Jametz au XIVe siècle
Continuons, si vous le voulez bien, l’histoire mouvementée des anciens seigneurs de cette bourgade de 240 habitants.
Les appellations anciennes ont été respectée.
D’après le « Manuel de la Meuse » de Jean-François-Louis Jeantin – 1861
Jametz, dans les transformations politiques du XIVe siècle
De Robert de Mirowald, fils ou neveu de Geoffrois Ier, il est probable, et père de Geoffrois II de Jametz… à Colart du Saulcy, père de Jeanne de Marle… tout est confusion et pêle mêle dans l’histoire des seigneurs de Jametz. C’est un écheveau presque inextricable.
De la prison de Henry III de Bar, à Bruges (1301), à la prison de René d’Anjou, à Dijon (1431), s’est étendu et épaissi un nuage que l’histoire n’a pu encore dissiper.
Ce nuage couvait l’éclosion des transformations politiques qui, par l’absorption du comté de Chiny dans le Luxembourg, par celle du Barrois dans la Lorraine, par celle des trois Evêchés dans la France, devaient conduire l’autonomie lotharingienne à l’unification.
Cette œuvre commence, en 1291, par la lutte de Philippe le Bel contre les princes de Flandres. Ceux-ci sont soutenus par l’empereur Adolphe de Nassau, par son vicaire général Jean de Bohême, et, surtout, par le roi Edouard d’Angleterre.
Le comte de Bar Henri III, qui avait épousé Eléonore, sœur de l’anglais, entre, à main armée, en Champagne, sous le prétexte de quelques droits territoriaux, notamment sur l’abbaye de Beaulieu en Argonne. Alors les seigneurs de Jametz et autres des basses Wabvres se divisent, d’après les origines de leurs mouvances, et d’après les liens respectifs de leur vassalité…. qui, pour le roi de France comme comte de Champagne…. qui, pour le roi de Bohême comme comte de Luxembourg… qui, enfin, et le plus grand nombre, pour le souverain du Barrois.
Celui-ci succombe!… il signe le traité de Bruges… se reconnaît homme lige du roi de France… part pour la Palestine… et il y meurt, en 1302.
Henry laisse sa couronne à Edouard Ier, son fils âgé de quatorze ans. Ce jeune prince épouse Marie de Bourgogne.
Henry IV, fils d’Edouard, lui succède : on le marie à Iolande de Flandres, fille de Robert de Cassel. Il meurt en 1344, laissant deux fils, en bas âge, Edouard II et Robert, qui, l’un après l’autre, lui succéderont.
Alors une lutte s’élève, entre la mère de ces princes et leur aïeule Jeanne de Tocy, mère du fameux brigand Pierre de Bar, sire de Pierrefort, mère aussi de Marie de Bar, femme de Gobert VI de Dun et d’Aspremont. Cette lutte se continue, après le remariage d’Iolande, entre elle et Jeanne de Bar comtesse de Varennes, fille de Henry III.
Il s’agissait de la main bournie des états du souverain, en minorité. La France soutient Iolande. Jeanne a l’appui de l’empereur, celui du roi de Bohême, celui, enfin, de Geoffrois IV de Dun, époux, en 1327, de Marguerite du Saulcy, dame en partie de Jametz.
L’engagère de Jametz subissait donc, alors, toutes les conséquences de ces agitations gouvernementales, et celles-ci, plus viscéralement encore, paralysaient les droits, en sous-ordre, des évêques de Verdun.
Il n’en pouvait être autrement, car voyez :
- La maison comtale de Chiny, amoindrie par ses partages de famille de 1267, avait perdu sa prépondérance dans le Dunois et dans le Verdunois.
- L’élection, précédée et suivie de vacances, et l’épiscopat des derniers prélats chiniens (Gérard et Arnoux de Granson, 1275, 1280) avaient été troublés par des brigues ardentes.
- Les divisions civiles, du cœur de la cité, s’étaient propagées aux confins du Luxembourg.
- La question de séparation des pouvoirs, spirituel et temporel, s’était dressée, de plus en plus menaçante, à Metz, à Toul, à Verdun.
Les trois lignages avaient soulevé le peuple, et, pour abolir la juridiction princière de leurs évêques, ces hautes familles avaient fait ligue avec les Citains de Toul, avec les Paraiges de Metz. Tous étaient animés du même esprit : l’indépendance. République et réforme étaient déjà le mot d’ordre des partis.
L’action souveraine était donc suspendue, de fait, autour de Jametz. Les villages du chapitre se soulevaient, l’un après l’autre, et ils se rangeaient sous l’obédience des châtelains révoltés.
