Le château et la maison seigneuriale de Charmes (88)

Blason de CharmesPlan de la ville de Charmes avec le châteauLe château et la maison seigneuriale de Charmes (88) dans Châteaux et forteresses en Lorraine anciennemasonduchaldron.vignettemasonduchaldronrestauree.vignette dans Les Vosges d'AntanMaison seigneuriale de Jean de Charmes

 

D’après un article paru dans les « Mémoires de la société d’archéologie lorraine » en 1870.

 

 

Placé, du XIe au XIIIe siècle, sous la dépendance des comtes de Toul, Charmes fut, en 1285, incorporé au duché de Lorraine, dont il partagea la bonne et surtout la mauvaise fortune.

Le duc de Bourgogne surprit et ravagea la ville en 1475. Elle fut restaurée et agrandie au XVIe siècle, et, en 1635, les Français et les Suédois la détruisirent presque entièrement par le pillage et l’incendie. La peste et la famine ajoutèrent leurs ravages aux horreurs de la guerre, et ses malheureux habitants, décimés par la contagion, minés par l’ennemi, furent, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, réduits à la plus affreuse misère.

Longtemps siège d’une prévôté, la ville de Charmes devint chef-lieu de bailliage en 1751.

 

Le château

L’édifice le plus ancien et le plus considérable de la ville de Charmes était le château, bâti, vers le commencement du XIe siècle, par les comtes de Toul. Un plan sommaire, déposé aux archives du département des Vosges, en indique l’emplacement. Le château s’étendait sur l’espace occupé par le jardin de Mlle de l’Espée et par le bâtiment des halles.

Placé sur un tertre élevé, il dominait le cours de la Moselle et formait un vaste carré, flanqué, au midi, de deux grosses tours rondes. Une courtine, percée de rares meurtrières, formant plate-forme pour les défenseurs, en cas d’attaque, reliait ces deux tours. Une chapelle castrale occupait l’angle nord-est du carré. La porte d’entrée, extrêmement étroite, donnait sur la grande rue.

Autour du château régnait une large lice, munie de merlons et protégée, au midi et à l’est, par des escarpements très prononcés. Au bas de ces escarpements se trouvait le mur d’enceinte, joignant, d’un côté, le fossé de la ville, et baigné, de l’autre, par les eaux de la Moselle. Dans cette dernière partie du mur, était la poterne pour les sorties secrètes du château. Une partie du mur de soutènement de la lice existe encore aujourd’hui dans le jardin de Mlle de l’Espée, et montre la solidité de ces constructions, composées d’assises réglées, d’une hauteur uniforme de 33 centimètres.

Le château de Charmes était une forteresse et non une résidence. Il servait à la garnison de la ville, et, bien qu’il renfermât une chapelle castrale, il ne parait pas avoir été habité par les comtes de Toul, et encore moins par les ducs de Lorraine. Pendant leur séjour à Charmes, les seigneurs descendaient dans « la grande mâson dite du Chaldron », dont Jean de Charmes fit ses reprises sous le duc René II, et les comptes annuels des receveurs, qui relatent, d’une manière scrupuleusement détaillée, les possessions du duc, ne mentionnent jamais un mobilier faisant supposer une habitation.

Jusqu’à l’époque du second pillage de Charmes, en 1635, le château et la chapelle furent maintenus en bon état d’entretien, aux frais du duc et souvent avec le concours de la ville. On lit dans les comptes du domaine, pour l’année 1553 : « 30 gros payés à Gérard Claudon Gillet, maçon d’Ubexy, pour, par lui avec un sien serviteur, avoir resparé et réadoubé les murailles du chasteau dudit Charmes, du costel de la rivière, lesquelles s’estoient rompues en divers lieux. Pour lesquels ouvrages parfaits et accomplis, les gouverneurs dudict Charmes ont fourni et donné gratuitement à Monseigneur la chaulx et le sable avec les manouvriers pour façonner, en rendant le tout en place, cy… 30 gros ».

Le même receveur, en 1593, « faict despence de 26 francs 6 gros qu’il a payés à un nommé Jean Frizon, masson, en marché faict avec lui, pour avoir rhabillé un angle de vingt pieds de hauteur, en la tour de la chapelle du chasteau de Charmes, qui menaçoit ruyne, réparé et crépy tout à neuf, en bas de ladicte tour du costé du midy, qui s’en alloit desmoly, et 30 gros à un nommé Mathias Saurel, pour avoir recommencé la toiture de ladite tour, qui estoit fort endommagée des grands vents et orages ».

