Petit bourg de 420 habitants, situé dans le canton de Dun-sur-Meuse, Doulcon était au IXe siècle, la capitale du comté du Dormois.
Je vous propose de remonter le temps et de parcourir une page d’histoire de ce bourg, avant que Dun-sur-Meuse ne prenne plus d’importance que Doulcon.
L’orthographe des anciennes appellations a été respectée.
Les limites du Dormois d’après les « Travaux de l’Académie nationale de Reims » – 1856
Dudon, évêque de Verdun, parle, en 913, dans une des chartes de l’abbaye de Montfaucon, de ce monastère comme situé en Dormois (Est). En 860, l’archevêque Foulques, de Reims, fit construire le château fort d’Omont pour tenir en respect le comte de Castrices (Nord).
Nous savons que des deux autres côtés, le Dormois confinait à la Champagne proprement dite, et avait pour ligne de démarcation la voie romaine de Reims à Verdun.
En conséquence, M. de Barthélemy propose pour ce Pagus les limites suivantes :
« Une ligne qui, partant de la voie romaine à la hauteur de Vienne-la-Ville, passerait sur les limites de Varennes, Chepy, Montfaucon, Sept-Sargues, Brieulles, suivrait la Meuse jusqu’à Sassey, Montigny, Tailly, Nouart, Belval, Dieulet, Saint-Pierremont, la Berlière, Mondien, la Cassine, atteindrait ainsi Omont, puis, descendant par les bois du Chesne, de Royal-Saint-Denis, Boult, Bar, passerait sur les limites de Savigny, Liry, Aure, Perthes et Somme-Tourbe ».
Ce petit pays a son histoire et a joué un certain rôle en Champagne à l’époque des Carlovingiens. Le Dormois dépendait de tout temps directement de l’archevêché de Reims. Respectée d’abord, l’autorité ecclésiastique ne tarda pas à être attaquée par les turbulents seigneurs laïcs des environs, et, comme on l’a dit, en 860, l’archevêque Foulques dut élever une forteresse à Omont pour résister aux tentatives de Garlache de Castrices.
Herlebaud, l’un des successeurs de ce dernier, s’empara néanmoins du château en 920, et Hervé qui occupait alors le siège de saint Remi, ne trouvant pas une arme assez efficace dans l’excommunication, se mit à la tête de quelques troupes et rejeta Herlebaud dans son comté, le poursuivit et alla mettre garnison dans le château de Mézières, autour duquel se groupaient déjà quelques maisons. Herlebaud mourut misérablement en Allemagne, et ce ne fut que sur les instances répétées de Charles le Simple que l’archevêque leva l’interdit qui pesait sur la famille du comte de Castrices.
C’est sans doute à la suite de ces événements que le prélat se décida à placer le gouvernement du Dormois entre les mains d’un comte. En 920, Hervé marche lui-même contre Herlebaud, et en 930, nous lisons dans la Chronique de l’abbaye de Signy, la mention de la mort de Thierry le Bref, comte du Dormois.
L’abbé de Signy nous apprend ensuite que, pour récompenser Marc, l’un des chevaliers de sa cour, et qui s’était brillamment distingué en maintes circonstances contre les Normands, le roi Raoul lui fit épouser Julie, fille unique de Thierry le Bref. Ce mariage eut lieu avant l’année 926, car en cette année, Marc, réuni aux comtes de Porcien, de Roucy et de Castrices, détruisit les bandes hongroises à Chaumonten-Porcien.
Le Dormois fut ensuite diversement agité par les contre-coups des événements que provoquait dans tout le Rémois la lutte des archevêques Artaud et Hugues de Vermandois, derrière lesquels se cachaient en réalité, le roi de France et le comte Herbert de Vermandois. Marc tenait vigoureusement pour la cause royale et contenait sous son obéissance le comté de Stenay.
Quand, par un brusque retour, l’archevêque Artaud fut vaincu par Hugues, il se retira avec sa famille et quelques partisans dévoués à Omont et put y demeurer tranquillement.
Mais lorsque la guerre se ralluma en 944, quand, Louis IV pillait le Rémois, les fils du comte de Vermandois pillaient l’abbaye de Saint-Crépin, le sire de Roucy pillait Saint-Médard, le Dormois ne pouvait pas ne pas être agité, et l’archevêque Hugues vint en personne assiéger et faire capituler Omont.
Marc, pendant ce temps, avait eu à soutenir le choc du comte Arnoul de Flandres, allié du comte de Vermandois et qui cherchait à inquiéter le roi Louis en attaquant vivement ses frontières. En 959, Marc eut encore à combattre, près de Senuc, des hordes de Hongrois, et fut assez heureux pour les détruire sans le secours du comte de Castrices. Il mourut sept ans plus tard dans le Castrum-Julie, localité que M. de Barthélemy, propose de placer soit à Doulcon, soit à Grandpré.
