Mathieu II (1220-1251)
D’après la monographie imprimée
« Récits lorrains. Histoire des ducs de Lorraine et de Bar » d’Ernest Mourin
Publication 1895
Mathieu II succéda à son frère Thiébault. Sa mère, la duchesse Agnès de Bar, sous prétexte qu’il était trop jeune, prétendit exercer la régence. Mais le jeune duc déclara qu’il entendait gouverner : « Maistre si-je et le serai-je », dit-il superbement.
Une autre femme réussit mieux. Ce fut la comtesse de Champagne, qui vint à Nancy avec son fils Thiébault IV, et lui fit épouser sans délai la riche Gertrude de Dagsbourg, veuve de Thiébault de Lorraine. En outre, elle fit régler une question restée obscure depuis le traité d’Amance, et il fut décidé que le duc de Lorraine ferait hommage au comte de Champagne pour Neufchâteau, Frouard et Châtenois. Cet enchevêtrement des fiefs se retrouvait partout et entraînait de perpétuelles difficultés.
Thiébault IV espérait tirer bon parti de son mariage, lorsqu’au bout de deux ans on s’aperçut que Gertrude de Dagsbourg était sa parente à un degré prohibé. Le mariage fut annulé et Gertrude s’en alla, grâce à sa magnifique dot, convoler en troisièmes noces avec le comte de Linange.
Avec Mathieu II, nous restons dans la monotonie des guerres féodales. Mais nous trouvons un fait important à relever.
Le 1er octobre 1231, le Duc accorda une charte communale à la ville de Neufchâteau. C’est la première que nous rencontrons dans l’histoire de Lorraine. Elle porte que chaque année le jour de la Saint-Remy (1er octobre), les bourgeois éliront treize magistrats nommés jurés. Ceux-ci choisiront l’un d’entre eux pour être mayeur ou maire. Ils administreront la ville et formeront un tribunal jugeant en dernier ressort les procès entre habitants et les crimes ou délits commis dans la commune.
Le comte de Champagne, à titre de suzerain, confirma la charte, et y ajouta un article aux termes duquel les ducs de Lorraine ne pourraient faire arrêter un habitant, ni saisir ses biens sans l’autorisation du tribunal municipal, utile garantie contre l’arbitraire du seigneur.
Un vent de liberté, venu de France où se développait la révolution communale, soufflait sur la Lorraine. Toutefois, Mathieu, qui donnait une charte à Neufchâteau, n’était point pour cela un protecteur des franchises municipales.
Nous le voyons en 1232 partir en guerre, de compagnie avec le comte de Bar, contre les Messins qui avaient chassé leur évêque Jean d’Apremont et institué une sorte de république. Les bourgeois étaient vaillants et soutinrent le siège. Comme ils étaient fort riches, ils parvinrent à gagner le comte de Bar qui se détacha de Mathieu II, et opéra même une diversion en se jetant sur Neufchâteau dont il s’empara.
Mathieu II laissa les Messins, et vint livrer bataille à Henri de Bar, tout près de Nancy, à Champigneulles. Il y courut risque de la vie. Voyant les siens plier, il prend la lance d’un soldat et à pied « sans pot ni harnois de maille », il s’élance au plus épais de la mêlée, il est enveloppé, il va périr « quand un messin soudart passa son corps avant et baillit sa vie et chut es pieds di duc criant à tout l’ost : par Dieu, gardez de verser li dict sang qu’est le sang pur de mon maître ! ». Voilà le dévouement féodal. Mathieu put s’enfuir à travers la forêt de Haye et gagna le château de Gondreville (1232).
Les Messins étaient restés en face de leur évêque. Mathieu paraît avoir imité le comte de Bar et avoir reçu l’argent des bourgeois. Mais l’évêque finit par l’emporter, et les « Citains » frappés d’excommunication cessèrent pour quelque temps la lutte, firent amende honorable et renoncèrent provisoirement à la commune.
Dans les derniers temps du règne, l’humeur batailleuse de Mathieu II semble s’être refroidie. Il s’occupe d’administration : il crée les tabellions pour la bonne rédaction et la conservation des actes. Il assure une meilleure distribution de la justice en créant des baillis avec une juridiction déterminée.
La Lorraine fut divisée en trois bailliages : Nancy (Lorraine proprement dite), Mirecourt (La Vosge) et Vaudremange (Lorraine allemande). Les baillis étaient les officiers du Duc. Ils étaient d’épée longtemps avant d’être préposés à la justice.
Il fortifie le pouvoir ducal par des acquisitions. C’est ainsi qu’il achète les châteaux de Lunéville, de Gerbéviller et de Valfroicourt, et qu’il amène les habitants de Toul à se mettre sous sa protection, en lui payant une redevance annuelle de cent livres.
Enfin il prépare un beau règne à son fils en négociant son mariage avec la fille de son puissant voisin, Thiébault IV, comte de Champagne. Cette union, en raison de l’âge des deux fiancés, fut ajournée jusqu’en 1254.
Comme son frère Thiébault, il fut l’ami des papes contre le gibelin Frédéric II. Innocent IV ayant déposé l’empereur dans le célèbre concile de Lyon (1245), Mathieu se rendit à la diète de Wurtzbourg et son nom figura parmi ceux des électeurs qui proclamèrent roi des Romains, le landgrave Henri de Thuringe présenté par le pontife. Deux ans après, Henri de Thuringe ayant été tué au siège d’Ulm, le Duc se prononça encore en faveur du candidat de l’Église, Guillaume de Hollande, élu à la diète de Neuss (1247).