Cette situation empira sous Jacques de Revigny (de 1289 à 1296), sous Jean de Richerécourt (de 1296 à 1301), époque des désastres du Barrois, sous Nicolas de Neuville (de 1305 à 1312). L’autorité épiscopale ne reprit quelque peu vigueur, que sous Henry d’Apremont, alors qu’en 1322, les familles d’Azenne eurent été expulsées de Verdun.
Le comte de Bar, Henry III, avait énergiquement soutenu l’église, dont la cause était la sienne, quant à l’engagère de Jametz. Mais sa lutte contre Philippe le bel avait, on vient de le voir, aboutit à la prison de Bruges, et au traité de 1301.
Des trois pouvoirs féodaux, superposés à Jametz, un seul restait debout, c’était celui du haut. Ce pouvoir était aux mains du roi Jean de Bohème, vicaire général de l’empire, et comte de Luxembourg. Il avait le droit, en principe. Il avait de plus la commise, ou détention de fait. Il soutenait les Citains, eu sousœuvre.
Aussi, bien qu’appuyé par son frère, Gobert VI de Dun époux de Marie de Bar, l’évéque, en 1318, en 1320, avait-il été contraint de pactiser avec lui : en 1314, en 1317, il acquérait d’Henry de Jemmais sa portion en cette seigneurie, et il lui cédait en échange les dixmes de Hans lez Marville. Enfin, en 1324, Jehan acquérait Damvillers.
Rien d’étonnant, dans cet état d’occupation armée, de ne plus trouver, à Verdun, d’actes de reprises, pour Jametz, à partir de 1294, et de voir, au contraire, Geoffroy II, non pas changer de mouvance, mais se reconnaître, comme de droit, homme lige de Wenceslas de Luxembourg. En 1358, le 13 août, un traité d’alliance, contre l’évêque de Verdun (Hugues de Bar), fut conclu entre Venceslas, roi de Bohême, duc de Luxembourg, et Iolande de Flandres, au nom de Robert de Bar, son fils.
Colart des Hermoises de Delut, sire de Jametz, y est mentionné. On le nommait aussi Colin. Ses enfants furent : Jean des Hermoises – Robert des Hermoises – Colart II des Hermoises – Richard des Hermoises, tous furent sires de Jametz et Marie des Hermoises, qui épousa Robert de Jametz.
Colart Ier des Hermoises était encore au service du barrois, de 1302 à 1508, époque où il fut décapité à Gondrecourt. Il avait épousé Marie de Chamblay, de la maison de Hagen de Cons et de Billy.
Disons encore qu’à cette époque, 1349, le comté de Chiny cessait d’exister, et que, dès 1337 et 1340, les prévôtés d’Ivoy, de Virton, de Saint Mard, et de Laferté, étaient passées, tout entières, au domaine du Luxembourg.
Voilà les faits qui dominent la position des derniers seigneurs, soit barrisiens, soit épiscopaux, soit luxembourgeois, de Jametz.
Passons-les en revue rapidement.
Henry de Jametz – 1317
En 1317, Henry de Failly, dit Ferry de Marville, dit aussi le Moine pour la plupart des historiens lorrains, cède à Jehan de Bohême ce qu’il a, ou pooit avoir, en la terre de Jemmais. En échange, ce monarque lui avait donné le village de Hans-lez-Marville.
Henry, fils d’Henrion et de Catherine de Bataille, était frère de Frustatus, époux de Marguerite de Jemmais. Apparaît alors Geoffrois Ier. A côté de lui, se montrent Richier et Gérard qui, dans leurs reprises, prennent le titre de sires de Jemmais.
Geoffrois Ier de Jametz – 1324
Geoffrois Ier de Jametz était un sire de Failli. Il donna ses aveux et dénombrement, en 1328, pour un sixième, quant aux fiefs de Moranville el de Châtillon sur les côtes.
Richier de Jametz, sire de Lulz, Thonne le Thil, Thoonne la Lon, tant en son nom qu’en celui de ses frères et sœur, donna, au duc Robert de Bar, en 1532, son dénombrement pour Viller devant Orval. Sa mère, Marguerite de Jametz, comme veuve et douairière de Fruste de Failly, en fit autant le 24 février 1333.
Cette seigneurie était de mouvance mi-champenoise, mi-luxembourgeoise. Elle fut enlevée au Barrois dans les luttes qui suivirent le traité de 1301. Aussi la charte d’affranchissement d’Orval, qui est de 1378, ne fut-elle donnée par le duc de Bar qu’au cas de souveraineté reconnue. Cette question fut tranchée au profit de la France, quant à la partie champenoise, par le traité d’échange de 1379, qui livra aux Français, Mouzon et partie des terres de la châtellenie d’Ivoy.