Enfin, en 1605, les receveur et contrôleur « donnent avertissement à Messieurs de la Chambre des Comptes de Lorraine qu’il est nécessaire de sauver après maintes réfections, en plusieurs endroits, la tour de la chapelle castrale dudit Charmes, principalement en la couverture et du maronage d’icelle, qu’il faut par nécessité refaire tout à neuf, d’aultant qu’il est tout pourri de vieillesse. Laquelle tour est sans crespy de deux côtés, et une neuve montée pour aller en ladite chapelle, d’aultant que celle qui y estoit a estée du tout ruynée par le temps des neiges dernières, lesquelles réfections se peuvent faire à peu de frais, pourquoi plaira à Messieurs iceulx ordonner ».

La chapelle fut desservie jusqu’en 1662, époque à laquelle les ornements furent pillés par les gens de guerre, à l’exception du calice d’argent, sauvé par le curé de Charmes.

 

Le château était confié à la garde d’un capitaine, ayant sous ses ordres la garnison de la ville, composée de la milice bourgeoise, des arbalétriers, devenus plus tard la compagnie des arquebusiers, et des troupes que les ducs, en certaines circonstances, plaçaient dans la ville.

En 1473, Gaspard de Raville commandait la place de Charmes. En 1475, la ville avait pour capitaine le Petit-Picard, qui fut pendu par les Bourguignons, près de la porte de la Croix, avec les quarante Gascons mis sous ses ordres. Après la victoire de Nancy, René II donna la garde du château au capitaine Jean de Charmes, en le dotant d’une pension de vingt-cinq francs, « pour ses bons et agréables services ». Le 11 mars 1527, Thomas des Armoises fut nommé capitaine de Charmes.

En 1635, le baron d’Anglure défendait Charmes à la tête d’un détachement du régiment de Saint-Balmont, et des bourgeois armés, sous les ordres du maire Didier Régal. En 1661, les fonctions de capitaine se confondirent avec celles de prévôt de l’office de Charmes.

Indépendamment du château, la ville était protégée par un mur d’enceinte, qui, jusqu’au règne de René II, avait pour limite, au nord-ouest, la rue des Tanneries et la ruelle des Olivettes. Pendant le XVIe siècle, la population s’accrut, des constructions s’élevèrent hors de l’enceinte du nord-ouest et l’ancienne clôture disparut pour former la rue du Pont, suivre la rue du Pâtis, et, remontant, dans la direction de la rue des Prés, rejoindre l’enceinte primitive, derrière la rue du Four. La ville se trouvait ainsi entourée d’un mur d’enceinte, protégé lui-même par un fossé continu.

Un étang, établi sous la colline du Haut-du-Mont, permettait, en cas de siège, d’inonder les fossés, dont les eaux étaient maintenues par une double écluse. En parcourant les prés qui s’étendent entre la ville et cette colline, on reconnaît facilement les dispositions de cet étang, dont l’existence est affirmée par les comptes de la recette. En 1496, le receveur Henry Louis rapporte une dépense pour achat de poissons destinés à l’étang de Charmes. Dans le compte de 1513, figurent les frais de réparation de la chaussée de l’étang.

Par un acte d’acensement du 4 février 1738, il fut fait « abandon à Paul Martin, laboureur à Charmes, d’un jardin situé sur le ban de Charmes, lieudit à l’Ecluze, au-dessous de la chaussée de l’étang, contenant 5 jours 5 verges, moyennant 5 francs 5 gros de cens annuel ».

La ville, ainsi fortifiée, avait quatre portes avec tours et ponts-levis. Ces tours servaient de logement aux guets des portes, elles renfermaient en outre un corps de garde ordinairement occupé par la milice bourgeoise.

La première, au midi, sur la route d’Epinal, portait le nom de porte Bazin. Vers le bas de la grande rue, en pénétrant, à gauche, dans une petite ruelle qui a conservé le nom de ruelle de la porte Bazin, on voit encore un pan de mur demi-circulaire (maison Dieudonné, aubergiste) qui appartenait à l’une des tours de cette porte. L’autre s’écroula en 1674 et effondra la maison d’un nommé Nicolas Rouyer.

