Les Septeries de la république messine
Dès la fin du XIIe siècle (1197), Metz était une cité presque indépendante, dotée d’une constitution, et dont la plus haute autorité de l’état, fut exercée par le conseil des Treize. J’y reviendrai plus en détail dans un autre article, mais pour l’instant, je vous propose de découvrir les différentes structures administratives de la république messine, du XIVe et XVIe siècle.
On s’aperçoit que, sous ces appellations anciennes, sont déjà présentes des administrations que l’on connaît de nos jours en république française : le ministère de la défense, le ministère de l’intérieur, le ministère de la justice, le ministère des transports et de l’équipement, et surtout, celui que tout le monde préfère le ministère de l’économie et des finances .
Les appellations anciennes ont été respectées.
D’après la monographie « Metz, cité épiscopale et impériale » d’Henri Klipffel – Année 1867
On appelait de ce nom dans l’ancien Metz, des commissions de sept membres, tirées de la bourgeoisie souveraine, et investies par elle de pouvoirs administratifs plus ou moins étendus.
L’origine des Septeries est ancienne. La plupart datent du commencement du XIVe siècle, mais c’est au XVe siècle que leur action fut surtout considérable. Elles exerçaient alors avec les Treize, la principale autorité dans l’État.
Il faut descendre jusqu’en 1405, pour rencontrer un document sur le mode d’élection des membres des Septeries, et sur l’organisation de ces comités.
L’atour du 15 janvier de cette année, nous apprend que les paraiges seuls sont en droit de fournir les Sept, un pour chacun des cinq premiers paraiges, deux pour le commun. Ces magistrats gardent leur charge pendant deux ans, et le jour venu de les changer, c’est-à-dire la fête de Notre-Dame de la Chandeleur, chaque paraige choisit deux de ses membres, dont les noms écrits sur des courroies de parchemin, et mis en boites d’argent, sont jetés au chaperon et ballottés. Le maître-échevin ou en son absence le maître des Treize, tirera une de ces boîtes, et celui dont le nom sortira sera Sept deux ans entiers.
On ne pouvait porter en même temps deux Septeries. Si le maître-échevin en entrant en charge, se trouve d’une Septerie, il doit s’en démettre, et on lui donne un successeur de son paraige. La défense de réunir deux Septeries ne semble plus avoir subsisté vers le milieu du XVe siècle.
Voici la liste des Septeries, dont il est fait mention dans les annales messines :
- Sept de la guerre
- Sept pour la levée des chevaux de la ville
- Sept de l’étable
- Sept des murs
- Sept des paveurs
- Sept de la bonne voie
- Sept des ponts
- Sept des moulins
- Sept de la monnaie
- Sept du trésor
- Sept de la maltôte et de la bullette
- Sept commis pour lever les deniers
- Sept pour les affaires extraordinaires
- Sept pour les affaires de l’Empire.
Un simple coup d’œil jeté sur cette liste, suffit pour montrer que ces offices n’avaient pas tous une importance égale, et que plusieurs d’entre eux n’existaient pas dans la république à l’état de magistratures permanentes.
Tous cependant donnaient droit, à ceux qui en étaient revêtus, de faire des règlements, comme on le voit par les Sept des chevaux de l’année 1450. Le seigneur Geoffroy Dex, chevalier, l’était pour Porte-Muzelle, le seigneur Jean Erowin pour Jurue, le seigneur Jean le Gronnaix pour Saint-Martin, Collignon Remiat pour Portsailli, Wautrin Clément pour Outre-Seille, Laurent de Toul et Martin George pour le commun.
Nous citons ces noms pour montrer, que les membres des plus illustres familles composaient les Septeries. Aussi bien ces comités n’étaient-ils pas des magistratures inférieures, mais le puissant et multiple instrument, par lequel s’exerçait sur toutes les parties de l’administration, la souveraineté de l’aristocratie.
On a conservé une liste dressée en 1450 par les Sept des chevaux, de toutes les personnes qui devaient fournir des chevaux à la cité, ainsi qu’un arrêté portant, entre autres dispositions, que l’obligation de fournir des chevaux était toute personnelle, et ne constituait point d’exemption pour les parents des imposés, et que, de plus, tous les chevaux à fournir devaient être montés par des varlets et des compagnons d’armes.
