Ferri IV le Lutteur (1312-1328)

 

 

D’après la monographie imprimée
« Récits lorrains. Histoire des ducs de Lorraine et de Bar » d’Ernest Mourin
Publication 1895

Le XIVe siècle est l’âge héroïque de la Lorraine et du Bar. Durant cette période, les souverains de Bar comme ceux de Lorraine deviennent les soldats de la France, la suivent et se dévouent à sa fortune jusqu’à mourir pour elle. Leur histoire intérieure manque d’intérêt.

La Lorraine n’est plus en Lorraine, elle est tout entière soit à Paris, soit sur les champs de bataille français.

Dès les premiers jours, Ferri IV fit voir qu’il ne changerait rien à la politique de ses deux derniers prédécesseurs. Il châtia vigoureusement les seigneurs qui tentaient de renouer les ligues. Les deux les plus insoumis et les plus puissants, les comtes de Dagsbourg et de Réchicourt, furent mis en pleine déroute au combat de Lorquin et n’y revinrent plus.

D’autre part, il se réconcilia avec le comte de Bar qui était prisonnier depuis la bataille de Frouard, c’est-à-dire depuis six ans, et lui rendit la liberté moyennant une forte rançon. Le comte ne lui tint pas rancune, et se lia avec lui par un traité d’alliance.

Ferri avait épousé dès 1304, Isabelle d’Autriche, fille d’Albert, roi des Romains, et petite-fille de Rodolphe de Habsbourg. Ce mariage l’entraîna dans les troubles qui suivirent la mort de l’empereur Henri VII de Luxembourg (1318).

Il conduisit une armée lorraine en Allemagne pour soutenir la cause de son beau-frère Frédéric d’Autriche. La guerre qui dura plusieurs années se termina par la sanglante défaite de Muhldorff, où Frédéric et Ferri IV furent faits prisonniers (1322). Le Duc recouvra sa liberté par la médiation du roi de France.

De retour dans ses Etats, il les trouva en proie à une affreuse misère, conséquence ordinaire des guerres privées, accrue par une horrible famine qui dura quatre ans et fut telle, qu’on vit des malheureux détacher des gibets, les corps des suppliciés pour s’en nourrir. Le Duc fit tous ses efforts pour adoucir les souffrances publiques, et mettre un terme au brigandage de la soldatesque féodale.

La carrière de Ferri IV se termina tragiquement, mais glorieusement dans une bataille.

Philippe VI de Valois inaugurait sa dynastie par une campagne contre les Flamands. Le duc de Lorraine et le comte de Bar furent appelés, en raison de leur vassalité, à fournir leurs contingents. Ils partirent tous les deux.

Une foule de seigneurs les accompagnèrent. Les bourgeois flamands s’étaient retranchés sur une hauteur à Cassel, près de Lille. Bravement, ils défiaient le roi de France et ses bannières. Ils eurent le tort de descendre trop tôt, impatients de livrer la bataille. On en tua 13 000.

Mais un grand nombre de chevaliers succombèrent et parmi les morts, on retrouva le corps de Ferri IV. Ce fut le premier duc lorrain qui mourut pour la France (23 août 1328).


Archive pour 6 octobre, 2010

Thiébault II le Libéral (1303-1312)

 

 

D’après la monographie imprimée
« Récits lorrains. Histoire des ducs de Lorraine et de Bar » d’Ernest Mourin
Publication 1895

Thiébault continua son père. Comme lui, il s’attacha à affaiblir la chevalerie. Plus que lui, il se sentit entraîné dans la sphère de la France.

Avant son avènement, il avait déjà reçu en dot, les villes de Lorraine qui relevaient de la Champagne, c’est-à-dire désormais de la France, Neufchâteau, Châtenois, Montfort, Frouard.

Son père Ferri avait ainsi échappé à l’obligation de rendre personnellement l’hommage au roi Philippe. Thiébault remplit la formalité en 1300, il fournit son contingent à l’armée française et assista à cette funeste bataille de Courtrai, où les vilains et manants écrasèrent dans un fossé la chevalerie française (1302). Fait prisonnier, il se racheta au prix d’une grosse rançon.