Au nord-est, à l’extrémité de la rue du Pont, se trouvait la porte de Moselle. Quelques habitants de Charmes se rappellent encore avoir vu, au commencement de ce siècle, les restes de cette porte, composée d’une grande ouverture pour les voitures et d’une porte plus petite pour les piétons. Elle n’était point parallèle au cours de la rivière. Appuyée à l’est à la maison Viriot, elle était contiguë, en biais, à la maison Fève, laissant, en dehors de la ville, la rue actuelle du Pâtis.

Au nord-ouest, vers le milieu de la rue des Capucins, et près de la rue des Prés, était la porte de la Chapelle, ainsi nommée à cause de l’ancienne chapelle du cimetière, placée dans le voisinage. Sous le règne de Léopold, la ville prit une extension nouvelle : les maisons bâties alors formèrent le prolongement de la rue des Capucins. C’est à cette époque qu’en vertu d’une délibération du conseil de ville, du 6 septembre 1707, cette porte fut démolie pour la commodité du public.

La quatrième porte, dite porte de la Croix, donnait accès à la ville, vers l’ouest, dans la direction du pré des Gascons. Près de là, une croix commémorative remplaçait les arbres auxquels furent pendus, en 1475, les défenseurs de Charmes.

 

Entre l’Hôtel-de-Ville actuel et les premières maisons de la grande rue, était une grosse tour carrée, servant de porte à l’enceinte primitive. Le rez-de-chaussée, surmonté d’une voûte en maçonnerie, était occupé par de petites boutiques, et l’horloge de la ville était placée dans la partie supérieure. Cette tour fut démolie en 1755. La construction en était si considérable, que, pour en opérer la démolition, payée par la ville 995 fr. à Nicolas Gaudel, il fut stipulé, dans le procès-verbal d’adjudication, daté du 18 août, que l’entrepreneur emploierait quinze ouvriers, pendant cinq semaines, et que les décombres seraient conduits dans le chemin de la fontaine, hors de la porte Bazin.

Après le pillage de 1635, le château, le mur d’enceinte et les portes furent démantelés et en partie démolis. Peu à peu, ils tombèrent en ruines. En 1668, on ne désignait plus la forteresse que sous le nom de vieil chastel. Après le traité de Rysvick (1697), loin de songer à les rétablir, on ne chercha qu’à en tirer un profit quelconque pour les revenus du duc. Toutefois, pendant quelques années, on répara les portes, sinon comme défense, au moins comme clôture de la ville contre les malfaiteurs, pendant la nuit.

Le château, ses dépendances et les fossés furent convertis en jardins et acencés à divers particuliers, moyennant une faible redevance annuelle :
« Florentin Martin et consorts acquirent, en 1666, 20 toises 6 pieds 4 pouces de terrain à prendre dans les fossés et barbacanes dudit lieu de Charmes, pour en jouir, par chacun d’eux, suivant l’alignement de leurs maisons, moyennant un cens annuel et perpétuel de 6 gros par chacune toise, à proportion du terrain que chacun d’eux occupera ».
« Noble François de l’Espée payait chacun an 3 francs de cens annuel pour le pendant du faux fossel devers la rivière, entre le bied du moulin d’une part et la muraille d’autre. Le même devait chacun an 9 gros pour une place contenant demy jour au faux fossel, der- rière les maisons du faubourg, les hoirs de Nicolas des Armoises d’une part et les pointes des meix d’autre ».

Le rachat de ces différents cens, effectué sous l’empire d’une législation nouvelle, constitua, pour les anciens possesseurs, des titres définitifs de propriété.

Ainsi disparurent le mur d’enceinte et le château, qui avaient si mal protégé la ville pendant les mauvais jours. Sur une partie de ces ruines, s’élève aujourd’hui le bâtiment de la halle aux grains et de l’école primaire.

 

La maison seigneuriale ou « La grande mâson du Chaldron »

On ne trouve plus, à Charmes, de pittoresques maisons du moyen âge, plus de tourelles ni de pignons sur rue. Le pillage et l’incendie ont détruit ces demeures, dont l’élégance nous est attestée par des pierres sculptées et des débris de statues engagés çà et là dans la maçonnerie des façades (Notamment rue du Four, près de la salle d’asile, au bas de la grande rue et à l’angle de la place de l’Hôtel-de-Ville et de la rue des Capucins).

Cependant, vers le milieu de la grande rue, on s’arrête avec intérêt devant les restes d’un hôtel de la Renaissance, qui, par la solidité de ses murailles, a défié la fureur des Suédois.

