Les anciens comtés de la Meuse
D’après la monographie imprimée « Dictionnaire topographique du département de la Meuse » -
Félix Liénard – 1872
L’ancien comté de Verdun
Les limites commencent à Lion-de-Montfaucon (aujourd’hui Lion-devant-Dun), et se dirigent sur la Borne-Trouée (bois communal d’Écurey). De la Borne-Trouée à Soutreville (hameau réuni à Sivry-sur-Meuse), et de là au village de Failly (Moselle). De ce lieu à Longuyon, où la Crune tombe dans la Chiers (Caram fluvium), remontent les rives de la Crune, gagnent l’Amance pour passer avec cette rivière à Briey (Brierum) et à Auboué (Bamvadum), où l’Amance se jette dans l’Orne, et remontent l’Orne jusqu’à la fontaine située auprès de Boncourt (Auncurtem), près de Conflans-en-Jarnisy.
De là, elles passent au chêne de Saldei (peut-être Lachaussée Calceia), puis sous Montsec (sub Mocioni) à la fontaine de Loupmont (Lupi Montis). De ce lieu, elles gagnent le ruisseau de Marbotte (Marbodifontem) et le gué de Pont-sur-Meuse (Petus ad Vadum) et de là l’embouchure du ruisseau de Cousances-aux-Bois (Consanciœ), actuellement le Girouet qui tombe dans la Meuse vis-à-vis de Mécrin.
Elles se dirigent ensuite sur Bannoncourt (Wanumcurtem) en passant par Nuclearios (vraisemblablement les deux Kœurs) près de Bislée (Bilcei) et de Bannoncourt (Wamumcurt), et longent la vallée de Lonchamp. S’étendent en ligne droite jusqu’à Érize-la-Brûlée et jusqu’à la fontaine de Sarnay aux Trois-Fontaines (Ces fontaines, nommées actuellement Fontaine des Trois-Evèques sont situées sur le territoire de Rembercourt-aux-Pots).
Elles continuent jusqu’à Sommaisne et ensuite jusqu’au lieu dit les Ormes (2 km au sud-ouest de Bonzée. De là jusqu’au lieu où la Biesme (Biumma) prend son cours vers l’Aisne. Et de là elles descendent le cours de l’Aisne jusqu’à la Bionne (Viasnam) et jusqu’à Vienne-le-Château (Viennam) ; passent par les Verreries (La Harazée, le Four-de-Paris, entre Vienne et Montblainville), par Montblainville, par Concescourt (peut-être les Ecomportes), par Châtel-près-Cornay (Castrum juxta Quarnaium) et de là au-dessus du village de Chéhéry, puis en droite ligne à Gesnes (Jemas) et ensuite à Épinonville (Spanulfi-villa). De ce lieu, elles se rendent directement à Montfaucon et enfin à Lion-devant-Dun, leur point de départ.
En l’an 997, la dignité de comte passa aux évêques de Verdun, qui devinrent seigneurs temporels du Verdunois et reçurent de l’empereur Otton II le droit de frapper monnaie. Ce pays continua d’appartenir à l’Empire jusqu’en 1552, époque à laquelle le roi Henri II le réunit à la France, en même temps que Metz et Toul. Ces trois diocèses formèrent la province dite des Trois-Évêchés.
Le comté de Bar
Le comté de Bar se forma en 961 et eut pour premier comte Frédéric d’Ardennes, nommé par Otton. Sur la fin du XIe siècle et par suite d’un mariage, la souveraineté de Bar passa dans la maison de Montbéliard. En 1355, le comté de Bar fut érigé en duché par Jean, roi de France, dont la fille, Marie, avait épousé Robert, lequel fut ainsi le premier duc de Bar.
En 1419, le cardinal de Bar ayant désigné pour son héritier René d’Anjou, qui devait plus tard épouser l’héritière de Lorraine, le duché de Bar fut réuni à celui de Lorraine et le Barrois n’eut plus pour souverains que les princes de Lorraine jusqu’au moment où les deux duchés furent cédés par le traité du 15 février 1737 à Stanislas, roi de Pologne, puis incorporés à la couronne de France après la mort de ce prince, en 1766. Les comtes de Bar frappèrent monnaie à partir du milieu du XIIIe siècle.
Le Barrois s’étendait jusqu’au duché de Luxembourg au nord, la Lorraine à l’est, la Franche-Comté au midi, la Champagne à l’ouest. Il avait environ 30 lieues de long sur 16 de large. La rivière de Meuse le divisait en deux parties : celle qui était située au couchant portait le nom de Barrois mouvant, chef-lieu Bar, et celle qui était au levant, Barrois non mouvant, chef-lieu Saint-Mihiel. Le Barrois mouvant était sous la souveraineté du royaume de France, le Barrois non mouvant sous celle du duché de Lorraine.