L’étable commune de la ville était placée sous la surveillance des Sept de l’étable. Les Sept de la guerre en connaissaient aussi, car un compte de leur clerc porte, à l’année 1452, une somme dépensée pour l’étable de la ville.
La création des Sept des paveurs remonte à l’année 1503, et les développements dans lesquels entre l’atour qui les institue montrent assez quelle importance la ville attachait à la propreté et au bon entretien de ses rues.
L’élection des Sept des paveurs avait lieu tous les ans, le lendemain de l’octave de la Chandeleur. Ils prêtaient serment au maître-échevin et aux Treize, d’exercer loyalement leur office, qui était de veiller au pavage de la cité et des faubourgs. Leurs décisions se prenaient à la pluralité des voix et un Treize, choisi par eux, les faisait exécuter.
Les Sept dirigeaient le travail des paveurs, partout où ils jugeaient ce travail nécessaire pour l’entretien ou l’amélioration des rues et chaussées de la ville. Ils avaient soin que les paveurs fussent payés, et pour cela prenaient des sûretés. Si quelqu’un, clerc ou laïque, s’oppose au pavage et laisse dépérir la chaussée dont l’entretien est à sa charge, le Treize, après l’avoir averti vainement, le frappe d’une amende de 20 livres messines. S’il n’a point de biens en quantité suffisante, quatre de ses plus proches parents doivent payer pour lui, et si des parents ou des amis ne peuvent satisfaire à la justice, il est mis par cri public hors de la garde de la ville. Le Treize qui refuserait de se prêter à la requête des Sept des paveurs deviendrait lui-même passible de l’amende des 20 livres, et ses collègues, les autres Treize, le forceraient à la payer.
Les Sept pour les moulins et le cours de la Seille furent institués en 1528, ceux des moulins de la Moselle en 1547. Trente-trois ans auparavant (1514), à propos d’un legs fait à l’hôpital Saint-Nicolas, il est question de Sept commis pour l’entretien des ponts.
Les Sept de la guerre
Metz était dès le XIIIe siècle une cité presque indépendante, isolée entre deux grands pays, au milieu de la pauvre et belliqueuse féodalité de la Lorraine. Une telle situation, en lui créant tant de périls et en la condamnant à des luttes sans relâche, l’obligea, de bonne heure, à se donner une puissante organisation militaire.
Cette organisation fut l’œuvre de l’intelligente aristocratie des paraiges, et elle défendit pendant trois cents ans les richesses et les libertés des Messins contre les ardentes convoitises qui les assiégeaient de toutes parts.
Soit prudence, soit esprit de justice, Metz, avant de combattre ses ennemis, leur proposait presque toujours un accommodement, en les invitant à une de ces conférences qui s’appelaient, dans la langue du pays, les journées d’estault ou d’Etat.
Situé entre plusieurs duchés et principautés, le territoire messin avait contre chacun ses marches d’estault.
Lors de la guerre des quatre seigneurs en 1324, ces marches étaient les suivantes :
- pour l’archevêché de Trêves, à Cattenom
- pour le Luxembourg, à Richemont-sur-Orne
- pour le comté de Bar, à la Grande-Haye, à Wallerin-Prés, en deçà de Saint-Privé-la-Montagne et à Woisage
- pour les Allemands du duché de Lorraine, aux arbres de Luttange et au pont de Flacquair, et pour les Romans, à Woisage
- pour les Allemands de l’évêché de Metz, à Chaussy, en deçà du pont, et pour les Romans, à Sogne et à Verney
- pour l’évêché de Verdun, à Nauroy.
C’était le plus souvent sur ces marches que se tenaient les journées, et on voit dans les récits des chroniqueurs, quelle habile fermeté les commissaires messins, éwardeurs des causes d’estault ou Sept de la guerre, y déployaient ordinairement.
Mais une fois les voies pacifiques épuisées, la cité avertie de l’inutilité des négociations acceptait la lutte et se montrait alors aussi constante à la soutenir qu’elle avait paru désireuse de l’éviter.
Depuis le commencement du XIVe siècle, la direction suprême des affaires militaires à Metz se confiait à un comité de sept membres, qu’on appelait les Sept de la guerre.