Une large corniche, ornée d’oves, couronne l’édifice, et des gargouilles en pierre, sous forme d’animaux bizarres, s’élancent au-dessus de la voie publique. Encadrées de profondes moulures, les fenêtres sont surmontées d’un fronton en relief et accompagnées de colonnes élégantes, dont plusieurs ont disparu. Une niche artistement fouillée est à l’angle du premier étage.

L’entrée principale donne dans la rue du Cougnot. Le bandeau d’une large porte aux coins arrondis est orné des plus délicates arabesques. Les colonnes latérales ont été détruites, mais les soubassements et les chapiteaux existent encore et, malgré de nombreuses mutilations, on admire le bon goût et la rare habileté qui ont présidé à cette construction.

C’est là tout ce qui reste de l’ancienne demeure des seigneurs de Charmes, située non loin du château et de l’église, et désignée, dans les anciens titres, sous le nom de « la grande mâson du Chaldron » car, ainsi qu’on l’a dit plus haut, le château bâti par les comtes de Toul était moins une résidence qu’une forteresse.

Aujourd’hui, les murs noircis de la maison de Jean de Charmes servent d’enseigne à un estaminet. Une couverture en tuiles a remplacé les combles d’ardoises que couronnait une dentelle métallique, et la porte, autrefois blasonnée, de la résidence de Charles III, donne accès à l’étal d’un charcutier !

Naguère une écurie et un grenier à foin occupaient les galeries du Musée lorrain. D’énergiques efforts ont sauvé de la ruine le palais ducal de Nancy, en lui assignant une destination patriotique. Nous ne pouvons espérer une semblable transformation pour l’hôtel de Jean de Charmes, mais nous serions heureux si, en appelant l’attention sur cet édifice remarquable, nous avions pu concourir à en assurer la conservation.

 

En 2010, 140 ans après la publication de cet article, la maison de Jean de Charmes, la “grande mâson du Chaldron” ou la maison des Loups, est sauvée. Cette belle demeure a été rachetée par la municipalité de Charmes en 1999 et elle est aujourd’hui restaurée.

Pour découvrir de superbes photos de « la maison des Loups » restaurée, rendez-vous ici.

 

 


Archive pour 6 décembre, 2010

Le château et la maison seigneuriale de Charmes (88)

Blason de CharmesPlan de la ville de Charmes avec le châteauLe château et la maison seigneuriale de Charmes (88) dans Châteaux et forteresses en Lorraine anciennemasonduchaldron.vignettemasonduchaldronrestauree.vignette dans Les Vosges d'AntanMaison seigneuriale de Jean de Charmes

 

D’après un article paru dans les « Mémoires de la société d’archéologie lorraine » en 1870.

 

 

Placé, du XIe au XIIIe siècle, sous la dépendance des comtes de Toul, Charmes fut, en 1285, incorporé au duché de Lorraine, dont il partagea la bonne et surtout la mauvaise fortune.

Le duc de Bourgogne surprit et ravagea la ville en 1475. Elle fut restaurée et agrandie au XVIe siècle, et, en 1635, les Français et les Suédois la détruisirent presque entièrement par le pillage et l’incendie. La peste et la famine ajoutèrent leurs ravages aux horreurs de la guerre, et ses malheureux habitants, décimés par la contagion, minés par l’ennemi, furent, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, réduits à la plus affreuse misère.

Longtemps siège d’une prévôté, la ville de Charmes devint chef-lieu de bailliage en 1751.

 

Le château

L’édifice le plus ancien et le plus considérable de la ville de Charmes était le château, bâti, vers le commencement du XIe siècle, par les comtes de Toul. Un plan sommaire, déposé aux archives du département des Vosges, en indique l’emplacement. Le château s’étendait sur l’espace occupé par le jardin de Mlle de l’Espée et par le bâtiment des halles.

Placé sur un tertre élevé, il dominait le cours de la Moselle et formait un vaste carré, flanqué, au midi, de deux grosses tours rondes. Une courtine, percée de rares meurtrières, formant plate-forme pour les défenseurs, en cas d’attaque, reliait ces deux tours. Une chapelle castrale occupait l’angle nord-est du carré. La porte d’entrée, extrêmement étroite, donnait sur la grande rue.