L’année suivante, il commençait son règne et peu après, il se rendait encore à l’appel de Philippe IV qui montait vers la Flandre pour prendre sa revanche de Courtrai. Cette fois, les bourgeois furent cruellement battus à Mons-en-Puelle et le duc de Lorraine fut remarqué pour sa bravoure (1304).

Thiébault II accompagna le roi triomphant à Paris, puis il l’amena en Lorraine, et lui donna « maintes festoiries ». Le roi semblait l’avoir pris en grande amitié et prodiguait des conseils à sa jeunesse. (Ce qui n’empêchait pas ce roi si paternel d’agréer et de goûter très fort un mémoire, dans lequel était développé un plan de conquête de la Lorraine : « On procéderait par le ravage et l’incendie des campagnes. La vie des hommes serait épargnée…. On se contenterait de leur couper une main et un pied pour ne pas précipiter leurs âmes dans l’enfer »).

Le Duc adopta ses maximes administratives, et visa aussi au pouvoir absolu. Pour battre plus sûrement en brèche la Chevalerie, déjà affaiblie par son père, il osa interdire les guerres privées. L’ordonnance défendait « à tous chacuns nobles, ayant chastelet ou fief, d’armer ost et faire ordre de guerroyer, sous quelque prétexte que ce soit, sans que le duc l’ait permis », ce dont furent « les gentilshommes lorrains grandement esbahis et courroucés ». Pour faire respecter une telle innovation, il fallait pouvoir l’imposer par la force. Les seigneurs irrités se liguèrent, et entrèrent en campagne.

Thiébault, à la tête de ses vassaux directs, auxquels il joignit des mercenaires, livra bataille aux mécontents près de Lunéville, les vainquit, les dispersa et poursuivant énergiquement sa victoire, bannit les plus dangereux et démantela leurs châteaux.

En 1305, nous le retrouvons près de Philippe le Bel, qu’il accompagne à Lyon pour assister au couronnement du pape Clément V. Il manqua de périr pendant la cérémonie, par suite de l’écroulement d’un mur qui écrasa plusieurs gentilshommes et lui cassa une jambe et un bras. Cette catastrophe le retint assez longtemps éloigné de ses États.

Lorsqu’il y rentra, il les trouva en proie à des ravages qu’y exerçait sans résistance, le comte de Vaudémont, Henri III. Ayant rassemblé à la hâte quelques soldats, il essaya de se défendre, mais fut battu deux fois à Réméréville et à Pulligny, et obligé, pour en finir, de donner la main de sa soeur au vainqueur.

Il sortit avec plus d’honneur d’une guerre avec Renaud de Bar, évêque de Metz, qui refusait d’admettre le droit conféré au Duc par le pape Clément V, de lever des décimes sur les biens ecclésiastiques, pour aider les chevaliers hospitaliers à conquérir sur les Turcs l’île de Rhodes. L’évêque entraîna dans son parti son frère Edouard Ier, comte de Bar, et le comte de Salm. Ses forces étant de beaucoup supérieures, le belliqueux prélat s’empara de Lunéville et alla assiéger Frouard.

Le Duc sut par d’habiles manoeuvres compenser l’avantage du nombre. Tandis que les alliés se formaient en bataille dans une plaine au confluent de la Moselle et de la Meurthe, Thiébault s’empara d’une colline et s’y retrancha.

Les Messins impatients commencèrent à gravir la hauteur. Alors les cavaliers lorrains mirent pied à terre, et firent rouler des cailloux et des rochers sur les assaillants. Déconcertés par cette avalanche, l’évêque et ses amis reculent en désordre. Les Lorrains les suivent, reprennent l’offensive et, étant remontés à cheval, les culbutent et achèvent la déroute. Les comtes de Bar et de Salm restent prisonniers. L’évêque, plus heureux, s’échappe (1308).