C’est en 1323, qu’il en est pour la première fois question, à propos d’une querelle de la cité avec le sire d’Aspremont. Puis, quand les quatre seigneurs ont attaqué la ville (1324), les chroniques nous parlent des Sept de la guerre comme d’un comité dictatorial, créé pour des circonstances extraordinaires avec des pouvoirs considérables, mais limités à cinq, ensuite à six mois. Plus tard, enfin, la septerie de la guerre devient magistrature permanente, comme l’attestent les chroniqueurs et d’anciens rôles parvenus jusqu’à nous. Elle fut alors une des plus importantes de ces commissions aristocratiques qui, au XVe siècle, se partageaient avec les Treize, l’administration de l’Etat.
Un atour de 1403 nous apprend le mode d’élection des Sept de la guerre, depuis leur transformation en magistrature permanente. On les renouvelait de deux en deux ans, en totalité ou en partie. Chacun des cinq paraiges désignait deux de ses membres, et celui dont le maître-échevin ou le maître des Treize, après le ballottage ordinaire, retirait le nom du chaperon, devenait Sept de la guerre. Le commun fournissait, ainsi qu’il était d’usage, le double des autres paraiges et avait deux Sept à nommer.
Le lendemain de l’élection, qui se faisait dans les huit jours après la Chandeleur, les nouveaux Sept prêtaient serment au moûtier Saint-Pierre entre les mains du maître-échevin ou des Treize (at. 1578). Deux frères ou le père et le fils ne pouvaient porter à la fois l’office de Sept de la guerre (at. 1392). Vers la fin du XVe siècle, la durée de cette magistrature, par suite d’une nouvelle réforme, ne fut plus que d’un an, comme on le voit par un accord de 1484 et par les rôles de 1518 à 1548.
Les pouvoirs attribués aux Sept de la guerre étaient considérables : ils ordonnent souverainement des choses de la guerre, dirigent comme bon leur semble les expéditions au dehors, s’occupent de l’échange ou du rachat des prisonniers, délivrent des sauf-conduits, accordent des trêves, concluent des traités, sauf ratification par les paraiges.
Les soldoyeurs font serment entre leurs mains et celles de leurs commis. Ils nomment les capitaines, les prévôts des maréchaux, leur donnent des commissions au nom de messieurs du conseil. Toute l’artillerie de la ville est à leur disposition et reçoit d’eux ses règlements. Si la ville a employé à ses fortifications l’héritage de quelque particulier, les Sept prononcent sur les dédommagements à accorder. Mais il leur est expressément défendu de lever une taille de leur seule autorité. On leur livre l’argent dont ils ont besoin, par commandement des Treize et des trésoriers.
Les Sept ne pouvaient pas non plus, à l’origine, exécuter eux-mêmes leurs propres décrets. On leur adjoignait pour cela un Treize et deux prud’hommes. On est fondé à croire que cette dernière restriction apportée au pouvoir des Sept de la guerre ne subsistait plus dès le XVe siècle.
C’était dans une maison occupée, au XVIIe siècle, par le concierge du palais, et dans une chambre où l’on arrivait par celle des comtes, que se tenaient d’ordinaire les réunions des Sept de la guerre. Leurs résolutions, prises à la majorité des voix, étaient rédigées par des clercs et des commis et transmises par ces derniers à qui de droit. Ces clercs, comme on le voit par les chroniques, pouvaient être chargés de missions importantes. En 1525, il avait été enjoint à ceux qui gardaient le grand sceau de la cité et les sceaux des Paraiges de sceller tout ce qu’ordonneraient les Sept de la guerre. Plus tard, ces derniers eurent leur sceau particulier, et, en 1443, ils l’apposent avec ceux des duchés de Bar, de Lorraine et de Luxembourg, lorsqu’ils traitent au nom de la cité avec ces puissances hostiles.
Un autre comité secondait les Sept de la guerre dans leur mission difficile et compliquée, celui des Sept des murs, crée en 1547, et devenu permanent vers la fin du XVe siècle. L’atour de 1403 en régla aussi le mode d’élection qui était absolument le même que pour les Sept de la guerre. On pouvait porter à la fois la septerie de la guerre et celle des murs, quoique le contraire eût d’abord été ordonné. Les Sept des murs n’étaient pas toujours sept.