En l’an 969, Commercy devint, avec quelques autres lieux voisins, un État particulier dont les souverains portaient le nom de damoiseaux (domicelli). Les damoiseaux de Commercy relevaient des évêques de Metz. Au XIIIe siècle, cette seigneurie entra par mariage dans la maison de Sarrebruche.
En 1324, Simon de Sarrebruche affranchit ses sujets de la terre de Commercy moyennant certaines redevances annuelles. Cette principauté se maintint jusqu’au XVIIIe siècle. Louis XIV l’ayant conquise l’abandonna à la Lorraine.
Dans l’acte de cession de la Lorraine à Stanislas, du 15 février 1737, l’usufruit de la seigneurie de Commercy fut réservé à Elisabeth-Charlotte d’Orléans, duchesse douairière de Lorraine et de Bar. La duchesse étant morte en 1744, Stanislas, roi de Pologne et duc de Lorraine, en devint seigneur usufruitier. Cette terre fut réunie définitivement à la France en 1766, et demeura comprise dans la circonscription du diocèse de Toul.
Le comté de Chiny
Le comté de Chiny fut fondé sur la fin du Xe siècle. Il eut pour premier comte, Arnould, de 992 à 1010. Chiny en fut d’abord la capitale, puis ensuite Montmédy, dont la construction date de 1239. En 1364, le comté de Chiny fut acquis par Vinceslas, duc de Luxembourg. Il passa successivement sous la domination du duc d’Orléans, de l’empereur Josse de Moravie, des ducs de Bourgogne et de l’Espagne. Il faisait partie du diocèse de Trèves. Cédé à la France en 1657, par le traité des Pyrénées, il fut attaché à la province des Trois-Évêchés.
Le comté d’Argonne
Le pays ou comté d’Argonne se forma, vers le Xe siècle, par la réunion du Clermontois, de l’Astenay ou Stenois, du Dormois, d’une partie du Rhetelois, etc. Il était situé à l’ouest du pagus Virdunensis ou Verdunois proprement dit, et formait cette région forestière traversée du sud au nord par les rivières d’Aire et d’Aisne, et s’étendant depuis le Perthois au sud jusqu’au Mousonais vers le nord. Ce pays est fréquemment cité dans les textes du moyen âge, depuis le Xe siècle, sous le nom de sylva Argonna vel Argunnensis ou de l’Argonne. Son chef-lieu était Sainte-Menehould. Cette région confinait vers l’ouest à la Champagne, sur laquelle elle empiétait et où elle devait former une marche sur la frontière des tribus gauloises, puis des civitates gallo-romaines, puis enfin des diocèses de Reims, de Châlons et de Verdun, entre la première et la seconde Belgique.
Le comté de Clermont
Le Clermontois, ou comté de Clermont, appartenait primitivement aux évêques de Verdun. Plusieurs fois disputé, pris et reconquis, ce comté passa, au XIIe siècle, au pouvoir des comtes de Bar. En 1632, Charles IV, duc de Lorraine, le céda à Louis XIII. En 1668, Louis XIV le donna en pleine propriété au Grand Condé. Les descendants de ce prince en jouirent jusqu’en 1791, époque à laquelle il fut réuni au domaine national.
Le Dormois
Le Dormois, désigné sous le nom de pagus Dulminsis dans le partage de l’empire fait en 870 entre les rois Louis de Germanie et Charles le Chauve, prit aussi le titre de pagus et comitatus. Il faisait partie de la Champagne et s’étendait depuis la Meuse jusqu’au delà de l’Aire et de l’Aisne, dans le diocèse de Reims et dans celui de Verdun. Il occupait une partie du nord-ouest du département, et fut, au Xe siècle, englobé dans le pays d’Argonne.
Stenay
Sous la période mérovingienne, Stenay était terre du domaine royal (fiscus Sathaniacus) et avait un palais que les rois de la première race habitaient pour s’y adonner au plaisir de la chasse. Stenay passa ensuite entre les mains de la maison d’Ardennes et fut érigé en une seigneurie que l’empereur Henri IV confisqua pour en faire don à l’évêché de Verdun. Cette seigneurie fut cédée par l’évêque Richard de Grandpré, en 1107, à Guillaume de Luxembourg, et engagée par Henri de Winchester, en 1124, à Renauld, comte de Bar. En 1554, elle passa du Barrois à la Lorraine. Réunie à la France par le traité de 1641, elle fut comprise dans l’apanage de la maison de Condé et réunie au Clermontois.
C’est ainsi que ces divers pays furent successivement réunis à la France sous le nom de Barrois, de Clermontois, de Lorraine, de Champagne et des Trois-Evêchés.