Au retour d’un voyage qu’il fit en Italie, Thiébault tomba malade et se crut empoisonné (1309), mais il continua à s’occuper de ses affaires. Il faillit se brouiller avec son grand ami Philippe le Bel pour une question de monnaie soulevée par la commune de Neufchâteau.

On sait que le roi de France, ne se faisait aucun scrupule de falsifier les monnaies, pour se créer des ressources. Les Neufchâtelois, à tort ou à raison, accusèrent le duc d’imiter l’indélicatesse du roi. Thiébault irrité, fit arrêter les bourgeois qui le calomniaient.

Une sédition éclata. Les habitants sollicitèrent l’intervention du suzerain. Philippe aussitôt fit occuper militairement la ville, mit en liberté les prisonniers et des troupes menacèrent la Lorraine. Le Duc, trop faible pour affronter une lutte ouverte, entama des négociations.

Une autre affaire lui causa de graves soucis et il n’en vit point la fin. Nous voulons parler du procès des Templiers.

Ces religieux-soldats avaient de nombreuses commanderies en Lorraine. Ils furent poursuivis comme en France, évidemment à l’instigation de Philippe IV. On manque de détails précis sur ce qui fut fait.

Il parait que les enquêtes ne révélèrent aucune charge sérieuse contre les chevaliers. Leur plus grand crime était leurs richesses. Ils furent enveloppés dans le désastre qui les atteignit en France.

Après la suppression de l’ordre, les chevaliers furent bannis et leurs biens distribués aux Hospitaliers et à d’autres maisons religieuses. Il est probable qu’il resta une partie des dépouilles entre les mains des seigneurs et peut-être du prince.

Il semble qu’il n’y eut de violences commises que dans une seule de ces maisons. Quelques chevaliers s’étaient retirés dans la commanderie de Brouvelieures, perdue au milieu des Vosges, espérant y rester cachés. Mais une nuit, la population du voisinage, ameutée on ne sait par qui, assaillit cet asile, massacra les chevaliers, pilla la maison et la rasa jusqu’au sol (1313).

Le duc Thiébault ne fut pour rien dans ces violences : il était mort le 12 mai 1312. 

Ferri III le Chauve (1251-1303)

 

 

D’après la monographie imprimée
« Récits lorrains. Histoire des ducs de Lorraine et de Bar » d’Ernest Mourin
Publication 1895

Les historiens, faute de documents certains, n’ont pas donné à ce long règne de plus de cinquante ans, l’importance qu’il mérite. N’y trouvât-on que l’affranchissement des paysans par la loi de Beaumont, qu’il aurait droit à toute notre attention. C’est l’avènement du Tiers-État, ou tout au moins un mouvement en avant des masses de la population.

Ferri III n’ayant encore que douze ans, sa mère, avec l’assentiment de la noblesse, gouverna pendant quelque temps. Elle ne se signala guère, qu’en entravant le mouvement d’émancipation qui devait être l’honneur de son fils. Elle aida l’évêque de Toul à écraser dans son berceau, la commune que les habitants avaient formée à l’exemple des Messins.

En 1254, le jeune duc fut déclaré majeur et l’année suivante, conformément à la convention de 1250, il épousa Marguerite de Champagne.

Comme la plupart des descendants de Gérard d’Alsace, Ferri III fut un homme de guerre, de haute stature, beau, intelligent, valeureux et actif. Mais il était mieux qu’un brillant féodal. Il était pourvu d’un vrai sens politique et appréciait les avantages de la paix. Il en donna une preuve dans une tentative peut-être prématurée, mais qui mérite d’être louée.

Il conclut avec le comte de Bar, son voisin, ennemi-né des ducs de Lorraine, une alliance offensive et défensive dont l’article principal stipulait, que s’il naissait un différend entre eux, il serait réglé par une commission arbitrale composée de quatre chevaliers désignés, deux par le Duc et deux par le comte de Bar. En cas de désaccord, le duc de Bourgogne trancherait le litige. On ne voit d’ailleurs nulle part que cette commission ait jamais fonctionné.