Autour du château régnait une large lice, munie de merlons et protégée, au midi et à l’est, par des escarpements très prononcés. Au bas de ces escarpements se trouvait le mur d’enceinte, joignant, d’un côté, le fossé de la ville, et baigné, de l’autre, par les eaux de la Moselle. Dans cette dernière partie du mur, était la poterne pour les sorties secrètes du château. Une partie du mur de soutènement de la lice existe encore aujourd’hui dans le jardin de Mlle de l’Espée, et montre la solidité de ces constructions, composées d’assises réglées, d’une hauteur uniforme de 33 centimètres.

Le château de Charmes était une forteresse et non une résidence. Il servait à la garnison de la ville, et, bien qu’il renfermât une chapelle castrale, il ne parait pas avoir été habité par les comtes de Toul, et encore moins par les ducs de Lorraine. Pendant leur séjour à Charmes, les seigneurs descendaient dans « la grande mâson dite du Chaldron », dont Jean de Charmes fit ses reprises sous le duc René II, et les comptes annuels des receveurs, qui relatent, d’une manière scrupuleusement détaillée, les possessions du duc, ne mentionnent jamais un mobilier faisant supposer une habitation.

Jusqu’à l’époque du second pillage de Charmes, en 1635, le château et la chapelle furent maintenus en bon état d’entretien, aux frais du duc et souvent avec le concours de la ville. On lit dans les comptes du domaine, pour l’année 1553 : « 30 gros payés à Gérard Claudon Gillet, maçon d’Ubexy, pour, par lui avec un sien serviteur, avoir resparé et réadoubé les murailles du chasteau dudit Charmes, du costel de la rivière, lesquelles s’estoient rompues en divers lieux. Pour lesquels ouvrages parfaits et accomplis, les gouverneurs dudict Charmes ont fourni et donné gratuitement à Monseigneur la chaulx et le sable avec les manouvriers pour façonner, en rendant le tout en place, cy… 30 gros ».

Le même receveur, en 1593, « faict despence de 26 francs 6 gros qu’il a payés à un nommé Jean Frizon, masson, en marché faict avec lui, pour avoir rhabillé un angle de vingt pieds de hauteur, en la tour de la chapelle du chasteau de Charmes, qui menaçoit ruyne, réparé et crépy tout à neuf, en bas de ladicte tour du costé du midy, qui s’en alloit desmoly, et 30 gros à un nommé Mathias Saurel, pour avoir recommencé la toiture de ladite tour, qui estoit fort endommagée des grands vents et orages ».

Enfin, en 1605, les receveur et contrôleur « donnent avertissement à Messieurs de la Chambre des Comptes de Lorraine qu’il est nécessaire de sauver après maintes réfections, en plusieurs endroits, la tour de la chapelle castrale dudit Charmes, principalement en la couverture et du maronage d’icelle, qu’il faut par nécessité refaire tout à neuf, d’aultant qu’il est tout pourri de vieillesse. Laquelle tour est sans crespy de deux côtés, et une neuve montée pour aller en ladite chapelle, d’aultant que celle qui y estoit a estée du tout ruynée par le temps des neiges dernières, lesquelles réfections se peuvent faire à peu de frais, pourquoi plaira à Messieurs iceulx ordonner ».

La chapelle fut desservie jusqu’en 1662, époque à laquelle les ornements furent pillés par les gens de guerre, à l’exception du calice d’argent, sauvé par le curé de Charmes.

 

Le château était confié à la garde d’un capitaine, ayant sous ses ordres la garnison de la ville, composée de la milice bourgeoise, des arbalétriers, devenus plus tard la compagnie des arquebusiers, et des troupes que les ducs, en certaines circonstances, plaçaient dans la ville.

En 1473, Gaspard de Raville commandait la place de Charmes. En 1475, la ville avait pour capitaine le Petit-Picard, qui fut pendu par les Bourguignons, près de la porte de la Croix, avec les quarante Gascons mis sous ses ordres. Après la victoire de Nancy, René II donna la garde du château au capitaine Jean de Charmes, en le dotant d’une pension de vingt-cinq francs, « pour ses bons et agréables services ». Le 11 mars 1527, Thomas des Armoises fut nommé capitaine de Charmes.

En 1635, le baron d’Anglure défendait Charmes à la tête d’un détachement du régiment de Saint-Balmont, et des bourgeois armés, sous les ordres du maire Didier Régal. En 1661, les fonctions de capitaine se confondirent avec celles de prévôt de l’office de Charmes.