Quant aux Sept pour la levée des chevaux, leurs fonctions cessaient avec les circonstances qui les avaient fait créer.
Les Sept de la monnaie
Le droit de battre monnaie était une régale concédée aux évêques de Metz, par les princes de la dynastie saxonne, probablement par Othon II. Pendant plusieurs siècles, ils l’exercèrent seuls. La déclaration des droits de l’évêque prouve néanmoins que ce n’était pas sans quelques restrictions. Le chambellan de l’évêque avait la surveillance de la monnaie épiscopale. On sait qu’il en était de même dans d’autres villes.
Vers la fin du XIIIe siècle, la ville de Metz acheta une première fois (1291) de l’évêque Bouchard la monnaie pour cinq ans, au prix de 500 livres messines. En 1334, semblable cession lui est faite pour deux ans, par l’évêque Adhémar de Monteil, qui s’engage à donner cours par tout l’évêché aux pièces que la ville fabriquera dans le temps stipulé. C’est alors que, pour suppléer au défaut d’une petite monnaie, on fit pour la première fois des blancs messins. Enfin un troisième traité, assez semblable aux deux précédents, fut signé en 1376 avec l’évêque Thierry de Roppart.
Mais avant l’expiration du terme convenu de dix ans, ce même évêque, pressé par le besoin d’argent, vendit définitivement aux Messins pour 4 000 francs le droit de battre monnaie (1383), avec condition cependant de pouvoir racheter le coin au même prix, rachat plus tard imposé par le cardinal de Lenoncourt à la république expirante. N’est-ce pas de cet abandon fait par l’évêque Thierry que dériva, pour les maîtres-échevins, l’usage de faire frapper quelques pièces de monnaie et de les jeter au peuple le jour de leur installation ? C’était la cité elle-même qui, par cet acte symbolique de son premier magistrat, affirmait ainsi chaque fois sa propre souveraineté et donnait comme une nouvelle consécration à l’un de ces droits régaliens, dont elle était si justement fière et jalouse.
Depuis lors, ce fut un officier appelé le changeur des changes, le maître ou le gouverneur de la monnaie, ou simplement le monnayeur, qui dirigea la monnaie au profit de la cité. Celle-ci lui fournissait une maison pour y travailler avec ses gens et payait les gages du gardien préposé à la surveillance de cet hôtel. Le maître de la monnaie jouissait de différents privilèges, comme d’être exempt de la garde des portes, du guet, des chevauchées, de n’être soumis qu’à la juridiction des Sept commis de la monnaie, excepté toutefois les cas de meurtre, rapt ou larcin. Il ne payait aucune taille ni maltôte, et de plus, avait le tiers de toutes les amendes encourues pour le fait des poids et des balances. La ville achetait le billon, et le maître de la monnaie, après l’avoir converti en espèces, suivant les ordonnances, délivrait les pièces frappées aux Sept en présence du gardien (at. 1412,1454, 1415).
C’étaient ordinairement des changeurs qui prenaient ainsi à ferme la monnaie de la cité. Quant à la fabrication, elle devait être fort active, à en juger par différents comptes qui nous apprennent, que de 1415 à 1420, elle s’éleva à 17 606 marcs d’or et d’argent. On le voit, rien de plus simple ni de plus clairement réglé, que la question du droit de monnayage à Metz.
Les Sept du trésor
L’officier chargé de recueillir les impôts et toutes les sommes dues à l’État s’appelait le changeur de la cité. Sa création remonte au XIVe siècle. Jusque-là, comme il appert d’un atour de 1284, on faisait trois parts égales des deniers publics : un tiers était pour les Treize, les deux autres restaient à la ville.