Le Dormois paraît avoir vu passer aussi tranquillement les dernières années du Xe siècle, mais quand la veuve du comte Marc, Julie, mourut en 1004, Manassès de Rethel fit valoir les droits qu’il tenait du chef de l’aïeule de sa femme, née d’un premier mariage de Marc.
Herman, l’un des lieutenants de ce dernier, fort du seul droit de son épée et soutenu par le sire de Roucy et le comte de Porcien, se jeta en travers de ces projets, s’empara du Castrum-Julie et se forma le comté de Grandpré, qui est représenté à peu près exactement par le doyenné ecclésiastique. En même temps les petits seigneurs qui se partageaient le surplus de l’ancien Dormois, auquel seul devait désormais rester attaché ce nom, se rendirent à leur tour indépendants.
Histoire de Doulcon d’après le « Manuel de la Meuse » – Jean François Louis Jeantin – 1861
La Tour de Doulcom, improprement dite Tour de Dun, subsistait encore sur la fin du XVIIIe siècle. Elle était occupée par les employés de la régie des fermes royales. Était-elle sur l’emplacement ou aux abords de l’enceinte de l’ancien Dulcomense castrum ? Après examen approfondi des opinions pour ou contre, cette question doit être résolue affirmativement.
La chronique d’Alard, abbé de Ligny, écrite en 1155, contient des indications qui ne permettent guère d’en douter. Cette chronique présente le tableau sommaire des principaux faits accomplis, de l’an 860 à 1020, dans les anciens comtés Carlo lotharingiens, dits :
- Remensis, le Remois
- Castricium, le Castrois
- Stadunensis, l’Astenai
- Retectensis, le Rethelois
- Porciensis, le Porceannais
- Dulcomensis, le Doulmois.
En 925, quatre comtes sont bénéficiaires de ces sous-pagi : Munassès tient le Porçois, Marc le Doulmois, Gharin le Castrois et Regnauld le Rosois.
Marc est un chevalier de la cour du roi Raoul de Neustrie. Il a vaillamment défendu la France, sous Eudes et sous Robert de Paris, contre les invasions des hommes du nord. Pour prix de ses services, Raoul lui fait épouser Julie, fille unique de Thiéry le Bref, comte du Doulmois.
A la mort de celui-ci, en 930, le roi lui confère le bénéfice de son beau-père. Ce Marc est surnommé Peigne-Porcs, à cause de sa férocité envers les vaincus. Il devient gouverneur de l’Asteneusis et du Stadunensis, et il réside, tantôt à Doulcom, tantôt à Stenay. Il marie sa fille unique Gilla à Gharin, dit Bras de fer, fondateur de Mézières, lequel était fils d’Erlebault et d’Isabelle Moore. Marc décède en 960, sa femme Julie ne meurt qu’en 1004.
Alors le Doulmois est envahi par plusieurs prétendants. Au nombre de ceux-ci, est le comte d’Ardenne Hermann, un des fils de Godefroid l’ancien. Cet Hermann fonde le comté de Grandpré. Il s’empare du Dulcomense castrum, et il détruit de fond en comble le manoir de Julie.
Voilà l’histoire traditionnelle de Doulcom. Réduit au rôle de simple village, sous la dominance du château de Dun, Doulcom perdit toute qualification féodale et n’offrit plus que des métayers pour les censes de Proiville, de Jupile et de la Brie, ces restes des cultures établies dans l’ancienne curie romaine de l’Andon.
Doulcon a été érigé en commune sous Gobert V, sire de Dun et Richard, sire de Proiville. La cause était le départ pour la croisade du XIIIe siècle.
Une charte de l’an 1587 prouve qu’une fauconnerie ducale avait été établie à Doulcom. Elle fut cédée par Jean de Brieules à Jacquemin Bernard de Dun, sire de Dannevoux et de Vilosnes.
La ferme de Jupille
d’après la « Géographie historique, statistique et administrative du département de la Meuse »
E. Henriquet et H. Renaudin – 1838
Cette monographie a été éditée, suite à la prescription de l’enseignement de la géographie départementale dans les écoles primaires de l’époque.
La ferme de Jupille est agréablement située au pied d’une colline couronnée de bois. On y remarque une belle fontaine, dont les eaux sont abondantes et limpides.
Là, en 714, existait déjà une ferme, mais une ferme royale, où Pépin de Héristal, qui gouvernait en maître le royaume d’Austrasie, sous le titre de duc et prince des Français, et le royaume de Neustrie, comme maire du palais, se plaisait à se retirer. Il y tomba malade un jour, et fut ramené en barque à son château de Dun, situé en face, de l’autre côté de la Meuse.
Les eaux de la fontaine, retenues dans des étangs par des digues et des canaux, dont les traces sont bien visibles encore, avaient été ménagées de manière à ce qu’on puisse aller en barque du château à la ferme, en traversant la rivière.
Les eaux de la fontaine de Jupille ont, à un haut degré, la propriété de pétrifier les objets qui y sont déposés. Souvent, elle a été visitée par d’habiles naturalistes.