Il suivit dans son administration le sage programme de sa famille, qui était de saisir toutes les occasions d’agrandir le domaine ducal. De 1257 à 1301, il acquit à diverses conditions les riches salines de Rosières, qui avaient jusque-là appartenu aux familles des d’Haussonville, des Beaufremont, des Rosières.

Comme ses prédécesseurs, il joua un rôle dans les troubles de l’Allemagne.

En 1256, Guillaume de Hollande, dont son père Mathieu avait été l’ami, étant mort, une partie des seigneurs allemands élurent roi des Romains, Richard de Cornouailles, fils de Jean sans Terre et frère d’Henri III. Quelques-uns repoussèrent ce choix et, s’étant réunis à Francfort, appelèrent au milieu d’eux le duc de Lorraine, bien qu’il ne fût pas du nombre des électeurs.

Il décida l’assemblée à porter ses suffrages sur Alphonse X le Sage, roi de Castille, en faisant valoir que ce prince, quelque loin d’eux qu’il fût né, était de leur race, puisqu’il était petit-fils par sa mère de Philippe de Souabe, dernier fils de l’empereur Barberousse (1257). Le jeune Ferri, il avait dix-huit ans, fut chargé par l’assemblée d’aller en personne, notifier son élection à Alphonse. Celui-ci accepta et prit l’engagement de se rendre en Allemagne dans un délai de deux ans. Mais sa lutte contre les Maures et des embarras intérieurs l’empêchèrent de tenir sa promesse.

Les seigneurs allemands, lassés d’attendre, et Richard de Cornouailles étant mort, se décidèrent à mettre fin à l’anarchie. La diète de Francfort élut roi des Romains (1273) un seigneur d’origine alsacienne, Rodolphe de Habsbourg. Ferri III se déclara d’autant plus volontiers pour lui, que ce prince se rattachait à la même souche que les descendants de Gérard d’Alsace. Ce fut la première rencontre des deux maisons, qui devaient se confondre en une seule au XVIIIe siècle.

Ferri III n’eût pas mieux demandé peut-être que de vivre en paix. Mais ce n’était pas la paix, c’était la guerre qui était l’état normal en un pareil temps. Le gouvernement ducal allait se fortifiant, mais n’était pas encore en état d’imposer l’ordre aux éléments féodaux. A partir de 1260, Ferri fut entraîné dans une série de luttes contre divers seigneurs et particulièrement contre les évêques de Metz.

Ferri prit les armes successivement contre cinq évêques de Metz dont le dernier, l’indomptable Bouchard, est le type accompli du prélat guerrier, toujours la hache au poing et le casque en tête. Les évêques voisins de Liège et de Cologne, l’évêque de Strasbourg, aussi belliqueux que Bouchard, se mêlent aux batailles.

Tous les seigneurs vont à la lutte ou plutôt au pillage. Le comte de Bar, le comte de Vaudémont, Henri Ier, un vrai chef de bandits, le comte de Linange, le comte de Salm, le comte de Luxembourg, prennent parti tantôt pour, tantôt contre, changeant de bannière au gré de leurs intérêts.

Si Ferri III, toujours battant ou battu, n’avait fait autre chose que d’échanger de ces rudes coups de lance, où il payait bravement de sa personne et dans lesquelles il perdit une main, on ne le distinguerait guère de ses prédécesseurs. Mais il mérite une place à part, pour des faits de gouvernement qui révèlent une pensée plus haute.

Ferri III fut le véritable promoteur du mouvement, on peut dire de la révolution d’où sortirent l’affranchissement des masses et la formation du tiers-état.

Son père Mathieu II avait donné, comme nous l’avons dit, une charte de commune à la ville de Neufchâteau. Ferry la confirma en 1257, en y ajoutant de nouvelles libertés. Peu après, de concert avec son cousin Thiébault II, comte de Bar, il résolut d’introduire en Lorraine, la fameuse loi de Beaumont.