Les Treize levaient les sommes, assistés des quatre maîtres de l’hôpital Saint-Nicolas ou pour le moins de deux d’entre eux. Ils les délivraient en leur présence aux maires et aux doyens, et ceux-ci, à leur tour, les remettaient au changeur ou receveur de l’hôpital, pour être placées par moitié dans deux coffres à cinq clefs confiées aux quatre maîtres de Saint-Nicolas et au maître-échevin. De l’un de ces coffres, les quatre maîtres et les frères de Saint-Nicolas prenaient les 500 livres, les 40 livres et les coûtanges, c’est-à-dire toutes les sommes nécessaires à l’hôpital. S’il y avait quelque reste, on le laissait au coffre pour former le trésor de la ville. Le second coffre servait aux besoins de l’État, et les Treize en disposaient sous le contrôle du maître-échevin et des maîtres de l’hôpital. L’année révolue, ce qui y restait d’argent était versé dans le premier coffre et y grossissait le trésor public.
Les inconvénients de ce mode de perception firent instituer un receveur ou changeur de la ville. On le choisissait à la fête de la Chandeleur, tour à tour dans les cinq paraiges de Porte-Muzelle, de Jurue, de Saint-Martin, de Portsailli, d’Outre-Seille et dans le Commun. L’élu des cinq premiers paraiges ne restait qu’une année en charge. Celui du Commun pouvait posséder l’office pendant deux ans, mais si, au bout de la première année, son administration soulevait des plaintes, les paraiges lui nommaient un remplaçant pour la seconde année (at. 1526).
Le changeur, qui était aussi le payeur de la cité, ne faisait aucun payement que sur ordonnance du maitre-échevin et des autres magistrats. Ses gages étaient de 100 sols messins et on lui donnait une robe pareille à celle des Treize. Il rendait ses comptes devant la justice, le conseil et deux prud’hommes tirés de chaque paraige (at. 1590).
Les deniers publics, dont le changeur tenait registre, se déposaient au trésor. C’était d’abord un des deux coffres de l’hôpital, ainsi que nous l’avons vu plus haut par l’atour de 1284. A partir de 1304, on le remplaça par « une huge en la voûte du grand moûtier, » qui servit à la fois de trésor et d’archives. Le maître-échevin et les paraiges avaient le droit d’en disposer, et les huit clefs du trésor étaient entre leurs mains. Le commun en possédait deux. Quant aux trois clefs de la voûte elle-même, on les confiait, une au maître-échevin et les deux autres à deux Treize (at. 1382).
L’an 1304, sept officiers, appelés les trésoriers ou les Sept du trésor, furent institués pour veiller sur la « huge du grand moûtier ». Leur élection se faisait par les paraiges et par branches, le lendemain de la Chandeleur. Chaque paraige, ainsi que le commun, désignait quatre prud’hommes, dont les noms écrits sur des bandes de parchemin et mis en boîtes étaient ballottés dans un chaperon, et celui dont le maître-échevin ou le maître des Treize tirait le nom devenait Sept du trésor (at. 1390). On ne pouvait obliger personne à porter cet office (at. 1367).
Les fonctions des Sept du trésor, dont le maître-échevin recevait le serment aussitôt après leur nomination, consistaient :
- à payer les gages des officiers de la cité, tels que le scelleur, le clerc des prud’hommes, le garçon des comtes, etc., (at. 1515)
- à faire rentrer les amendes, si les Treize et les ewardours le négligent
- à lever les droits et à acquitter les sujétions de la vouerie (at. 1545)
- à taxer les plaintes portées aux ewardours (at. l 396)
- à faire avec les Treize et les ewardours les présents au nom de la cité (at. 1405).
Enfin, l’un des trésoriers gardait les clefs du coffre, où l’on déposait les privilèges de la république. Il leur était défendu, sous peine d’une amende de dix livres et du bannissement, de rien prendre en raison de leur office et ils devaient compte aux Treize et aux prud’hommes de leur gestion (at. 1575, 1515). Eux-mêmes recevaient les comptes des trois maires et assistaient à celui que les Treize et les prud’hommes rendaient chaque mois au changeur de la cité. Nul des Sept du trésor ne pouvait porter en même temps la Septerie de la guerre (at. 1592). Dans le cas où le maître échevin et les Treize auraient refusé d’assembler les paraiges pour faire élire les ewardours, les trésoriers devaient les réunir et procéder à l’élection (at. 1585).