Indépendamment du château, la ville était protégée par un mur d’enceinte, qui, jusqu’au règne de René II, avait pour limite, au nord-ouest, la rue des Tanneries et la ruelle des Olivettes. Pendant le XVIe siècle, la population s’accrut, des constructions s’élevèrent hors de l’enceinte du nord-ouest et l’ancienne clôture disparut pour former la rue du Pont, suivre la rue du Pâtis, et, remontant, dans la direction de la rue des Prés, rejoindre l’enceinte primitive, derrière la rue du Four. La ville se trouvait ainsi entourée d’un mur d’enceinte, protégé lui-même par un fossé continu.

Un étang, établi sous la colline du Haut-du-Mont, permettait, en cas de siège, d’inonder les fossés, dont les eaux étaient maintenues par une double écluse. En parcourant les prés qui s’étendent entre la ville et cette colline, on reconnaît facilement les dispositions de cet étang, dont l’existence est affirmée par les comptes de la recette. En 1496, le receveur Henry Louis rapporte une dépense pour achat de poissons destinés à l’étang de Charmes. Dans le compte de 1513, figurent les frais de réparation de la chaussée de l’étang.

Par un acte d’acensement du 4 février 1738, il fut fait « abandon à Paul Martin, laboureur à Charmes, d’un jardin situé sur le ban de Charmes, lieudit à l’Ecluze, au-dessous de la chaussée de l’étang, contenant 5 jours 5 verges, moyennant 5 francs 5 gros de cens annuel ».

La ville, ainsi fortifiée, avait quatre portes avec tours et ponts-levis. Ces tours servaient de logement aux guets des portes, elles renfermaient en outre un corps de garde ordinairement occupé par la milice bourgeoise.

La première, au midi, sur la route d’Epinal, portait le nom de porte Bazin. Vers le bas de la grande rue, en pénétrant, à gauche, dans une petite ruelle qui a conservé le nom de ruelle de la porte Bazin, on voit encore un pan de mur demi-circulaire (maison Dieudonné, aubergiste) qui appartenait à l’une des tours de cette porte. L’autre s’écroula en 1674 et effondra la maison d’un nommé Nicolas Rouyer.

Au nord-est, à l’extrémité de la rue du Pont, se trouvait la porte de Moselle. Quelques habitants de Charmes se rappellent encore avoir vu, au commencement de ce siècle, les restes de cette porte, composée d’une grande ouverture pour les voitures et d’une porte plus petite pour les piétons. Elle n’était point parallèle au cours de la rivière. Appuyée à l’est à la maison Viriot, elle était contiguë, en biais, à la maison Fève, laissant, en dehors de la ville, la rue actuelle du Pâtis.

Au nord-ouest, vers le milieu de la rue des Capucins, et près de la rue des Prés, était la porte de la Chapelle, ainsi nommée à cause de l’ancienne chapelle du cimetière, placée dans le voisinage. Sous le règne de Léopold, la ville prit une extension nouvelle : les maisons bâties alors formèrent le prolongement de la rue des Capucins. C’est à cette époque qu’en vertu d’une délibération du conseil de ville, du 6 septembre 1707, cette porte fut démolie pour la commodité du public.

La quatrième porte, dite porte de la Croix, donnait accès à la ville, vers l’ouest, dans la direction du pré des Gascons. Près de là, une croix commémorative remplaçait les arbres auxquels furent pendus, en 1475, les défenseurs de Charmes.

 

Entre l’Hôtel-de-Ville actuel et les premières maisons de la grande rue, était une grosse tour carrée, servant de porte à l’enceinte primitive. Le rez-de-chaussée, surmonté d’une voûte en maçonnerie, était occupé par de petites boutiques, et l’horloge de la ville était placée dans la partie supérieure. Cette tour fut démolie en 1755. La construction en était si considérable, que, pour en opérer la démolition, payée par la ville 995 fr. à Nicolas Gaudel, il fut stipulé, dans le procès-verbal d’adjudication, daté du 18 août, que l’entrepreneur emploierait quinze ouvriers, pendant cinq semaines, et que les décombres seraient conduits dans le chemin de la fontaine, hors de la porte Bazin.

Après le pillage de 1635, le château, le mur d’enceinte et les portes furent démantelés et en partie démolis. Peu à peu, ils tombèrent en ruines. En 1668, on ne désignait plus la forteresse que sous le nom de vieil chastel. Après le traité de Rysvick (1697), loin de songer à les rétablir, on ne chercha qu’à en tirer un profit quelconque pour les revenus du duc. Toutefois, pendant quelques années, on répara les portes, sinon comme défense, au moins comme clôture de la ville contre les malfaiteurs, pendant la nuit.

