cents personnes réclamant la redevance annuelle, et livraient au pillage toutes les provisions du couvent.

Ce procédé violent donna lieu à un nouveau procès. Mais cette fois, il fut porté au Parlement de Metz qui, depuis l’occupation de la Lorraine par les Français, avait hérité de la juridiction des grands jours de Saint-Mihiel.

Après 7 années de plaidoiries, le 28 janvier 1656, un arrêt définitif déclara la Harouille abolie à toujours, et la convertit en une aumône de deux quartels de froment à distribuer en pain, chaque dimanche de carême, aux pauvres dont les noms seraient portés sur un état rédigé par le seigneur de Cons ou par son représentant.

Dès lors, la Harouille n’exista plus, mais la distribution des michettes continua jusqu’au jour, où le prieuré abandonné devint une propriété nationale.

Les pains de saint Blaise

Saint Blaise 

D’après un article paru dans la revue « Le Pays Lorrain » – Année 1909

Le 3 février, on célèbre la Saint-Blaise.

Depuis de longues années, la chapelle de ce saint à l’église Saint-Eucaire de Metz est visitée par une foule de fidèles, appartenant à toutes les paroisses de la ville et même à celles des environs.

Il est d’usage de faire bénir des petits pains communément désignés sous le nom de pains de saint Blaise. On a foi dans les objets bénits le jour de la fête du saint, on les croit efficaces contre la morsure des animaux et contre les maux de gorge.

On sait que le bienheureux, par sa douceur, calmait les bêtes farouches, et que, dans sa prison, il a guéri plusieurs malades.

Martyr de la primitive église, il eut la tête tranchée par ordre d’Agricola, gouverneur de l’Arménie pour l’empereur Licinius. La ville de Metz possède quelques-unes de ses reliques.

La chapelle Saint-Blaise de Saint-Eucaire, a été fondée en 1424, par messire Nicolle de Gournay, veuf de dame Pérette, fille de seigneur Jacques Dex, chevalier.

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