Disons maintenant, comment s’alimentait ce trésor de la cité messine. Et tout d’abord, il importe de constater que depuis la chute de la domination épiscopale, le privilège en matière d’impôts fut chose inconnue à Metz. Tous les habitants, quelle que fût leur condition, laïques et ecclésiastiques, contribuaient aux charges de l’État, chacun payant « selon son pouvoir et ses pairs » comme s’exprime un atour de 1252. Nulle part on ne voit, dans le récit des chroniqueurs, le peuple se plaindre d’être seul soumis à l’impôt. Si parfois il s’emporte contre la lourdeur des charges, ce n’est jamais en accusant le patriciat de ne point les partager avec lui.
Jusqu’à la fin du XIIe siècle, il est à peine question d’impôts parmi la bourgeoisie messine. Quoiqu’elle n’eût pas encore complètement secoué à ce moment la domination des évêques, ceux-ci avaient déjà dû renoncer à toute prétention de la taxer : « les frans homes dou palais sont si frans que nul ne doit doneir ».
Quant aux officiers par lesquels s’exerçait encore l’autorité épiscopale (les rouages du gouvernement étaient alors d’une grande simplicité), leurs émoluments consistaient dans le produit soit des amendes, soit des redevances qu’on exigeait des gens de métier. Il en était de même, pour les magistrats propres de la bourgeoisie, maître-échevin, échevins, maires. Quelquefois seulement et pour faire face à des besoins urgents, l’évêque pouvait proposer une contribution extraordinaire, comme celle de 1196, dont le tiers fut appliqué à la réparation des murs de la ville.
En 1214, on voit déjà la bourgeoisie en possession du tiers des amendes prononcées par le tribunal des Wardours pour infraction à la commune paix, et trente ans plus tard, l’atour porté sous le maître-échevinat de Philippe Tignienne (27 décembre 1244), prouve que toutes les amendes revenaient dès lors à la cité. Ce fut là, pendant tout le XIIIe siècle, sa principale source de revenus. On continuait aussi à avoir recours, tantôt à des emprunts, tantôt à des taxes extraordinaires que le clergé lui-même était obligé de payer, comme le tonlieu de 1226, ou l’impôt auquel fait allusion l’atour de 1232.
Tous ces expédients néanmoins, à mesure que les besoins augmentaient, étant devenus insuffisants, Metz dut suivre l’exemple d’autres villes qui s’étaient déjà créé des ressources régulières à l’aide de ces impôts connus au moyen âge sous le nom de maltôtes : Cologne en 1184, Worms en 1182, Bâle au commencement du XIIIe siècle, Spire en 1238.
La signification odieuse du nom de la maltôte se tirait à la fois de la nature de l’impôt, qui portait sur les objets de consommation les plus usuels, et de la manière dont on le levait à l’origine, non d’après une loi, mais par nécessité.
Les Sept de la maltôte et de la bullette
C’est en 1326, après la guerre contre le roi Jean de Bohème, et pour se libérer envers ceux qui avaient prêté à la ville, que les paraiges décrétèrent l’établissement de la maltôte comme un impôt régulier.
Voici comment on l’assit.
La quarte de blé, de pois, de fèves, de noix, de pavots, d’aulx, d’oignons, d’échalotes, etc., devait payer deux coupillons, un pour l’hôpital, l’autre pour la ville – le muid de sel vendu dans Metz et dans la banlieue, deux deniers – la quarte d’écorce de tanneur, une angevine – le muid de vin du pays, un denier – le muid de vin d’Alsace, d’Arbois, de Beaune, douze deniers – le muid d’huile, seize deniers et la quarte, une angevine.
La toile, les draps d’or, les tapis, etc., acquittaient deux deniers par livre, de même le chanvre, le lin, les fromages, les bêtes à quatre pieds, les pelleteries et les vieceries (objets vendus par les fripiers), les peaux de tout genre, les fers, les aciers, les faux et les faucilles, les socs de charrue, etc… L’argent ouvré, vaisselle, couronnes, etc., devait deux deniers par marc, l’or cinq sols – les meules, deux deniers par livre – la laine, un denier par poids.
De chaque écrit d’arche concernant dettes d’argent, acquêts ou ventes la ville prenait deux deniers par livre.
Les écrits des revenus en denrées, de loyer de maison, de rachat de cens, d’héritage laissé à cens, de dîmes de blé et de vin ne payaient point de maltôte, non plus que les mairiens, les bois, les échalas, les lattes, les charbons, les toiles, etc…
La commune répondit en 1326 par une insurrection à l’établissement de la maltôte. Mais celle-ci n’en constitua pas moins, à partir de ce moment et jusqu’à la fin, le principal revenu de la cité.