En 1182, le cardinal Guillaume, archevêque de Reims, ayant fondé la petite ville de Beaumont-en-Argonne, et voulant y attirer une population, la dota d’un certain nombre de franchises, qu’on appela la loi de Beaumont. Sans rien abandonner de ses droits de seigneur et d’évêque, il remplaça l’arbitraire et le bon plaisir par un régime qui devait garantir la liberté des personnes et la sûreté des biens (Tout bourgeois possédant maison en ville et jardin dans la banlieue, paiera au seigneur chaque année douze deniers. Pour les terres arables, il devra deux gerbes sur douze, c’est le gerbage ; pour les prés, quatre deniers par fauchée. Le seigneur se réserve aussi les moulins et les fours banaux ; il prélèvera pour droit de mouture un setier de grains sur vingt, et pour droit de fournage un pain sur vingt-quatre).

Le servage qui jusque-là, avait fait des habitants d’une terre féodale, un bétail à la merci du maître, était aboli. Les habitants étaient constitués en une communauté qui élisait ses administrateurs sous les noms de jurés ou échevins, lesquels étaient même investis d’attributions judiciaires. Les redevances étaient limitées et déterminées suivant les ressources et les revenus constatés. Chacun avait le droit de vendre et d’acheter librement et sûrement, sans taxes et sans entraves vexatoires. Le service militaire était dû, mais les hommes ne pouvaient être employés qu’à une distance assez courte, pour qu’ils fussent à même de rentrer dans leurs foyers le soir ou le lendemain au plus tard.

Lorsqu’on songe à la situation misérable où les populations des campagnes surtout étaient tenues par le despotisme féodal, on voit quel immense progrès contenait la loi de Beaumont. Ferri III établit ces franchises à Nancy en 1265, puis à Mirecourt, Châtenois, Arches, Bruyères, Saint-Nicolas-de-Port, Lunéville, Gerbéviller, Amance et dans d’autres localités plus modestes au nombre de dix-neuf. On se tromperait sans doute si l’on pensait que le sol se couvrit de petites républiques municipales. On ne visait pas si haut. Mais en assurant aux masses opprimées la dignité de la personne humaine et la sécurité du travail, Ferri III jeta les premiers et les plus solides fondements de la prospérité de la Lorraine.

Quelques seigneurs, à l’exemple du duc Ferri, donnèrent la loi de Beaumont à leurs villages, mais la noblesse, dans son ensemble, fut profondément irritée de l’atteinte portée au système, qui avait jusqu’alors maintenu la population dans le servage. Des ligues secrètes furent organisées contre un prince, dont le libéralisme menaçait tout l’édifice féodal.

Un de ces complots aurait même réussi. Le chroniqueur d’Haraucourt raconte qu’un jour de l’année 1269 à 1270, le Duc s’attarda dans une partie de chasse dans la forêt qui avoisine Laxou. Comme il revenait le soir vers Nancy, il fut brusquement entouré par une troupe armée. On lui enveloppa la tête d’un voile épais, puis on l’entraîna en croisant et mêlant les chemins, afin de le désorienter, et on l’enferma dans le château de Maxéville qui appartenait à Andrian des Armoises, le principal auteur de la conjuration. Il y resta longtemps caché à tous les yeux, ignorant où il était et personne n’en ayant de nouvelles.

Une nuit, souffla une violente tempête qui enleva le toit de la tour. Un ouvrier, monté pour réparer le dommage, se mit à chanter une sorte de complainte populaire qui racontait la disparition du prince, parti pour chercher aventure de guerre ou d’amour. Ferri questionna le couvreur, le gagna par des promesses, et lui remettant son anneau, le chargea d’aller aviser la duchesse. Marguerite de Champagne se confia à un gentilhomme fidèle nommé Dillon. Ils prirent dix cavaliers, investirent la tour de Maxéville et délivrèrent le Duc.