Le château, ses dépendances et les fossés furent convertis en jardins et acencés à divers particuliers, moyennant une faible redevance annuelle :
« Florentin Martin et consorts acquirent, en 1666, 20 toises 6 pieds 4 pouces de terrain à prendre dans les fossés et barbacanes dudit lieu de Charmes, pour en jouir, par chacun d’eux, suivant l’alignement de leurs maisons, moyennant un cens annuel et perpétuel de 6 gros par chacune toise, à proportion du terrain que chacun d’eux occupera ».
« Noble François de l’Espée payait chacun an 3 francs de cens annuel pour le pendant du faux fossel devers la rivière, entre le bied du moulin d’une part et la muraille d’autre. Le même devait chacun an 9 gros pour une place contenant demy jour au faux fossel, der- rière les maisons du faubourg, les hoirs de Nicolas des Armoises d’une part et les pointes des meix d’autre ».

Le rachat de ces différents cens, effectué sous l’empire d’une législation nouvelle, constitua, pour les anciens possesseurs, des titres définitifs de propriété.

Ainsi disparurent le mur d’enceinte et le château, qui avaient si mal protégé la ville pendant les mauvais jours. Sur une partie de ces ruines, s’élève aujourd’hui le bâtiment de la halle aux grains et de l’école primaire.

 

La maison seigneuriale ou « La grande mâson du Chaldron »

On ne trouve plus, à Charmes, de pittoresques maisons du moyen âge, plus de tourelles ni de pignons sur rue. Le pillage et l’incendie ont détruit ces demeures, dont l’élégance nous est attestée par des pierres sculptées et des débris de statues engagés çà et là dans la maçonnerie des façades (Notamment rue du Four, près de la salle d’asile, au bas de la grande rue et à l’angle de la place de l’Hôtel-de-Ville et de la rue des Capucins).

Cependant, vers le milieu de la grande rue, on s’arrête avec intérêt devant les restes d’un hôtel de la Renaissance, qui, par la solidité de ses murailles, a défié la fureur des Suédois.

Une large corniche, ornée d’oves, couronne l’édifice, et des gargouilles en pierre, sous forme d’animaux bizarres, s’élancent au-dessus de la voie publique. Encadrées de profondes moulures, les fenêtres sont surmontées d’un fronton en relief et accompagnées de colonnes élégantes, dont plusieurs ont disparu. Une niche artistement fouillée est à l’angle du premier étage.

L’entrée principale donne dans la rue du Cougnot. Le bandeau d’une large porte aux coins arrondis est orné des plus délicates arabesques. Les colonnes latérales ont été détruites, mais les soubassements et les chapiteaux existent encore et, malgré de nombreuses mutilations, on admire le bon goût et la rare habileté qui ont présidé à cette construction.

C’est là tout ce qui reste de l’ancienne demeure des seigneurs de Charmes, située non loin du château et de l’église, et désignée, dans les anciens titres, sous le nom de « la grande mâson du Chaldron » car, ainsi qu’on l’a dit plus haut, le château bâti par les comtes de Toul était moins une résidence qu’une forteresse.

Aujourd’hui, les murs noircis de la maison de Jean de Charmes servent d’enseigne à un estaminet. Une couverture en tuiles a remplacé les combles d’ardoises que couronnait une dentelle métallique, et la porte, autrefois blasonnée, de la résidence de Charles III, donne accès à l’étal d’un charcutier !

Naguère une écurie et un grenier à foin occupaient les galeries du Musée lorrain. D’énergiques efforts ont sauvé de la ruine le palais ducal de Nancy, en lui assignant une destination patriotique. Nous ne pouvons espérer une semblable transformation pour l’hôtel de Jean de Charmes, mais nous serions heureux si, en appelant l’attention sur cet édifice remarquable, nous avions pu concourir à en assurer la conservation.

 

En 2010, 140 ans après la publication de cet article, la maison de Jean de Charmes, la “grande mâson du Chaldron” ou la maison des Loups, est sauvée. Cette belle demeure a été rachetée par la municipalité de Charmes en 1999 et elle est aujourd’hui restaurée.

Pour découvrir de superbes photos de « la maison des Loups » restaurée, rendez-vous ici.

 

 

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