On peut lire dans les atours de 1348, 1353,1363, 1381, 1406, 1526, le détail de ces impôts qu’aujourd’hui nous appellerions indirects, mais qui, au moyen âge, étaient les contributions directes par excellence.
Pour en donner une idée, nous extrayons d’un registre de 1526, la liste des principaux objets de commerce payant la maltôte :
- Les toiles : le droit perçu était de 6 deniers par livre.
- Les cuirs à tout le poil : 6 deniers par livre, ou plus ou moins à proportion. Il n’est permis de les vendre ou acheter qu’aux lieux déterminés, savoir : le mardi et le jeudi devant la halle des tanneurs au Champ-à-Seille, et le samedi devant le cimetière de la paroisse Saint-Victor. On paye sur place les cuirs vendus ou achetés, avant de les emporter, aux fermiers de la maltôte ou à leurs commis.
Les cabaretiers, hôteliers ou autres habitants, qui reçoivent chez eux des peaux sujettes à la maltôte, sont tenus d’en avertir aussitôt les fermiers sous peine de 20 livres pour chaque contravention.
- Les meubles : 6 deniers par livre.
- Les bêtes à quatre pieds : 6 deniers par livre, 3 pour l’acheteur et 3 pour le vendeur. Les lieux de vente sont le Champ-à-Seille et le Quarteau, pour le mardi et le jeudi, la place de Chambre pour le samedi.
- La laine : 3 deniers pour chaque poids (11 livres). Le vendeur et l’acheteur les payent.
- Les draps : 6 deniers par livre. 3 pour le vendeur, 3 pour l’acheteur. Le marchand qui achète doit encore 3 deniers pour le droit de revente. Tous les draps venus du dehors ou fabriqués au dedans sont portés à la montre aux draps, et aunés sur la place par des auneurs jurés.
- Le poisson : 6 deniers par livre pour la vente en gros ; pour la revente en détail, le vendeur paye 3 deniers.
- La mercerie (étoffes précieuses, étamines, bonnets, gants, poivre, cannelle, etc.) : 6 deniers par livre, 3 pour le vendeur, 3 pour l’acheteur. En cas de revente, si la marchandise pèse plus de 10 livres, le revendeur et l’acheteur payent 3 deniers par livre, et le revendeur seulement 3 deniers, si la marchandise pèse moins de 10 livres.
- Les harnais d’armes : 6 deniers par livre.
- Les parchemins, corions de cerfs, d’agneaux, etc. : 6 deniers par livre, 3 pour le vendeur, 3 pour l’acheteur.
- Les tonnes et tonneaux : 6 deniers par livre, 3 pour le vendeur, 3 pour l’acheteur.
- Les cuirs corroyés : 6 deniers par livre.
- Le sel : chaque quarte payait 12 deniers d’entrée. Le sel compris dans les revenus des prébendes des chanoines de la grande église était exempté de ce droit.
- Les meules et les pierres : 12 derniers par livre, 6 pour le vendeur, 6 pour l’acheteur, autant de fois que la marchandise était vendue. Les pierres achetées pour la réparation de la cathédrale ne payaient rien.
- Les charbons : 4 deniers par livre, 2 pour le vendeur, 2 pour l’acheteur.
- La chair en détail : 6 deniers par livre.
- La boulangerie et la pâtisserie : 6 deniers par livre.
- Les fers : 6 deniers par livre.
- La coroixerie (cordonnerie) : 6 deniers par livre.
- La pelleterie : 6 deniers par livre, 3 pour le vendeur, 3 pour l’acheteur.
- Les wercolles (sellerie) et cordes : 6 deniers par livre.
- Le fromage de presse : 6 deniers par livre, pour l’achat en gros, 3 deniers à chaque revente.
- Les harengs et buquehotz (saurets) : 20 sols, 12 deniers par tonne.
- Les œufs, fromages et fruits : 21 deniers la hottée.
- Les bois mairiens : 12 deniers par livre, 6 le forain vendeur et 6 l’acheteur, marchand messin.
