La fête patriotique lorraine du 5 janvier
D’après la monographie « Nancy, histoire et tableau »
par le baron Auguste Prosper François Guerrier de Dumast – Année 1847
« Il ne reste rien… Comme la fête patriotique qui se célébrait tous les ans à pareil jour, a cessé en 1737… »
Dès le matin, à quatre heures, le son de la musique et des trompettes se faisait entendre : c’était l’heure à laquelle René II avait fait sonner la diane, le jour de la bataille de Nancy. Plus tard, des salves d’artillerie.
Ensuite, sur des billets donnés par les vicaires des paroisses, on distribuait à tous les bourgeois, proportionnellement au nombre des membres de chaque famille, des vivres, du gibier, du vin, pour un dîner copieux. Une chasse générale avait lieu exprès les jours précédents, pour fournir moyen au Souverain de régaler ses enfants les Nancéïens, avec tout le gibier de ses domaines.
On allait à la messe, en mémoire de celle que René avait fait célébrer à Saint-Nicolas avant d’ébranler ses troupes pour le combat. D’autres salves avaient encore lieu, puis on se mettait à table, et on tirait les Rois.
C’était la véritable fête des habitants. C’était celle de leurs aïeux, qui, au prix de cruelles privations et d’un courage héroïque, avaient sauvé Nancy et la Lorraine.
Le Duc, accompagné de quelques seigneurs, allait visiter les bourgeois à leur table. On buvait à la santé du Prince. Quelquefois celui-ci, prenant un verre, répondait à la santé de ses fidèles sujets, les bons et braves Nancéïens. Le verre dans lequel le Duc avait bu, était conservé précieusement, et il s’est trouvé de ces gages d’affection, que l’on avait gardés pendant plus d’un siécle.
Le soir, à huit heures, moment où René, rentrant dans Nancy délivré, était allé sur le champ à Saint-Georges, remercier Dieu de sa victoire, la procession nationale avait lieu, à la lueur des flambeaux.
On y étalait tous les trophées jadis enlevés aux Bourguignons. La fameuse tapisserie de la tente de Charles-le-Téméraire ornait les murs du palais ducal et les approches de Saint-Georges.
A cette cérémonie, après un piquet d’infanterie composé de bourgeois de Nancy, marchaient les curés, les chanoines, les congrégations religieuses. Puis des Suisses, en costume du XVe siècle, munis de la hallebarde et de l’espadon à deux mains. Puis les armes du duc de Bourgogne, portées par les plus grands seigneurs (On sait, par exemple, qu’en 1723, à cette procession, l’épée du Téméraire était portée par le prince de Beauvau, et son casque par M. de Tornielle, comte de Gerbéviller). Venaient ensuite le Duc et sa cour, les corps de justice, enfin les gardes et les régiments.
Cette procession, sortie du palais ducal, et qui, dans son itinéraire plus ou moins long, faisait au moins le tour de la Carrière, rentrait à Saint-Georges, où tout finissait par le chant d’un Te Deum.
Lorsque cette fête de famille, remarquable par l’enthousiasme et l’union qui y régnaient, cessa de pouvoir être célébrée (1737), les Lorrains en gardèrent la mémoire. Plusieurs d’entre eux fondèrent, pour le 6 janvier, des messes à perpétuité, et, longtemps encore, les vieux patriotes allaient en silence, ce jour-là, jusqu’au sanctuaire historique de Notre-Dame de la Victoire (*), porter leurs regrets et leurs prières aux pieds du vrai Consolateur, aux autels de ce Dieu fait homme, ami des pauvres et des affligés, qui seul comprend toutes les peines… et survit à tous les oublis.
(*) Bon-Secours, à l’extrémité du faubourg Saint-Pierre : chapelle érigée, par René II et par Antoine, sur le lieu où l’on avait enterré les morts de la bataille.