Gérard de Jametz, qui était un sire de Delut, en fait autant, en 1332, pour les mêmes fiefs, et pour des droits à Stenay, le tout mouvant du Barrois. Pareille reprise est encore faite, en 1364, par Thiéry de Longeville, pour sa femme Ancelle de Jametz. Geoffrois se trouvait copartiaire de Moranville et de Châtillon sous les côtes, comme étant aux droits de Thibault II de Failly-Saint Pancray, conjointement avec les anciens sires de Conflants, de Bouligny, el de Fleury, près Douaumont.
Tout indique qu’alors les domaines de Frustatus, lequel était tout dévoué à la cause barisienne, et qui mourut pour cette cause, avaient été confisqués par l’empereur. Ils se trouvaient dès lors dévolus au fisc luxembourgeois.
Après Godefroid, ou Geoffrois Ier, arrive Robert.
Robert II de Jametz – 1347
Robert II de Jametz avait épousé Alix de Vilaisnes, sœur de Robert Ier des Hermoises de Delut. On trouve ces deux époux dans les lettres de 1347, par lesquelles ils reprennent la Grange aux prés et Récicourt des mains de l’évêque Henry d’Apremont.
Ils donnèrent le jour, très probablement :
- à Ancelle, qui épousa Thiéry de Longeville les Metz, sire de Florenville (reprise de 1364)
- à Alix, première femme de Husson de Ville. Ce chevalier de Ville fut fait prisonnier, avec le duc Robert de Bar, à la bataille de Ligny, le 4 avril 1368. Il se remaria à Lise, ou Alix des Hermoises : c’est alors qu’ils acquirent la baronnie de Murault de Jehan de Morhenges et de Jean de Mondrieux, lesquels étaient héritiers des Milet (milites), anciens chevaliers d’Azenne et sires de cette châtellenie.
Marguerite de Jametz, douairière de Frustatus de Failly mort en 1332, avait, dit-on, laissé sa part en la terre de Jametz à Marguerite de Manonville. Celle-ci l’aurait transmise à la maison de Florenges : Lise de Florenges l’aurait apportée à Colart de Lenoncourt, et leur fille Jehanne en aurait pourvu Jehan de Marley, son mari, sieur du Saulcy. C’est ainsi que de Marguerite du Saulcy, épouse de Geoffrois IV de Dun, et de Jeanne du Saulcy, épouse de Gobert VIII, cette portion serait arrivée à Geoffrois II de Jametz, qui suit.
Geoffrois II de Jametz – 1370
Geoffrois II de Jametz était fils de Robert de Mirovault, frère de Gobert VIII de Dun-Aspremont, époux de Jeanne du Saulcy. Par son père, il descendait de Geoffrois IV de Dun et de Marguerite du Saulcy, dame de Jametz. Il était neveu de Ferry de Dun et de Marie, femme d’Olry de Fénétrange.
Son père et son oncle étaient morts, endettés de 90 000 florins envers Wenceslas, grand duc de Luxembourg. Ceci explique l’acte qui va suivre. Geoffrois n’était encore que simple escuyer, et son père n’avait pas eu d’autre titre, ce qui est important à noter.
En 1370, Geoffrois veut faire reconstruire l’ancienne maison-forte de Jametz. Aux termes de la loi féodale, il ne pouvait ériger cette munition sans l’agrément du suzerain, qui, alors, était, de droit et de fait, son créancier, le duc de Luxembourg. Telles furent les causes de l’acte d’assurance que donna Geoffroy à Wenceslas, sous le seing de son grand-oncle maternel Robert Ier, chevalier des Hermoises de Delut, second fils de Colart de Chaumont et de Marie de Chamblay (du Saulcy).
Dépouillé du comté de Dun en 1380, Geoffrois mourut en 1391, en laissant à Jean du Saulcy, son beau-père, la tutelle de son fils mineur Gobert VIII, réduit à la seigneurie d’Amblise et de Buzancy. Sa veuve Jeanne resta copartiaire de Jametz avec les anciens du Hatoy. Il n’eut, paraît-il, qu’une fille, prénommée Marguerite.
Cette fille épousa, dit-on, un sire de Manonville, et de ce mariage serait née Marie, laquelle aurait élé unie à Jean Ier du Saulcy, près Longwy, de la célèbre maison de Marle, unie à celle de Marlières.
De ce mariage naquit Jean II du Saulcy, seigneur de Marle et de Jametz, en partie. Lequel, ayant épousé Jeanne de Lenoncourt, le 2 juin 1403, devint seigneur de Florenges, près Thionville, aussi en partie.
L’autre portion de cette terre appartenait à Marguerite de Lenoncourt, sœur de Jehanne, laquelle, par acte du 3 février 1430, l’abandonna à son neveu Colart, fils unique de Jean II de Marley. Ce Colart épousa Ide de Chastelet. Enfin, de ce dernier mariage provint Jeanne, fiancée, en 1446, à Robert Ier de la Marck, prince de Sedan.
A suivre …