- L’écorce et la waude (guède : sorte de plante servant à la teinture des laines) : 4 sols pour la cuve de waude, 2 deniers pour la quarte d’écorce. A la revente, l’acheteur payera 2 sols pour chaque cuve de waude, et un denier pour chaque quarte d’écorce.
Cette liste ne serait pas complète si l’on n’y ajoutait la maltôte des blés, lin, chanvre, pois, fêves, noix, pavots, oignons, aulx, etc., dont nous avons précédemment traité.
Enfin la maltôte des vins comptait parmi les plus importantes. On l’exigeait :
- De tous les vins vendus en gros et en détail dans la ville et les faubourgs. L’Etat prenait pour lui-même un douzième de chaque mesure, savoir : un godet de la quarte, et pour la pinte et la chopine à l’avenant. Deux officiers, appelés douzemiers, recueillaient cet impôt dans chaque paroisse ; ils faisaient leur tournée le lundi, et quiconque avait droit de vendre du vin était obligé de leur déclarer la quantité vendue chaque semaine et de montrer les mesures servant au débit.
- De tous les vins qu’on vendait en gros pour les conduire hors de la ville.
En 1476, la maltôte des vins vendus dans les paroisses s’éleva à 987 livres, 2 sols, 9 deniers. Les droits perçus pour l’issue et l’entrée des vins par les portes et les rives de la Moselle donnèrent 127 livres, 9 sols, 8 deniers. Enfin la vendange seule avait rapporté à la ville pour 3205 queues, à 12 deniers la queue, 160 livres, 5 sols.
Tout le monde devait la maltôte : les habitants de la cité quelle que fût leur condition, les ecclésiastiques, les forains.
La ville vendait les maltôtes à des particuliers ou les percevait elle-même. Elle employait pour cela, deux receveurs dans chaque paroisse, qui faisaient deux tournées par semaine, le mercredi et le vendredi, et remettaient tous les quinze jours ce qu’ils avaient recueilli entre les mains d’autres officiers annuels appelés les Sept de la maltôte (at. 1348). Ces derniers de leur côté devaient, quatre fois par année, rendre compte à la justice et aux trésoriers à la fête de saint Remi, à Noël, à Pâques, à la fête de saint Jean-Baptiste. L’argent était remis au trésorier par les Sept de la maltôte et par ceux-ci déposé dans la voûte.
En 1490, les maltôtes, tant vendues que non vendues, rapportèrent 2270 livres 2 sols 9 deniers.
Le projet de traité avec le duc Antoine de Lorraine (1529) proposait l’abolition de la maltôte de la mercerie et attribuait au duc celle des bêtes, des vins et des blés, excepté toutefois les blés des moulins et des quartiers.
L’ancien Metz connaissait les droits d’enregistrement, sous le nom d’impôt de la bullette. La bulle, c’était le sceau qui, d’après l’atour de 1380, devait être apposé sur tout écrit d’arche, concernant achats, dettes, baux, héritages, obligations, rédigé par aman, tabellion, notaire, et pour lequel la ville percevait un droit de 20 sols. Cet impôt se levait depuis longtemps par les amans (at. 1326, 1348,1355, 1565, 1565). Mais mal administré, comme il parait d’après l’atour de 1380, il s’en allait tout à niant.
Pour empêcher la ville d’en être frustrée à l’avenir, il fut alors ordonné aux Sept de la maltôte de faire un grand papier et d’y inscrire le nom de ceux qui acquittaient le droit de bullette pour des écrits scellés en arche ou hors d’arche.
Tout habitant de Metz et des faubourgs, homme ou femme, clerc ou laïque, le devait dans les douze semaines qui suivaient la rédaction de chaque acte. On n’était reçu en justice à aucune demande, si on ne l’avait payé.
En 1440, la ville acheta pour la bullette une maison située près de Sainte-Croix, à l’endroit où se joignent les rues Taison et Jurue. Dans la seconde moitié du XVe siècle, cet hôtel fut converti en prison et s’appela la maison de la ville.
La bullette ne semble pas avoir été un revenu très considérable : en 1491, elle rapporta 289 livres 12 deniers. D’après le projet de traité avec le duc Antoine de Lorraine, elle devait rester à la ville.