Ferri III, sans se décourager, continua bravement la lutte contre la noblesse. Il lui porta même un coup terrible en attaquant l’un de ses plus criants privilèges, la juridiction des assises. La chevalerie s’était arrogé de temps immémorial, le droit de juger, non seulement les causes féodales, mais encore les faits de caractère civil, et formait une sorte de cour souveraine sans appel. Le Duc ordonna, que désormais ses arrêts ne seraient exécutoires qu’après ratification du prince.

On ne trouve plus dans ce long règne de faits considérables à relever. Tout s’efface d’ailleurs devant le développement progressif de l’émancipation populaire. Nous devons cependant nous arrêter à un événement très grave, auquel Ferri n’eut pas de part directe, mais dont il fut le témoin intéressé.

Philippe IV le Bel était roi de France depuis 1285. Il avait épousé l’année précédente la comtesse Jeanne de Champagne, petite-fille héritière de Thiébault IV. La Champagne fut ainsi réunie à la couronne. Le roi devenu voisin du comté de Bar, ne le perdit plus de vue, guettant l’occasion de mettre la main sur le fief.

Vers 1289, il s’immisça dans une querelle survenue entre le comte et son vassal, l’abbé de Beaulieu. Ferri III prit hautement fait et cause pour son cousin, mais l’approche d’une armée française l’obligea à reculer prudemment.

Un peu plus tard, le comte Thiébaut II étant mort (1294), son fils Henri III qui avait épousé Aliénor, fille d’Edouard Ier, roi d’Angleterre, se laissa pousser par son beau-père à reprendre la querelle avec Philippe le Bel, et il attaqua la Champagne. Le roi, tout occupé en ce moment à ses luttes contre les bourgeois flamands ne se dérangea point, mais envoya des troupes. Le malheureux Henri III fut battu, fait prisonnier et retenu en captivité jusqu’en 1301. Il n’obtint sa liberté qu’au prix d’un traité, signé à Bruges, qui, on peut le dire, tua l’indépendance du comté.

Le Barrois fut coupé en deux par la ligne de la Meuse : le comte se reconnut vassal du roi de France pour toute la partie située à l’ouest du fleuve, ce qui forma le Barrois mouvant, la partie à l’est constitua le Barrois non mouvant.

Cette convention fatale, qui permettait l’immixtion constante du roi dans la moitié du comté de Bar, eut forcément son contrecoup en Lorraine. La France était désormais trop proche, pour que les patriotes lorrains ne se sentissent pas menacés.

Mathieu II (1220-1251)

 

 

D’après la monographie imprimée
« Récits lorrains. Histoire des ducs de Lorraine et de Bar » d’Ernest Mourin
Publication 1895

Mathieu II succéda à son frère Thiébault. Sa mère, la duchesse Agnès de Bar, sous prétexte qu’il était trop jeune, prétendit exercer la régence. Mais le jeune duc déclara qu’il entendait gouverner : « Maistre si-je et le serai-je », dit-il superbement.

Une autre femme réussit mieux. Ce fut la comtesse de Champagne, qui vint à Nancy avec son fils Thiébault IV, et lui fit épouser sans délai la riche Gertrude de Dagsbourg, veuve de Thiébault de Lorraine. En outre, elle fit régler une question restée obscure depuis le traité d’Amance, et il fut décidé que le duc de Lorraine ferait hommage au comte de Champagne pour Neufchâteau, Frouard et Châtenois. Cet enchevêtrement des fiefs se retrouvait partout et entraînait de perpétuelles difficultés.

Thiébault IV espérait tirer bon parti de son mariage, lorsqu’au bout de deux ans on s’aperçut que Gertrude de Dagsbourg était sa parente à un degré prohibé. Le mariage fut annulé et Gertrude s’en alla, grâce à sa magnifique dot, convoler en troisièmes noces avec le comte de Linange.

Avec Mathieu II, nous restons dans la monotonie des guerres féodales. Mais nous trouvons un fait important à relever.

