Le templier maudit
D’après un article paru dans la revue « L’Austrasie » – 1839
Un jour, Arnold le templier, chargé de diriger les travaux de Mensberg , ayant dissipé au jeu et en débauches l’or qui lui avait été confié, appela le diable à son aide.
A minuit, un petit homme noir sort de terre :
- Templier, tu m’as évoqué, s’écrie l’esprit des ténèbres, me voici, que me veux-tu ?
- Soixante ans de vie et de santé, toujours une pièce d’or dans ma bourse, puis tu feras de moi ce que tu voudras.
- Accordé.
Et le petit homme disparaît.
De ce moment, on le sent bien, les travaux reprirent avec vigueur. Le château fut rapidement édifié, on prétend même avoir vu parmi les travailleurs des êtres à formes et à figures étranges.
Mensberg devint le séjour des plaisirs : ce n’étaient que fêtes, festins, tournois et carrousels. Quoiqu’on s’étonnât qu’il fût sans chapelain ni oratoire, et qu’Arnold ne parût jamais en un lieu saint comme les autres templiers n’acquittaient pas plus exactement leurs redevances, le grand-maître traitait de calomnies les bruits répandus sur son compte.
Cependant, les soixante années arrivaient à leur terme, et jamais peut-être Arnold n’avait moins songé à son pacte avec le diable.
La dernière nuit, étant à table avec ses joyeux convives, l’horloge sonne.
Ses varlets introduisent un étranger richement vêtu, qui, en entrant dans la salle du banquet, répand une légère odeur de soufre. On en fait la remarque, et un sourire moqueur contracte les lèvres du nouveau venu.
Mais à peine est-il assis, que s’adressant à Arnold et à ses compagnons de débauche, il leur dit :
- Mes sires, lorsque vous achetez un mouton, n’entendez-vous pas en acheter également la peau ?
Étonnés d’une semblable question les assistants hésitent de répondre.
- Par Lucifer ! crie l’homme à odeur de soufre, répondez vite, car le temps presse.
Tous alors résolvent la question affirmativement.
- Templier Arnold, ton corps m’appartient donc, et le diable jetant ses riches vêtements, déploie des ailes de chauve-souris, et emporte sa proie à travers les airs.