Le 1er octobre 1231, le Duc accorda une charte communale à la ville de Neufchâteau. C’est la première que nous rencontrons dans l’histoire de Lorraine. Elle porte que chaque année le jour de la Saint-Remy (1er octobre), les bourgeois éliront treize magistrats nommés jurés. Ceux-ci choisiront l’un d’entre eux pour être mayeur ou maire. Ils administreront la ville et formeront un tribunal jugeant en dernier ressort les procès entre habitants et les crimes ou délits commis dans la commune.

Le comte de Champagne, à titre de suzerain, confirma la charte, et y ajouta un article aux termes duquel les ducs de Lorraine ne pourraient faire arrêter un habitant, ni saisir ses biens sans l’autorisation du tribunal municipal, utile garantie contre l’arbitraire du seigneur.

Un vent de liberté, venu de France où se développait la révolution communale, soufflait sur la Lorraine. Toutefois, Mathieu, qui donnait une charte à Neufchâteau, n’était point pour cela un protecteur des franchises municipales.

Nous le voyons en 1232 partir en guerre, de compagnie avec le comte de Bar, contre les Messins qui avaient chassé leur évêque Jean d’Apremont et institué une sorte de république. Les bourgeois étaient vaillants et soutinrent le siège. Comme ils étaient fort riches, ils parvinrent à gagner le comte de Bar qui se détacha de Mathieu II, et opéra même une diversion en se jetant sur Neufchâteau dont il s’empara.

Mathieu II laissa les Messins, et vint livrer bataille à Henri de Bar, tout près de Nancy, à Champigneulles. Il y courut risque de la vie. Voyant les siens plier, il prend la lance d’un soldat et à pied « sans pot ni harnois de maille », il s’élance au plus épais de la mêlée, il est enveloppé, il va périr « quand un messin soudart passa son corps avant et baillit sa vie et chut es pieds di duc criant à tout l’ost : par Dieu, gardez de verser li dict sang qu’est le sang pur de mon maître ! ». Voilà le dévouement féodal. Mathieu put s’enfuir à travers la forêt de Haye et gagna le château de Gondreville (1232).

Les Messins étaient restés en face de leur évêque. Mathieu paraît avoir imité le comte de Bar et avoir reçu l’argent des bourgeois. Mais l’évêque finit par l’emporter, et les « Citains » frappés d’excommunication cessèrent pour quelque temps la lutte, firent amende honorable et renoncèrent provisoirement à la commune.

Dans les derniers temps du règne, l’humeur batailleuse de Mathieu II semble s’être refroidie. Il s’occupe d’administration : il crée les tabellions pour la bonne rédaction et la conservation des actes. Il assure une meilleure distribution de la justice en créant des baillis avec une juridiction déterminée.

La Lorraine fut divisée en trois bailliages : Nancy (Lorraine proprement dite), Mirecourt (La Vosge) et Vaudremange (Lorraine allemande). Les baillis étaient les officiers du Duc. Ils étaient d’épée longtemps avant d’être préposés à la justice.

Il fortifie le pouvoir ducal par des acquisitions. C’est ainsi qu’il achète les châteaux de Lunéville, de Gerbéviller et de Valfroicourt, et qu’il amène les habitants de Toul à se mettre sous sa protection, en lui payant une redevance annuelle de cent livres.

Enfin il prépare un beau règne à son fils en négociant son mariage avec la fille de son puissant voisin, Thiébault IV, comte de Champagne. Cette union, en raison de l’âge des deux fiancés, fut ajournée jusqu’en 1254.

Comme son frère Thiébault, il fut l’ami des papes contre le gibelin Frédéric II. Innocent IV ayant déposé l’empereur dans le célèbre concile de Lyon (1245), Mathieu se rendit à la diète de Wurtzbourg et son nom figura parmi ceux des électeurs qui proclamèrent roi des Romains, le landgrave Henri de Thuringe présenté par le pontife. Deux ans après, Henri de Thuringe ayant été tué au siège d’Ulm, le Duc se prononça encore en faveur du candidat de l’Église, Guillaume de Hollande, élu à la diète de Neuss (1247).

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